Casbah
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octobre 2016, 7 ans après. Je
viens de lire dans l'Algérianiste n°155, de septembre 2016, dans
l'article "les alentours du lycée Bugeaud à Alger :«...Sur
le sujet, un texte plus complet était paru en 2008 dans L'Algérianiste.
J'ai découvert par hasard que la première partie, celle
consacrée à la demeure, en avait été reprise
à mon insu sur internet ( ici, mon site est nommé.
Merci pour la pub!), heureusement sous mon nom (
c'est la moindre des choses. Je cite toujours sauf omission involontait,e
le nom de l'auteur) j'espère sans trop d'erreurs. »..... M.Jean Couranjou semble oublier qu'il m'avait adressé, quand il avait découvert - par hasard - le texte sur internet, il y a de ça voilà quatre ou cinq ans,un message à ce propos . Donc, il était déjà au courant de savoir s'il y avait ou non des erreurs..Il m'avait même apporté, à cette époque, quelques précisions (Voir sous le texte : Compléments d'information apportés par M.Jean Couranjou.) . Et, il ne m'avait pas demandé de retirer le texte.Voilà. De plus, j'avais l'autorisation par la direction de l'époque de reproduire quelques textes. |
La très grande majorité des carreaux de
faïence importés pendant plus de trois siècles par
la Régence turque d'Alger (1518-1830) pour la décoration
de ses monuments, sont de nature ornementale; il s'agit d'exemplaires
identiques (modèles à motif élémentaire) destinés
à s'assembler entre eux pour former le motif qui, à nouveau
assemblé nombre de fois à lui-même, constitue un décor
fait donc d'un motif répété. Le " Palais Oriental " Ces carreaux se trouvent dans une demeure connue à l'époque française sous le nom de Palais Oriental. Cette appellation diffère de celles habituellement données aux habitations algéroises de la Régence (1518-1830) qui le plus souvent portent le nom d'un de leurs célèbres propriétaires à l'époque turque (dey, ra'îs, grands fonctionnaires de l'État...). C'est le cas par exemple de Dâr 'Aziza, Dâr Hasan Pacha, Dâr Mustafâ Pacha, Dâr Bâbâ Hasan... qui à l'époque française furent respectivement le palais de l'Archevêché, le palais d'Hiver, la Bibliothèque Nationale, l'hôpital Maillot... Pour comprendre les raisons de cette appellation, il faut retracer l'histoire de la demeure dont il est ici question, après en avoir indiqué l'emplacement.
Emplacement : Le Palais
Oriental se trouve juste au-delà de la limite nord-ouest de l'ancienne
cité barbaresque (fig. 1), communément appelée Qasba
(Casba ou Casbah) (fig. 1 et 2). Ce nom de ce qui est devenu après
la Conquête un quartier d'Alger, correspond à l'extension
du terme qui en arabe désigne en réalité la forteresse
qui domine toujours la vieille cité barbaresque, la Qasba (s.s)
du Dey et qui à l'époque française, abritait le
musée Franchet d'Esperey.
C'est sur l'emplacement de cet ancien fossé dit
" du couchant " qu'ont été construits vers 1871
les escaliers du boulevard Valée renommé par la suite (entre
1930 et 1938) boulevard de Verdun (fig. 2); plus tard (1904), en contrebas,
fut construite la
médersa. Ainsi le Palais Oriental se trouve-t- il, sur
son côté sud-est, séparé de la Qasba par ces
escaliers. Côté nord-est, donc côté mer, il
trouve presque en face de lui la mosquée Sîdî
- Abd al Rahmân, elle-même ayant pour voisine sur
son côté sud-est, la médersa (figures 1, 2 et 3).
Ces deux monuments surplombent
le lycée Bugeaud
plus proche encore de la mer et qui fut construit entre 1862 et 1868.
Historique :
La construction dans le style Régence turque après
la Conquête de l'Algérie par la France est loin d'être
un fait exceptionnel. Les nouveaux arrivants furent en effet souvent conquis
(à leur tour, c'est le cas de le dire !) par ces demeures qu'ils
reproduisirent plus ou moins fidèlement, compte tenu du mode de
vie occidental différent de l'oriental ( Voir
à ce sujet La Casbah d'Alger et le site créa la ville, Ravéreau
A., Sindbad, Paris, 1989, dont le texte est par ailleurs criblé
d'erreurs en ce qui concerne les carreaux de faïence.).
Tout au long de la présence française, le style dit néomauresque
eut peu ou prou une faveur certaine. Ainsi dans toute l'Algérie
apparut en particulier le fameux style Jonnart du nom du gouverneur général
de l'époque. Sous son égide, furent construits avant la
première guerre mondiale, de très nombreux monuments officiels
ou administratifs dont certains assez prestigieux comme à Alger
la grande poste, la préfecture... que des monuments
publics comme la médersa ou destinés à des entreprises
privées comme, toujours à Alger, l'immeuble de la Dépêche
algérienne, et même des églises. De tels monuments
constituent par exemple à El
Biar dans la banlieue immédiate au-dessus d'Alger, un
bel ensemble homogène. Ce style répandu dans toute l'Algérie
apparaît notamment avec les médersas de Constantine et de
Tlemcen, la gare d'Oran, la mairie de Philippeville.
C'est qu'à l'époque, Alger était
largement fréquentée par les hiverneurs , Britanniques surtout,
dont il fallait satisfaire sans doute le goût d'orientalisme. En
1884, le Palais Oriental fut racheté par mes arrière-grands-parents
( Il s'agit d'Ernest Goinard, chirurgien
et Marie-Élisabeth, parents d'Ernest Goinard, chirurgien lui-même,
père notamment de ma mère et de Pierre Goinard, chirurgien,
professeur connu des Algérianistes.) auxquels il appartint
jusqu'en 1919; il faisait alors fonction d'ouvroir
d'apprentissage de broderie pour jeunes filles indigènes
(fig. 5)* ( Il s'agit de l'ouvroir tenu
par Mme Luce Ben-Aben. Cette personne constitua par ailleurs une admirable
collection de broderies algéroises anciennes qui furent rassemblées
au musée des Antiquités à Alger et qu'elle compléta
par de nouveaux modèles devenus le premier fonds du Cabinet de
dessins de l'Académie.), si bien qu'au début
du XIXe siècle, mes arrière-grands-parents firent construire
juste au-dessous du Palais Oriental, sur le même terrain, une autre
demeure également de style Régence turque mais s'en éloignant
toutefois davantage que la précédente ( On
trouvera des clichés de l'intérieur de cette deuxième
demeure également dans Visions d'Afrique. De la Méditerranée
au désert (les oeuvres des Soeurs Blanches du cardinal Lavigerie),
G. L. Arlaud, Lyon, 1930, couverture et p. 33.) et décorée
de carreaux contemporains de sa construction, pour la plupart des copies
françaises de modèles anciens catalans et valenciens importés
en Algérie à l'époque turque. En dehors de ce petit
historique, il ne sera plus question ici de cette deuxième demeure
dont l'histoire sera désormais liée à celle du Palais
Oriental. En 1923, les Soeurs Blanches s'installèrent dans les
deux habitations qu'elles occupèrent jusqu'en 1943. Elles y tenaient
dans " la maison du haut " (le Palais Oriental) un dispensaire-école
pour la population indigène ( Des
clichés représentent l'activité des Soeurs Blanches
dans ces deux demeures (Visions d'Afrique, op. cit., p. 32 à 36)
connu sous le nom de S.B.M (fig. 5 ) ( Initiales
de " Soins aux Blessés Militaires ", correspondant
à la vocation première de cet établissement
); celui-ci comprenait notamment les dispensaires ophtalmologique et pédiatrique
(la Goutte-de-lait); dans la " maison du bas " construite
par mes arrière-grands-parents, elles tenaient un ouvroir d'apprentissage
de broderie pour fillettes indigènes. En 1943 les Pères
Blancs s'installèrent à leur tour dans les lieux et en devinrent
propriétaires en 1958. Ils y restèrent encore un certain
nombre d'années après l'Indépendance (au moins jusqu'en
1977). L'ensemble constitué par les deux demeures est aujourd'hui
appelé Dâr Binchanâb (Dar Ben Cheneb), du nom
de la rue sur laquelle elles ouvrent ( La
rue Ben Cheneb correspond au tronçon reliant la rue Marengo à
la rampe Valée au tracé tourmenté, si bien que, en
fonction des modifications d'appellations de ce tronçon, le Palais
Oriental avait antérieurement pour adresse le 46
rue
Marengo,
et à la fin du xixe siècle, le 16 rampe Valée.),
le nom de cette rue donné à l'époque française
est celui d'un érudit algérien. Puis jusqu'en 1994, année
de l'assassinat (le 8 mai) du frère Henri- Barthélemy Vergès
(mariste) et de la soeur Paul-Hélène Saint-Raymond (petite
soeur de l'Assomption), le Palais Oriental abrita une bibliothèque
tenue par l'ordre des Maristes, tandis que les petites soeurs de l'Assomption
animaient un centre d'aide sociale, probablement dans la " maison
du bas ". Cette bibliothèque, très fréquentée
par les élèves du lycée ex-Bugeaud, recelait 7000
ouvrages, la plupart en arabe, laissés par les Pères Blancs
( " L'islamisme a de nouveau frappé
", Ghillet A., La Croix, 10 mai 1994.); elle comportait
salles de lectures, de répétitions scolaires, de cours d'informatique
( " Alger: la violence frappe les
religieux ", Bastion J., La Croix, 10 mai 1994.)... J'ignore
ce qu'il en est depuis de cet ensemble des deux demeures qui serait toujours
propriété de l'archevêché d'Alger et qui, si
longtemps et encore après l'Indépendance, fut le symbole
du dévouement de la France envers la population indigène. |