Alger, Algérie : climat, météorologie
UNE TROMBE D'EAU ÉCLATE SUR ALGER

Samedi soir, un orage d'une rare violence éclatait sur Alger. Pendant toute la nuit la pluie tombait à torrents, transformant les rues de la ville en fleuves boueux, les escaliers en cascades.

Le quartier Pasteur fut un des plus éprouvés. Le ravin qui descend du Télemly et aboutit à l'intersection de la rue Saint-Augustin et de l'avenue Pasteur charriait d'énormes masses d'eau qui entraînaient avec elles de la pierre et des rochers. Vers trois heures du matin, l'égout qui fait suite au ravin se trouva obstrué et les eaux s'amoncelèrent derrière une maison en construction qui faisait l'office d'un barrage ; puis, se frayant une brèche, jaillirent vers la rue Saint-Augustin et la rue Pasteur.

Sur son passage, le torrent enleva un mur en pierre sèche large d'un mètre, déchaussa les fondations de la maison et enleva le trottoir de la rue Pasteur sur toute la longueur de la rue Édouard Cat.

Le trottoir, les terres et les barrières furent précipités dans le ravin qui borde la Ligue de l'Enseignement.

L'imprimerie de MM. Escoffier et Marcus se trouva inondée en quelques minutes par suite de l'effondrement d'un mur qui avait rempli l'office de digue. Les blocs roulés par les eaux défoncèrent la porte de l'atelier et furent projetés à l'intérieur. Quelques-unes pèsent plus de 60 kilos. Dans l'imprimerie, l'eau atteignait une hauteur de 1 m. 20, les casiers étaient inondés, les lourdes machines déplacées et enduites d'un limon jaunâtre.

Rue de la Liberté, où les trottoirs s'affaissèrent et les conduites d'eau se rompirent, inondant les caves de la brasserie de l'Étoile ; avenue Gandillot et dans les quartiers Saint-Augustin, l'orage se fit particulièrement sentir. On eut beaucoup de peine, ce jour, à rétablir les communications, en raison de l'encombrement des voies. Ce n'est que vers 9 heures du matin que les trains purent desservir les quartiers du Plateau Saulière et de Bab-el-Oued.

*** La qualité médiocre des photos de cette page est celle de la revue. Nous sommes ici en 1922. Amélioration notable plus tard, dans les revues à venir. " Algeria " en particulier.
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Afrique illustrée du 31-10-1908- Transmis par Francis Rambert
mise sur site : fév.2021

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UNE TROMBE D'EAU ÉCLATE SUR ALGER

Samedi soir, un orage d'une rare violence éclatait sur Alger. Pendant toute la nuit la pluie tombait à torrents, transformant les rues de la ville en fleuves boueux, les escaliers en cascades.

Le quartier Pasteur fut un des plus éprouvés. Le ravin qui descend du Télemly et aboutit à l'intersection de la rue Saint-Augustin et de l'avenue Pasteur charriait d'énormes masses d'eau qui entraînaient avec elles de la pierre et des rochers. Vers trois heures du matin, l'égout qui fait suite au ravin se trouva obstrué et les eaux s'amoncelèrent derrière une maison en construction qui faisait l'office d'un barrage ; puis, se frayant une brèche, jaillirent vers la rue Saint-Augustin et la rue Pasteur.

Sur son passage, le torrent enleva un mur en pierre sèche large d'un mètre, déchaussa les fondations de la maison et enleva le trottoir de la rue Pasteur sur toute la longueur de la rue Édouard Cat.

Le trottoir, les terres et les barrières furent précipités dans le ravin qui borde la Ligue de l'Enseignement.

L'imprimerie de MM. Escoffier et Marcus se trouva inondée en quelques minutes par suite de l'effondrement d'un mur qui avait rempli l'office de digue. Les blocs roulés par les eaux défoncèrent la porte de l'atelier et furent projetés à l'intérieur. Quelques-unes pèsent plus de 60 kilos. Dans l'imprimerie, l'eau atteignait une hauteur de 1 m. 20, les casiers étaient inondés, les lourdes machines déplacées et enduites d'un limon jaunâtre.

Rue de la Liberté, où les trottoirs s'affaissèrent et les conduites d'eau se rompirent, inondant les caves de la brasserie de l'Étoile ; avenue Gandillot et dans les quartiers Saint-Augustin, l'orage se fit particulièrement sentir. On eut beaucoup de peine, ce jour, à rétablir les communications, en raison de l'encombrement des voies. Ce n'est que vers 9 heures du matin que les trains purent desservir les quartiers du Plateau Saulière et de Bab-el-Oued.

Les T. M. S. ont subi également des arrêts ainsi que les C. F. R. A. La nuit, dans certaines parties de la ville, la situation fut particulièrement critique. Vers deux heures et demie, la corne d'alarme se faisaient entendre à Bab-el-Oued : les rues Fourchault, Raspail et Eiffel étaient envahies par les eaux. Dans certains endroits les habitants durent être sauvés par les fenêtres, tellement l'eau inondait les rez-de-chaussée. Le sauvetage s'est opéré rapidement grâce à la bonne volonté de tous et au dévouement des pompiers.

Ce n'est qu'au matin qu'on a pu se rendre compte des dégâts. L'aspect présenté par le quartier Bab-el-Oued était lamentable. Tous les modestes logis de la rue des Fours-à-Chaux ont été envahis par l'eau. Une épaisse couche de boue s'étend dans les chambres où gisent, pèle-mèle, les meubles détériorés.

L'oued M'Kacel, cause de tout le mal, a emporté, sur son passage, des oliviers et amandiers et dévasté tous les jardins qui le bordent.
A l'Agha, un véritable torrent a parcouru la rue Balzac et obstrué l'égout en construction. Le rez-de-chaussée de la maison Gastu, habité par des ménages d'ouvriers, a été inondé. Les paillasses, les meubles nageaient dans des mares d'eau, un tombereau, entraîné par le courant, fut précipité contre les balustrades du P.-L.-M. et les défonça.

Au moulin Ricci, le désastre fut plus important. On égout, qui traverse les caves, s'étant crevé, l'eau atteignit dans le magasin une hauteur de 1 m. 10. Cinq cents sacs de blé furent perdus.
Dans l'impasse Warot, les ateliers de ferblanterie de M. Charles Surin ont également souffert ; les dégâts dépassent 3.000 francs.

Le quartier Michelet n'a pas été moins éprouvé. A l'intersection du boulevard Bon-Accueil, la boue atteignait une hauteur de 25 centimètres, arrêtant la circulation des tramways et des autres véhicules. Les rues Valentin et de Mulhouse ont été ravagées et défoncées. La rue Blandan avait totalement changé d'aspect : une montagne de pierres, de moellons, de terre, l'encombrait, et on dut faire appel à la main-d'œuvre militaire pour la rendre praticable.

Rue Buneautre, la force du courant était telle qu'elle renversa un bec de gaz. La maison Burdeau fut le théâtre d'un sauvetage émouvant : l'eau atteignait un mètre de hauteur et dévalait avec une force irrésistible, entraînant deux jeunes enfants qui allaient infailliblement périr, lorsque les agents Gradelet et Accati se précipitèrent dans le torrent et réussirent à saisir les petits, qui furent ramenés sains et saufs.
La route du Télemly n'a pas été épargnée : les villas ont été inondées, les becs de gaz arrachés, une baraque contenant cinquante sacs de chaux a été balayée. Entre la villa Joly et la propriété Gay, tout un pan de montagne est descendu sur la route; la barrière et le mur ont été arrachés et jetés dans le ravin.

Enfin, dans les quartiers excentriques, à Belcourt, à Saint-Eugène, l'orage a causé des dégâts considérables.

Bon nombre d'usines et de propriétés d'Hussein-Dey ont été atteintes. A El-Biar, il est tombé 14 centimètres d'eau pendant la nuit. A Maison-Carrée, la grêle a saccagé tous les jardins et brisé de nombreuses vitres, ainsi qu'à Fort-de-l'Eau. En résumé, la première journée de pluie a été désastreuse, et, depuis une semaine, la ville n'a pas encore repris son aspect primitif.