LA ROUTE DE BOUGIE A DJIDJELLI
De l'avis de tous les touristes,
le département de Constantine est certainement le plus favorisé
au point de vue touristique.
Débarqué à Alger, le touriste part en auto, touche
Tizi-Ouzou et, après avoir traversé les superbes forêts
de Yacouren, arrive à Bougie, où il trouve, dans deux
excellents hôtels, le confort le plus agréable.
Bougie, accrochée au flanc du Gouraya, offre à la vue
un spectacle inoubliable. Son golfe immense, encadré des plus
hautes montagnes algériennes, en fait un site unique en son genre.
En février 1923, par une radieuse journée où le
soleil brillait de tout son éclat, la mer s'étalait comme
un grand lac d'un bleu intense. Les montagnes, couvertes de neige du
sommet presque jusqu'à la base, offraient un spectacle incomparable.
Les rayons solaires les frappant différemment coloraient la neige
de teintes roses du plus joyeux effet. Nous quittions Bougie et suivions
la route qui la relie à Djidjelli.
Du pont de la Soumam à Souk-el-Tenine s'étendent les champs
de vigne qui font notre admiration et la richesse de leurs propriétaires.
A l'oued Agrioum, la roule se sépare en deux branches : à
droite, celle qui mène aux gorges du Chabet ; à gauche,
celle que nous prenons.
Dans la plaine qui s'étend du pont de l'oued Agrioum au commencement
des grandes falaises, nous trouvons les dépôts des minerais
de fer des mines des Beni-Felkaï, exploitées par une Compagnie
anglaise.
Premier arrêt au hameau des Beni-Felkaï, où se fait,
au moyen d'un chargeur à trémie, l'embarquement du minerai.
A quelques centaines de mètres commencent les grandes falaises.
Nous devons admirer, dans sa beauté sauvage, le pays que nous
allons traverser, mais il est un juste hommage qu'il nous faut rendre
au génie français qui a su ouvrir, en quelques années,
une route admirablement entaillée dans le rocher. Pendant près
de 10 kilomètres, la route taillée en encorbellement est
couverte par la roche qui la surplombe. De nombreux tunnels ont été
percés et c'est le cur serré par l'émotion
que l'on côtoie la mer qui sommeille quelquefois au pied des roches,
mais qui, le plus souvent, se brise avec fureur en montant à
l'assaut des gros blocs qui la rejettent constamment.
Les grandes falaises sont franchies, le site est moins sauvage, des
champs cultivés, quelques arpents de vigne et nous passons sur
l'oued Ziama.
Ziama, ancien camp romain, où des remparts encore solides, coupés
de loin en loin par des tourelles, indiquent une ancienne place de guerre,
Nous arrivons au coquet village de Mansouria.
Centre nouveau, noyé dans la verdure, aimé des riches
sétifiens qui viennent s'y délasser de leurs fatigues
et goûter le plaisir de la pêche, avec juste raison, car
le poisson abonde et c'est dans les environs de Mansouria que se pèchent
par centaines de quintaux les plus beaux anchois.
Mais continuons notre route, nous approchons de la fameuse grotte de
Dar-el-Oued, justement appelée " Grotte Merveilleuse ".
Il y a quelques jours, des expériences d'éclairage électrique
ont été faites par la Maison " Renault ", l'importante
firme d'automobiles. Le spectacle était réellement merveilleux.
La vue de la grotte, éclairée par quarante lampes de cinquante
bougies, faisait songer aux contes des Mille et une Nuits.
Nous reprenons notre route aux méandres capricieux. A chaque
instant un nouveau tableau se présente à nos yeux. A un
tournant nous découvrons la grotte de Taxa, qui s'ouvre par une
grande baie sur la route. A l'entrée, un énorme rocher
couvert de mousses et de lichens semble avoir été placé
là comme un autel à sacrifice. La grotte n'offre rien
de particulier, seule la hauteur de sa voûte, est impressionnante.
Quelques centaines de mètres encore et nous voici à l'oued
Taza, petit cours d'eau qui vient se jeter à la mer, après
avoir traversé les gorges de Taza aux parois tellement verticales
qu'elles semblent avoir été ouvertes par les hommes.
La route change d'aspect, elle se faufile le long de la côte,
de nombreux tunnels l'agrémentent, les genêts, les pins
maritimes embaument l'air jusqu'à Cavallo, centre industriel,
où de nombreux carriers taillent en pavés un excellent
porphyre qui est expédié un peu partout en Algérie
et même en France. A quelques centaines de mètres du village
s'ouvre le chemin qui conduit à la maison forestière de
Guerrouch. Guerrouch, coin alpestre où poussent à profusion
tous les arbres du bassin méditerranéen, futur point climatique
où sera construit plus tard un refuge où iront se reposer,
à l'ombre des grands arbres et dans le calme de la forêt,
les sages que la nature attire.
Quittant Cavallo, nous passons devant les fermes de Montaigne, où,
grâce à la hache du défricheur, la brousse fait
place à la vigne.
Traversons le dernier tunnel de cette route unique en Algérie
et arrêtons-nous quelques instants sur le pont qui franchit l'oued
Kissir ; tournant nos regards vers la mer, nous voyons là un
petit coin plein de fraîcheur où les rives couvertes d'arbres
donnent absolument l'illusion d'un paysage de notre chère France.
Un peu plus loin, voici le phare de Raz-Afia, haut perché à
l'extrémité d'une presqu'île rocailleuse recouverte
de genêts épineux dont les fleurs d'or font songer aux
côtes de Bretagne.
Voici la forêt des Beni-Caïd, couverte de pins maritimes,
qui nous rappelle les côtes de Provence. Un jour on songera peut-être
à utiliser ce coin privilégié, abrité des
vents du Nord, où l'hiver est si doux, en y construisant des
villas, où les fatigués de la vie viendront retrouver
leurs forces dans un air vivifiant.
Un kilomètre encore et voici Djidjelli. De loin, nous apercevons
le clocher de son église s'estompant sur un ciel presque toujours
bleu. En se rapprochant, nous voyons se dresser, au-dessus des fortifications
qui semblent courir sur les montagnes environnantes, les forts de la
conquête et la tour de la vigie, vestige de l'époque romaine.
Quelques minutes encore et nous pénétrons dans la ville
sous un dôme de fraîcheur et d'ombre que donnent les immenses
platanes qui bordent les avenues.
Gentiment allongé sur le bord de la mer, Djidjelli, de construction
récente, fut commencé, ainsi qu'il a été
dit, après le tremblement de terre de 1856.
Ses larges avenues, ses rues complantées de platanes en font
un véritable nid de verdure, où la température
est agréable en toute saison. La forêt de l'oasis, traversée
par des sentiers sous bois, où toutes les fleurs sauvages poussent
à plaisir, est une des promenades les plus agréables.
La route des fermes, qui va jusqu'au petit village de Duquesne, n'a
rien à jalouser de nos plus jolis sites de la côte d'Azur.
La vigne, tout autant que les arbres fruitiers et les fleurs, en font
une promenade idéale. De temps en temps, se perdant dans la verdure
ou s'élançant vers le ciel bleu, de gentilles villas ou
de bonnes maisons de colons jettent la note gaie dans cet amas de verdure.
La plage djidjellienne, qui est magnifique, est de plus en plus fréquentée
par les estiveurs.
Dès que l'établissement balnéaire sera terminé,
cette plage n'aura rien à envier à celles de ia Métropole.
Actuellement trois routes s'offrent aux touristes pour continuer leur
randonnée
La première est celle de Djidjelli-El-Mad, passant par Duquesne
et pouvant les conduire à Constantine par la route qui mène
à Mila. S'il veut continuer le circuit touristique régional,
il prend la route de Saint-Arnaud, qui passe à Tamentout-Chevreul.
A quelques kilomètres de ce dernier village, il trouve le chemin
qui mène aux ruines de Djemila ; revenant sur ses pas, il continue
sur Saint-Arnaud et rentre à Bougie en passant par Sétif
et les superbes gorges du Chabet. ......
La seconde va de Djidjelli à Tamalous, où trois embranchements
permettent aux touristes de se rendre à Collo, Philippeville
et Constantine.
La troisième va de Djidjelli à Constantine en passant
par Siliana.