Le Cirque Antonio
texte et photos de
: Jean-Laurent Le Gloanec
extraits du numéro 136, déc. 2011, de "l'Algérianiste", bulletin d'idées et d'information, avec l'autorisation de la direction actuelle de la revue "l'Algérianiste"
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3°/ Un programme du cirque, saison 1956-1957

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Extrait de l'Echo d'Alger du 27 - 9 -1930 - Transmis par Francis Rambert
Extrait de l'Echo d'Alger du 27 - 9 -1930 - Transmis par Francis Rambert
Recette versée au profit des prisonniers de guerre
Extrait de l'Echo d'Alger du 3-11-1942 - Transmis par Francis Rambert

Recette versée au profit des prisonniers de guerre

Le Cirque Antonio
auteur :
Jean-Laurent Le Gloanec
Parmi les cirques aujourd'hui disparus, le Cirque Antonio occupe une place particulière. D'abord parce qu'il tourna essentiellement en Algérie, Maroc et Tunisie... mais aussi parce que ses propriétaires M. et Mme Antonio Fattore étaient des personnages attachants...Jean-Laurent Le Gloanec

Antonio Fattore
Antonio Fattore
photo de Jean-Laurent Le Gloanec

C'est fin 1925, qu'Antonio Fattore monta son cirque. À l'origine, l'établissement prit le nom de Cirque Continental, mais fut très vite rebaptisé Cirque Antonio, du prénom de son propriétaire. Et, pendant près de quarante ans, il tourna en Algérie, au Maroc, en Tunisie, et même en Libye, faisant aussi quelques incursions, en 1959, notamment, en Corse. C'est dire si le Cirque Antonio était connu en Afrique du Nord, de Mascara à Alger, en passant par Fès, Oran, Tunis, Rabat, Tanger, voire même aux " portes du désert " où il n'hésitait pas à monter pour la Légion... À Alger, où il avait ses habitudes, il s'installait au Champ-de-Manoeuvres ou le long de la caserne Pélissier, alors qu'à Mascara, c'était plutôt du côté de la place de l'Argoub...

Un banquiste* éperdument amoureux de la France

Mais, revenons à Antonio Fattore. Né à Castelalone al Volturno, en Italie, le 25 février 1885, il était un pur banquiste (*) qui prit très tôt la route, exerçant tour à tour différents métiers de la piste : équilibriste, voltigeur équestre, clown, dresseur...

Pendant la Grande Guerre, Antonio Fattore, éperdument amoureux de la France, s'engagea dans la Légion garibaldienne. Avec les " chemises rouges ", il s'illustra en Argonne. Gazé et blessé du côté de Reims, en Champagne, il reçut la Croix de Guerre 1914-1918, et bien d'autres distinctions honorant son courage.
* - Banquiste : dans les cirques, celui qui présente et vante le spectacle.

Une fois démobilisé, il revint tout naturellement au cirque, mais ses blessures de guerre l'obligèrent à abandonner la voltige équestre. On le retrouva alors au Cirque Caron (ou au Cirque Canadien) comme auguste du clown blanc Philippe Caron, puis à Medrano au début des années vingt. D'ailleurs, c'est chez Medrano qu'il rencontre Martha Schaeffer, une enfant de la balle, qu'il épousera en 1923.

Avant de rencontrer Antonio, Martha, d'origine allemande, fille d'Anita et Julius Schaeffer " leveurs et jongleurs de fonte ", exécutait, dit-on, un numéro sur fil de fer. On la retrouva rapidement à ses côtés dans un numéro de dressage de chiens, puis de chevaux pie, avant d'exceller, seule, dans la présentation de poneys Shetland.

Du Cirque Continental au Cirque Antonio

Après leur mariage, elle travailla avec son mari. C'est ainsi que le " couple Antonio " rejoignit le Cirque Caroli pour une grande tournée en Afrique du Nord. Et c'est là, dit-on, à l'occasion d'un gala de bienfaisance, que le maréchal Lyautey, ayant apprécié Antonio et ses chiens dressés, secondé par Martha, décida qu'il fallait les aider à " monter cirque ". Ce que fit le couple : d'abord avec le Cirque Continental, puis avec le Cirque Antonio... Antonio Fattore qui, chapeau vissé sur la tête, promenait son cirque sur les routes d'Afrique du Nord, était un homme affable dont chacun vantait la convivialité. Un homme soucieux des autres. Membre fondateur de l'orphelinat de Rabat, il était aussi membre honoraire de l'orphelinat de la police et de plusieurs oeuvres sociales, et n'hésitait pas à se produire gratuitement pour certaines associations, voire même à offrir la recette du jour. Du caritatif avant l'heure !

Côté distinctions, il n'était pas en reste puisque, outre la Croix de guerre 1914-1918, il était titulaire de la Médaille militaire et de la Médaille interalliée, officier du Nicham Iftikar (Tunisie), chevalier du Ouissam Alaouite (Maroc), etc... Excusez du peu.

Un cirque familial

Si le couple Antonio travaillait en famille, l'un et l'autre présentant des numéros, on trouvait aussi parmi leur parentèle, des cousins italiens, les clowns Bobo et Cricri, qui ont aussi travaillé chez Zerbini. Ils se firent même appeler les " Pierantoni " selon les souvenirs de M. Le Gloanec, président régional du Club du Cirque pour les départements du sud-est, lequel a bien connu le Cirque Antonio. Parmi les artistes qui furent aussi à l'affiche, citons le dresseur Bert Holt, et sa fille Chrys (jongleuse) qui y fit ses débuts, enfant.


Le cirque Antonio à Ouargla en 1960, devant la caserne de la Légion.
Le cirque Antonio à Ouargla en 1960, devant la caserne de la Légion.
collection : Jean-Laurent Le Gloanec


collection : Jean-Laurent Le Gloanec

M. Le Gloanec, qui vivait à Alger à l'époque, précise que le Cirque Antonio " s 'est arrêté pendant la Seconde Guerre mondiale. Je ne l'ai revu qu'en 1945, avec un petit chapiteau à deux mâts qui était fait de toile militaire ".

Un chapiteau qui, au fil des années, fut certes effleuré par quelques balles perdues et quelque peu bousculé par les événements, mais le spectacle ne s'est jamais arrêté, " multipliant les bons programmes et les bonnes actions ", peut-on lire dans d'anciens numéros de L'Inter Forain.

Ce que l'on sait moins, c'est que M. Antonio fut très actif pendant cette période, participant à la préparation du débarquement allié en Afrique du Nord.
Ainsi, le 8 novembre 1942, le Cirque Antonio était en tournée à Alger... Rien d'étonnant à cela puisque le public était habitué à retrouver le chapiteau çà et là en Afrique du Nord (un cirque voyageur, quelle belle couverture pour prendre des contacts un peu partout sans éveiller les soupçons!). Ce soir-là donc, la soirée fut rondement menée, mais personne dans le public ne s'en aperçut.

En 1951, le couple Antonio fait imprimer sur ses affiches : " La renommée du Cirque Antonio n'est plus à faire. Cette année mieux que jamais ".

Début 1955, alors qu'ils sont en tournée à travers l'Afrique du Nord, Antonio et Martha Fattore font parvenir 80 000 F aux sinistrés d'Orléansville, victimes d'un terrible tremblement de terre quelques mois auparavant, comme ils le feront aussi quelques années plus tard pour les victimes du barrage de Malpasset (Fréjus).

En 1960, on trouve aux côtés du couple Antonio, Sampion (jongleur), les Gerys (cascadeurs), Esméralda et Guy Lasso et leurs perruches dressées, les Victoria (main à main), mais aussi les clowns Guillermo et Remy.

1962, la fin du voyage

Celui qui tenait plus que tout à ce que ses programmes soient du vrai cirque, décéda à Bône (Algérie) en 1962, à l'âge de 77 ans. Dans le cimetière de la ville, son épouse fit élever un monument de pierre blanche sur lequel on pouvait lire cette épitaphe: " Un grand artiste, un homme universellement humain, Antonio, directeur de son cirque, arrête ici son voyage ".

Suite au décès de son mari, et aux événements d'Algérie, Martha Fattore décide, non sans difficultés, de quitter le pays. Sa nationalité italienne, acquise par son mariage, lui permet alors, grâce à l'ambassade d'Italie à Alger, d'embarquer animaux et matériel sur un cargo italien allant à Marseille, pensant reprendre les tournées en France. Ce ne fut pas le cas. On la retrouva, avec sa caravane, le matériel et les bêtes sur un quai du port phocéen. Elle y séjourna un certain temps dans l'attente de jours meilleurs...

" Rien ne s'est passé comme prévu, nous explique M. Le Gloanec. Démunie, son argent bloqué par le gouvernement algérien, reformer un cirque s'avérait très, voire trop compliqué... Mme Antonio a alors vendu le chapiteau et quatre lionnes au Prince Rainier. Quelque temps plus tard, elle faisait don à Gaston Deferre, maire de Marseille, de son couple reproducteur de lions de l'Atlas pour le zoo de la ville ".

Et d'ajouter: " le Prince Rainier fit venir au zoo de Monaco, le neveu d'Antonio, qui était chef monteur du cirque, pour lui faire monter le chapiteau sur la plage de Fontvieille et l'admirer de son voilier, mais son épouse ne supportant pas le climat, il dut quitter la Principauté pour s'installer à Aubagne, alors que Mme Antonio quittait les quais du port de Marseille pour le camping de Marzagues. Celle qui fut une " attachée de presse " hors pair, n'hésitant pas parfois à prendre quelques libertés avec la réalité lorsqu'il était question de son mari (allant jusqu'à prétendre qu'il était le fils de l'illustre Pierantoni), du cirque Antonio, ou de ses artistes, allait alors de temps à autre visiter ses bêtes au zoo de Marseille. Cela, jusqu'en 1967, année où elle décéda, des suites d'un stupide accident de la circulation ! ".


Le cirque Antonio au Champ-de-Manoeuvres d'Alger en 1950.
Le cirque Antonio au Champ-de-Manoeuvres d'Alger en 1950.
collection : Jean-Laurent Le Gloanec

 

Programme 1956-1957
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