Ben-Aknoun
Les dix ans de la cité universitaire
Photos, légendes, textes extraits de "Alger-revue", revue municipale, printemps 1961
mise sur site le 12-11-2007

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En novembre prochain, l'association Cité Universitaire d'Alger, fêtera ses dix ans d'existence ; dix ans
employés à un labeur acharné ; dix ans marqués par une série de réalisations ont fait de la petite ville universitaire dont les pavillons s'enroulent autour de par-terres fleuris et de grands arbres, un ensemble, où sept cents étudiants (jeunes gens, jeunes filles, jeunes ménages) peuvent vivre sainement, harmonieusement.

C'est à Ben-Aknoun, sur les hauteurs d'Alger, dans un parc de neuf hectares, qu'il fut décidé il y a dix ans, d'implanter la Cité Universitaire d'Alger. Le terrain appartenait à l'Algérie.

Des vignes abandonnées, de vieux oliviers, une ravissante villa turque enclose dans ses glycines échevelées, des écuries délabrées baignant dans le soleil et le vent, représentaient pour l'association nouvelle née, un trésor sans prix. Il fallut l'obstination acharnée de l'équipe, hélas éparpillée aujourd'hui et dont je reste le seul témoin, et la bonne volonté agissante du secrétaire général Pelabon et du recteur Gau, pour obtenir que l'attribution de cet emplacement à l'Association soit décidé.

Ainsi l'association Cité Universitaire, association privée (régie par la loi de 1901) prenait corps.

L'Assemblée Algérienne, se montra, elle aussi, très généreuse. Soucieuse de la vie matérielle des futures élites, elle voulut bien adopter mon projet qui traçait dans ses grandes lignes la future cité.

Les objections, les critiques, dès lors, allèrent leur train, on s'en doute, mais notre équipe n'entendait rien et décidait qu'elle participerait, sans attendre, au congrès international de l'habitat de l'étudiant qui tenait ses assises à Paris, Boulevard Jourdan.

Immense et claire, la salle de restauration où se groupent suivant leurs affinités, étudiants et étudiantes, est toujours le siège d'une joyeuse animation.
Immense et claire, la salle de restauration où se groupent suivant leurs affinités, étudiants et étudiantes, est toujours le siège d'une joyeuse animation.

L'Algérie, en ce mois de juillet 1950, eut la joie de présenter au Président de la République, au Ministre de l'Education Nationale et à de très nombreuses personnalités étrangères, une très belle maquette de la Cité Universitaire d'Alger. Cette maquette très admirée, conçue par François Bienvenu, Président de l'ordre des architectes, auquel l'Algérie doit de si prestigieuses réalisations, est aujourd' hui, grâce à lui, une réalité radieuse.

Et ainsi, notre plan d'action bien établi grâce aussi à l'amour particulièrement tendre de notre architecte pour la cité qui devait être son oeuvre d'élection, nous pouvions, dès novembre 1950, ouvrir les deux premiers pavillons, inaugurés par M. Nægelen. Depuis, bon an, mal an, des pavillons se sont ajoutés aux pavillons. Un très beau restaurant, un vaste foyer, un bureau postal, une conciergerie ont complété l'ensemble. La tourmente qui déchire notre province, n'a rien arrêté : les étudiants ont continué d'affluer ; et pour mieux parer aux besoins et aux détresses dans cette cité qui veut et doit être une oasis de paix offerte à une jeunesse si troublée par ailleurs, les comités de coordination du Fonds d'Action Sanitaire et sociale se sont montrés à leur tour très généreux. Grâce à eux, les jeunes ménages ont pu eux aussi être accueillis dans de charmants studios bien équipés. Bien plus, une nursery que mène avec tendresse et autorité une nurse diplômée offre aux bébés des ménages d'étudiants, son confort très moderne.

Un des coins attractifs du foyer, le bar - Le libre-service est le système adopté pour le restaurant.
Un des coins attractifs du foyer, le bar - Le libre-service est le système adopté pour le restaurant.

Les difficultés, les soucis, les peines, n'ont point manqué ; on l'imagine. Bâtir de toutes pièces une cité estudiantine n'est pas chose aisée. Une création de cette envergure posait mille problèmes ardus dont heureusement, M. Villevieille, Directeur des Travaux Publics au G.G. et trésorier de notre association, simplifiait au maximum les solutions. Mort loin de cette Algérie qu'il aimait tant, ce " grand commis " ne sera jamais oublié à la Cité.

Notre livre d'or témoigne de l'intérêt que de très nombreux et éminents visiteurs portent à la Cité. Il me suffira de rappeler les questions qui nous sont le plus souvent posées, les réponses qui y sont faites, pour donner une idée très exacte de la vie de notre cité.

Que la cité soit gérée par une association privée cela ne surprend pas, puisque ce régime est celui de la Cité Universitaire de Paris, et de plusieurs cités universitaires métropolitaines et étrangères.

Ce point précisé, l'on aime à connaître notre mode de fonctionnement intérieur que dirige notre bureau. Présidente fondatrice dont les fonctions sont multiples et bénévoles, de même que celles des tuteur, tutrice et médecins ,(étudiants en fin d'étude).

Un secrétaire général (qui fut longtemps notre ami, M. Massenet et que le Colonel Jamilloux a bien voulu remplacer) vient assister à toutes les séances de bureau qui ont lieu une fois par mois. A ces séances assistent également avec fonctions délibératives un conseiller juridique (M° Saullard) l'architecte M. Perret, le directeur administratif M. Grison, si dévoué et si efficace, le Président des étudiants d'Algérie, deux étudiants résidant à la Cité, le trésorier de l'association : M. Pietri.

Ces séances de bureau fonctionnent à la manière d'un conseil municipal.

Le conseil d'administration puis l'Assemblée générale sont saisis de toutes les questions importantes : financières, techniques, disciplinaires ; ils approuvent et votent le budget. Composé de fonctionnaires, de personnalités politiques (maires, conseillers généraux) de personnalités universitaires (recteur, doyens, professeurs), d'étudiants et de bienfaiteurs de l'association, le conseil d'administration et l'assemblée peuvent aider très fermement à la marche de la Cité.

La majorité des constructions appartiennent à l'Algérie et sont approuvées et contrôlées par les services de la Dé-légation générale (Ingénieur en Chef M. Benoist).

La gestion financière intérieure est soumise au contrôle de deux commissaires aux comptes (un étudiant, un non-étudiant) et vérifiée par le Contrôle des dépenses engagées. Un comptable spécialisé prépare le plan comptable et le présente.

Mais c'est bien plus que ces détails matériels, l'agencement et la vie de notre cité qui attire l'intérêt de nos visiteurs. La disposition des pavillons qui s'inscrivent en demi-cercle dans un très beau paysage, leur nombre (14), l'orientation des chambres toutes baignées de soleil sont toujours approuvés.

Par contre notre conception de la chambre individuelle munie d'un cabinet de toilette avec douche est souvent trouvée trop luxueuse ; et cependant c'est là un refuge que l'étudiant studieux retrouve avec profit à sa rentrée des cours.

Les studios de jeunes ménages, pimpants et confortables, la nursery et son très jeune peuple étonnent toujours et l'on nous reproche parfois d'inciter nos jeunes à se marier trop tôt en leur facilitant ainsi l'installation de leur première année conjugale.

Dans le pavillon pour étudiants mariés : un studio.-
Dans le pavillon pour étudiants mariés : un studio.- La nursery : dans le coin pouponnière, la sœur borde un trés jeune pensionnaire. Son assistante garde les plus grands.
Les études sont longues, répondons-nous, et il n'est pas toujours facile d'attendre lorsqu'on est très jeune et que l'on s'aime...

Le restaurant, la bibliothèque conçus dans des lignes très hardies offrent à la vue à travers leurs vastes parois vitrées un mobilier léger, coloré, jeune.

Le service des repas se fait au plateau.

Les mets montent de vastes cuisines équipées de la manière la plus moderne et la plus complète.

Un peuple jeune et gai se presse au Foyer entièrement vitré lui aussi, il y trouve un bar bien agencé, des tables de ping-pong, des jeux, la télévision. On y danse souvent le dimanche après-midi.

Une salle de conférence, (petit théâtre mauve et jaune de 650 places, sobre et élégant) permet les manifestations culturelles les plus diverses, une discothèque, complètent les installations du Foyer. L'Infirmerie avec l'infirmière et le docteur veille sur la santé des étudiants, comprend avec les chambres de malade, une salle de radio, une pharmacie, une salle d'opération, des salles d'examen et de pansement.
Au bureau postal qui s'ouvre à l'entrée de la cité à côté de la conciergerie, les étudiants peuvent effectuer toutes les opérations de poste.

Tout est prévu, remarquent nos visiteurs, mais quel est le rôle du tuteur et de la tutrice ? Le tuteur qui est un professeur de l'Université M. Giberton, la tutrice Mine Beaufrère, professeur d'anglais au lycée de Ben Aknoun s'emploient de tout leur dévouement à faciliter sur les plans social, culturel, matériel la vie de l'étudiant : conseils, aides, secours sont souvent nécessaires. Il y a des crises morales, sentimentales, les maladies, les accidents et toutes autres choses...

Le tuteur et la tutrice s'emploient à suppléer à l'absence des parents avec tendresse, compréhension toujours, sévérité parfois.

- La cité est bien loin de la ville, nous dit-on aussi bien souvent.

Oui, et cela est heureux répondons-nous, car l'étudiant trouve ici le calme, la paix, un air pur dont il a particulièrement besoin - tout irait bien si nous pouvions obtenir des t
ransports mieux adaptés.

L'administration du grand Alger étudie les moyens d'accélérer et d'améliorer le parcours des gros cars bleus qui s'arrêtent tous les quarts d'heure devant la Cité.

Les prix des chambres qui, service compris, varient de 7 NF, 5 à 5 NF, 5, le prix des repas 1 NF sans boissons, surprennent toujours par leur modicité, et suivant l'âge ou la nationalité des interlocuteurs, l'on trouve ces facilités heureuses ou trop larges.
Haut : le théâtre-cinéma. Sans décors ni costumes, Michel Amengual, avec des camarades férus de théâtre met au point "Bellavita" de Pirandello.
Haut : le théâtre-cinéma. Sans décors ni costumes, Michel Amengual, avec des camarades férus de théâtre met au point "Bellavita" de Pirandello.
Milieu : Le judo a de nombreux adeptes.
Bas : La "quadrette" du "Jazz-Cité".
Enfin, comme si cette dernière question était particulièrement délicate et qu'ils soient gênés de nous la poser, nos visiteurs étrangers s'inquiètent de la qualité et de l'origine de nos étudiants ; et comme nous répondons : " Mais naturellement, ici toutes les disciplines intellectuelles sont représentées (droit, médecine, science, lettres, arts, etc...) " ils insistent : " Toutes les disciplines oui, mais toutes les religions ? ".

Et c'est une joie pour nous de leur faire constater une fois de plus que la Cité est à un tel point le creuset de " Toute " l'élite de notre province qu'ils n'ont pas perçu parmi nos jeunes les diverses origines ethniques qu'ils réunissent ici.

Oui, fraternellement se mêlent dans leurs jeux et, dans leurs vies tous les jeunes, quels que soient leur religion et leur patronyme.

Epaulant l'Association Cité Universitaire, deux autres groupements créés en 1950 et en 1951 élargissent son action :

" Les amis de la Cité Universitaire " dont le Colonel Jamilloux a pris la présidence après M. Na gelen, comprend d'éminentes personnalités comme le Pt Schiaffino, le Pt Belaïche, le Professeur Delarue de l'Université de Paris, le Président René Mayer, le député de Paris Jacques Féron et tant d'autres. Cette association est ouverte aux parents d'étudiants. La ville de Paris et la ville de Lyon parrainent deux de nos pavillons. " Le comité inter-cités universitaires " auquel collaborent tous les consuls, les Présidents de Cités Universitaires métropolitaines et étrangères p ermet des échanges d'étudiants et tout un travail culturel enrichissant.
C'est sur cette note qui ouvre aux jeunes les portes les plus vastes sur le monde que je terminerai ce trop long article.

Henriette CHARLES-VALLIN
Présidente Fondatrice
de la Cité Universitaire d'Alger.

Un étudiant parle de " son " Foyer...

Dix délégués élus par les résidents de la Cité les représentent dans les différentes commissions de gestion de notre organisme.

Nous nous sommes répartis les tâches : l'un d'entre nous s'occupe des questions juridiques, un autre de la question du restaurant, un autre des sports, un autre des manifestations culturelles, etc. Mais tous bien entendu étant solidaires pour telle revendication ou tel projet.

Cependant, c'est le Foyer, où se retrouvent tous les étudiants qui monopolise nos efforts. On y trouve 'diverses occupations : ping-pong, cartes, dominos, T.V., etc.

C'est au Foyer que nous organisons tous les dimanches un bal. C'est au Foyer que nous organisons aussi nos concerts, nos conférences, nos représentations théâtrales, etc...

Le Foyer appartient donc aux étudiants. Chacun verse et début d'année la somme minime de 1.000 Frs (une bourse d'étudiant ne permet pas de verser davantage.) Aussi, sommes-nous souvent handicapés dans nos différentes réalisations. Et souvent des projets, pourtant très intéressants, doivent " tomber à l'eau ".

A cet égard, le Foyer mérite d'attirer l'attention - et l'aide agissante - de sociétés ou de particuliers. A cette oeuvre fraternelle, un appui effectif serait éminement souhaitable.

Un délégué : Michel AMENGUAL

... et de son budget

On dénonce parfois les facilités que l'on fait aux étudiants. Malgré toutes ces facilités, l'étudiant arrive t-il à suivre ses études sans être une charge lourde pour ses parents ? Nous avons établi approximativement le budget d'un étudiant :

BUDGET MINIMUM (Etudiant mineur)

Loyer Cité Universitaire
7 500
Abonnement autobus
3 000
Restaurant Universitaire
7 200
Petit déjeuner Ben-Aknoun ou fait soi-même
1.500
Cité Universitaire
2.200
Dégraissage (1 pièce par mois)
500
Cinéma (ville : 1 fois par mois)
300
Cinéma et spectacle (Cité)
1 000
Déplacements autobus (relations)
500
Toilette (produits divers)
500
Coiffeur
600
Cigarettes (petit fumeur)
1.200
Courrirer, journaux
300
Papeterie. Librairie
2.000
 
28.500
TOTAL : 28.500 f rs X 12 - 339.600 francs.



pour ETUDIANT EMANCIPE :

Théâtre - Opéra (1 fois par mois)
1.5oo
Tabacs supplément
1.000
Frais de compagnie
1.000
Abonnement à une revue indispensable
2.000
1 livre bibliothèque
800
 
33.600
TOTAL : 33.600 frs x 12 = 403.200 francs.