L'approche des grandes vacances couvrait de grappes bleutées
les jacarandas qui bordaient le large chemin sablé de l'EPS.
On lui donnait encore souvent ce nom d'Ecole Primaire Supérieure
alors qu'il était déjà le Collège Classique
et Moderne de Jeunes Filles que j'ai fréquenté jusqu'à
la classe de Première. Une haute grille ouvragée cachait
à peine la façade austère de ce long batiment à
un étage, solidement édifié avec des pierres de
taille à tous les angles. Nous lui trouvions bien un air de "
bâtiment religieux " mais nous ne nous posions pas trop de
questions. Seule une croix en fer forgé et une statue sur un
petit autel entouré d'une grille, à l'écart de
la cour de récréation, confirmait la construction initiale
mais surtout alimentait les interprétations farfelues des élèves
autour d'une tombe, d'un mystère !!
En fait ce vaste bâtiment avait été construit en
1887 pour remplacer le premier Collège Saint Charles, situé
sur la route d'Alger près de la porte du même nom. Dès
1868, en effet, l'enseignement secondaire libre avait été
confié à une congrégation enseignante : les Prêtres
de Saint Basile, pour les garçons, alors que les Religieuses
de la Doctrine Chrétienne enseignaient aux filles. Très
vite les locaux furent insuffisants et le Supérieur, le père
Martin, décida de construire un établissement "moderne"
et confortable. Le terrain fut choisi en dehors des remparts, entre
l'avenue de la Chiffa, le Bois Sacré et la porte El-Sebt et ce
sur 33 000 m2
Inauguré en 1888, le Collège fut rapidement clôturé
de murs, entouré de jardins. Cours et terrains de sport et même
un "bassin de natation" complêtaient les équipements.
Le renom de Saint Charles avait attiré les élèves
de toute l'Algérie, principalement des départements d'Alger
et Oran, il comptait 200 pensionnaires et une soixantaine d'externes.
L'Institution Saint Charles dut fermer ses portes en 1903, la congrégation
dans la tourmente, les biens saisis, le Directeur, le Père Martin,
expulsé de sa maison. Seule la rue qui longeait la façade
de l'établissement gardait le nom du Père Martin dans
les années 50 mais bien peu savaient de qui il s'agissait.
En 1906, l'Ecole Primaire Supérieure, établissement laïque
qui préparait les jeunes filles au Brevet Elémentaire
ouvrit ses portes dans ces locaux.
Au début des années 50, il devint Le Collège Classique
et Moderne de Jeunes Filles, de la 6e à la Terminale Philo. Les
filières scientifiques, peu prisées par les filles, se
continuaient au Lycée Duveyrier avec Mathématiques-Elémentaires
(Math-Elem) et Sciences Expérimentales (Sci. Ex).
Une parenthèse, transformé en " Centre de Fractures
", l'établissement accueillit de 1942 à 43 les blessés
et convalescents du front de Tunisie. Les cours continuèrent,
professeurs et élèves dispersés au Collège
Colonial et dans d'autres écoles de la ville.
L'entrée principale ouvrait sur un large couloir qui parcourait
toute la longueur du corps de bâtiment central, desservant les
classes du rez-de-chaussée et l'administration. Des ailes latérales
à chaque bout du couloir sont bien visibles sur la carte de la
Cour (ailes encadrant l'entrée) avec à droite une vaste
salle de musique pour cours et répétitions et à
gauche concierge et labo de Sciences Naturelles.
La carte Jardins et Etudes montre les ailes situées à
l'opposé, en bout de couloir, abritant le réfectoire et
au premier étage les dortoirs et sanitaires.
Encadrées par ces bâtiments, nous disposions de beaucoup
d'espace avec plusieurs cours et terrains de sport. Le "Bureau
de Madame la Directrice" avait peu changé et la carte conserve
mystère et inquiétude...
Le Cabinet du Docteur et la Grande Salle de l'Infirmerie occupaient
avec la lingerie et le logement de l'Infirmière un pavillon annexe
adossé au mur d'enceinte, non loin du réfectoire (annexe
construite aussi par les Basiliens, avec la même destination.)
Que dire du " groupe de domestiques " sinon retourner la carte
: une belle et élégante écriture, une encre violette
laisse imaginer le porte plume de celle qui signe Edmonde "notre
personnel sympathique. Chacune d'elle a sorti ses plus beaux atours
pour poser"
Michèle MANIVIT SALLES
Bibliographie:
Monographie de la Paroisse Saint Charles de Blida Chanoine A. Vial
Bulletin des Anciens Elèves des Ecoles de Blida
Archives personnelles de l'auteur.