LES LIAISONS TERRESTRES
EN ALGÉRIE
Les routes
------Le
réseau routier de l'Algérie est en totalité l'oeuvre
des Français. Il n'existait au moment de
la prise d'Alger que deux routes carrossables reliant la ville à
Fort l'Empereur et aux jardins du Dey à quelques kilomètres
; la circulation à travers le pays, qui était d'ailleurs
très réduite, se faisait par des pistes dépourvues
de tout entretien.
------Les
premières routes ont été tracées et construites
par le Service du Génie Militaire, à mesure que s'étendait
notre occupation, donc assez lentement dans les débuts. Dix ans
après la conquête elles s'étendaient sur 350 kilomètres
s,,ulement.
------De grosses
dépenses ont été engagées depuis le début
du xxe siècle pour l'entretien et le développement du réseau
routier qui sont particulièrement coûteux, parce que le terrain
est presque partout accidenté et que de fréquentes pluies
d'orages ravinent les chaussées et détériorent les
ouvrages d'art. Des emprunts spéciaux contractés en 1902
et en 1908 lui ont apporté respectivement 50 millions et 175 millions
de francs. Délaissé pendant la Grande Guerre et les premières
années de paix, il est maintenant l'objet des préoccupations
du Gouvernement général qui lui consacre des sommes importantes
: plus de 60 millions de francs ont été dépensés
en 1928 et les crédits de l'année 1929 représentaient
un montant à peu près égal.
------On compte
actuellement plus de 25.000 kilomètres de routes dont 5.000 kilomètres
de routes nationales et 20.000 kilomètres de routes départementales,
de chemins de grande communication et de chemins vicinaux et ruraux. Les
routes nationales sont constituées par des artères principales,
notamment celle qui va de la frontière tunisienne à la frontière
marocaine en passant par Constantine et Alger, et les voies de pénétration
qui descendent jusqu'à Biskra et jusqu'à Laghouat.
------La circulation
sur les routes d'Algérie a toujours été très
active, inférieure toutefois à celle de la France ; elle
est devenue très importante depuis les progrès de l'automobile.
Il y a actuellement en Algérie environ 50.000 automobiles (nombre
qui s'accroît de 5 à 6.000. unités annuellement),
soit une proportion de 9 automobiles pour 1.000 habitants en tenant compte
de la population totale, et de 1 automobile pour 16 habitants si l'on
ne considère que les habitants européens français
ou étrangers. Il faut y ajouter plus de 6.000 camions industriels
et 600 autobus. Ces derniers assurent des transports réguliers
de voyageurs sur 20.000 kilomètres de lignes fixes : ce sont des
services publics effectués par des voitures de grand modèle
rr contenant jusqu'à 50 personnes, sur des parcours que la voie
ferrée ne dessert pas et dont les indigènes sont des clients
assidus, comme ceux de Sidi-Bel-Abbès à Wagram sur 130 kilomètres,
d'Alger à Bou-Saada sur 250 kilomètres et de Bou-Saada à
Djelfa sur 110 kilomètres ; ce sont aussi les circuits touristiques
exploités par les deux compagnies de chemins de fer, la Compagnie
Générale Transatlantique et d'autres entreprises et qui
connaissent une faveur de jour en jour plus grande.
------Le problème
technique de l'entretien des routes soumises à la charge de ces
grosses voitures lourdement chargées, notamment dans les sections
voisines des grands centres, a été résolu, ou est
en voie de résolution, par l'emploi des .procédés
efficaces mais très onéreux qui sont pratiqués sur
les routes de la Métropole. Déjà 140 kilomètres
de routes à grand trafic ont été pavées, ou
recouvertes de béton à liant de bitume ou à liant
hydraulique, et on a prévu dans les plus récents programmes
de faire bénéficier de cette protection 240 kilomètres
nouveaux. Pour les sections de routes de circulation moyenne des goudronnages
ou ~, bitumages superficiels ont été effectués sur
1.000 kilomètres sur 4.000 kilomètres prévus. Quant
aux sections de faible
circulation, elles sont entretenues par des empierrements ordinaires.
------Depuis
les raids fameux dont personne n'a perdu le souvenir, l'automobile est
devenue un moyen de transport courant à travers le Sahara. La nature
lui offrait d'ailleurs des chemins d'un accès facile. Sauf sur
certains parcours où il a fallu tracer de véritables routes
qui nécessitent un entretien permanent, partout ailleurs les automobiles
circulent sur des pistes désertiques, planes et dépourvues
d'obstacles, où le seul aménagement a consisté dans
la pose de repères de direction; elles formeront dès l'année
1930 un réseau complet où les voitures pourront rouler à
une vitesse moyenne de 50 kilomètres à l'heure. Les touristes
fréquentent déjà en grand nombre les sections des
circuits Nord-Africains qui relient entre elles les oasis sahariennes
usqu'à Timimoun. Les services d'autres entreprises privées
touchent régulièrement le Hoggar. La traversée du
Sahara usqu'à Gao sur le Niger est assurée pour les voyageurs
et une petite quantité de marchandises par la Compagnie Générale
Transsaharienne dont les automobiles effectuent le trajet en quelques
jours ; cette ligne va être prolongée incessamment vers Tombouctou
et Bamako d'une part, et d'autre part vers Niamey et Zinder en direction
du Lac Tchad.
Les
P. T. T.
------La
Poste. - Pendant les vingt premières années de
notre occupation, les services de la Poste furent assurés en Algérie
par la Trésorerie de l'Armée. Les correspondances traversaient
la Méditerranée sur les navires de la Marine de l'Etat qui
transportaient également quelques passagers civils. En 1860, la
Poste fut séparée des services de l'Armée et confiée
au Gouvernement général de l'Algérie, puis, vingt
ans après, rattachée à l'Administration métropolitaine.
Mais la colonie était trop éloignée de Paris et elle
avait des besoins trop particuliers pour que ce système d'étroite
dépendance pût donner de bons résultats. Aussi revint-on
en 1896 au principe d'une administration indépendante : les services
des Postes auxquels avaient été adjoints ceux du Télégraphe
en 1878 et des Téléphones en 1889,
furent placés sous l'autorité du Gouverneur général.
Cette,' organisation a été remaniée depuis par divers
décrets qui ont renforcé une autonomie à peu près
complète.
------L'exploitation
postale s'est développée d'une façon constante à
mesure que s'étendaient l'occupation et la colonisation. Le nombre
des établissements et bureaux de postes de tous ordres s'élève
actuellement pour toute l'Algérie à 683 ; ils suffisent
à assurer le bon fonctionnement des divers services. Le nombre
des correspondances transportées a presque doublé depuis
15 ans ; il a passé de 49 millions en 1914 à 89 millions
en 1926.
------Le service
des articles d'argent fonctionne depuis l'origine de la même façon
qu'en France. Celui des mandats s'est beaucoup développé,
car, outre les Européens, les indigènes en usent très,
volontiers ; ils sont également dé gros clients des mandats
télégraphiques malgré leur prix élevé.
En 1914, le nombre des mandats émis et payés était
. de 4.750.000 d'un montant de 890 millions de francs; pour l'année
1928, ce nombre s'est élevé à plus de 7 millions,
représentant un montant de 11 milliards et demi de francs.
------Le service
des chèques postaux est en exploitation depuis le début
de l'année 1921. Il fonctionne selon les mêmes modalités
qu'en France ; les opérations des comptes de toute l'Algérie
sont centralisées dans un bureau spécial établi à
Alger. Le public algérien, principalement le commerce, après
avoir accueilli avec faveur la création du chèque postal,
lui accorde une confiance toujours grandissante comme en témoignent
les chiffres suivants le nombre des comptes ouverts a passé de
2.152 en 1921 à 6.671 en 1925 et à 11.547 en 1928; à
la fin de l'année 1929, le nombre de 13.000 comptes sera vraisemblablement
dépassé. En 1928, l'avoir global de ces comptes représentait
82 millions de francs au lieu de 10 millions en 1921 ; en 1928 également,
165.000 opérations sur chèques postaux étaient effectuées
(deux fois plus qu'en 1923).
------De même
qu'en France, l'Administration des P. T. T. d'Algérie gère
la Caisse Nationale d'Epargne qui compte trois succursales à Alger,
Constantine et Oran. Elle est chargée également de quelques
services financiers (paiement des pensions des retraités et mutilés
de guerre, paiement des coupons de rente, etc...) ; elle est chargée
aussi de la vente du timbre fiscal, de la délivrance des acquits
pour les vins et pour la circulation des blés.
------Les
relations postales avec la France sont assurées contractuellement
par trois Compagnies de navigation, la Compagnie Générale
Transatlantique, la Société de Transports Maritimes et la
Compagnie de Navigation Mixte, qui ont des courriers réguliers
entre Marseille et Port-Vendres, d'une part, Oran, Alger et Philippeville,
d'autre part. Les navires les plus rapides accomplissent le trajet de
Marseille à Alger en 25 heures. Les correspondances peuvent également
emprunter le service d'hydravions de la Compagnie Générale
Aéropostale qui a lieu quotidiennement - sauf le lundi - entre
Marseille et Alger en cinq heures environ ; il est doublé depuis
le mois d'avril 1928 par une seconde ligne aérienne reliant une
fois par semaine Antibes, Ajaccio, Bône et Tunis dans un temps sensiblement
égal. Pour mettre en relations directes et rapides l'Algérie
et le Maroc, on étudie actuellement un trajet aérien d'Alger
à Casablanca avec escale à Oran .
------Le
Télégraphe. - Lorsque les armées
françaises s'emparèrent d'Alger, le télégraphe
à bras inventé par Chappe et qui consistait en la transmission
de signaux mécaniques répétés de postes en
postes, fonctionnait déjà régulièrement à
travers la France depuis plus de trente ans. Il fut installé à
Alger en 1842 pour les besoins de l'Administration militaire ; des lignes
de postes furent créées d'libord vers le Sud, puis vers
l'Ouest où les opérations militaires étaient les
plus actives. Douze ans après son apparition, il comprenait un
réseau de près de 1.500 kilomètres.
------Les
premières lignes de télégraphe électrique
furent installées à partir de 1854, d'Oran à Mostaganem
(76 kilomètres), d'Alger à Médéa (90 kilomètres),
de Constantine à Philippeville (83 kilomètres). En 1878,
le service du Télégraphe fusionna avec le service de la
Poste depuis cette époque, les deux exploitations se sont développées
parallèlement. Tous les bureaux de poste sont maintenant pourvus
du télégraphe. Les bureaux de première importance
utilisent l'appareil Baudot, les autres l'appareil Morse. Dans les territoires
du Sud, les fils télégraphiques ne desservent que les oasis
septentrionales, Colomb-Béchar, Ghardaïa, Ouargla ; quelques
autres, situées plus au Sud, sont reliées à l'Algérie
et entre elles ,par la télégraphie sans fil.
------Le
premier câble sous-marin reliant la France et l'Algérie fut
immergé en 1861 entre Alger et Port-Vendres, mais il ne fonctionna
que deux années. Les premières communications régulières
datent de la pose du câble de Bône-Marseille, mis en service
le l07 août 1870 et exploité actuellement par une compagnie
anglaise, l'Eastern Telegraph. Depuis, six autres câbles furent
posés par l'Administration française, quatre entre Marseille
et Alger (en 1871, 1879, 1888 et 1913), le cinquième entre Marseille
et Oran (1892), le dernier entre Marseille et Philippeville (1925). Tous
ces câbles sont pourvus de l'appareil imprimeur Baudot-Picard ;
de plus, depuis 1923, le système Duplex permet d'utiliser chacun
d'eux simultanément dans les deux sens.
------La progression
du nombre de télégrammes échangés par les
bureaux algériens peut donner une idée de l'importance et
du développement du trafic télégraphique en Algérie
------5.717.000
télégrammes en 1900;
------11.054.000
en 1911;
------11.854.000
- en 1922.
------Enfin,
13.154.000 télégrammes en 1928, dont ------7.000.000
intérieurs;
------4.500.000
franco-algériens ;
------1.650.000
internationaux.
------Il faut
retenir que le service télégraphique de presse est particulièrement
important puisqu'il donne lieu à un échange quotidien de
plus de 90.000 mots.
------Le
Téléphone. - Le service téléphonique
fut d'abord concédé en 1882 à une Compagnie privée,
la Société Générale des Téléphones,
qui installa et exploita pendant sept ans les réseaux d'Oran et
d'Alger; en 1889, il fut pris en charge par l'Administration des P. T.
T
------Depuis
cette époque, les progrès de l'exploitation ont suivi une
marche constamment ascendante. Si l'on considère les statistiques
des années 1900, 1910, 1920, 1928, on constate que la longueur
des lignes a passé de 469 kilomètres à 11.600, à
21.750 et à 94.400 pour 1928; le nombre des circuits de 21 à
236, à 347 et à 807 pour 1928; le nombre d'abonnés
de 735 à 4.650, à 10.900 et à 22:600 pour 1928, dont
la moitié dans le département d'Alger; enfin, le nombre
de communications entre abonnés s'est e evé pour 1928 à
41.900.000 et celui des communications interurbaines à 17.900.000.
Dans les territoires du Sud, les lignes téléphoniques ne
descendent pas au delà de ColombPéchar, Ghardaïa et
Ouargla.
------Le service
des téléphones en Algérie, en dépit de son
développement, est resté bien au-dessous de la progression
très accélérée des besoins. Cette situation,
a sérieusement préoccupé le Gouvernement Général
qui s'efforce de doter Algérie de moyens de communications en rapport
avec sa prospérité grandissante. Sur sa proposition les
Assemblées Financières ont adopté un vaste programme
de transformations du réseau téléphonique dont l'exécution
est commencée. Il comporte principalement l'amélioration
de l'outillage et des circuits. L'outillage manuel sera partout remplacé
par l'automatique, dans les campagnes aussi bien que dans les villes.
Un câble téléphonique souterrain sera installé
de la frontière du Maroc à celle de la Tunisie, passant
par Oran, Alger et Constantine ; on espère achever sa pose en 1931.
Enfin, on envisage le renforcement et l'augmentation des voies secondaires,
perpendiculaires à la grande artère centrale que constituera
ce câble. Après exécution de ce programme, la longueur
des circuits interurbains qui est de 22.270 kilomètres actuellement
sera portée à 100.000 kilomètres environ, dont 35.000
kilomètres aériens et 65.000 souterrains.
------La
T. S. F. et la Radio-Diffusion. - L'Algérie est très
en retard sur la France, et même sur la plupart de nos colonies,
au point de vue des liaisons radiotélégraphiques, Il existe
bien à Fort-de-l'Eau, dans la baie d'Alger,' une station côtière
établie dès 1907, mais son rôle est limité.à
la transmission aux navires en mer des messages privés,, De plus,
quatorze des principaux centres militaires des Territoires du Sud, qu'il
eût été trop coûteux de relier par les lignes
télégraphiques et téléphoniques, ont été
dotés de stations radiotélégraphiques, mais elles
sont réservées en principe aux communications administratives
et militaires et leur rayon d'action ne dépasse pas les confins
du Sahara.
------Cependant
l'Algérie possédera bientôt de puissantes stations
qui la mettront en relation directe avec la France, les colonies voisines
et les pays étrangers : on compte mettre en service dans le courant
de l'année 1930 trois stations de réception dont on achève
l'installation à Oran, Alger et Constantine; chacune de ces trois
villes doit être ensuite dotée, de 1930 à 1932, d'une
station émettrice; celle d'Alger sera également utilisée
pour les transmissions radioté'légraphiques. Ces nouvelles
installations munies des appareils les plus modernes, contribueront au
développement et à l'amélioration des communications
télégraphiques ; elles soulageront les services des câbles
sous-marins qui ont à faire face à un très important
trafic.
------La radio-diffusion
offre en Algérie un intérêt tout particulier : elle
peut être un auxiliaire précieux de notre oeuvre de colonisation
en répandant partout et par une action directe les idées
françaises dans la langue indigène Il existe à Alger
un poste de radio-diffusion établi il y a quelques années,
mais sa puissance est de 1.200/1.500 watts-antenne seulement et sa portée
ne dépasse pas 500 kilomètres. Mais il sera bientôt
remplacé par un nouveau poste d'une puissance de 12.000 watts-antenne
et d'une puissance de 2.000 à 3.000 kilomètres qui vient
d'être construit à l'occasion du centenaire à dix-huit
kilomètres d'Alger, près de la gare des Eucalyptus. Dans
les programmes de ces émissions, il sera fait une large part à
des causeries et à des conférences en français et
en arabe sur l'agriculture, le commerce, le cours des marchés,
la bourse et toutes sortes de sujets d'ordre pratique intéressant
les indigènes comme les Européens.
Les
chemins de fer
(voir
aussi la page "transports")
------Le
réseau des chemins de fer algériens n'a pas été
créé selon un plan préétabli, mais par tronçons,
à mesure que notre colonisation fécondait le sol et faisait
naître la richesse sur ses pas. Presque partout la construction
des voies ferrées s'est effectuée lentement et elle a été
très onéreuse ; particulièrement les régions
montagneuses qui oocccupent la plus grande partie du pays, et où
il n'est pas rare de voir des lignes comporter des rampes de 25 et des
courbes d'un rayon de 200, ont nécessité des travaux d'art
et de terrassement importants.
------Le premier
programme de chemin de fer fut dressé en 1857. La première
ligne, celle d'Alger à Blida, fut mise en exploitation en 1862;
les deux suivantes, celle d'Alger à Oran et celle de Philippeville
à Constantine, en 1871. La réalisation d'un second programme
établi en 1879, et comprenant entre autres la ligne d'Alger à
Constantine ouverte en 1886, augmenta de plus de 2.000 kilomètres
la longueur du réseau. Après 1890 la construction des voies
ferrées subit un ralentissement. Elle a repris depuis l'établissement
d'un troisième programme dont l'exécution retardée
par la guerre ne sera achevée qu'en 1930 ajoutant enore 830 kilomètres
de lignes.
------La longueur
totale du réseau s'élève actuellement à 4
800 kilomètres y compris les 440 kilomètres de lignes de
chemins de fer d'intérêt local qui ont été
il y a peu de temps incorporées aux lignes d'intérêt
général. On doit y ajouter une centaine de kilomètres
de chemins de fer industriels et 127 kilomètres de tramways. Pour
la superficie des trois départements algériens (575.000
kilomètres carrés) et leur population (5 millions d'habitants)
ces chiffres accusent une très faible densité de voies ferrées.
------L'exploitation
des lignes a été concédée par l'Administration
d'une façon assez incohérente, si bien qu'en 1900 elle se
trouvait entre les mains de cinq compagnies. Mais la Compagnie de chemins
de fer Algériens de l'Etat ayant incorporé en 1900 le réseau
de la Compagnie Franco-Algérienne, en 1908 celui de la Compagnie
de l'Est Algérien et en 1915 celui de la Compagnie Bône-Guelma,
est seule maintenant à exploiter les voies ferrées algériennes
avec la Compagnie P.-L.-M. La distribution des lignes entre ces deux compagnies
fixée par la loi du 11 décembre 1922 n'est pas encore tout
à fait parfaite, car les deux réseaux s'enchevêtrent
sur certains points dans le département d'Oran. La Compagnie dés
chemins de fer Algériens exploite sous le régime de la régie
directe les trois-quarts environ de la totalité des lignes (3.500
kilomètres) dans les trois. départements. A la Compagnie
P. L. M. est affermé le reste (1.250 kilomètres de lignes)
dans les départements d'Alger et d'Oran. La coordination nécessaire
entre ces deux Administrations est assurée par deux organismes
placés auprès du Gouverneur général, le Conseil
Supérieur des chemins de fer Algériens composé de
délégués financiers, de conseillers généraux,
de représentants des Chambres de Commerce, et .le Comité
de 'Direction constitué par les directeurs des Compagnies et n.
commissaire du Gouvernement général ; ces deux organismes
délibèrent ' et se prononcent sur toutes les uestions techniques,
commerciales et financières intéressant les deux compagnies
; c'est à ceux qu'il appartient entre autres de modifier les tarifs.
------Considéré
dans son ensemble le réseau des voies ferrées d'Algérie
se trouve constitué essentiellement par quatre groupes de lignes
------Une ligne longitudinale principale,
parallèle à la côte, unissant les trois " capitales
" Oran, Alger et Constantine, et se raccordant de part et d'autre
aux réseaux marocain et tunisien, tronçon médian
de la grande voie ferrée rnpériale de l'Afrique du Nord
qui soude nos trois domaines de Casablanca à Tunis ;
------Une
ligne longitudinale parallèle à la précédente,
existant en partie à l'ouest de Sidi-Bel-Abbès à
Tiaret et Trumelet, à l'est d'Ouled-Rahmoun à. Tébessa
et qui serait achevée par le raccord Trumelet, Boghari, Aumale
;
------Des
lignes transversales desservant vers,le nord les ports importances
très diverses, La Calte, Bône, Philippeville, ougie, Dellys,
Cherchell, Ténès, Mostaganem, Arzew, Béni-Saf, et
d'autre part descendant vers le sud jusqu'aux Hauts-Plateaux ;
------Trois
lignes de pénétration poussées par chacun des
départements vers le Sahara, à l'est celle de Biskra et
de Touggourt, à l'ouest celle de Colomb-Béchar, au centre
celle de Djelfa qui sera bientôt prolongée jusqu'à
Laghouat.
------Cette
apparente harmonie des voies ferrées algériennes ne doit
pas faire oublier le grave inconvénient qui résulte de leurs
largeurs différentes de voies. La ligne principale Est-Ouest, et
quelques autres, au total 2.050 kilomètres ont été
établies à voie normale de 1 mètre 44. Sur elles
viennent se raccorder des lignes appartenant non pas à un,
mais. à deux types de voie étroite : la voie de 1 mètre
utilisée sur 747 kilomètres dans le département de
Constantine, notamment par la ligne de Biskra à Touggourt et celle
qui doit se raccorder prochainement au réseau tunisien établi
sur la même largeur ; la
voie de 1 mètre 055 qu'on ne retrouve nulle part ailleurs
en Algérie et sur laquelle sont établis 1.980 kilomètres
de lignes, entre autres celles qui aboutissent à Colomb-Béchar
et à Laghouat. Ces diversités de voies entraînent
des transbordements qui retardent les transports et les grèvent
de frais supplémentaires.
------Les
produits de l'agriculture constituent la part la plus importante du trafic
marchandises des chemins de fer algériens. Viennent ensuite les
minerais de fer exploités dans les trois départements et
qui sont transportés aux ports de Bône, Bougie, Alger, et
les phosphates l'une des principales richesses du département de
Constantine dont Bougie, et surtout Bône sont les ports d'embarquement
habituels.
------Le nombre
des voyageurs européens et indigènes empruntant les voies
ferrées algériennes a augmenté ces dernières
années dans une proportion très sensible ; parmi ce voyageurs
européens on compte une bonne part des touristes qui visitent les
monuments et, les sites pittoresques du pays. Il est à remarquer
que le développement des transports automobiles dont les circuits
doublent ou complètent les voies ferrées, loin d'amener
une diminution du nombre des touristes sur les chemins de fer, l'a fait
au contraire augmenter; ainsi la propagande que l'on a si brillamment
menée en faveur des services automobiles a profité aux deux
modes de transport à la fois.
------D'ailleurs
des efforts très méritoires ont été faits
par es compagnies de chemin de fer pour rendre les voyages plus pratiques
et plus agréables. Les principales lignes ont été
dotées d'un matériel moderne, de wagons à boggies,
avec chauffage à la vapeur et éclairage électrique,
de wagons-lits et de wagons-restaurants. Les services ont été
multipliés et améliorés : le train de nuit d'Alger
à Constantine qui faisait le trajet trois fois par semaine seulement
en 16 heures est devenu quotidien et il ne met plus que 2 heures. Le train
hebdomadaire d'Oran à Colomb-Béchar est devenu tri-hebdomadaire.
Celui de Biskra à Touggourt qui fonctionnait tous les deux jours
est devenu quotidien.
------Le matériel
des trains de marchandises est également en voie d'amélioration
: sur l'ancien réseau Bône-Guelma par exemple, on a mis en
service, pour le transport des minerais, des wagons spéciaux de
grande capacité constituant des rames d'un tonnage brut de 720
tonnes qui, dans un avenir prochain, dépassera 1.000 tonnes.
------Les
recettes totales des chemins de fer algériens se sont levées
en 1928, à 324 millions de francs, dont 87 millions pour les voyageurs,
212 millions pour la petite vitesse et 5 millions pour la grande vitesse,
accusant un accroissement global de 31 millions sur l'année 1926.
------Depuis
la guerre l'exploitation n'a pas cessé d'être déficitaire,
mais on constate d'année en année une réelle amélioration
: le déficit qui atteignait 78 millons en 1921, a été
réduit à 10 millions en 1927 : on espère donc revenir
bientôt à une exploitation bénéficiaire
peut-être aussi favorable qu'à certaines années d'avant-guerre
(en 1913 les bénéfices nets s'étaient élevés
à plus de 17 millions). Il faut voir la cause de cette situation
dans la politique suivie par les Délégations Financières
qui n'ont pas voulu augmenter les tarifs en proportion de la dépréciation
du franc; les tarifs actuels représentent en effet les tarifs d'avant-guerre
affectés des coefficients 4 pour les voyageurs et 3,25 pour les
marchandises, donc inférieurs à ceux qui devraient être
justement appliqués.
------L'Algérie
est encore loin de posséder un réseau de voies ferrées
capable de desservir avec facilité ces contrées dont la
richesse se développe prodigieusement et d'en éveiller d'autres
'à la vie économique. Mais elle travaille chaque jour à
le parfaire. Il reste encore à construire ou à achever des
lignes prévues au programme de 1907 représentant des dépenses
faites ou à faire, évaluées à 500 millions
de francs. De plus, un nouveau programme établi en 1920 doit accroître
la longueur du réseau existant de 1.300 kilomètres, c'est-à-dire
de plus du quart, pour une dépense eJimée aux prix actuels
à environ 1 milliard 400 millions de francs. Tous les avant-propos
et toutes les enquêtes de ces futures lignes sont achevés,
et sur quelques-unes les travaux sont commencés. Parmi les plus
importantes au point de vue de leur longueur ou de leur intérêt
économique il convient de mentionner les lignes intérieures
de Sidi-Bel-Abbès à Saida et à Martimprey, de Trumelet
à Boghari, d'Orléansville à Vialar, de Batna à
Khenchela, les lignes portuaires de Sétif à Bougie, de Constantine
à Djidjelli, de Marnia à Nemours, la ligne de pénétration
saharienne de Djelfa à Laghouat dans le Sud-Algérois, enfin
celles qui doubleront la liaison ferrée avec la Tunisie (ligne
de Tébessa à KallDjerda) et d'autre part avec le Maroc (ligne
de Nemours à Oudjda).
Le
Transsaharien
------L'idée
d'un chemin de fer reliant le Niger à la côte algérienne
par le Sahara, n'est pas nouvelle. Elle a inspiré depuis soixante-dix
ans bon nombre de projets techniques très sérieusement étudiés.
Des organismes tels que le Comité National du Rail, le Comité
de l'Afrique Française, la Ligue Française, des propagandistes
animés d'une -foi agissante, comme MM. du Vivier de Streel, Pierre
Deloncle, Robert Raynaud, le général Aubier, le comte de
Fels l'ont répandue, vulgarisée, par le livre, par le journal,
parla parole. Et cependant si tout le monde en France, ou à peu
près, en a entendu parler, bien peu de gens se passionnent, comme
on doit le souhaiter, pour cette grande entreprise. Il faut que notre
opinion publique - dont on a eu malheureusement à déplorer
si souvent l'absence d'esprit colonial - se persuade qu'elle est parfaitement
réalisable, utile et même nécessaire au développement
économique de l'Afrique Française et au rayonnement de la
cause française en Afrique,
------Ce
n'est que pour honorer la mémoire des précurseurs du transsaharien
qu'il convient de citer les premiers objets conçus au cours du
siècle dernier par le chef de bataillon Hanoteau (1859), l'ingénieur
Duponchel (1879), l'ingénieur Béringer attaché à
la deuxième mission Flatters (1880); ces projets se ressentent
en effet de l'ignorance à peu près totale où l'on
était alors du Sahara ; en tout cas ils étaient prématurés,
car ils supposaient acquise la conquête de ce pays dont le point
de départ fut marqué en 1900 seulement par la prise d'In-Salah
et le succès de la mission Foureau-Lamy.
------Depuis
les premières années du xxe siècle qui virent s'achever
la pacification et l'exploration scientifique du Sahara, jusqu'aux premiers
raids automobiles qui ouvrent véritablement une nouvelle période
de son histoire (1922), or. ne compte pas moins de cinq projets importants
qui démontrent la possibilité de plusieurs itinéraires
: le projet de M. Souleyre (1907) propose un tracé par l'Est, de
Biskra jusqu'à Bourem sur le Niger et de là deux embranchements,
l'un vers le centre de la boucle du Niger, l'autre vers le lac Tchad ;
le projet de la Société d'Etudes constituée en 1911
sous l'inspiration de M. André Berthelot se prononce. après
les deux missions de M. Maitre-Devallon et du capitaine, aujourd'hui général
Niéger, pour un tracé par l'Ouest, de Ras-El-Ma au Niger
par le Sud-Oranais, Colomb-Béchar et la Saoura; en 1915, le capitaine
Provotelle étudie un tracé par Ouargla et Timassinin, c'est-à-dire
par l'Est; puis en 1917 M. Sabatier, ancien député d'Oran,
et en 1921 M Fontaneilles, ancien directeur des chemins de fer au Ministère
des Travaux publics, reprennent le tracé du projet de la Société
d'Etudes par le Sud-Oranais en y apportant quelques correctifs.
------Jusqu'alors
les pouvoirs publics n'étaient intervenus dans les travaux de nos
ingénieurs et de nos officiers que pour faciliter leur tâche
; il semblait que la question du transsaharien leur parût une affaire
privée à laquelle ils devaient rester étrangers.
Mais trois ans après la fin de la guerre on les voit entrer en
scène. Le Conseil Supérieur de la Défense Nationale,
lorsqu'il eut à étudier l'organisation nouvelle de la France
au point de vue militaire, n'eut garde de négliger le précieux
appoint que les troupes soudanaises pourraient encore une. fois apporter
à la défense du sol métropolitain et celui plus précieux
encore,que représentent les matières grasses produites par
l'A. O. F. Le transport de ces troupes et de ces matières s'étant
avéré pendant la guerre lent et peu sûr par de la
voie de mer, il chargea M. Albert Mahieu, alors Secrétaire général
du ministère des Travaux publics, de lui présenter ur rapport
sur l'établissement d'une voie ferrée transsaharienne. Ce
rapport, soumis d'abord à une commission, présidée
par le général Mangin, fut adopté à l'unanimité
par le Conseil au mois de juin 1923.
------Sur
la demande du Conseil, le Ministère des Travaux publics entama
des pourparlers avec divers groupements privés disposés
à entreprendre la construction de ce chemin de fer. Mais alors
on fit remarquer qu'il était préférable, avant tout
octroi de concession, de faire un choix impartial parmi les tracés
et les modes de traction proposés. La Commission d'Etudes du Conseil
de la Défense Nationale se rallia à cet avis et émit
le voeu que fussent entreprises des études objectives et tout à
fait désintéressées (octobre 1924). Malheureusement
la situation politique et financière causait au gouvernement des
soucis autrement graves et impérieux ; aussi la question, qui paraissait
alors en bonne voie, fut-elle ajournée à des temps meilleurs.
------Cependant
depuis deux ans déjà, les résultats obtenus par l'automobile
au Sahara lui avaient fait faire de très sérieux progrès.
Personne en France n'a oublié, pour en avoir ressenti une grande
fierté patriotique, la première traversée effectuée
en quinze jours de Touggourt à Bourem par les autos-chenilles de
la mission Haardt et Audouin-Dubreuil, puis les raids accomplis les années
suivantes par les missions Estienne, Gradis et par l'expédition
Citroën " Centre Afrique ". Ces beaux exploits ont été
plus et mieux que des prouesses sportives, de véritables voyages
d'études qui ont préparé les voies des transports
automobiles, mais aussi du chemin de fer transsaharien.
------C'est
en 1926 que la question du transsaharien délaissée depuis
deux ans revint à l'ordre du jour. Les Algériens avaient
compris son intérêt, non, pas seulement pour le supplément
de trafic dont bénéficieront leurs voies ferrées
et leurs ports, mais aussi comme le seul moyen de développer la
prospérité du Soudan. Au cours de l'année 1926 trois
missions économiques organisées par le Gouvernement général
et les Chambres de Commerce
d 'Alger, d'Oran et de Constantine, traversèrent le Sahara en automobile
en suivant trois itinéraires différents ; elles rapportèrent
de leur voyage une foi nouvelle dans l'utilité de cette entreprise.
Par ailleurs les partisans du transsaharien émirent à cette
époque l'idée d'utiliser une part des prestations en nature
dues par l'Allemagne en vertu du plan Dawes, pour couvrir une partie des
frais d'établissement.
------Les propagandistes
multipliaient leurs efforts. Des comités parlementaires étaient
créés au Sénat et à la Chambre. Le ministère
des Travaux publics fut saisi au début de l'année 1927 par
M. de Warren, député de Meurthe-et-Moselle, d'une demande
de crédit en faveur d'une société d'études
à.constituer. Le gouvernement se décida enfiui à
l'action. Il fit voter, le 7 juillet 1928, la création d'un Organisme
d'Etudes du chemin de fer transsaharien doté d'un crédit
de onze millions et demi à fournir par les Gouvernements de l'Afrique
du Nord et de l'A. O. F. et par les grands réseaux français.
La direction de cet organisme fut confiée à M. Maitre-Devallon
qui s'était déjà fait connaître par de remarquables
études sur la question. A côté de l'organisme d'études
fut constituée également une Commission consultative présidée
par M. Steeg. Chargé d'étudier objectivement et en toute
impartialité les possibilités et les conditions de réalisation
de cette voie ferrée aux points de vue technique, économique,
, administratif et financier, il a complété et précisé
les données des études antérieures, à l'aide
des rapports de missions envoyées sur place et des enquêtes
faites auprès des Administrations et groupements susceptibles de'
le renseigner.
------L'organisme
d'études vient de faire connaître ses conclusions. Elles
ont été adoptées à l'unanimité par
la Commission consultative. Il est donc permis de dire que la préface
du Transsaharien est terminée et que l'on peut, quand Gouvernement
et Parlement le voudront, passer à l'exécution de l'ouvrage
lui-même.
------Les
partisans du Transsaharien n'avaient pas seulement à combattre
ceux qui contestaient radicalement la possibilité et l'utilité
du transsaharien en mettant en avant les difficultés de la construction,
de l'exploitation et de la main d'oeuvre, et en s'efforçant de
prouver la disproportion du coût avec l'importance des résultats.
Il leur fallut également lutter contre cette opinion assez répandue
que la liaison Niger-Algérie serait réalisée beaucoup
moins onéreusement, peut-être même avec de plus grands
profits, par les transports automobiles. Il est vrai qu'à la période
héroïque des grands raids a succédé l'exploitation
régulière des lignes automobiles: des entreprises privées,
comme la Compagnie Générale Transsaharienne, ont créé
des services qui fonctionnent parfaitement; on va maintenant d'Oran à
Bourem sur le Niger en six jours et dans des voitures très confortables.
Mais il faut bien se garder de croire que cette exploitation développée
et multipliée puisse jouer le rôle du chemin de fer. Il ne
s'agit pas, en créant un chemin de fer, de transporter des touristes,
mais de mettre en valeur a vallée du Niger, par suite de créer
un exutoire rapide et à grand débit des richesses que peut
produire cette région. L'automobile a, en effet, une faible capacité
de transport, réduite encore par les besoins de son propre ravitaillement
en essence et en accessoires. De plus, l'entretien d'une route saharienne,
soumise à l'usure répétée de poids lourds
et de ravitaillements en essence importants, entraînerait des frais
considérables, plus élevés que ceux d'un chemin de
fer.
------Bref,
une exploitation automobile serait très coûteuse et les marchandises
transportées subiraient des frets prohibitifs ; on en aura une
idée en apprenant que le transport de marchandises par automobile
du Niger à la côte méditerranéenne revient
actuellement à 6.000 francs la tonne.
------En aucun pays
l'automobile n'a pu ni ne pourra remplacer le chemin de fer. Transporter
un petit nombre de personnes, du courrier, des marchandises de haut prix
pouvant supporter un fret élevé, voilà le rôle
limité d'auxiliaire qui lui est dévolu et qu'elle aura à
jouer aux côtés d'un chemin de fer transsaharien :,on imagine
qu'elle desservira les points écartés de la voie ferme,
comme des affluents alimentent le cours d'eau principal.
------Cette
objection subsidiaire écartée, l'exécution de ce
chemin de fer est-elle possible ? Le grand désert accepterat-il
que le rail lui fasse une nouvelle violence ?
------Tous les Français
savent maintenant, et surtout depuis les grands raids automobiles, que
le Sahara n'est pas une mer infinie de sables mouvants. S'il est vrai
que, dans la région des ergs, l'accumulation
et le déplacement des sables s'opposent à l'installation
et à la conservation d'une voie ferrée, des lits d'oueds
desséchés, des hamadas, étendues très planes
au sol dur et parsemé de cailloux, à travers les massifs
montagneux des seuils bas, offre au rail au moins trois passages faciles,
l'on pourrait même dire tout préparés.
------Considérant
la carte des itinéraires proposés pour le tracé du
transsaharien, on constate qu'ils se confond t au point d'arrivée,
le sommet de la boucle du Niger, m is qu'ils sortent d'Algérie
pour suivre ces trois passages, n trois branches dont chacune prend son
origine dans un d trois, départements algériens : le tracé
occidental ou Sud-Oranais se raccorde au réseau à voies
normal existant à Bou-Arfa en territoire marocain ; elle passe
pa Colomb-Béchar, Béni-Abbès, suit la vallée
de la Saour que sa suite ininterrompue d'oasis a fait surnommer "
la rue des palmiers " jusqu'à Adrar, puis de Reggan descend
droit au Sud à travers les solitudes désolées du
Tanezrouft, atteint l'Adrar des Iforas, touche Tabenkort, puis s'incline
vers le sud-ouest pour aboutir à Tosaye sur le Niger ; trajet total
de 2.000 kilomètres environ de BouArfa à Tosaye.
------Le tracé
oriental, ou du Sud Constantinois, prend son origine non pas à
Touggourt desservi par une ligne de voie étroite, mais à
Biskra : il passe par Ouargla, traverse le gr Erg Oriental par le passage
du Gassi-Touil, emprunte le cours de l'Igharghar, contourne le massif
du Hoggar à l'ouest après avoir franchi le seuil de Tenou
à 900 mètres d'altitude, traverse l'angle oriental du Tanezrouft
et rejoint le tracé occidental à Tabenkort, après
avoir contourné par le sud l'Adrar des Iforas, au total, de Biskra
au Niger, un trajet de 2.600 kilomètres environ.
------Le tracé
central, ou du Sud-Algérois, part d'Affreville, vasae par Djelfa,
Laghouat, Ghardaïa, El-Goléa, et rejoint le tracé occidental
soit à Adrar, soit à Reggan, au total jusqu'au Niger un
parcours de 2.400 kilomètres environ.
------Parvenue
à Aïn-Tassit, la voie ferrée formera une patte d'oie
dont la branche occidentale longeant la rive gauche du fleuve arriverait
devant Ségou, ou bien restant sur la rive gauche elle remontera
le cours du fleuve jusqu'à Ségou. Elle pourra un jour être
raccordée aux chemins de fer de nos colonies de l'Ouest africain.
------Un embranchement,
se détachant de la ligne principale à Ain-Tassit et se dirigeant
vers le Sud-Est, atteindrait Niamey, capitale de la jeune et florissante
colonie du Niger. Des esprits plus hardis imaginent son prolongement vers
le Tchad et même vers les bassins de l'Oubangui et du Congo; ils
voient le rail se reliant par le Congo belge aux chemins de fer de l'Afrique
du Sud. Ainsi notre transsaharien constituerait un des tronçons
d'un nouveau Transafricain, qui unirait les trois plus beaux domaines
coloniaux du continent noir et mettrait Paris à cinq jours du Tchad,
Bruxelles à dix jours d'Elisabethville, Londres à quinze
jours du Cap.
------Mais
pour revenir à des conceptions d'une réalisation moins lointaine,
où doit aboutir vers le Nord cette voie ferrée ? Quel port
algérien bénéficiera principalement de son trafic
? Ce sera bien entendu le port du département où la ligne
prendra son origine. C'est pourquoi chacun des trois départements
a défendu avec tant de chaleur le tracé qui le favorise.
Depuis quelque temps cette rivalité n'opposait plus guère
que les Oranais et les Algérois.
------Les Algérois
font valoir que ce tracé franchit des régions entièrement
pacifiées ; il réduit de beaucoup la traversée désertique
du Tanezrouft ; il longe la région du Hoggar qui offre quelques
possibilités agricoles, est moins privé d'eau que le reste
du Sahara et jouit d'un climat moins rude. Son aboutissant, le port d'Alger,
pourra, grâce au développement incessant de son outillage,
faire face à tout moment à un supplément de trafic.
------A quoi
les Oranais répliquent que le tracé occidental a l'avantage
d'être le plus court; il traverse, en suivant la vallée de
la Souara, un chapelet ininterrompu de riches oasis; pour ce qui est de
l'insécurité des confins du Tafilelt, elle se borne à
quelques actes de banditisme isolés dont on aura facilement raison
si l'on veut bien utiliser les moyens énergiques qui ont fait leurs
preuves partout ailleurs. L'aboutissement de ce tracé, le port
d'Oran, s'est développé d'une façon telle qu'en 1928
il a dépassé le port d'Alger sous le rapport du nombre et
du tonnage des navires entrés et du poids des marchandises manutentionnées.
Il est capable d'absorber un trafic beaucoup plus important par lui-même
et par les ports voisins qui constituent le groupe portuaire oranais,
à l'Est Arzew et Mostaganem, à l'Ouest Béni-Saf et
Nemours. Ce dernier port serait, nous le rappelons, l'aboutissant d'une
des variantes du tracé occidental, celle qui se raccorderait à
la ligne en construction de Oudjda à Bou-Arfa. Il faut
ajouter enfin, au bénéfice du tracé oranais, qu'il
a été recommandé par le Conseil Supérieur
de a Défense Nationale, comme offrant le plus de sécurité
en cas
d'hostilités, pour le transport en France des troupes noires.
------Le tableau
suivant établi par Maître Devallon nous paraît très
nettement poser - et trancher la question des tracés
itinéraires
|
Longueur
kilométriqueKm
|
Prix de construction
en millions
|
Durée de construction
|
Tracé
occidental:
Bou-Arfa, Reggan, In-Tassit. |
1.912
|
3.190
|
8
|
Tracé
central:
Affreville, Laghouat,
Fort Miribel, Reggan, In-Tassit |
2.550
|
4,190
|
15
|
.Tracé
oriental:
Biskra, Touggourt,
Ouargla, Amguid, Oued Tamanrasset, puits d'Anefis, In-Tassit. |
2.488
|
,4.060
|
10
|
La
majoration de prix et de durée des travaux pour les deux derniers
tracés s'explique moins par la longueur plus grande des tracés
que par la nécessité d'exécuter des travaux d'art
difficiles dans les montagnes que devraient traverser ces deux tracés. |
----- Qu'ils se recommandent pour telles raisons
ou pour telles autres, ces divers tracés, loin de présenter
des difficultés à l'établissement d'une voie ferrée,
semblent au contraire nous avoir été offerts par la nature.
Les dunes de sable pourront être partout évitées;
de plus les " hamadas ", plaines uniformes dépourvues
de tout accident de terrain, les lits de oueds, et sur le tracé
oriental les seuils franchissant les contreforts du Hoggar, permettront
des alignements directs, des courbes à grands rayons et de très
faibles déclivités ne dépassant pas 5 m/m par mètre;
peu de travaux de terrassement et d'ouvrages d'art.
------Le ballast
sera constitué par les cailloux qu'on trouvera partout sur place
; on emploiera des types spéciaux de traverses et de rails pouvant
résister à l'action des grandes chaleurs et aux brusques
changements de température et qui ont fait leurs preuves sur d'autres
lignes désertiques.
------On
a calculé que, grâce à ces conditions très
favorables our ces travaux d'infrastructure et de superstructure, en employant
8.000 ouvriers, la vitesse d'avancement du transsaharien serait de 70
kilomètres par mois ; c'est donc dans un délai de 3 à
4 ans que le rail pourrait unir la côte algérienne au Niger,
et de 5 à 6 ans si l'on compte les deux prolongements In Tassit-Segou
et In Tassit-Niamey. Ces délais sont comptés en admettant
que l'on ne travaille pas pendant les mois de l'année les plus
chauds. En posant 8 années au total les ingénieurs de l'organisme
d'études se sont donc montrés extrêmement prudents.
------Le ravitaillement
en eau, dans un pays dépourvu de cours d'eau et où il ne
pleut presque jamais, a été pendant longtemps un problème
difficile - d'aucuns disaient impossible - à résoudre. On
a proposé autrefois d'établir parallèlement à
la voie une conduite amenant l'eau du Niger à tous les points de
ravitaillement. Cette idée doit être maintenant résolument
écartée. Il existe en effet, à proximité des
lignes proposées, des sources et des puits artésiens capables
de fournir le volume d'eau nécessaire à l'alimentation des
hommes et aux besoins de la traction.
------Ces
besoins seraient considérables si on mettait en service des locomotives
à vapeur alimentées par du charbon. Mais on a songé
à utiliser des machines génératrices d'électricité,
équipées de moteurs Diesel, dont l'alimentation se fait
par le mazout ou des huiles végétales et qui sont utilisées
couramment par certains pays étrangers et même en Tunisie.
Elles ont ce double avantage sur la locomotive à vapeur de consommer
une quantité d'eau infime et un poids de combustible environ douze
fois moindre. Un tender attelé à une motrice de ce genre
pourrait transporter la totalité du combustible et de l'eau nécessaires
à la traversée du Sahara. Au surplus, il n'est pas sans
intérêt de souligner que les produits oléagineux qu'il
sera aisé de recueillir au Soudan, fourniront en abondance et à
un prix très économique les huiles végétales
consommées par ces machines.
------Après
avoir montré que le transsaharien est une oeuvre parfaitement réalisable,
il nous reste à prouver son utilité. Utile, il l'est à
un triple point de vue, politique, militaire et économique.
------Notre empire
colonial africain se compose de trois masses de colonies, l'Afrique du
Nord, l'Afrique Occidentale l'Afrique Equatoriale, que la nature a isolées
les unes de autres. De plus, si la première est, grâce à
sa proximité, en relations étroites avec la Métropole,
les deux autres n'ont de rapport avec elle que par la voie trop lente
de l'Océan et leur arrière-pays est tributaire jusqu'à
leurs côtes de voies ferrées rares et de très médiocre
capacité.
------Beaucoup
a été fait déjà, par la T. S. F., l'automobile
et l'avion pour améliorer cette liaison; mais, quoi qu'on ait dit,
ces moyens resteront, seraient-ils multipliés, insuffisants à
l'assurer parfaitement. Seul un chemin de fer " impérial "
unissant l'Algérie au Niger, le Niger au Tchad, le Tchad à
l'Oubangui, cimentera nos domaines épars et sera l'instrument définitif
de notre colonisation en Afrique.
------En faveur
de son utilité au point de vue militaire, faut-il rappeler que
le Conseil Supérieur de la Défense Nationale a jugé
qu'il était nécessaire pour nous apporter, en cas de guerre,
dans les meilleures conditions de sécurité et de rapidité,
les ressources du Centre-Afrique que la voie maritime de l'Océan
ne peut nous fournir sans grand danger et qu'avec parcimonie ? Et il ne
s'agit pas seulement de l'appoint de nos bataillons noirs dont on n'a
pas oublié l'aide précieuse; il faut surtout compter sur
les matières premières (oléagineux, coton, etc...)
qu'utiliseraient nos industries de guerre.
------Les
considérations qui précèdent devraient être
tenues pour suffisantes par une opinion publique soucieuse de l'unité
de son empire colonial et de la défense de son sol. Elles sont
cependant appuyées et renforcées par celles qu'on fait valoir
au point de vue économique.
------Le Niger
est comparable au Nil par l'abondance de ses eaux et la périodicité
de ses crues. Le Soudan Français qu'il arrose sur plus de 2.000
kilomètres de long en formant une large boucle, dont le sommet
touche aux confins du Sahara, n'attend plus que notre intervention bienfaisante
pour nous donner 60 millions d'hectares de terres cultivées et
devenir ainsi une nouvelle Egypte.
------Les
essais qui ont été tentés dans diverses stations
pour développer et améliorer l'élevage et certaines
cultures tropicales, le coton notamment, ont donné des résultats
tout à fait encourageants. Toutefois la mise en valeur du Soudan
reste subordonnée à plusieurs conditions. Il nous faudra
tout d'abord accomplir les grands travaux hydrauliques qui régulariseront
l'action des crues et permettront l'irrigation vies contrées sèches.
Déjà dans ce sens le gouvernement a réalisé
un des premiers éléments d'un vaste programme, en faisant
construire le barrage de Sotuba que M. Maginot, ministre des Colonies,
inaugurait au printemps de Fannée 1929, et en ouvrant dans la région
de Sansanding, sous la haute direction de M. Belime, de vastes chantiers
de travaux qui rendront au Macina son ancienne prospérité.
------Il faudra
en même temps résoudre le problème de la main-d'oeuvre,
problème grave qui se pose également avec acuité
dans nos autres colonies de l'Afrique Occidentale et de l'Afrique Equatoriale.
Pour ne parler que du bassin du Niger, on a établi que ce territoire
de 2.500.000 kilomètres, ne comptait pas plus de 5 millions d'indigènes,
population très clairsemée dans laquelle la mortalité
infantile et la maladie font des ravages considérables. Aura-t-on
dans dix ans, dans vingt ans la main-d'oeuvre voulue pour assurer l'exploitation
de cultures aussi étendues ? Le mal n'est pas sans remède.
Une vigilante politique sanitaire, dont on a déjà constaté
les résultats bienfaisants dans quelques centres d'essais, doit
enrayer la mortalité et accroître la population. Mais ce
n'est pas tout; l'indigène produit à peine ce dont il a
besoin pour vivre au jour le our et ses besoins sont infimes. Si l'on
veut obtenir de lui un travail qui rapporte, il faut s'efforcer par des
mesures appropriées de le fixer à la terre comme un colon
et lui inspirer l'amour de la propriété et l'esprit de prévoyance.
------Au reste
les ouvriers agricoles algériens pourront fournir un appoint considérable
à la main-d'oeuvre soudanaise. Il se trouve en effet que la période
active des cultures soudanaises correspond à une suspension des
travaux agricoles dans le Tell algérien et vice-versa. Le transsaharien
transportera chaque année vers le Niger un important contingent
de chômeurs algériens. Et plus tard lorsque la main-d'oeuvre
sera reconstituée, il amènera en Algérie chaque année
des chômeurs soudanais.
------Le Colonel
Abadie qui connaît mieux que personne les possibilités économiques
du bassin du Niger, a dressé un inventaire des productions agricoles
et pastorales que le Soudan serait en mesure de fournir dix ans après
l'ouverture du transsaharien, lorsque seront réalisées les
conditions indispensables à sa mise en valeur ; on y cultivera
sur des milliers d'hectares le mil, les arachides, le riz, le coton et
le cheptel multiplié et amélioré produira en grande
quantité la laine et les peaux. Défalcation faite des fortes
quantités qui seront retenues pour la consommation locale, c'est
tout de même 300.000 tonnes de marchandises que le transsaharien
exportera vers l'Algérie et vers la France.
------Le transsaharien
ne sera pas seulement alimenté par ce trafic de marchandises du
Sud au Nord (auquel on n'a pu ajouter celui que pourrait un jour fournir
l'embranchement du Niger au Tchad et au delà, difficilement estimable
à l'heure actuelle). Du Nord au Sud le transsaharien transportera
un tonnage de marchandises sensiblement égal : les produits algériens
et métropolitains nécessaires à la vie économique
du Soudan, outillage industriel, matériaux de construction, les
divers objets manufacturés (cotonnades, quincaillerie), les produits
d'épicerie et de droguerie que les indigènes ne manqueront
pas d'acheter à nos comptoirs avec le produit de leur travail.
Il faut également compter sur les produits sahariens, les dattes
des oasis dont les Soudanais sont très friands, et le sel qui sera
facilement fourni par l'inépuisable montagne de sel d'El-Outaya
près de Biskra à raison de 60.000 tonnes annuellement, quantité
nécessaire à l'alimentation de toute l'Afrique Occidentale.
------Le trafic
des voyageurs sera constitué par les colons, les commerçants,
les fonctionnaires et, en grand nombre certainement, les touristes, enfin
les ouvriers agricoles qui viendront faire les récoltes alternativement
en Algérie et au Soudan.,
------Qu'on
ne nous objecte pas que marchandises et voyageurs auraient encore intérêt
à utiliser, depuis le Niger jusqu'à la Métropole,
la voie actuelle qui comporte un trajet en chemin de fer de Koulikoro
à Dakar et un trajet maritime de Dakar à Bordeaux. La nouvelle
voie directe par le transsaharien, puis par bateau d'un port algérien
à Marseille, aura sur l'autre un double avantage : elle sera, à
considérer les tarifs proposés, beaucoup moins chère
; elle sera en outre plus rapide : pour les voyageurs, le trajet s'effectuera
' en quatre jours au lieu de trois semaines par Dakar, le Thiès
Niger et le fleuve Il faut remarquer que cette comparaison est faite dans
une hypothèse, à savoir que le chemin de fer Koulikoro,
Bamako, Kayes, Dakar puisse prendre en charge ce trafic supplémentaire,
ce qui n'est pas. Cette ligne établie à voie unique d'un
mètre, à rails légers, dans un pays montagneux à
rampes fortes, sur laquelle circulent des trains composés d'un
petit nombre de wagons, n'a qu'une capacité de transport limitée
qui déjà maintenant n'arrive même pas, aux saisons
des grandes récoltes, à assurer l'évacuation des
produits de l'arrière-pays et souffre d'embouteillages très
préjudiciables aux intérêts de nos exportateurs. C'est
un état de choses déplorable dont l'Administration se préoccupe
sérieusement; mais de son avis, il n'y aurait de remède
à ce mal que dans une réfection presque complète
de la ligne.
------La leçon
que nous donne ce chemin de fer, comme ceux d"ailleurs de nos autres
colonies africaines, ne doit pas être perdue. Pour le transsaharien
et ses prolongements on doit voir grand et voir loin, et pour cela abandonner
toute idée de voie étroite et prendre pour base la voie
normale, celle des longs parcours et des gros trafics, dût-il en
coûter davantage comme frais de premier établissement.
------Si l'on
fait le compte raisonné de tous les éléments de trafic
du transsaharien, on arrive à cette conclusion que, dix ans après
la mise en service, et en admettant, bien entendu, que le Soudan produise,
grâce à son apport, les fruits que la terre est prête
à nous donner, l'exploitation sera bénéficiaire de
telle sorte que, les frais de toutes sortes de l'exploitation ayant été
couverts, le capital engagé pourra être largement rémunéré.
------Il ne
faut pas en effet s'exagérer l'importance du coût de la construction
du transsaharien, de ses installations diverses (gares, ateliers, etc...)
et du matériel roulant nécessaire au trafic. C'est une dépense
qui est loin d a procher des sommes astronomiques dont certains ont paré
pour essayer de démontrer l'impossibilité de l'entreprise.
Même si l'on ajoute aux frais totaux d'installation de la ligne
proprement transsaharienne, ceux de son prolongement nécessaire
en amont du Niger jusqu'à Ségou, et également ceux
de l'embranchement prévu en direction du Tchad jusqu'à Niamey
en aval du Niger, c'est une dépense de l'ordre de trois milliards
et demi ou quatre milliards.
------Lorsque
les Français se seront bien pénétrés de l'intérêt
de l'entreprise, il ne sera pas impossible de trouver cet argent dans
notre pays par la voie de l'emprunt. On faisait fond depuis quelques années
sur l'aide que les prestations en nature pourraient nous apporter, en
réduisant dans une forte proportion cette participation financière.
Malheureurement les récentes dispositions du plan Young ont diminué
leur quotité. dans une mesure telle qu'il ne nous est plus possible
de compter sur la part qui serait dévolue au transsaharien.
------L'exploitation
de la ligne restera nettement déficitaire pendant les premières
années de sa mise en service, car c'est elle-même qui créera
les éléments les plus importants dé son propre trafic.
Les évaluations les plus prudentes permettent d'assurer que, au
bout de cinq ans, lorsque seront transportés annuellement 150.000
tonnes et 5.000 voyageurs européens, les frais d'exploitation seront
couverts, et que dix ans après l'ouverture de la ligne, lorsque
le trafic se sera élevé à 500.000 tonnes et à
15.000 voyageurs européens par an, les bénéfices
de l'exploitation suffiront largement à rémunérer
le capital engagé.
------Il n'y
aura aucune folle témérité de notre part à
entreprendre cette grande uvre. Nous n'irons pas les yeux fermés
vers une inconnue redoutable et de cruelles déceptions. Les ingénieurs
qui ont étudié les détails les plus minutieux de
la construction de la ligne, les économistes qui ont chiffré
les éléments de son trafic, les hommes politiques qui ont
évalué ses profits moins pondérables mais non moins
utiles pour la cause française en Afrique, montrent en ses possibilités
et en sa réussite la plus solide confiance.
------Que
les Français de France prennent modèle sur les Français
d'Algérie. Dans ce prolongement de la Métropole
où la sagesse d'une longue expérience est vivifiée
par la hardiesse et l'audace que donne l'air des pays neufs, on se passionne
pour les projets du transsaharien, on attend avec impatience leur réalisation.
Si l'Algérie se promet d'en retirer des profits directs considérables
comme simple transitaire, ceux de la France, véritable aboutissement
et tête de ligne du transsaharien, sont à la hauteur des
plus belles espérances.
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