DEUXIÈME PARTIE
LES PRODUCTIONS ANIMALES
CHAPITRE II
La pêche maritime
------L'Algérie
possède, sur la Méditerranée, une façade
longue de 1.100 kilomètres en ligne droite, dont l'étendue.
compte tenu des sinuosités du rivage, atteint 1.300 kilomètres.
Elle était donc, de ce fait, prédisposée au développement
de la pêche maritime. La Méditerranée est, de plus,
une mer chaude, peu agitée de courants, qui entretient, d'un
bout de l'année à l'autre, tous les éléments
végétaux ou animaux nécessaires à l'alimentation
de quantités innombrables de poissons.
------En
fait, elle est fort poissonneuse : les poissons migrateurs, entraînés
par le courant qui, passant par le détroit de Gibraltar, déverse
sans arrêt les eaux de l'Atlantique dans la Méditerranée,
y arrivent en bancs serrés, entraînant à leur suite
des squales ou des cétacés, parfois même des phoques.
Les pêches sont souvent miraculeuses, et les barques rentrent
au port pleines à craquer de poissons, ies filets rompus par
l'abondance de la prise.
------On
peut donc s'étonner à bon droit que, lors de l'occupation
française, la pêche en mer ait été à
peu près inconnue sur les côtes algériennes. Il
y a à cela plusieurs raisons. Nous citerons tout d'abord l'aversion
qu'éprouvait l'indigène pour la mer, aversion qui, heureusement,
disparaît aujourd'hui. Et puis la côte peu découpée
n'offre pas d'abris naturels; il a fallu l'intervention de la France
pour que des ports soient construits à grands frais ; comment
des, pêcheurs auraient-ils pu, auparavant, abriter leurs frêles
embarcations dans des baies ouvertes à tous les vents et à
toutes les tempêtes ? Enfin, la dernière cause tient au
caractère même de la Méditerranée : c'est
une mer sujette à de brusques tempêtes, des tempêtes
désordonnées, rapides, qui s'arrêtent aussi vite
qu'elles ont commencé, prenant au dépourvu le marin ;
on les prévoit difficilement, aussi le pêcheur n'aime pas
prendre la mer lorsque le temps est tant soit peu menaçant, s'il
dispose surtout de barques mal amarinées. On conçoit donc
que la pêche ait autrefois peu tenté l'indigène.
------Il
fallait l'occupation française pour amener, assez lentement d'ailleurs,
la création de cette industrie. Le développement fut peu
important tout d'abord : les quelques pécheurs européens
qui vinrent les premiers s'installer sur les côtes algériennes
provenaient pour la plupart des plus mauvaises populations maritimes
d'Espagne ou d'Italie Paresseux, arriérés, réfractaires
à tout progrès, ils se contentaient de pêcher, à
quelques centaines de mètres du rivage, les poissons des hauts
fonds qui rapidement s'épuisèrent. Car la côte algérienne
est ainsi faite qu'après un seuil de faible profondeur qui s'éloigne
du rivage d'au plus 200 ou 300 mètres, la sonde révèle
aussitôt des bas-fonds considérables. Le poisson blanc,
qui vit sur les fonds, est donc peu abondant ; le râclage continuel
de ce seuil de faible épaisseur ne pouvait donc qu'en amener
la destruction
------Aussi
tenta-t-on une colonisation maritime comme on avait effectué
une colonisation agricole : des villages, des centres de pêche
furent créés et peuplés de pêcheurs. Mais
ce n'est que depuis une vingtaine d'années, depuis la création
d'une inspection des pêches maritimes, que cette industrie a pris
un réel développement. Outre que les pêcheurs ont
été éduqués, les capitaux métropolitains
se sont vivement intéressés à une production algérienne
pleine d'avenir.
------La
Méditerranée, en effet, dans ses zones de grandes profondeurs,
contient d'inépuisables richesses en poissons de surface, ou
poissons bleus : sardine, anchois, thon, maquereau, bonite, etc... Pour
les pêches, il suffit de s'éloigner du rivage, mais l'emploi
de navires solides et d'équipages expérimentés
est nécessaire.
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------Le développement
a été rapide : à l'heure actuelle, plus de 1.000
bateaux, dont une centaine de vapeurs et de nombreuses embarcations à
moteur, emploient un équipagetotal de' 4 à 5.000 hommes,
dont une bonne partie est indigène. La pêche au chalut, à
un ou deux bateaux, est fort pratiquée, surtout par les navires
de fort tonnage mus à la vapeur ou au moyen de moteurs; c'est elle
qui fournit les plus forts rendements, les trois-quarts environ du produit
total.
------Les
résultats, sans atteindre encore aux chiffres qu'on serait en droit
d'espérer, sont néanmoins intéressants plus de 20.000
tonnes de poissons de toutes sortes sont débarquées annuellement
par les pêcheurs algériens
------8 000
à 9.000 tonnes de sardines;
------2.000
à 3.000 tonnesd'anchois;
------1.000
à 1.200 tonnes de maquereaux ;
------500
à 600 tonnes de bonites ;
------100
à 200 tonnes de thons ;
------500
à 600 tonnes de crevettes ;
------20
à 30 tonnes de langoustes ;
------20
à 30 tonnes de moules et de coquillages;
------7.000
à 8.000 tonnes de poissons et de crustacés divers.
------Le
rendement est encore faible ; on estime qu'il est, relativement à
celui des côtes les plus épuisées d'Europe, dans la
proportion de 1 à 35 ou 40.
------Quoi
qu'il en soit, il permet d'alimenter l'Algérie en poisson frais
pendant toute l'année; le développement des chemins de fer
et des communications automobiles, en reliant rapidement le littoral aux
points les plus éloignés de l'intérieur, ouvre chaque
jour à la pêche des marchés nouveaux.
------Mais
là ne sont pas les seuls débouchés de cette industrie.
Les services maritimes rapides qui relient l'Algérie avec les pays
de l'extérieur lui permettent encore d'alimenter un commerce d'exportation
intéressant : un millier de tonnes de poissons frais conservés
dans la glace sont expédiées annuellement à destination
de la France.
------Il
existe enfin, à proximité des centres de pêche, une
importante industrie de transformation du poisson. 2 000 personnes environ
sont employées, dans près de 150 usines, à la fabrication
des salaisons et des conserves. La production atteint 4.000 tonnes d'anchois
et de sardines salées et 1.000 tonnes de. conserves de sardines
à l'huile ou à la tomate, de thon, de maquereau ou d'anchois.
------La
production algérienne, très soignée, a acquis rapidement
une réputation' excellente sur le marché. ------Aussi
l'exportation des poissons conservés est-elle importante 20 millions
de francs de salaisons, 10 à 12 millions de conserves (sardines
en particulier).
------Le
poisson n'est pas la seule production intéressante de la côte
algérienne : il faut aussi citer les mollusques et les crustacés,
qui pourraient faire l'objet d'une très sérieuse exportation.
Quant à la pêche du corail, pratiquée sur la côte
orientale, qui fut de tout temps très importante, elle est actuellement
en régression marquée, car la mode n'est plus au bijou de
corail; elle rapporte tout au plus, maintenant, 1 million de francs.
------La pêche
rapporte à l'Algérie, du seul fait des exportations, une
quarantaine de millions par an. C'est encore peu de chose quand on envisage
les immenses possibilités qui lui sont offertes par une mer généreuse,
riche en produits variés. Mais il ne faut pas oublier qu'elle était
inexistante il y a cent ans, que la côte algérienne ne possédait
pas, et n'avait jamais possédé, comme les côtes des
autres pays, une population maritime aimant la mer et habituée
à la pêche. Cette population, il a fallu la créer
de toutes pièces, il a fallu l'éduquer, l'équiper.
Les résultats obtenus en quelques années sont, on le voit,
remarquables : 4 à 5.000 pêcheurs, 2.000 ouvriers employés
dans les industries de transformation, l'approvisionnement de l'Algérie
assuré en poisson, et une exportation de 40 millions de francs.
Ils sont le plus sûr garant de l'avenir.
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