Géographie
de l'Afrique du nord
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BOGHARI (ou Ksar el Boukhari)
Supplément sur Boghar
Boghar avant les Français est un lieu élevé qui a été fortifié pour surveiller les hautes plaines ainsi que la percée du Chélif par laquelle il est commode de passer pour pénétrer profondément dans l'Atlas tellien. Sous les Romains Boghar s'appelle
Castellum Mauritanum Après être placé en première ligne le poste du futur Boghari s'est retrouvé vers 200, sous les Sévères en seconde ligne, loin derrière les postes établis alors dans l'Atlas saharien. Mais ces postes très avancés ont dû être évacués vers 240. Boghar a tenu plus longtemps. J'ignore quand le Castellum Mauritanum a dû être
évacué à son tour ; vraisemblablement lors d'un épisode
des troubles provoqués par les Donatistes ou les Circoncellions
au IVè siècle. Je suis sûr qu'il n'y avait plus de
légionnaires en 429 lorsque les Vandales ont chassé les
Romains de la Maurétanie. De toute façon, ni les Vandales,
ni les Byzantins ne sont réapparus en ces lieux qui disparaissent
de l'histoire pour un millénaire. Ces fortins réussissaient leur mission dans la mesure où ils étendaient le bled el Makhzen (pays sûr) aux dépens des bleds es Siba (pays insoumis) ou el Baroud (pays en guerre). Sous Abd el-Kader, Boghar est occupé après 1837. Le khalifa el Berkani y établit un arsenal que, grâce au traité de la Tafna, il peut remplir avec des armes et de la poudre achetées à la France. Il n'est alors pas question que les troupes françaises pénètrent dans la province du Titteri dont la souveraineté a été reconnue à Abd el-Kader. Tout change lorsque Abd el-Kader décide le djihad à l'automne 1839. Valée fait aussitôt réoccuper, pour de bon, Médéa. Mais el Berkani continue à tenir la campagne. C'est après l'arrivée de Bugeaud au Gouvernement Général fin février 1841, que les soldats français reprennent l'offensive et pourchassent el Berkani. Cette chasse nous conduit jusqu'à Boghar en mai 1841.
En 1841 Lorsque le colonel Baraguay d'Hilliers, parti de Médéa, monte à Boghar, il ne trouve, le 23 mai, que des ruines. El Berkani a mis le feu à ses installations et vidé son arsenal. Il reste au colonel à construire et à fortifier une redoute suffisante pour héberger le régiment laissé sur place ( le35è de ligne), ainsi qu'une infirmerie pour soigner malades et blessés. Ses instructions lui enjoignent de créer un poste d'observation capable de surveiller les mouvements des tribus de la steppe, avec une garnison assez fournie pour empêcher le retour d'el Berkani. On ne songe pas alors à aller plus loin vers le sud, car le climat trop aride, paraît exclure l'implantation de villages de colonisation dans la steppe. Mais les aléas de la lutte contre Abd el-Kader nous ont obligé à nous avancer loin vers le sud, métamorphosant ainsi Boghar de poste d'observation en base de départ d'expéditions punitives ou exploratoires. J'y reviendrai. On fait bientôt de Boghar le siège d'un cercle militaire dépendant de la subdivision de Médéa, et le siège d'un bureau arabe. En 1844 un village de colonisation est fondé au-dessous du fort, pour des soldats libérables demandeurs d'une concession, à la fin de leurs 7 ans de service militaire (pour ceux qui ont tiré un mauvais numéro) institués par la loi Soult de 1832. En 1870 Boghar devient chef-lieu d'une CPE, commune de plein exercice. En 1878 le périmètre de colonisation est agrandi par l'octroi de 46 lots de toutes tailles, le plus souvent trop petits pour constituer une exploitation viable. Ce sont des lots complémentaires qui contribuent à l'agrandissement des exploitations d'origine. Une curiosité : dans la liste des 46 bénéficiaires figure un Baba Amar ben Mustapha dont les ancêtres n'étaient pas venus de France.
Le cadre naturel, ses aptitudes, et ses intérêts Boghar est situé à l'extrémité orientale du massif de l'Ouarsenis, dans ou en bordure d'une zone forestière, à 900-1000m d'altitude ; donc 300 à 400m au-dessus des hautes plaines et de la percée du Chélif. Le sommet de l'espace fortifié est à 977m et le Chélif à 600m. La carte de la région figure en tête du chapitre sur Boghari ; on y voit que les espaces plats défrichés les plus étendus sont vers le haut et que les casernes ont été construites sur un court versant dominant le village. A cette altitude il pleut (et il neige) davantage qu'en bas, ce qui a rendu possible l'installation de colons semant blé et orge. Boghar est d'abord un balcon sur le sud et sur le Chélif. C'est un lieu d'observations privilégié que l'on équipa dès 1841 d'un télégraphe optique permettant d'alerter très vite Médéa et Alger ; sauf en cas de brouillard. Boghar devint vite une base militaire destinée à regrouper les troupes avant leur départ pour des expéditions vers le sud. Cette base comportait des casernes concentrées dans un rectangle protégé par un mur. Il y avait des bâtiments pour loger les soldats, pour héberger les officiers, pour le service de santé et pour stocker les équipements. En arrière de cet espace clos, les terrains du camp Suzonni avaient été défrichés et sommairement aménagés pour les troupes de passage. Cette base de départ a souvent servi pendant les 10 premières années.
Boghar est enfin un village de
colonisation quasi spontané.
Le décret de la fondation officielle, en 1844,
est en fait la reconnaissance d'un fait acquis. Le plan du village, visible sur la carte, est classique :un damier de trois rues parallèles coupées par quatre rues perpendiculaires plus courtes. Le village est relié à la vallée par une route qui prend par endroits des allures de route de montagne, avec des raccourcis pour les piétons et les ânes. Les maisons sont des maisons basses ; toutes semblables, ou presque, avec un jardinet derrière. En 1954 il y avait 173 Européens en vie, et un nombre inconnu au cimetière. Aujourd'hui il est sûr que les vivants sont partis, mais il n'est pas sûr que les morts soient restés au cimetière, ni même qu'il y ait toujours le cimetière, car depuis 2003 il est question de regrouper tous les corps des cimetières abandonnés du Titteri, dans un ossuaire au cimetière de Médéa. Mais aucune information fiable n'est disponible sur un cimetière précis. Cette remarque est valable pour tous les cimetières du bled. |