Naissance du réseau
ferré en Algérie - Lignes principales

Auteur : Pierre Morton
Illustrations: C.D.H.A.

extraits du numéro 71, 1er trimestre 2019, de "Mémoire vive", magazine du Centre de Documentation Historique de l'Algérie, avec l'autorisation de son président.
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ici, en mai 2019

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Naissance du réseau
ferré en Algérie - Lignes principales

Réseau ferré
Réseau ferré


Le 14 juin 1830, les troupes françaises débarquent en Algérie. Dès le 25 août 1833, dans le journal " Le National " les frères Émile et Isaac Pereire, banquiers d'origine portugaise rédigent un projet de loi portant sur l'organisation de l'Algérie. Ils prévoient que le territoire sera divisé en 3 départements (Alger, Oran et Constantine). Ils réclament le transport gratuit pour tous les ouvriers et artisans utiles à la colonisation. S'appuyant sur ce projet, les frères Pereire, Saints Simoniens convaincus, proposent la construction d'un réseau ferré se composant d'une dorsale parallèle à la mer de Constantine à Oran via Alger, reliée aux ports les plus intéressants pour l'armée (Bône, Philippeville, Bougie, Ténès, Arzew...).

Ce projet n'eut pas de suite, il faut dire que Louis-Philippe n'était pas convaincu de l'opportunité de la colonisation de l'Algérie, à part l'occupation des villes importantes et de quelques ports.

Ce n'est qu'en 1857, sous l'influence de son demi-frère, le duc de Morny qui avait déjà participé à la construction de lignes en métropole, que l'empereur Napoléon III reprit à son compte, presque intégralement, le projet des frères Pereire, par un décret impérial du 18 avril.

En 1858, l'armée commence à réaliser l'infrastructure d'Alger à Blida.

En 1860 la Compagnie des chemins de fer algériens (CFA) créée à Paris, avec à sa tête un membre du parlement britannique Sir Morton-Pero, est déclarée adjudicataire de la construction et de l'exploitation de la ligne d'Alger à Oran. L'inauguration du premier tronçon de cette ligne, Alger- Blida, a lieu le 15 août 1862, ponctuée par un grand banquet officiel, tenu en présence notamment du duc de Malakoff, Gouverneur Général de l'Algérie, Gouverneur Général de l'Algérie, dans les jardins du « bois sacré » de Blida. A cette occasion, Théophile Gautier, reporter officiel du gouvernement, proclame « Cette ligne n'est point longue, mais c'est le commencement d'un réseau qui va bientôt s'étendre de tous côtés sur le territoire de notre belle colonie, c'est un avenir plein de promesses qui s'ouvre pour la France africaine ».

Il avait en partie raison, car si le réseau s'est effectivement étendu, ce ne fut ni rapidement ni sans difficultés.

Après la faillite quasiment programmée de la compagnie CFA, La compagnie ParisLyon-Méditerranée en Algérie (PLM-A) des frères Talabot, banquiers parmi les fondateurs de la Société Générale et actionnaires du Crédit Lyonnais, concurrents des frères Pereire, se voit confier la construction et l'exploitation de la partie de la dorsale d'Alger à Oran.

Cette ligne est finalement ouverte aux circulations en 1871. Quatre autres compagnies se partagent la construction du réseau prévu au plan initial.

A l'est d'Alger :

1 - La compagnie de l'Est Algérien prend en charge la construction et l'exploitation du tronçon Alger - Constantine. Pour tenir compte des réels besoins du trafic, cette ligne aurait dû passer logiquement par Tizi-Ouzou, mais ce tracé impliquait la construction de nombreux ouvrages d'art et était trop coûteux. Il fut abandonné pour un tracé réalisé plus au sud empruntant au maximum les vallées. La liaison Alger-Constantine est finalement ouverte aux circulations en 1886. Cette compagnie se verra concéder la construction et l'exploitation de la ligne El-Guerrah - Biskra, finalement ouverte aux circulations en juillet 1888. Par la suite, cette ligne sera prolongée, en juin 1914, jusqu'à Touggourt par l'Administration des Territoires du Sud.

2 - La compagnie Bône-Guelma, filiale de la société de construction des Batignolles, créée par Félix Gouin, parent par alliance des frères Pereire, se voit confier la construction de la ligne du même nom. La liaison Bône - Guelma est ouverte aux circulations en 1877. A titre anecdotique, la Société de Construction des Batignolles fait partie des sociétés fondatrices de l'actuelle société de BTP Spie-Batignolles. Par la suite, la compagnie Bône-Guelma se verra confier la liaison vers la frontière tunisienne, liaison réalisée en 1884, puis la construction de la majeure partie du réseau tunisien avec une importante participation de main-d'oeuvre italienne.

A l'ouest d'Alger :

1 - La Compagnie Franco-Algérienne, créée en 1873, se verra confier la construction d'une ligne Arzew - Saïda ouverte en 1879. À l'origine, cette ligne était destinée uniquement à l'exploitation de 300.000 hectares d'alfa. La main-d'oeuvre employée sur ces domaines fut essentiellement d'origine espagnole, car réputée plus sérieuse et fiable que la main-d'oeuvre locale. Cette ligne sera prolongée jusqu'à Ain-Sefra pour permettre la surveillance de la frontière marocaine. Par la suite, les Ponts et Chaussées prolongeront la ligne jusqu'à Kenadza pour favoriser l'exploitation des mines de charbon.

2 - La Compagnie de l'Ouest-Algérien, créée en 1881, obtient la construction de quelques lignes complémentaires, mais surtout celle de Blida à Djelfa. Cette compagnie exploitera également des lignes concédées initialement à la compagnie Franco-Algérienne après la dissolution de celle-ci. Enfin, on ne peut passer sous silence l'importance des Chemins de fer sur routes d'Algérie (CFRA). Créée à l'initiative des trois départements d'Algérie, pour pallier le manque d'investissement de la métropole, cette compagnie a permis de structurer le territoire.
Ainsi ont été créées les lignes El-Affroun - Cherchell via Marengo, souvenir de mon enfance, Dellys - Boghni, Orléansville -Ténès et tant d'autres.

La structure générale du réseau ferré en Algérie était alors constituée et perdurera, moyennant quelques ajustements (doublement de quelques secteurs, suppressions de lignes de moindre intérêt, changement de gabarit etc.) jusqu'à l'indépendance.

Pour terminer cette brève présentation, quelques mots sur les difficultés d'exploitation d'un tel réseau, morcelé entre plusieurs compagnies ayant des méthodes de gestion différentes, notamment au point de vue taxation. Pour pallier celle lourdeur administrative, une loi de juillet 1904 autorisa le Gouvernement Général de l'Algérie à procéder à une unification des tarifs sur la base du moins-disant. Cette mesure eût pour effet de a favoriser la fusion des compagnies restantes et c'est ainsi qu'en 1921, seule la compagnie PLM et une nouvelle entité, la Compagnie des Chemins de Fer Algériens de l'Etat (CFAE) se partageaient l'exploitation des lignes. Pour simplifier, disons que la première était chargée du réseau à l'ouest d'Alger et la seconde du réseau à l'est d'Alger.

Ce régime sera appliqué jusqu'en 1938, date de la création de la Société Nationale des Chemins de Fer Français (SNCF) qui supprimait la compagnie PLM donc, de facto, son prolongement en Algérie.

La Compagnie des Chemins de Fer en Algérie (CFA) fut ainsi créée, le 31 décembre 1938, pour reprendre la totalité de l'exploitation du réseau en Algérie.

Enfin, une ordonnance du 4 février 1959, instituera la Société Nationale des Chemins de Fer en Algérie (SNCFA) en lieu et place des CFA.

Pour conclure, je me permettrai de dire que ce réseau constitué, il faut bien le dire à moindre frais et sans plan d'ensemble bien clair, (il n'est qu'à voir les différents gabarits adoptés : voie normale, voie métrique, voie de 0,60 m) a néanmoins joué un rôle important dans le développement industriel de l'Algérie. Et n'oublions pas ce qu'il a apporté, lors de la seconde guerre mondiale en permettant le transport rapide et prioritaire des troupes alliées et de leurs équipements vers la Tunisie


Pierre Morton

CDHA