CHERAGAS, rendez-vous de l'aviation légère
-----Le SAMEDI 15
MARS 1958 est une date inscrite en capitales dans l'histoire de l'aviation
légère en Algérie. Six appareils deux " Norecrin
", trois "Jodel" et un Fairchild (sur dix-sept que comptait
l'Aéro-Club d'Algérie) quittèrent ce jour-là
la piste de Maison-Blanche, mais ne revinrent pas à leur base habituelle.
-----Comme
les oisillons d'une heureuse couvée, envolés de leur nid,
ils vinrent se poser en leur nouveau domaine l'aérodrome de Chéragas.
-----Même
les anciens, "tonton Chapelier (comme ses "poussins " l'appellent)
et le président Saint-André, pour n'en citer que deux, ne
s'attendrirent pas longtemps sur le passé.
-----Un changement
de nid est presque toujours un acte de jeune et on est toujours jeune
quand on ne renonce pas et qu'on construit avec l'avenir.
-----Déjà,
les hangars qui, durant un tiers de siècle avaient abrité,
près de l'aéroport de Maison-Blanche, les ailes du Club,
démontés en 1954, puis stockés, se trouvaient remontés
sur le nouveau terrain.
-----Celui-ci
s'étend sur le plateau de
Guyotville, à 3 km 500 de Chéragas, et se trouve
desservi par une route s'ouvrant à droite de la nationale Alger
El-Biar Sidi-Ferruch.
-----De longues
recherches infructueuses avaient précédé cette réalisation
tant souhaitée; une seule solution avait pu être envisagée
l'installation de l'aérodrome sur un lotissement situé en
bordure de mer et de l'Harrach. On y renonça, fort heureusement.
L'air du plateau de Guyotville est certainement plus respirable que celui
de l'Harrach...
-----Le terrain
actuel comprend une seule piste orientée approximativement est-ouest
(soit 08-26, en langue aéronautique), ce qui signifie que dans
un sens cette piste est orientée à 80°et dans l'autre
à 260°. Sa longueur réelle est de 930 mètres
sur 30 de large; elle accuse 1 025 mètres de long avec ses dégagements.
-----S'il
était nécessaire, elle pourrait être sensiblement
allongée vers l'ouest, après la suppression d'une petite
crête que redoutent particulièrement les élèves-pilotes
lors des atterrissages.
-----La piste,
actuellement en terre roulée, ainsi que les taxiways nord et sud
et les parkings à avions seront goudronnés avant la fin
de l'automne.
-----Indépendamment
des deux hangars de l'Aéro-Club d'Algérie, dont nous avons
tout d'abord parlé, situés au sud de la piste, un deuxième
groupe de hangars, destinés aux autres clubs algérois l'Aéro-Club
de l'A.I.A. (Atelier Industriel de l'Air de Maison-Blanche), et de l'Association
aéronautique algérienne (L'A.A.A.), se trouve actuellement,
et provisoirement occupé par l'aviation légère de
l'armée de terre (l'A.L.A.T.).
-----Celle-ci
en a pris possession en attendant de pouvoir se transporter au nord de
la piste, dans d'importantes installations en cours de réalisaton,
tandis que l'A.I.A. demeure encore à Maison-Blanche, et que l'Aéro-Club
d'Algérie loge confraternellement dans ses hangars les appareils
de l'A.A.A.
-----Il est
probable que l'aviation légère militaire effectuera son
transfert dès le début de l'année 1959. Dès
lors, les aéro-clubs algérois seront chez eux.
-----Avant
même l'installation définitive de l'aérodrome, l'activité
y est devenue intense ces derniers mois 50 % d'activité civile
et 50 % d'activité militaire. Le nombre de décollages et
d'atterrissages est déjà équivalent à celui
qui s'opérait à Maison-Blanche.
-----L'Aéro-Club
d'Algérie, par exemple, accomplit en moyenne 350 heures de vol
par mois. Durant les mois d'avril à juillet, les appareils de son
école de pilotage ont accompli 800 heures de vol et 5 000 atterrissages.
-----Gracieux
et légers, ces appareils sont particulièrement bien connus
des habitués des plages de la côte algéroise, qui
suivent leurs évolutions et qui, par opposition naturelle, envient
certainement la place du pilote et de ses passagers.
-----D'ailleurs,
l'aérodrome de Chéragas est devenu un but de promenade et,
le dimanche après-midi, nombreuses sont les voitures stationnées
dans les parkings et sur la route conduisant au terrain, dont l'entrée
est confiée à une garde militaire.
-----Le terrain
est propriété de l'Algérie. Les travaux ont été,
ou seront par la suite, réalisés par la Direction de l'Infrastructure
aéronautique de l'Algérie.
-----Une tour
de contrôle provisoire a été installée. Le
service de la navigation aérienne et de la direction de l'aéronautique
civile y ont trouvé refuge et contrôlent tous les vols, tant
aux départs qu'aux arrivées.
-----Les installations
actuelles seront plus tard complétées par de nouveaux bâtiments,
en particulier par la présence d'un Club-House commun aux trois
aéro-clubs.
-----Lorsque
le calme sera totalement revenu en Algérie, l'aéroport de
Chéragas trouvera alors sa véritable destination, qui est
de mettre l'aviation légère au service du tourisme aérien.
-----Déjà,
en dépit de la situation, une grande manifestation aérienne,
tout d'abord prévue pour le 20 mai dernier, mais reportée
au lundi 15 septembre, an raison des événements historiques
du 13 mai, a pu s'effectuer sur l'aérodrome de Chéragas.
-----Cette
journée du 15 septembre est une autre date qui compte. En effet,
36 " Jodel ", pilotés par des équipages français
et étrangers, vinrent en f in d'après-midi se ranger docilement
devant les hangars de l'Aéro-Club d'Algérie et devant la
foule qui les avait impatiemment attendus.
-----Partis
de Bernay (dans l'Eure), leur aéroport natal, ils se rendirent
d'abord à Ajaccio, puis d'un coup d'aile, le lendemain matin, ils
franchirent la Méditerranée et se posèrent sur l'aérodrome
de Bône, qu'ils quittèrent pour le rendez-vous de Chéragas.
-----Parmi
les équipages se trouvaient une femme pilote, un constructeur d'avions,
un champion du monde et un as de guerre de l'aviation allemande.
-----A leur
arrivée, sous la direction du colonel Chapelier, directeur de l'école
de pilotage, les élèves de pilotage, les élèves-pilotes
guidèrent les visiteurs jusqu'à leur emplacement respectif.
-----M. Queré,
constructeur des " Jodel " et principal organisateur de cette
magnifique croisière, pilotait le dernier-né de ses usines,
le " D-140 ", un quadrimoteur disposant d'une autonomie de six
heures de vol à la vitcsse moyenne do 240 km/heure. Cet appareil
peut, au surplus, âtre transformé, cn quelques minutes, en
avion sanitaire.
-----Le pot"
de l'amitié fut pris dans les hangars transformés en salle
de fête; puis les équipages se retrouvèrent le soir,
tout d'abord à une réception organisée en leur honneur
à l'hôtel de ville par la Délégation spéciale
de la ville d'Alger, et ensuite au "diner d'escadrille " servi
au foyer des municipaux.
-----Le lendemain,
après avoir visité la ville et sa banlieue au cours de la
matinée, les équipages rejoignirent dans l'après-midi
leurs " Jodel " à Chéragas, et les conduisirent
à Oran, d'où ils poursuivirent leur croisière méditerranésnne
par Oujda, Fès, Agadir, Casablanca, Tanger. Après avoir
traversé l'Espagne et s'être posés à Biarritz,
ils regagnèrent tout simplement leurs hangars f amiliers à
Bernay.
-----L'aviation
légère venait d'accomplir un mémorable exploit.
F. J.
Enfants de CHERAGAS, à vos plumes pour raconter vos souvernrs,..
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