Naissance du réseau
ferré en Algérie - Lignes principales
Réseau ferré
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Le 14 juin 1830, les troupes françaises
débarquent en Algérie. Dès
le 25 août 1833, dans le journal "
Le National " les frères Émile
et Isaac Pereire, banquiers d'origine portugaise
rédigent un projet de loi portant sur l'organisation
de l'Algérie. Ils prévoient que
le territoire sera divisé en 3 départements
(Alger, Oran et Constantine).
Ils réclament le transport gratuit pour
tous les ouvriers et artisans utiles à
la colonisation. S'appuyant sur ce projet, les
frères Pereire, Saints Simoniens convaincus,
proposent la construction d'un réseau ferré
se composant d'une dorsale parallèle à la mer de
Constantine à Oran via Alger, reliée
aux ports les plus intéressants pour l'armée (Bône,
Philippeville, Bougie, Ténès, Arzew...).
Ce projet n'eut pas de suite, il faut dire que Louis-Philippe n'était
pas convaincu de l'opportunité de la colonisation de l'Algérie,
à part l'occupation des villes importantes et de quelques ports.
Ce n'est qu'en 1857, sous l'influence de son demi-frère, le duc
de Morny qui avait déjà participé à la construction
de lignes en métropole, que l'empereur Napoléon III reprit
à son compte, presque intégralement, le projet des frères
Pereire, par un décret impérial du 18 avril.
En 1858, l'armée commence à réaliser l'infrastructure
d'Alger à Blida.
En 1860 la Compagnie des chemins de fer algériens (CFA) créée
à Paris, avec à sa tête un membre du parlement britannique
Sir Morton-Pero, est déclarée adjudicataire de la construction
et de l'exploitation de la ligne d'Alger à Oran. L'inauguration
du premier tronçon de cette ligne, Alger- Blida, a lieu le 15
août 1862, ponctuée par un grand banquet officiel, tenu
en présence notamment du duc de Malakoff, Gouverneur Général
de l'Algérie, Gouverneur Général de l'Algérie,
dans les jardins du « bois sacré » de Blida. A cette
occasion, Théophile Gautier, reporter officiel du gouvernement,
proclame « Cette ligne n'est point longue, mais c'est le commencement
d'un réseau qui va bientôt s'étendre de tous côtés
sur le territoire de notre belle colonie, c'est un avenir plein de promesses
qui s'ouvre pour la France africaine ».
Il avait en partie raison, car si le réseau s'est effectivement
étendu, ce ne fut ni rapidement ni sans difficultés.
Après la faillite quasiment programmée de la compagnie
CFA, La compagnie ParisLyon-Méditerranée en Algérie
(PLM-A) des frères Talabot, banquiers parmi les fondateurs de
la Société Générale et actionnaires du Crédit
Lyonnais, concurrents des frères Pereire, se voit confier la
construction et l'exploitation de la partie de la dorsale d'Alger à
Oran.
Cette ligne est finalement ouverte aux circulations en 1871. Quatre
autres compagnies se partagent la construction du réseau prévu
au plan initial.
A l'est d'Alger :
1 - La compagnie de l'Est Algérien prend
en charge la construction et l'exploitation du tronçon Alger
- Constantine. Pour tenir compte des réels besoins du trafic,
cette ligne aurait dû passer logiquement par Tizi-Ouzou, mais
ce tracé impliquait la construction de nombreux ouvrages d'art
et était trop coûteux. Il fut abandonné pour un
tracé réalisé plus au sud empruntant au maximum
les vallées. La liaison Alger-Constantine est finalement ouverte
aux circulations en 1886. Cette compagnie se verra concéder la
construction et l'exploitation de la ligne El-Guerrah - Biskra, finalement
ouverte aux circulations en juillet 1888. Par la suite, cette ligne
sera prolongée, en juin 1914, jusqu'à Touggourt par l'Administration
des Territoires du Sud.
2 - La compagnie Bône-Guelma,
filiale de la société de construction des Batignolles,
créée par Félix Gouin, parent par alliance des
frères Pereire, se voit confier la construction de la ligne du
même nom. La liaison Bône - Guelma est ouverte aux circulations
en 1877. A titre anecdotique, la Société de Construction
des Batignolles fait partie des sociétés fondatrices de
l'actuelle société de BTP Spie-Batignolles. Par la suite,
la compagnie Bône-Guelma se verra confier la liaison vers la frontière
tunisienne, liaison réalisée en 1884, puis la construction
de la majeure partie du réseau tunisien avec une importante participation
de main-d'oeuvre italienne.
A l'ouest d'Alger :
1 - La Compagnie Franco-Algérienne,
créée en 1873, se verra confier la construction d'une
ligne Arzew - Saïda ouverte en 1879. À l'origine, cette
ligne était destinée uniquement à l'exploitation
de 300.000 hectares d'alfa. La main-d'oeuvre employée sur ces
domaines fut essentiellement d'origine espagnole, car réputée
plus sérieuse et fiable que la main-d'oeuvre locale. Cette ligne
sera prolongée jusqu'à Ain-Sefra
pour permettre la surveillance de la frontière marocaine. Par
la suite, les Ponts et Chaussées prolongeront la ligne jusqu'à
Kenadza
pour favoriser l'exploitation des mines de charbon.
2 - La Compagnie de l'Ouest-Algérien,
créée en 1881, obtient la construction de quelques lignes
complémentaires, mais surtout celle de Blida à Djelfa.
Cette compagnie exploitera également des lignes concédées
initialement à la compagnie Franco-Algérienne après
la dissolution de celle-ci. Enfin, on ne peut passer sous silence l'importance
des Chemins de fer sur routes d'Algérie (CFRA). Créée
à l'initiative des trois départements d'Algérie,
pour pallier le manque d'investissement de la métropole, cette
compagnie a permis de structurer le territoire.
Ainsi ont été créées les lignes El-Affroun
- Cherchell via Marengo, souvenir de mon enfance, Dellys - Boghni, Orléansville
-Ténès et tant d'autres.
La structure générale du réseau ferré en
Algérie était alors constituée et perdurera, moyennant
quelques ajustements (doublement de quelques secteurs, suppressions
de lignes de moindre intérêt, changement de gabarit etc.)
jusqu'à l'indépendance.
Pour terminer cette brève présentation, quelques mots
sur les difficultés d'exploitation d'un tel réseau, morcelé
entre plusieurs compagnies ayant des méthodes de gestion différentes,
notamment au point de vue taxation. Pour pallier celle lourdeur administrative,
une loi de juillet 1904 autorisa le Gouvernement Général
de l'Algérie à procéder à une unification
des tarifs sur la base du moins-disant. Cette mesure eût pour
effet de a favoriser la fusion des compagnies restantes et c'est ainsi
qu'en 1921, seule la compagnie PLM et une nouvelle entité, la
Compagnie des Chemins de Fer Algériens de l'Etat (CFAE) se partageaient
l'exploitation des lignes. Pour simplifier, disons que la première
était chargée du réseau à l'ouest d'Alger
et la seconde du réseau à l'est d'Alger.
Ce régime sera appliqué jusqu'en 1938, date de la création
de la Société Nationale des Chemins de Fer Français
(SNCF) qui supprimait la compagnie PLM donc, de facto, son prolongement
en Algérie.
La Compagnie des Chemins de Fer en Algérie (CFA) fut
ainsi créée, le 31 décembre 1938, pour reprendre
la totalité de l'exploitation du réseau en Algérie.
Enfin, une ordonnance du 4 février 1959, instituera la
Société Nationale des Chemins de Fer en Algérie
(SNCFA) en lieu et place des CFA.
Pour conclure, je me permettrai de dire que ce réseau constitué,
il faut bien le dire à moindre frais et sans plan d'ensemble
bien clair, (il n'est qu'à voir les différents gabarits
adoptés : voie normale, voie métrique, voie de 0,60 m)
a néanmoins joué un rôle important dans le développement
industriel de l'Algérie. Et n'oublions pas ce qu'il a apporté,
lors de la seconde guerre mondiale en permettant le transport rapide
et prioritaire des troupes alliées et de leurs équipements
vers la Tunisie
Pierre Morton
CDHA