LE BARRAGE DE CHARON
Le mercredi, 28 avril,
M. le Gouverneur Général, accompagné de MM. Saurin,
président des Délégations financières ;
Casser, sénateur ; Roux-Freissineng et Petit, députés
d'Oran, a inauguré, à Charon, les travaux de mise en valeur
de la plaine du Bas-Chéliff.
Après le barrage de l'Oued-Fodda, inauguré récemment,
l'entreprise hydraulique agricole de Charon est la plus vaste qui ait
été jusqu'à présent réalisée
en Algérie. Les travaux comportent un barrage de 180 mètres
de longueur commencé le 20 mars 1912 et terminé en 1920,
un canal tronc commun de 22 kilomètres 500, partie en souterrain,
partie à ciel ouvert ; un canal de rive gauche de 90 kil., un
de rive droite de 10 kil. plus un réseau de canaux secondaires
d'un développement de 425 kil. et enfin une machinerie élévatoire
destinée à refouler les eaux sur les terres non irrigables
par gravité.
Ces ouvrages revivifieront 30.000 hectares de terres à céréales,
coton, ricin, chanvre, ram'ie, arbres fruitiers et élevage, s'étendant
sur les cinq communes d'Inkermann, Saint-Aimé, Chéliff
mixte, Renault et la Mina. On escompte, quand le débit du fleuve
aura été régularisé par les barrages d'amont
d'Amourah et de l'Oued-Fodda, que 12.000 litres d'eau à la seconde
seront rendus de ce fait utilisables qui, jusqu'à présent,
allaient se perdre inutilement dans la mer.
La dépense, évaluée approximativement à
30 millions, a été avancée par la Colonie. Des
associations syndicales ont été constituées entre
les futurs usagers ; elles se sont engagées à participer
au prix de premier établissement et à la prise en charge
de l'entretien des travaux. Dès cette année, une mise
en eau partielle permettra l'irrigation du territoire amont. Il en résultera
une augmentation annuelle de la richesse algérienne qu'on peut
évaluer à 30 ou 40 millions. Cette augmentation entraînera
un accroissement de population, une répercussion sur le rendement
des impôts telle que le budget colonial récupérera
en dix années le montant total des travaux.
Cette région, initialement considérée comme une
des plus riches et des plus fertiles de l'Algérie, si on en juge
par les projets de lotissement des villages de colonisation, avait vu
ses espoirs déçus par la sécheresse persistante
et ses habitants européens la déserter. La propriété
en majeure partie indigène ne fournissait en rendement que le
2 ou 3 par hectare et très souvent la production était
totalement nulle. Les terres, toutes d'alluvion, sont pourtant de premier
ordre. On se rend compte, par ce simple exposé, de la véritable
résurrection qu'elles vont connaître.
Autour de M. le Gouverneur Général se pressaient MM. Cazenave,
président du Syndicat du Bas Chéliff ; Rouvier, conseiller
général et promoteur des travaux ; les parlementaires
précités, MM. Lemoine, délégué financier
; Bertrand, président du Conseil général d'Oran
; Robert et Vagnon, Rancurel, les Directeurs, Inspecteurs généraux
et Ingénieurs chargés de l'exécution de ces grands
travaux.
Après l'inauguration, qui a eu lieu à
Inkermann, au milieu d'un grand concours d'Européens
et d'Indigènes, venus de Saint-Aimé, Ouarzane, Hamadena,
Ammi-Moussa, Mazouna, El-Alef, Guillaumet,
Relizane, Mostaganem,
Oran et Alger, un grand banquet a eu lieu, où MM. Cazenave, Ramier,
Saurin, Petit, Roux-Freissineng et Gasser prirent la parole.
M. le Gouverneur Général leur répondit, exprimant
sa joie de connaître la région et de pouvoir, par lui-même,
s'enquérir des besoins de sa population. Puis, dépassant
le cadre des intérêts locaux et jugeant de la situation
générale, il adresse un souvenir ému aux premiers
pionniers de la civilisation, il glorifie leur uvre et termine
en les assurant tous, indigènes comme colons, de la maternelle
protection de la France, de son constant souci d'introduire ici le bien-être,
l'instruction et la valorisation générale de la vie humaine.
Tous les orateurs, dans l'ambiance de joie générale, connurent
un vif succès. M. Cazenave, président du Syndicat du Bas-Chéliff,
et Président du Conseil de Préfecture d'Alger, qui prit
la parole le premier, a prononcé un discours, d'une forme excellente
et si important par le fonds qu'il nous a paru impossible d'en rien
détacher et que nous le publierons en chronique de la semaine
dans notre prochain numéro.
Ainsi les réalisations dont parlait M. Viollette viennent peu
à peu apporter aux colons l'assurance matérielle que la
France ne les oublie pas. Les efforts qu'ils ont tentés pour
la prospérité plus grande de notre Algérie se voient
magnifiquement secondés par l'intelligente initiative du Gouverneur
Général.
On sait que la question de l'eau est l'une des plus importantes qui
soient. Depuis soixante ans environ on cherchait à la résoudre.
Les projets succédaient aux projets sans que l'application pratique
vint se substituer à la théorie. En peu de temps, M. Viollette
a remis les choses en état. Passer en revue les points élucidés,
tirés des cartons verts et réalisés serait un travail
trop long qui sortirait du cadre de cet article. Mais il serait injuste
de ne pas rendre, à l'occasion de l'inauguration du barrage de
Charon, un hommage reconnaissant à M. Viollette qui, par son
esprit de suite, son énergie et sa connaissance parfaite des
moindres besoins de la Colonie, sait prendre opportunément les
mesures propres à son développement et à sa mise
en valeur plus grande.