
POUR 48 HEURES A ALGER GINA LOLLOBRIGIDA
a déjà oublié les brumes parisiennes et... les
vespas romain
Jai surpris, hier
après-midi, Gina Lollobrigida dans la maison amie où elle
est descendue à Alger. Une villa proche dEl-Biar, paisible
et retirée.
Confortablement installée dans un fauteuil, Gina me dit en souriant
:
« Ce pays est merveilleux ». On y voit du soleil... Et on
ny entend pas de vespas. Les vespas font dans les rues de Rome
un vacarme insupportable. » Son front se plisse. « Cest
atroce, savez-vous ! Jaime tellement ma ville ! »
Cest dans une rue de Rome, précisément, que le destin
la abordée. Le destin, ce jour-là - c'était
en 1946 - avait la silhouette (et lintuition) de Mario Costa,
le réalisateur bien connu.
Mario Costa croise Gina, via del Trittoria. Il est frappé par
sa beauté et - comme on le voit au cinéma - lui propose
aussitôt un rôle. Elle accepte.
Regrette-t-elle sincèrement la peinture et le chant quelle
travaillait alors ?
Elle laffirme en tout cas : « Le cinéma est une loterie.
Quand le public en aura assez de moi, je recommencerai à chanter
et à peindre... »
Cette « super-vedette » annoncée, un peu partout,
à grand renfort de publicité, est dune simplicité
étonnante... Jallais écrire désarmante.
Elle sexprime en français, très facilement. Parfois
pointe un accent italien curieusement chantant.
Gina évoque ses débuts. « Folie de lopéra
» son premier film. Puis un autre film toujours avec Mario Costa.
Une inconnue figurait au générique : Silvana Mangano.
Des enthousiasmes, des déceptions, en attendant la consécration
: « Fanfan la Tulipe. »
Entre temps elle découvre lhomme de sa vie, Mildo Skofic,
un jeune médecin yougoslave qui est aujourdhui son imprésario
et laccompagne dans (presque) tous ses déplacements.
Howard Hugues avait invité le couple à Hollywood. Il ne
lui envoya quun billet davion. Gina se trouva si malheureuse
toute seule aux U.S.A. quelle rentra bien vite en Europe, « A
Hollywood, soupire-t-elle, Cecil B. de Mille ma proposé
de tourner « Sous le plus grand chapiteau du monde ». Jétais
linvitée dHoward Hugues. Jai refusé.
» Et elle ajoute avec conviction : « Je suis très
polie ! »
Depuis « Fanfan-la-Tulipe », cest une longue suite
de succès : « Heureuse époque » avec de Sica,
« Les belles de nuit », de René Clair, «
La Provinciale », de Mario Soldati, « Le trésor de
lAfrique », avec Humphrey Bogart et Jennifer Jones,
« Pain, amour et fantaisie », récemment avec de Sica
; son dernier film, celui quelle préfère.
Je lui parle de Gérard Philipe. Elle senthousiasme. «
Un grand acteur vraiment. Un comédien remarquable. Jen
pense tout le bien possible. » Elle apprécie aussi beaucoup
« la Magnani », (comme elle dit avec respect).
Gina se lève pour profiter dun dernier rayon de soleil.
Elle est belle comme seules les Romaines savent lêtre. Harmonie
de la silhouette. Pureté du visage. Ovale parfait, souligné
par un casque de cheveux bruns et courts. La bouche est bien dessinée.
Les yeux étonnamment expressifs...
Gina Lollobrigida quitte Alger ce soir pour Touggourt. Son mari doit
arriver, dans laprès-midi, de Paris.
Elle regrette de partir si vite. « La villa Idless est si charmante
et Mme Robert Ghanassia a su my réserver une hospitalité
tellement agréable !
Mais comme vous dites en français, le devoir mappelle.
Jai dans le « Grand Jeu » un double rôle.
Je suis tour à tour une coquette très superficielle et
une petite pauvre très gentille.
Mais je reviendrai bientôt à Alger où M. Jean Siari
(qui ma déjà fait visiter votre ville) ma
invitée à présider, le 15 décembre, linauguration
du nouveau cinéma «
Le Français ».