INTRODUCTION
LE MILIEU
Géographie
et climat de l'Algérie
------Il
serait assez difficile de parler des productions de l'Algérie sans
donner avant tout un aperçu de sa position géographique,
de sa structure et de son climat. C'est nettement un pays agricole; ce
qui, jusqu'à présent, constitue la principale richesse de
l'Algérie, ce sont les produits du sol, végétaux
ou animaux, qui fournissent plus des neuf dixièmes des ressources
de l'exportation. Or, l'agriculture, dans tout pays, relève de
la latitude, de l'altitude, de la température et de la distribution
des pluies. Méconnaître la géographie de l'Algérie
serait donc méconnaître les raisons qui influent sur sa production,
sur son développement économique et sur sa prospérité
actuelle.
------Lorsqu'ayant
quitté la côte française de la Provence, du Languedoc
ou du Roussillon, on traverse la Méditerranée du Nord au
Sud, on se trouve, après un jour de mer, en face d'une côte
abrupte, élevée; des hauteurs, souvent de véritables
montagnes, dominent de très près le rivage, s'avançant
parfois jusque dans les flots, masquant à peine, à l'arrière-plan,
d'autres hauteurs, d'autres montagnes, tout un horizon de pics et sommets
: c'est l'Algérie. A 800 km de France - la distance de Paris à
Marseille - on aborde la côte septentrionale d'Afrique.
------Entre
la Méditerranée au Nord, le Sahara au Sud, le Maroc à
l'Ouest, la Tunisie à l'Est, l'Algérie forme un vaste quadrilatère
large de 1.100 kilomètres, profond tout au plus de 5 à 700
kilomètres, limité par les 38° et 35° de latitude
Nord et les 8° et 12° de longitude Est. Par sa latitude, elle
est un pays tempéré chaud. Par sa façade méditerranéenne,
elle subit les bienfaisantes influences marines, qui contrebalancent plus
ou moins les influences desséchantes du Sahara. Autre influence
encore, celle de son altitude élevée.
------C'est
en effet un pays de hautes terres, un pays de montagnes, même, mais
de montagnes peu élevées dans l'ensemble, dépassant
à peine 1.200 à 1.500 mètres en moyenne au-dessus
du niveau de la mer, avec des points culminants de 2.300 mètres,
et reposant sur 'un socle élevé de 6 à 800 mètres.
------De ces
dénivellations de 6 à 700 mètres, le paysage algérien,
dans son ensemble, paraît, pour un pays montagneux, d'assez médiocre
allure : ces hauteurs, qui, par leur forme, leur structure générale,
font figure de montagnes, constituent tout au plus, comparées au
paysage environnant, des collines élevées. Paysage de plateaux,
plutôt que paysage de montagnes.
------Pour
le géographe, le système montagneux de l'Algérie
se réduit à fort peu de chose : deux massifs presque parallèles,
courant du Sud-Ouest vers le Nord-Est, séparés par des dépressions
plus ou moins accentuées; au Nord, la Méditerranée,
au Sud, le Sahara. Comme écrivait Elisée Reclus en parlant
du relief algérien : " On dirait
des vagues qui se succèdent au bord d'une plage. "
------Au Nord,
courant parallèlement à la côte,
l'Atlas Tellien; composé de trois chaînes, elles
aussi parallèles, il forme, avec la zône littoralienne et
les dépressions qui les séparent, le Tell, région
de cultures et de forêts.
------Au Sud,
l'Atlas Saharien, bourrelet montagneux, séparation naturelle
entre l'Algérie septentrionale et le Sahara.
------Entre
les deux Atlas, une région d'altitude élevée - 800
mètres en moyenne, parfois 1.000, au relief peu accentué,
les Hauts Plateaux.
------Au Sud
de l'Atlas Saharien, en contrebas des Hauts-Plateaux, le
Sahara.
------Le
climat de l'Algérie présente dans l'ensemble les mêmes
caractéristiques, qui en font un climat nettement méditerranéen.
On ne saurait diviser l'année en quatre saisons, comme en France
: printemps, été, automne et hiver. On ne constate à
vrai dire que deux grandes saisons : la saison des pluies, qui coïncide
avec la saison froide, commençant en octobre et se prolongeant
jusqu'en avril ; la saison sèche, ou saison chaude, débutant
en avril ou en mai et se terminant en septembre, parfois dans le courant
d'octobre. Un hiver, plus froid et humide en décembre et janvier,
un été, plus chaud et plus sec en juillet et en août;
presque pas de saisons intermédiaires. Un autre caractère
domine, qui donne une physionomie toute particulière au climat
algérien : l'extrême irrégularité du régime
des pluies, qui fait que l'agriculture, en certaines années, malheureusement
fréquentes, souffre grandement du manque d'eau et voit ses récoltes
fortement diminuées.
Mais des variations s'observent d'une région à l'autre,
que l'on aille du Nord au Sud ou de l'Est 'à l'Ouest. La latitude,
l'altitude, la proximité de la mer ou du désert, sont autant
de facteurs qui influent sur le climat. Ces variations, nous les examinerons
séparément pour chacune des régions naturelles de
l'Algérie.
------LE
TELL. - L'Atlas Tellien se compose, avons-nous
dit, de trois chaînes de montagnes.
------La
chaîne littoralienne commence à l'Ouest
d'Oran, finit près de la frontière tunisienne, dominant
les côtes dans toute sa longueur. Elle peut se diviser en deux portions
à l'Ouest d'Alger, son altitude est faible, elle n'est constituée
que de vallonnements, avec, de temps à autre, de brusques ressauts
: ce sont les Sahels et le Dahra. A l'Est d'Alger, les Kabylies sont des
massifs élevés, de véritables montagnes.
------La
chaîne axiale débute à la frontière
marocaine, borde d'abord, à l'Ouest, le littoral, puis devient
une chaîne intérieure qui se prolonge en Tunisie. Le terrain
est accidenté, l'altitude moyenne est élevée, le
climat relativement rude.
------Enfin,
une dernière chaîne au Sud, la chaîne
intérieure, constitue en quelque sorte la limite du Tell
et des HautsPlateaux. Chaîne discontinue d'ailleurs, présentant
par endroits des coupures de grande longueur, particulièrement
dans le département d'Alger.
------Entre
ces chaînes de l'Atlas tellien s'ouvrent des dépressions
de même orientation
------Entre
la chaîne littorale et la chaîne axiale, la dépression
sublittorale commence par la plaine d'Oran et se termine à
Bougie avec la vallée de l'Oued Sahel.
------La
dépression médiane s'étend
au Sud de la chaîne axiale : depuis le bassin de la Tafna à
l'Ouest, jusqu'au bassin de Guelma, à l'Est.
------Le Tell
est donc une région montagneuse, dont l'altitude moyenne s'accroît
du Nord au Sud, de la mer jusqu'aux Hauts-Plateaux. Il n'a guère,
dans sa plus grande largeur, que cent cinquante kilomètres, sur
une longueur de onze cents kilomètres.
------Au point de
vue climatérique, le Tell bénéficie de l'influence
de la Méditerranée : c'est en quelque sorte le prolongement
de la Provence - dont il présente, en certains points, bien des
aspects -, de la côte méditerranéenne de l'Espagne,
de l'Italie. Ce n'est pas encore l'Afrique, c'est la réplique de
l'Europe méridionale, avec plis de chaleur et plus de lumière.
Mêmes cultures, même flore, même faune, avec, en plus,
quelques représentants de la flore et de la faune africaines. Zone
de transition, mais plus européenne qu'africaine.
------Mais, en tant que région naturelle
bien délimitée, elle ne présenté pas partout
les mêmes caractères. Sur la côte, par exemple, on
ne rencontrera pas, de l'Ouest à l'Est, une similitude absolue
: Nemours, le port le plus occidental, est à peu près sous
la même latitude que Biskra, porte du désert à l'Est.
Aussi concevra-t-on aisément que, de l'Est à l'Ouest, les
pluies décroissent progressivement; que la température s'abaisse
d'Ouest en Est; que, par voie de conséquence, les cultures, la
flore soient quelque peu différentes de l'orient à l'occident.
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------Du Nord au
Sud, mêmes remarques : plus on s'éloigne de la côte,
plus les pluies deviennent rares, plus le climat se fait rude : la côte
est humide, tempérée, ni trop chaude ni trop froide ; les
abords des Hauts-Plateaux sont secs, chauds à l'extrême en
été, froids en hiver. Les cultures sont de moins en moins
riches : primeurs sur la côte, donnant plusieurs récoltes
par an, céréales dans le Sud, donnant des récoltes
variables à l'excès.
------Mais, de l'Ouest
à l'Est ou du Nord au Sud, les différences ne sont pas à
ce point sensibles que l'on ne se sente pas dans la même région
naturelle. Où que l'on soit, à Guelma ou à Oran,
à Tlemcen ou à Médéa, c'est toujours le Tell,
la région des cultures, la région de l'arbre. Ce ne sont,
d'un point à un autre, que des transitions assez faibles.
------LES
HAUTS-PLATEAUX. - De transition en transition, cependant,
une fois franchie la chaîne intérieure de l'Atlas Tellien,
on est parvenu sur les Hauts-Plateaux. Transition un peu brusque peut-être
: alors que les versants septentrionaux de la chaîne intérieure
procèdent du Tell, se couvrant de cultures et de forêts,
la ligne des crêtes dépassée, les versants méridionaux
relèvent nettement des Hauts-Plateaux et de leur désolation
; leurs flancs sont dénudés . ou couverts d'une maigre végétation
de broussailles ou d'herbes. Et devant soi, à perte de vue, s'étend
la steppe, d'une excessive platitude ou à peine mouvementée.
------C'est
le pays du mouton, le pays de l'alfa, le pays par excellence du nomadisme.
------L'altitude
est élevée, atteignant par endroits 1300 mètres,
se relevant progressivement du centre vers les bords. Pas ou peu de communication
avec la mer : les eaux de ruissellement s'amoncèlent au centre,
dans de vastes cuvettes, ou chotts, qui se dessèchent en été
et se recouvrent alors d'une couche épaisse de sel.
------Le climat
est fonction de l'altitude et de la situation géographique : en
ces régions élevées d'un millier de mètres,
soustraites, par l'écran montagneux du Tell, à l' influence
marine, subissant celle du Sahara, il a un caractère nettement
continental : étés très chauds, hivers froids souvent
à l'excès, pluies rares et faibles, très irrégulières,
permettant à peine la culture, ne nourrissant qu'une maigre flore.
------Mais,
comme dans le Tell, la latitude, qui croît d'Ouest en Est, joue
aussi son rôle. Sur les Hauts-Plateaux Oranais,' rien que des touffes
d'alfa, de drinn ou d'armoise blanche; il pleut à peine ; les seules
ressources du pays sont la cueillette de l'alfa et l'élevage du
mouton par les tribus nomades. Les Hauts-Plateaux d'Alger sont déjà
moins désolés ; quelques cultures, rares d'ailleurs, se
rencontrent le long des oueds. Enfin, les Hauts-Plateaux Constantinois
possèdent un climat beaucoup moins rude et plus humide rla culture
y est possible et apporte un précieux appoint aux ressources de
la population ; et puis - et cela n'est' ,pas négligeable - d'importants
gisements phosphatiers permettent d'entretenir une nombreuse main-d'oeuvre
------L'ATLAS
SAHARIEN. - Au Sud, un dernier bourrelet montagneux
borde les Hauts Plateaux : c'est l'Atlas Saharien, succession de massifs
orientés sud-ouest-nordest et se rapprochant peu à peu,
d'Ouest en Est, de l'Atlas Tellien. Ces montagnes ne sont pas sans ressources
naturelles : les pluies, plus abondantes que sur les HautsPlateaux - car
les crêtes arrêtent les nuages - permettent d'établir
des cultures, entretiennent des pâturages, et font naître
des peuplements forestiers.
------A perte
de vue, la steppe, plate, nue. Quelques rares touffes d'herbe nourrissent
les troupeaux des tribus nomades. Paysage de désolation, qui annonce
déjà le Sahara.
------LE
SAHARA. - Après cette barrière montagneuse,
une brusque dénivellation nous conduit dans le Sahara .On n'est
là qu'à quelques centaines de mètres d"altitude,
parfois même au-dessous du niveau de la mer. De grandes étendues
désolées couvertes, dans les fonds humides (les dayas),
d'une maigre végétation ; tantôt des dunes de sable,
aux formes mouvantes (ce sont les erg), tantôt de vastes plateaux
rocheux (les hammada) ; par places, partout où l'eau affleure on
se trouve 'à une faible profondeur, des îlots de verdure
où croissent, sous l'ombre des palmeraies, Je riches cultures (les
oasis) ; dans les bas-fonds, des chotts. Tels sont les multiples aspects
du Sahara.
------Un climat
extrême le caractérise : la pluie y est rare - il se passe
souvent plusieurs années sans qu'il tombe une goutte d'eau, - et
les variations de températures sont telles qu'en 24 heures il arrive
de noter, à l'ombre, des différences de 30 à 40°.
Et, fréquemment, un vent brûlant, soulevant des tempêtes
de sable, souffle sur ces immenses étendues.
------Il ne
faudrait pas croire, d'après ce tableau, que le Sahara n'est qu'un
vaste espace stérile. Les oasis sont en premier lieu une preuve
du contraire, puisque leurs palmeraies fournissent aux tribus nomades
une abondante provende de dattes, dont il est expédié, en
outre, d'énormes quantités dans le Tell, et jusque sur les
marchés extérieurs les plus lointains. Et puis, lorsqu'il
a plu, on voit le sol du désert se couvrir rapidement de végétation,
de pâturages dont profitent les troupeaux ; et si la pluie a été
suffisante, le:: indigènes ensemencent en céréales
les dayas. Enfin, il ne faut pas oublier que le Sahara algérien
possède une population de plus de 500.000 habitants, nomades ou
sédentaires, qui échangent avec le Tell leurs produits -
dattes, moutons, peaux, laines, etc... - contre les céréales,
les cotonnades, les produits manufacturés dont ils ont besoin.
------Le Sahara,
d'ailleurs, n'a pas dit son dernier mot : son sous-sol est encore inexploré
: peut-être réservera-t-il des surprises. N'a-t-on pas découvert
récemment à Kenadsa, dans le Sud-Oranais, un gisement de
houille qui, actuellement, est en pleine exploitation ?
------Cette
esquisse de l'orographie algérienne fait apparaître un trait
excessivement particulier du pays : la division en bandes longitudinales
parallèles à la mer, divisées ellesmêmes en
zônes bien distinctes et sans cohésion.
------Ces
zônes n'ont. presque pas de communications entre elles ; chacune
possède une vie propre et n'a, avec les autres, que fort peu de
rapports. C'est pourquoi l'Algérie n'a pas de centre d'attraction.
Alger, au point de vue économique, ne commande pas plus Oran que
Constantine chaque ville est un centre pour sa région.
------On conçoit
que, dans ces conditions, la pénétration de l'Algérie
ait été lente et difficile. D'une région à
l'autre, en effet, il n'existe que peu de voies de communication naturelles.
Encore ne s'agit-il, la plupart du temps, que de quelques vallées
étroites, coupures formées dans les montagnes par les rivières
coulant du Sud au Nord et cherchant à se frayer un passage jusqu'à
la mer. Ces vallées, qui sont souvent de simples gorges ou des-
canons, les routes, les lignes de chemins de fer les ont, empruntées
pour passer d'une bande à l'autre. Mais routes et voies ferrées
sont pour la plupart parallèles à la mer et suivent les
dépressions telliennes ; partout où cela a été
possible, des voies de pénétration ont relié le Sud
à la côte ; ces voies sont peu nombreuses, mais la structure
du pays ne permettait pas de faire mieux.
------Telles qu'elles
sont, cependant, elles assurent une liaison suffisante entre les différentes
régions naturelles de l'Algérie. N'est-ce pas un des principaux
mérites de la colonisation française de s'être efforcée,
dans la mesure du possible, de corriger les défauts de cette structure
et de créer de l'unité là où la nature n'avait
mis que de la diversité?
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