Monseigneur Pavy - 1805-1866
Au musée Joseph Déchelette,
à l'occasion de la préparation d'une exposition, nous avons
retrouvé un tableau intéressant, remarquable de qualité
et de conservation, concernant l'histoire du clergé en Algérie.
Il s'agit du " Portrait de Louis Antoine Auguste Pavy ", évêque
d'Alger peint par François-Claudius Compte-Calix ( 1813-1880 ),
auteur également de grandes décorations aux cathédrales
d'Alger et d'Oran. Cette uvre de dimensions impressionnantes ( 260
x 137 cm ) est le don de Francisque Rué et Antoine Faubert, religieux,
légataires universels de l'abbé Louis-Claude Pavy, frère
de Mgr. Pavy, au musée de Roanne, ville natale du modèle,
il porte la date de 1889.
C'est sans doute l'oncle du peintre, un des deux religieux formant la
suite du nouvel évêque, qui mit en relation les deux hommes.
Au Salon de 1847, Compte-Calix avait présenté un portrait
de son oncle qui était alors chanoine supérieur du petit
séminaire d'Alger.
En 1869, le sculpteur Fulconis avait lui aussi fixé les traits
de Mgr Pavy dans un buste conservé dans le patio de l'archevêché.
Portrait de Louis-Antoine-Auguste
Pavy, évêque d'Alger par François-Claudius Compte-Calix,
musée Joseph Déchelette, Roanne
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Louis Pavy naît à Roanne le
18 mars 1805 dans une famille de patrons de gabares(1) sur la Loire. Il
entreprend ses études au petit séminaire de Lyon, puis en
1829, est ordonné prêtre. Vite remarqué pour son éloquence,
il devient doyen de la faculté de théologie en 1842. C'est
un proche de Mgr. Bonald, remarquable figure du catholicisme sous la Monarchie
de Juillet. Le 26 février 1846, le ministre des Cultes annonce
à l'abbé Pavy sa nomination comme évêque d'Alger
; ce choix est suivi de près par Louis-Philippe. Souhaitant donner
l'Algérie en apanage à un de ses fils, Aumale, le roi souhaite
que le nouvel évêque soit capable de soutenir des relations
avec le gouvernement. En mai 1846 Mgr Pavy, succède à Mgr.
Dupuch, premier évêque d'Alger.
C'est avec un état d'esprit de missionnaire que Louis Pavy comprend
son sacerdoce. Le nouveau prélat, fin et disert, beaucoup plus
diplomate que son prédécesseur, considérait comme
un devoir de battre en brèche le coran qu'il tenait pour une "
ineptie " et le prestige de Mahomet qu'il jugeait comme " un
imposteur, un copiste maladroit de Jésus ". Il s'emploiera,
sous la IIème République et le Second Empire, à évangéliser
les campagnes et à lutter contre le rationalisme des colons. Mgr.
Pavy espérait amener, tôt ou tard, les indigènes au
partage de la " fraternité religieuse ". Dans ce dessein,
la papauté sollicitait depuis sept ans la création d'évêchés
à Oran et Constantine.
L'empereur, qui n'était pas partisan du prosélytisme, croyait
que, dans un pays où se pratiquaient plusieurs cultes, il fallait
accroître le prestige du culte catholique, aussi accepta-t-il la
fondation de deux diocèses nouveaux ce qui permit à Mgr.
Pavy de devenir archevêque. Là encore, selon Charles-Henri
Julien, " il ne tint pas compte de l'esprit laïc de la population
qui se maintenait notamment dans les anciennes colonies de 1848 et qu'entretenaient
les déportés, parmi lesquels se recrutaient la plupart des
journalistes, au point que dans certains centres " il n'était
pas rare qu'on menaçât le prêtre à coups de
pierre à son arrivée. "(2)
Mgr. Pavy, qui s'occupait d'orphelins, demanda à les installer
dans le Palais
d'Eté de Mustapha-Pacha. Ce palais, après la
conquête d'Alger, avait été habité par les
troupes françaises jusqu'en 1848. " Quelque temps avant le
départ des soldats, ce domaine est demandé par les orphelins
que l'Évêque Pavy avait installés dans l'ancien consulat
du Danemark au
Télemly, où ces derniers ne pouvaient plus demeurer,
l'Évêque se trouvant dans l'impossibilité de payer
le loyer de leur asile.
" Un grand évêque ou vingt ans de l'Église
d'Afrique sous l'administration de Monseigneur Pavy " par Mgr
Ribolet
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La requête du clergé est accueillie
favorablement et le 5 novembre de la même année, les orphelins
sont installés dans l'immeuble devenu vacant, sous la surveillance
des Soeurs de Saint-Vincent de Paul "(3).
Mgr Pavy transforma le palais en orphelinat ( Mustapha-Supérieur
).
En mars 1848 sur la
Place du Gouvernement, l'évêque assiste en compagnie
du Gouverneur Cavaignac au banquet civique ; il officiait aux brillantes
célébrations de la Fête-dieu qui se déroulait
le 14 juin. L'évêque, sous un dais écarlate, arrivait
entouré et suivi des dignitaires du Chapitre, accompagné
des magistrats en toge, des officiers brillamment décorés.
À l'élévation, cent tambours et six orchestres, dont
quatre musiques militaires, se faisaient entendre. Se rendant ensuite
auprès de la balustrade, qui jadis limitait d'un côté
la place, le prélat bénissait la mer tandis que tout un
peuple impressionné fourmillait à l'entour, sur les terrasses
étagées et dans les rues avoisinantes.
La Fête-dieu de 1848 fut reproduite par le peintre Régis.
L'oeuvre après avoir figuré à la cathédrale
disparut, sans doute concédée à une autre chapelle.
Le 8 août 1850 l'évêque Pavy inaugurait l'Oratoire
de
l'Amirauté.
Buste de Monseigneur Pavy réalisé
par Louis Fulconis ( 1869 )
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Le 14 août 1852, le jour de l'inauguration du bronze du Maréchal
Bugeaud duc d'Isly sur la Place du même nom, l'évêque
Pavy ( qui vient d'être nommé Commandeur de la Légion
d'Honneur ) procéda au pied de la statue devant un autel improvisé,
au mariage de deux orphelins de l'Assistance religieuse : Antoine Boulet
et Victorine Dijou, pour la dot desquels le Président de la République
avait envoyé 500 francs, le préfet et le général
Ferray chacun 200 francs.
Une " concession " dans le village de Castiglione
fut en outre octroyée aux jeunes époux. " La présidence
de ce mariage est donc le dernier acte officiel de l'illustre Maréchal
! " (4).
Obligé par sa santé de rentrer à Forcalquier, Mgr.
Pavy tient une place considérable parmi l'élite des félibres.
L'oeuvre de prédilection de ses dernières années
fut consacré à des travaux à la basilique Notre-Dame
d'Afrique, où une chapelle lui est consacrée ainsi qu'un
pèlerinage.
Mgr. Pavy éducateur des âmes, constructeur de la nouvelle
cathédrale d'Alger, rédacteur du premier catéchisme
du diocèse d'Alger en 1855, est également l'auteur d'une
histoire de l'Algérie en quatre volumes (1858). Mgr
Lavigerie succédera à Mgr. Pavy.
Élisabeth Cazenave.
Notes :
- Le savant préhistorien Joseph Déchelette lègue
à la ville de Roanne, pour construire un musée, une somme
d'argent, remplacée en 1919 par le don de son hôtel particulier
de la fin du XVIllème siècle dans lequel les collections
sont installées en 1923.
- Exposition : Brigitte Boulet, Elisabeth Cazenave, Albert Marquet et
ses amis en Algérie, Roanne 2004.
1) Gabare : grande cm)arcation pour le ransport des marchand i-es sur
les rivières et ;stuaires.
2) Charles-André Julien, :Iistoire de l'Algérie ontemporaine,
tome remier, La conquête et es débuts de la colonisa-ion,
Presses Universiaires de France, 1964.
3) Henri Klein, Feuillets l'El-Djezaïr, Imprimerie =eontana, 1937,
p.217.
4) Ibid, p.263.
Bibliographie : Joseph Déchelette,
musée de Roanne et ses objets d'art, 1894 ; Exposition, Salon de
1848, n° 965 ; Audin, Vial, 1918, tome I p. 209 ; Brou, Valence, Le
Portrait dans les collections des Musées Rhône-Alpes. ; Élisabeth
Cazenave, L'Afrique du Nord révélée par les musées
de province.
Association les Abd-el-Tif, Bernard Giovanangelli Éditeur, Nancy,
2005, p. 194 ; Klein, Feuillets d'El Djezaïr, p. 289
Note de la rédaction du CDHA :
C'est Mgr. Pavy qui oeuvra auprès du pape Pie IX pour faire déclarer
vénérable le Saint martyr Géronimo, sans passer par
la longue série de formalités nécessaires en pareil
cas. Il obtint, très rapidement, le décret signé
de Pie IX et organisa une grande cérémonie en présence
de nombreuses personnalités civiles et religieuses. Les saints
ossements furent déposés dans une chasse à la cathédrale
d'Alger.
( Extrait de l'ouvrage de Mgr. Riboulet " Un grand évêque
ou 20 ans de l'Eglise d'Afrique. Monseigneur Pavy )
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