sur site le 13-08-2003
-Les liaisons maritimes, aériennes et terrestres de l'Algérie
Chapitre 2 : les liaisons aériennes de l'Algérie
Cahiers du Centenaire de l'Algérie, n° VIII
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LES LIAISONS AÉRIENNES DE L'ALGÉRIE

Considérations générales

-----Dès la naissance de l'Aviation, dès qu'on eut entrevu comme possibles les premières réalisations de la géniale prophétie du capitaine Ferber : " de Ville à Ville - 'de Pays à Pays - de Continent à Continent ", on a pressenti que la France africaine devait tirer un profit considérable de l'invention nouvelle. Il se confirma bien vite que, si l'Aviation pouvait rencontrer des difficultés dans les pays du Nord, elle trouverait toujours dans les, ciels ensoleillés une zone d'action de prédilection.

-----Rappelons ici, avant d'aborder l'étude des lignes existantes ou en projet, les premiers raids des pionniers de l'Air vers l'Afrique.
------ Le 23 septembre 1913, Garros réalise la première traversée de la Méditerranée.
------ Le 9 mars 1919, un avion des Lignes Latécoère (1) effectue la première liaison commerciale entre la France et le Maroc.
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- Le 24 janvier 1920, le commandant Vuillemin, le héros de l'Aviation de bombardement de la Grande Guerre (2), entreprend le. voyage en avion Paris-Alger -Tombouctou-Dakar.
------ -Le 16 octobre 1922, Pelletier d'Oisy fait (sans escale) le raid Casablanca-Tunis.
------- Du 2 décembre 1924 au 20 février 1925, l'escadrille Tulasne effectue le voyage aérien Dakar-Colomb-Béchar et retour.
------- Du 20 janvier au 10 février 1925, .le général de Goys, le colonel Vuillemin, le commandant Dagneaux, le capitaine Pelletier d'Oisy volent de Paris à Niamey (sur le Niger) par Oran et Gao.

------Et ces voyages se multiplient. C'est le lieutenant de vaisseau Bernard qui poursuit son vol jusqu'à Madagascar (1926), c'est le raid Paris-Le Cap et retour de Mauler et Baud (1928), c'est la mission d'étude de M. l'Ingénieur en Chef de l'Aéronautique Hirschauer, Sénégal-Soudan-Sahara-Algérie (novembre 1928), puis le voyage Paris-Lac Tchad, avec traversée du Sahara aller et retour de Richard, Lalouette et Cordonnier (janviermars 1929), la liaison rapide Paris-Madagascar ;aller et retour, de Bailly, Reginensi et Marsot par l'Algérie et le Sahara (novembre 1929)...

------Ayant rappelé ces hauts faits qui, au début, avaient un caractère surtout sportif, mais qui, de plus en plus, se transformaient en voyages d'étude (reconnaissances de terrains d'atterrissage, ,recherche des meilleurs itinéraires, etc.), nous allons voir maintenant les réalisations pratiques effectuées à ce jour et les développements que vont prendre d'ici peu d'années les liaisons aériennes de l'Algérie.
------Mais, au préalable, il nous paraît utile de dire quelques mots de ce qu'il faut entendre par " Ligne Aérienne ".
------En dehors des gens " du métier ", on ne se doute pas, en général, de l'effort d'organisation qu'exige un service régulier, rapide et sûr et d'un prix de revient suffisamment bas pour ne décourager ni les usagers (qu'il s'agisse deposte ou de passagers) par des tarifs excessifs, ni les actionnaires des Compagnies, par une rémunération trop faible des capitaux investis, ni l'Etat (ou les Gouvernéments généraux) par des demandes trop fortes de subventions.

------Organiser une ligne aérienne, c'est choisir un bon matériel approprié au trafic à assurer, c'est surtout savoir l'entretenir en bon état, c'est-à-dire avoir non seulement des hangars pour l'abriter, mais des services de contrôle et des ateliers de réparations pourvus d'un bon outillage et d'un personnel mécanicien de premier ordre, c'est recruter de bons pilotes - chose aisée dans un pays comme le nôtre, riche en jeunes hommes ayant le sens de l'air et la conscience de leur responsabilité, - de bons navigateurs, de bons spécialistes de T. S. F., c'est créer Yinfrastructure de la ligne ; aéroports, terrains de secours, balisage de jour et de nuit, service météorologique, service de T. S. F., de radiogoniométrie, etc., c'est prévoir les
ravitaillements erg essence, huile, etc.

------C'est, on le voit, une organisation très complexe, très délicate. La France est, dans ce domaine, au tout premier rang. Elle a des constructeurs qui ont su, après la guerre, créer des avions et hydravions commerciaux adaptés aux nécessités des Lignes et qui, actuellement, sont à l'oeuvre pour perfectionner encore, perfectionner toujours les types existants. Elle a des pilotes admirables. Elle à des organisateurs de Lignes aériennes qui ont fait leurs preuves, qu'il s'agisse de la Compagnie Air-Union (Londres-Paris-Marseille-Tunis), de la C. I. D. N. A. (Paris-Prague-VarsovieConstantinople) ou de la Compagnie générale Aéropostale (c;ui dessert les lignes d'Afrique et d'Amérique du Sud). Cette dernière est la plus importante du monde : elle exploite avec une parfaite régularité 17.000 kilomètres et en exploitera bientôt 33.000

------Terminons ces considérations générales en parlant un peu de la sécurité. Trop de gens croient encore qu'il, faut être un héros pour se confier à l'avion, trop de commerçants croient encore qu'ils courent des risques sérieux en remettant leur courrier, leurs colis-postaux à la posté aérienne. Cela tient à ce qu'ils ne voient, dans les journaux, que les récits des quelques accidents qui se produisent et qu ils ne connaissent pas les statistiques indiquant les pourcentages d'accidents par rapport au nombre de kilomètres parcourus. En 1924 : un accident par 729.000 kilomètres parcourus ! Et la sécurité, objet de toutes les recherches, de tous les perfectionnements, augmente chaque jour.
------Une preuve indiscutable de la sécurité actuelle des transports par avions est donnée par les taux d'assurances pratiqués :
------0,15 % (colis et bagages) pour un voyage en avion de 400 kilomètres.
------0,45 % (bagages) pour un voyage de même distance par chemin de fer.

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Sans doute, on n'évitera jamais le risque d'une façon totale. N'y en a-t-il pas en automobile.... et pourtant on se confie à un taxi sur les Grands Boulevards, à la voiture d'un ami sur la route de Fontainebleau. N'y en a-t-il pas en bateau, en chemin de fer, n'y en a-t-il pas... même chez soi, au coin du feu ?

------Avec l'avion, il est vrai, il s'agit d'un engin nouveau avec lequel on n'est pas encore familiarisé. On hésite encore uq peu ! Mais le sens de l'air se développe de phis en plus. Notre jeunesse regarde maintenant vers le ciel dont les hardis pionniers de la première heure - ceux-là avec de gros risques connus et héroïquement acceptés - lui ont montré le chemin. D'ici peu d'années, on prendra l'avion avec la même désinvolture qu'on prend aujourd'hui un autobus ou un bateau et il n'y aura plus, tout au moins pour les longs parcours, d'autre service postal que le service
aérien.

Ligne aérienne Marseille-Alger

------La Compagnie générale aéropostale a entrepris l'exploitation de 'la ligne Marseille-Alger, le 1er août 1928. Les premiers mois furent consacrés à l'étude méthodique du parcours, à la mise au point du matériel, à l'entraînement du personnel, au perfectionnement du service de liaison par T. S. F., condition primordiale de succès pour des transports aériens sur de telles distances au-dessus de la mer.
------Aux garanties que pouvait donner cette organisation, vint s'ajouter la possibilité d'escale aux Iles Baléares qui, admise à titre provisoire au début de l'année 1928, fut accordée définitivement à la suite de la signature, en mars de la même année, de la Convention aérienne franco-espagnole..
------De ce fait, les hydravions de la ligne Marseille-Alger ont la faculté de relâcher à mi-parcours, lorsqu'ils y sont contraints par les circonstances atmosphériques.
------Le service, d'abord tri-hebdomadaire, est devenu quotidien depuis le 1er octobre 1929.
------Dans les six derniers mois de la période de service tri-hebdomadaire, 153 traversées, représentant un total de 123.000 kilomètres, ont été effectuées avec une régularité dépassant 98 %, résultat très satisfaisant pour une période d'organisation et pour un parcours représentant la plus longue ligne aérienne du monde exploitée commercialement sur un trajet maritime (800 kilomètres).
------Plusieurs voyages ont été effectués dans des temps record allant de 3 heures 50 à 4 heures et la durée moyenne du trajet s'établit entre 4 heures et 5 heures 30.
------Dès le premier mois du fonctionnement du service
quotidien remplaçant le service tri-hebdomadaire, le fret postal a augmenté de 30 %.
------Les services rendus par l'exploitation quotidienne de la ligne ne tarderont pas à être connus et appréciés des industriels, des commerçants, des banquiers, des particuliers une lettre mise à la poste n'importe quel jour à Marseille ou à Alger le matin avant le départ de l'hydravion est distribuée à Alger ou à Marseille dans l'après-midi du même jour.(Note du webmaster : alors que maintenant, même avec un timbre "rapide", le courrier met, trop souvent, deux jours pour faire 12 km!)
------Il se produira pour la ligne Marseille-Alger, ce qui s'est produit pour la ligne France-Maroc qui, au début de son exploitation, en 1920, transportait 200.000 lettres, pour atteindre, dès 1924-1925, un chiffre moyen annuel de 6 millions de lettres et, en 1928-1929, de 8 millions de lettres. Dans la même période, le chiffre des passagers transportés annuellement est passé de 1.000 à 9.000. Les chiffres réalisés en quelques années sur la ligne FranceMaroc doivent être largement dépassés sur la ligne France-Algérie.

 

------Français de France et Français d'Algérie, aidez un pareil effort par la propagande et par l'exemple. ------Envoyez, dès maintenant, vos lettres par voie aérienne et, dès que la ligne Marseille-Alger sera ouverte au transport des passagers, prenez l'hydravion qui, en quatre heures, vous transportera au-dessus des flots bleus de la Méditerranée, et même moins de quatre heures, car nos savants constructeurs vous préparent des surprises de rapidité et de confort.

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Les services de l'Aéronautique, de leur côté, travaillent à la mise sur pied de fort intéressants projets concernant les aéroports pour hydravions de Marseille et d'Alger. On envisage notamment la création d'un lac artificiel, non loin d'Alger, à l'intérieur des terres, avec installation d'une base munie de tout l'outillage le plus moderne. Les départs et les amerrissages s'y feront dans des conditions
absolues de sécurité.

Lignes aériennes Marseille-Tunis
et France-Maroc

------Nous croyons devoir citer ici, pour compléter le tableau des liaisons aériennes de la Métropole et de l'Afrique du Nord, deux lignes qui ne desservent pas directement l'Algérie, mais qui sont appelées à la desservir indirectement, comme nous le verrons tout à l'heure
------- La ligne Marseille-Ajaccio-Tunis (Compagnie Air Union) ; service (par hydravions) tri- hebdomadaire.
------- La ligne Marseille-Toulouse-Alicante-"Tanger-Rabat-Casablanca, avec prolongement sur Dakar et l'Amérique du Sud (Compagnie Générale Aéropostale) ; service (par avions) journalier.

Lignes aériennes en projet

------On envisage de raccorder la ligne de Tunis, d'une part, la ligne du Maroc, d'autre part, à l'Algérie, de telle sorte qu'il existera une grande transversale reliant Casablanca, Fez, Oran, Alger, Bône, Tunis (le tronçon Casablanca, Fez, Oran a déjà été exploité à titre d'essai en 1927).

------Il est possible aussi qu'on rétablisse l'exploitation du tronçon Alicante-Oran (déjà exploité à titre d'essai), ce qui doublerait, en se raccordant à Alicante à la ligne FranceMaroc, les communications aériennes de l'Algérie avec la Métropole.

------Un vaste projet est à l'étude et sera réalisé dans quelques mois. Il s'agit de la liaison de l'Algérie avec l'Afrique Occidentale française, par une ligne aérienne franchissant i:: Sahara et rejoignant le Niger par Gao.
Nous avons vu plus haut (p. 20) que de nombreux voyages de reconnaissance et de préparation avaient été effectués à travers. le désert.

------On a déjà étudié les meilleurs itinéraires (on adoptera vraisemblablement l'itinéraire : Alger, Laghouat, El-Goléa, Aoulef, Piste Estienne, Gao).
------De Gao, la ligne se prolongera par Niamey, Zinder, Fort-Lamy (Lac Tchad), Bangui, Brazzaville sur le Congo français, le Congo belge, Léopoldville, Elisabethville et Madagascar.

------On prévoit ultérieurement de relier Gao à Dakar d'une part et, d'autre part à nos Colonies du Dahomey et de la Côte d'Ivoire.

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Comme nous l'avons indiqué précédemment le travail d'organisation de pareilles lignes est énorme. L'établissement d'aéroports, du balisage de jour et de
nuit, de services de T. S. F. et de radiogoniométrie, la préparation du ravitaillement en essence ete en huile, dans un pays comme le Sahara, présentent des difficultés qui auraient été presque insurmontables jusqu'à la réalisation encore lointaine, du chemin de fer transsaharien, si le développement remarquable des transports automobiles dans le désert et dans la brousse n'avait permis des réalisations qui, il y a dix ans, eussept été impossibles.

------Déjà des aéroports de secours sont établis en plein désert, déjà se construisent des postes de T. S. F. à grande puissance à Bourem et à Reggan qui complèteront les postes fonctionnant à Zinder et à Aoulef.

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OEuvre considérable, ignorée certainement de beaucoup dé Français, mais qu'il faut faire connaître, car nous avons le droit d'en être fiers.

------La France a été le berceau de l'Aviation. C'est un Français, Ader, qui a le premier volé sur un avion à moteur. C'est en France que l'aviation a marqué les progrès les plus rapides.
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Mais on a souvent dit que le Français avait le génie de l'invention et laissait trop souvent à d'autres le labeur de la mise au point pratique et les bénéfices de l'exploitation de ses idées.

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Est-ce vrai pour l'Aviation ? - Non, ce n'est pas vrai ! Il ne faut jamais que ce soit vrai !

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La France, aux temps " héroïques " de l'Aviation, a produit les meilleurs appareils, les meilleurs pilotes, a détenu presque tous les records. Pendant la guerre, elle a eu la meilleure Aviation et, chose inouïe et qu'on ne sait pas assez : alors que le pays était envahi dans ses régions industrielles les plus riches, alors que ses hommes se faisaient tuer par centaines de mille sur le champ de bataille, nous arrivions à fabriquer, en 1918, 3.000 avions et 5.000 moteurs de 300 chevaux par mois et à fournir à nos alliés anglais et américains plusieurs centaines de moteurs et de cellules par mois. Après la guerre, malgré les difficultés financières que l'on connaît, nous avons continué à travailler, nous avons perfectionné les cellules et les moteurs, réalisé de magnifiques performances, repris des records que des nations plus riches nous avaient un instant enlevés, créé une très belle aviation commerciale. N'avons-nous pas actuellement
------- l'avion commercial le plus rapide du monde en service journalier et régulier.
-------- la ligne aérienne la plus importante du monde ?

------Si, dans d'autres pays, la propagande est mieux organisée que chez nous, si le Français est parfois trop porté à ignorer eu à dénigrer son propre effort; il n'en est pas moins vrai que les faits sont là qui prouvent surabondamment la vitalité de notre industrie aéronautique.

------Elevons donc nos ambitions et notre confiance à la hauteur des possibilités largement démontrées de notre génie national, génie ailé qui semble prédestiné aux conquêtes indéfinies de l'Espace.

------Abri pour avions dans le désert Sud-Oranais
Vue prise à bord d'un avion par M. l'Ingénieur en chef de l'Aéronautique Hirschauer
------(Abri en pierre sèche, disposé en croix, de manière qu'en cas de tempête, on puisse toujours abriter les avions dans celui des quatre angles opposés à la direction du vent)

------Comme l'athlète de I'Hellade, entrons dans l'arène des compétitions, d'un pas assuré, le regard tourné vers le Ciel, sans sous-estimer la valeur de nos concurrents, mais sans crainte d'être inférieurs à notre rôle.
------Allons de l'avant, voyons grand. L'avenir de l'Aviation française est immense et particulièrement sous ce ciel de la France africaine où le XXe siècle verra l'apothéose des héros pacifiques de l'Air, comme le XXe siècle a vu le triomphe, désormais consacré, des héros du Bled : militaires et colons.


(I) La Société des Lignes Latécoère est devenue la Compagnie générale Aéropostale (voir plus loin) Latécoère a été un grand précurseur. Il a pressenti le rôle que devait jouer l'aviation commerciale dans notre empire colonial. Il a été un créateur et un organisateur de premier ordre.
(2) Actuellement colonel, commandant l'aviation d'Algérie.