UNE INAUGURATION A BÔNE
Le 13 novembre 354, naissait
à Thagaste -aujourd'hui Souk-Ahras
- petite cité de la Numidie romaine, Aurélius
Augustinus, fils de Patricius et de Monique, cet Africain de génie
qui devait devenir évêque d'Hippone - l'ancêtre de
Bône - et que l'Eglise a consacré comme l'un de ses plus
grands docteurs puis canonisé.
Son oeuvre littéraire, qu'elle s'exprime dans cette somme philosophique
que constitue " La Cité de Dieu ", dans ses "
Confessions " ou dans les multiples sermons ou correspondances
recueillis par ses contemporains, possède une envergure telle
que son intérêt demeure, après seize siècles,
encore puissant et toujours neuf.
Déjà, au mois de mai dernier, une première manifestation,
d'ordre essentiellement intellectuel, avait réuni en Alger, de
nombreuses personnalités universitaires autour des thèmes
augustiniens. Il s'agissait du Congrès de la Société
d'histoire du Droit, qui avait choisi l'Algérie comme siège
de ses travaux. M. le Gouverneur général Roger Léonard
en avait présidé la séance inaugurale. MM. le recteur
Gau, les professeurs Mesnard, Petot et Lambert participaient au Congrès,
ainsi que nombre d'érudits français et étrangers
(des universités d'Amsterdam, de Groningue, de Bruxelles, notamment).
Les communications qui furent présentées avaient pour
sujet central : " L'importance des écrits de saint Augustin
sur l'évolution du Droit ".
Un circuit touristique, organisé
sous la conduite de M. le professeur Lambert, avait clôturé
ces journées algériennes de la Société d'histoire
du Droit.
Plus récemment, du 11 au 14 novembre, à l'occasion même
de ce seizième centenaire, se sont déroulées à
Souk-Ahras et à Bône de grandioses cérémonies.
Son Eminence le cardinal Tisserant, doyen du Sacré Collège,
était venu de France présider ces solennités augustiniennes.
De très nombreux prélats l'accompagnaient, parmi lesquels
Mgr Van Lierde, vicaire général de la Cité du Vatican,
Mgr Duval, archevêque d'Alger, Mgr Pinier, évêque
de Constantine et d'Hippone, Mgr Perrin, archevêque de Carthage,
Mgr Mercier, vicaire apostolique du Sahara, etc... Outre les visiteurs
ecclésiastiques, une foule de voyageurs, venus de toute l'Afrique
du nord, de la métropole et de l'étranger, s'était
jointe aux populations locales, apportant aux manifestations une affluence
considérable.
Ce fut d'abord, à Souk-Ahras, sur les lieux même où
naquit saint Augustin, l'émouvante cérémonie d'ordination
de deux prêtres de la Mission de France. Son Eminence le cardinal
Tisserant souligna à cette occasion les vertus de sainte Monique,
mère d'Augustin, et le rôle important qu'elle eut dans
la conversion de son fils après une turbulente jeunesse, conversion
qui devait amorcer ce destin extraordinaire. Dans la crypte de l'église
paroissiale était présentée une exposition de documentation
sur la vie du saint.
A côté des cérémonies purement religieuses
: offices, processions..., les municipalités de Souk- Ahras,
de Duzerville et de Bône, avaient tenu chacune à organiser
une réception.
A Bône, au cours d'un vin d'honneur
offert à la Mairie, M. le Dr Pantaloni, député-maire,
reçut Son Eminence le cardinal Tisserant et sa suite, entouré
de nombreuses personnalités : MM. Lejoux, sous-préfet,
Augarde, sénateur, Munck, Boutaleb, Beghain, Hocine, délégués
à l'Assemblée algérienne, etc...
Dans l'allocution qu'il prononça, le Dr Pantaloni situa saint
Augustin tant dans le cadre de son évêché que dans
l'universalité de son enseignement :
" Bône est bien la ville de saint Augustin. N'a-t-il pas
été réclamé par la population d'Hippone,
lasse du désordre des esprits et de l'anarchie oui régnait
dans son municipe ?... Il pacifie le pays qu'il contrôle et réprime
les abus. La prospérité renaît.
" Il devient rapidement l'un des pasteurs les plus écoutés
de l'Eglise d'Afrique et de l'Eglise universelle. Son oeuvre, qui a
séduit l'antiquité et le moyen-âge, nous séduit
encore parce qu'elle est profondément humaine. Nul ne peut contester
la profondeur et l'étendue de son influence sur la pensée
philosophique et religieuse de l'Occident.
" C'est le souvenir de son oeuvre que Bône conserve en honorant
tout particulièrement sa mémoire. "
A l'issue de la grande procession du dimanche, le Doyen du Sacré
Collège prononça sur le parvis de la cathédrale,
face à une foule considérable, un brillant discours consacré
à la vie du saint, à son activité littéraire
et à l'enseignement que nous a légué sa passion
de l'Unité à une époque où l'Eglise était
déchirée par les schismes.
Deux expositions organisées au Palais consulaire, sous l'égide
d'un comité franco-musulman, complétaient heureusement
ces manifestations commémoratives. La première réunissait
une importante collection de timbres à caractère religieux
: le timbre spécial de saint Augustin, récemment émis
par les P.T.T., y figurait en bonne place. La seconde était constituée
par les oeuvres du saint-écrivain : livres d'art et documents,
par des photographies et des tableaux. L'on y remarquait un plan du
quartier chrétien de Madaure, où Augustin fit ses études.
A l'admiration pour l'écrivain, à la vénération
pour le saint, ces manifestations augustiniennes ajoutaient aussi la
gratitude pour l'Africain qui aima tant ce pays, qu'il défendit
de toutes ses forces et pour lequel il donna jusqu'à sa vie.