-Alger,
Belcourt.
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1700
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Le 44 Boulevard Thiers du quartier Belcourt à Alger
Cétait lentrée de la grande tonnellerie Marquand Futailles qui devait avoir environ une superficie de plus dun hectare. En entrant par le portail, à gauche on trouvait un petit bureau dévolu à mon grand-père, Pierre Perrier, qui était le contremaître de la tonnellerie.
Le portail du 44 boulevard Thiers, à droite le bureau de mon grand-père, au second plan de lautre côté du Boulevard Thiers latelier de fabrication des tonneaux et le secrétariat.
Grand-Père avait de nombreuses responsabilités à savoir : La gestion de plusieurs centaines de tonneaux de 600 litres chacun appelés demi-muids. Avant lutilisation des bateaux citernes ils permettaient dexporter vers la France les meilleurs vins dAlgérie Cest lui qui assurait la location des fûts à des marchands de vin. Avant la location des tonneaux, il contrôlait leur étanchéité par une seconde désinfection à leau bouillante, puis il faisait introduire par les bondes des mèches de souffre enflammées retenues par un fil de fer très fin afin de désinfecter leurs intérieurs. Sitôt la mèche allumée un petit carré de toile de jute était posé sur la bonde et recouvert afin dassurer létanchéité par un solide bouchon de bois enfoncé à laide dun maillet. Ne restait plus quà vérifier sur les fonds du tonneau si un matricule destiné à retrouver les futailles était bien lisible. Les inscriptions (lettres et chiffres) étaient inscrites grâce à des plaques de zinc ajourées plaquées sur le bois et tamponnées avec un pinceau à poils courts et raides trempés dans de la céruse (blanc de plomb). Je crois me souvenir aussi que des inscriptions réalisées à laide dun alphabet métalliques chauffé au rouge étaient apposées sur les fonds des fûts mais sans certitude. Au retour de location grand-père faisait linventaire des fûts, en fonction de leur état avec un morceau de craie il marquait sur le bois des signes cabalistiques pour changer un cercle, un joint ou carrément une douelle. Deux ouvriers algériens expérimentés Taïeb et Lahkdar assuraient les réparations, la désinfection et le stockage des tonneaux quils empilaient les uns sur les autres dans deux immenses hangars en attente dune location ou dune vente. Pour la désinfection et les réparations ils utilisaient une énorme étuve dans laquelle les douelles en chêne étaient plongées afin de les assouplir pour mieux les mettre en place et les plier. Létuve était chauffée grâce aux douelles défectueuses. Les tonneaux étaient nettoyés à leau bouillante et pour cela basculés de droite à gauche et de gauche à droite, ensuite ils étaient roulés sur deux rails parallèles distants dune trentaine de centimètres, la bonde placée vers le bas pour évacuer leau et déventuels morceaux de tartre ou résidus. Lorsque les tonneaux étaient prêts à être loués ils étaient mis en gerbe, les uns sur les autres dans un très grand hangar. Pour les empiler les ouvriers utilisaient une rampe mobile sur laquelle ils les faisaient rouler. Opération dangereuse à partir du troisième étage de la gerbe car tout se faisait manuellement. Entre le bureau du contremaître et létuve sur toute la longueur un hangar véritable caverne dAli Baba permettait dentreposer des matières premières pour confectionner ou réparer les futs. Je me souviens de bottes de joncs empilées, de grands rubans métalliques destinés à devenir des cercles, de douelles neuves, détagères contenant des rivets des outils, de la peinture, des clous et autres matériaux dont je nai plus souvenance ! Tous les samedis mon grand-père distribuait à chaque ouvrier une enveloppe préparée par le comptable et contenant la paye de la semaine. Longeant le trottoir en face du 44 de lautre côté du Boulevard Thiers sur une surface presque aussi grande quau 44 se logeaient les bureaux de la direction, un atelier de menuiserie contenait des machines-outils pour travailler le bois et permettait ainsi de façonner les douelles à partir de morceaux de chêne (les merrains) de forme parallélépipédique. Dans un hangar ouvert sur un côté trônait un atelier contenant une forge, une machine qui mettaient en forme les futurs cercles métalliques des tonneaux (les feuillards) en leur donnant de plus une forme légèrement tronconique afin quils sadaptent aux formes du tonneau. Chaque extrémité du cercle était percée de deux trous dans lesquels des rivets chauffés au rouge étaient introduits et battus à chaud sur une enclume afin de fermer le cercle. Dans la partie du hangar ouverte sur la cour les tonneliers fabriquaient les tonneaux en disposant les douelles sommairement cerclées autour dun feu qui les cintraient progressivement. A grand renfort de coups de massette sur une sorte de burin rainuré à sa base et qui chevauchait les chants des cercles avec pour but de solidariser les douelles entre elles. Le frappeur tournait autour du tonneau afin de répartir le serrage progressif des cercles. Préalablement à ces opérations, du côté interne les douelles avaient été rainurée à chaque extrémité. En fin de cintrage des douelles, les fonds circulaires et renforcés des fûts étaient encastrés dans la rainure. Il ne restait plus au moyen dune tarière que de percer au centre dune douelle un gros trou destiné au remplissage du fût et sur le fond un trou plus petit destiné à la vidange. Un immense hangar servait à sécher pendant des années des merrains empilés en forme de tours creuses au milieu de telle manière que lair pouvait y circuler librement. Enfin à côté du secrétariat logeait un sous-contremaître responsable uniquement de la fabrication des tonneaux.
Après la partie technique, la vie familiale
A létage, à droite, la chambre de mes parents lieu de ma naissance. Au rez de chaussée une grande chambre destinée à être une salle de repos pour Monsieur Marquand (Il ny venait jamais) elle nous servait de chambre damis. On distingue entre moi sur un tonneau et la maison, le jardin de grand-Mère fleuri de géraniums engraissés par les déjections des chevaux des maraichers qui livraient les halles centrales en fruits et légumes frais et la treille. A gauche dans lombre une grande véranda qui servait de cuisine dété. Complètement à gauche contre la muraille Mémée entretenait un grand poulailler qui nous assurait ufs et viande. Lorsque mes parents se marièrent, pour une raison affective et aussi pécuniaire mon père voulut bien accepter de vivre chez ses beaux-parents quil considérait un peu comme ses parents. Papa ayant été orphelin alors quil avait 17 ans. Lentrée principale souvrait par une porte sur le boulevard Villaret-Joyeuse perpendiculaire au boulevard Thiers. Cette porte permettait daccéder dans la grande véranda limitée du côté cour par un grand panneau de lattes de bois croisées à une dizaine de centimètres les unes des autres. En entrant dans la véranda à gauche il y avait la cuisine, à droite tout au bout il y avait un grand débarras sans plafond au fond duquel on accédait à un WC et une salle de bain (un bien grand mot) dans un réduit contenant une baignoire en zinc.
La véranda longue dune dizaine de mètres et large de quatre à cinq mètres servait aussi de cuisine dété, elle était équipée dune cuisinière et dun évier en pierre et sa paillasse.
Le logement était bizarre, lentrée de lappartement à partir de la véranda se faisait directement dans une grande cuisine dans laquelle trônait une grosse cuisinière à bois. Sous lescalier un garde-manger avait les pieds posés sur des soucoupes remplies deau pour interdire aux fourmis de venir se servir. De la cuisine partait un bel escalier en bois qui menait à létage. Y avait-il une glacière ? Cest possible mais je ne men souviens plus ! Lescalier aboutissait à létage à un palier, à droite la chambre des grands-parents à gauche en enfilade une salle à manger puis la chambre de mes parents. Salle à manger non fonctionnelle en raison de son emplacement au-dessus de la cuisine ! La pièce était meublée dune table, de chaises, dun buffet, le tout en bois massif de couleur claire. De deux sellettes (souvenir de lartisanat du Maroc) supportaient quelques bibelots. La cheminée était décorée par une imposante pendule en marbre entourée de deux petites coupes assorties à la pendule. Je crois me souvenir que Maman qui était une excellente couturière formée à Paris dans une grande maison de couture y recevait des amies ou quelques clientes de plus en plus rares depuis son mariage avec Papa. Les souvenirs de ma tendre enfance sont fugaces. Ce nest quau retour à Alger après lintermède de 3 ans à Bitche petite ville située en Moselle à quelques kilomètres de la frontière avec lAllemagne que mes souvenirs perdurèrent. (Javais 7 ans)
A la déclaration de guerre de 1940, avec Maman nous nous repliâmes en catastrophe sur Alger tandis que Papa jusquà la défaite continua à surveiller des travaux damélioration de la ligne Maginot.
Alors que je navais que quatre ans mes grands-parents mavaient offert à loccasion dun Noël ce vélo rouge bien trop grand pour moi, il fallut que jattende plusieurs années avant de pouvoir le chevaucher ! Cela se fit en 1940 sur la terrasse des cousins Bastié à Sidi-Bel-Abbès. Après un ou deux jours dessais jarrivais à maîtriser léquilibre de même que Riri Bastié. En catimini nous allâmes nous exercer dans la rue. Les cris de frayeur de nos mamans firent que nous rentrèrent sans barguigner et pas très fiers !
La guerre fit que la tonnellerie du 44 boulevard Thiers fut en partie réquisitionnée par larmée pour y entreposer dans les hangars un nombre considérable de chevaux et mulets eux aussi réquisitionnés en prévision dun départ sur le front. Des dizaines de véhicules hippomobiles certaines du type Araba furent aussi entreposées dans la tonnellerie.
Au sujet des arabas : Un jour, lequel ? une tête pensante, certainement un officier inexpérimenté, un génie dans son genre eut lidée de donner de lexercice aux chevaux et mulets mais aussi aux palefreniers ! Les animaux en stabulation complète sans la possibilité de se dépenser depuis des semaines étaient excités au possible, certains navaient même jamais été attelés !!! Les palefreniers militaires Algériens musulmans très nombreux attelèrent difficilement une vingtaine de pauvres bêtes protestataires qui ruaient à loisir, se cabraient et faisaient tout pour ne pas se trouver entre les brancards. Sitôt attelés il fallait au moins deux hommes pour tenir par la bride les bêtes affolées. Tous ayant été attelés lautorité désigna des « volontaires forcés » qui sinstallèrent chacun sur le banc des charrettes. Le portail fut ouvert juste au moment où plusieurs dizaines de voitures à cheval arrivaient par le boulevard Thiers et les rues adjacentes pour apporter aux halles centrales dAlger des cargaisons bien fournies de légumes frais. Lentrée des halles boulevard Villaret-Joyeuse se trouvait à une petite centaine de mètres du 44 Boulevard Thiers. Ce fut indescriptible ! Sitôt lâchés, les chevaux se ruèrent sur le boulevard sortant à droite ou à gauche sans que les conducteurs novices puissent les diriger. La plupart semballèrent, les accrochages avec les voitures maraîchères furent légion, certaines arabas empiétèrent sur les trottoirs, des roues furent arrachées en heurtant un arbre ou un obstacle, les conducteurs éjectés pour la plupart ! Je ne me souviens pas du bilan mais nombreux furent les blessés tant chez les animaux que chez les militaires sans compter les civils et les dégâts matériels occasionnés !! En fin de soirée certains équipages perdus ou accidentés nétaient pas encore rentrés !!!Jignore si des sanctions furent prises à lencontre de lorganisateur de ce rodéo ! Après cet intermède les tirailleurs Algériens qui soccupaient des chevaux furent remplacés par des Sénégalais qui en avaient une peur bleue. Souvent nous fûmes les témoins de situations cocasses. Un exemple : les Algériens conduisaient à labreuvoir plusieurs chevaux à la fois, les Sénégalais un seul, si le cheval sagitait un peu trop, ils lâchaient la bride, léquidé en profitait pour galoper dans tous les sens avant dêtre repris ! Je me fis un copain Sénégalais qui sappelait Latilli Galou, un jour il me montra un livre de lecture et me demanda de lui apprendre à lire ce que je fis avec joie du haut de mes 10 ans. Comme jétais parfois désobéissant je recevais une taloche de la part de Maman. Si cétait en sa présence il prenait ma défense et sur un ton suppliant il disait à Maman :<< Pas taper le petit madame ! pas taper le petit !>>
Un jour les Sénégalais partirent et je nai plus eu de nouvelle de Latilli Galou.
Après larmistice de 1940 les équins furent rendus à leurs propriétaires, les charrettes furent alors remplacées par des camions et voitures réquisitionnées et badigeonnées de peinture kaki par larmée. Cette mesure était due au Général Noguès commandant en chef de larmée française en Afrique du Nord. Ce dernier pressentant que les hostilités reprendraient un jour avec lAllemagne fit quil ordonna de cacher aux commissions darmistice Italo-Allemande qui siégeaient à Alger Tunis et Rabat les uniformes, armes, munitions, véhicules qui auraient pu servir à nos ennemis. Tout ce matériel fut éparpillé dans des caches sur tout le territoire et remis au grand jour après le débarquement des alliés en Novembre 1942 pour réarmer sommairement larmée dAfrique afin quelle puisse lutter contre les Allemands et les Italiens en Tunisie.
Après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord le 08/11/1942 lAlgérie fut coupée de la France. Ce fut le marasme pour les fabricants et loueurs de futailles. La tonnellerie fut mise en sommeil. Lors de nos séjours de vacances en 1942 et 1943 à la tonnellerie nous eûmes droit à plusieurs alertes au bombardement, à un feu nourri de la DCA et ses retombées déclats dobus, à un combat aérien au-dessus de nous. Un avion des alliés mitrailla un appareil allemand ou italien qui passa en flamme au-dessus de la tonnellerie pour enfin sécraser en mer.
Larmée américaine sinstalle au 44 boulevard Thiers
Les Américains qui devaient entretenir un contingent énorme de soldats sans compter les troupes françaises qui sétaient ralliées à eux firent feu de tous bois pour entreposer vivres et matériel dans de bonnes conditions. Ils louèrent la tonnellerie pour en faire un immense dépôt de vivres.
Tous les fûts, le bois merrain, loutillage furent entreposés dans latelier de fabrication de lautre côté du boulevard. Des étagères superposées jusquà la toiture des hangars furent mises en place et garnies de nourritures, caisses de boîtes de conserve, sac de farine, de riz, bidons dhuile et jen passe beaucoup. Dans la cour ils installèrent dénormes réfrigérateurs et des congélateurs de la taille des grands containers actuels. Du matin au soir le 44 devint une ruche dans laquelle des GMC apportant des vivres depuis le port et ceux qui partaient pour alimenter les unités se croisaient et se recroisaient. Des chariots élévateurs circulaient au milieu des camions. Après la conquête de la Tunisie par les alliés les manutentionnaires américains furent remplacés par un contingent de prisonniers italiens très satisfaits de leur condition et nayant nullement lenvie de fuir. Symboliquement un seul homme de garde armé dun pistolet gardait lentrée de lentrepôt. Les cadres américains de lentrepôt lassés des boîtes de conserve et des rations de larmée demandèrent à ma Mémée si elle pouvait leur préparer des repas.
Mémée ouvre un mess pour les Américains
Ma grand-mère qui dans sa jeunesse avait tenu une pension de famille se fit un plaisir daccepter dautant plus que tous les ingrédients étaient fournis par les Américains ce qui nous arrangeait bien dans ces temps difficiles où tout ou presque était obtenu avec des tickets de rationnement. Le midi une bonne dizaines dOfficiers et de Sous-officiers prenaient place à table sous la véranda. Avant le repas un insecticide américain contenu dans des « bombes sous pression » était largement utilisé pour occire les mouches. Cela nous changeait du papier collant cloué au plafond et de la pompe à main du pulvérisateur Fly-Tox ! Lopération se faisait autour et au-dessus de la table bien quelle fût mise ! Les mouches et les particules dinsecticide tombaient sur la table sans que personne ny voit un danger ! Mémée chaque jour prévoyait le menu du lendemain faisait une liste et par miracle elle recevait les ingrédients nécessaires. En cas dun oubli Pépé était chargé daller chercher une tablette de beurre dans un frigo ou un poulet dans un congélateur sans rendre compte à quiconque. Cest ainsi que des Américains eurent droit aux plaisirs gustatifs de la cuisine française et pied-noir. Lors des vacances nous mangions à table avec eux, ils amenaient leurs couverts et une grande assiette métallique compartimentée dans laquelle à notre grande surprise ils mettaient côte à côte dans les compartiments des aliments salés ou sucrés. La première fois je fus surpris de voir par exemple dans une même assiette de la salade, un rôti de porc avec sa garniture, un morceau de fromage et de . la confiture ! Pour éviter du gaspillage mes grands-parents qui auraient pu les monnayer donnaient à deux familles voisines les Michel et les Cazalet des restes copieux des préparations, le tout complémenté de temps en temps par quelques ufs, quelques steaks ou un kilo de farine. La famille nétait pas oubliée Quand nous rentrions à Sidi-Bel-Abbès après les vacances nos valises étaient bien garnies ! Ma cousine Andrée Amadeuf avait été victime dune pneumonie doublée dune pleurésie, elle avait frôlé la mort, complètement anémiée elle narrivait pas à se rétablir. Mon grand-père pendant plusieurs semaines lui apporta régulièrement des steaks, du jambon, du poulet, des friandises, du pain blanc coupé en tranches qui firent quelle put se rétablir rapidement. (Le pain nous était rationné, il fallait donner un ticket au boulanger pour obtenir environ 250 grammes de pain par jour et par personne)
Le 21 septembre 1944 Pépé rendit son dernier soupir à lâge de 62 ans victime dun arrêt cardiaque.
Mon dernier souvenir de lui fut sa joie le lendemain de la prise de Paris le 26 Août 1944, il memmena au centre dAlger où un défilé interminable de troupes Américaines, Anglaises et Françaises devant le monument aux morts dans le centre dAlger fêtait la libération de Paris au milieu dune foule enthousiaste en délire. Mémée plus âgée que Pépé vint vivre chez mes parents à Sidi-Bel-Abbès où elle décéda le 26 juillet 1949 suite à un AVC à lâge de 78 ans. Après 1945 les bateaux citernes supplantèrent les tonneaux et la tonnellerie Marquand Futailles de mon enfance périclita et fut vendue et démantelée.
Quelquefois nous avions des visiteurs
Remarque Je suis rondouillard contrairement à lune de mes photos insérée dans mes souvenirs de Bitche. Quelques temps après la prise de cette photo javais été victime dune terrible gastro entérite lors dun séjour de mes parents et des Ravoux dans un cabanon situé pas loin dAlger à la pointe Pescade. Deux docteurs de concert vinrent à mon chevet et annoncèrent à mes parents que mon cas était critique pour ne pas dire désespéré ! Soigné à grands coups de piqures avec des médicaments mystérieux dont mes parents nont jamais connu la composition, je revins à la vie par miracle, mais jai gardé jusquà ce jour des problèmes dordre digestif !
Souvenirs de Jeanine Ravoux " Janvier 2021 -André Je me souviens aussi que tu memmenais au sommet de grands tas de foin ou de paille qui étaient stockés dans un hangar, sans doute au temps où il y avait des chevaux dans la tonnellerie. Ce devait être le dimanche, car il ny avait personne dans les entrepôts pour nous empêcher dy grimper. Cétait une grande aventure pour moi. -Il ny a pas que Dédée que ta grand-mère a ravitaillée : Je me souviens, quand nous allions vous voir chaque fois ta grandmère trouvait quelque chose à nous donner. Boite de beurre entamée, lait en poudre enrichi de vitamine A, dont je me faisais des crèmes délicieuses en le délayant avec peu deau. Maman était très reconnaissante parce que ta grand-mère était généreuse et savait que, dans ces temps de galère, de la nourriture plus riche était nécessaire aux enfants. -De ton grand-père jai le souvenir dun géant. Il était grand et imposant et avait un teint très coloré, mais il ne me faisait pas peur, en tous cas moins que tonton Ernest ! Jai de lui un souvenir qui ma marquée. Maman mavait amenée avec celle pour apporter ses condoléances à ta grand-mère et mavait encouragée pour voir ton grand-père exposé, comme on le faisait alors. Cétait, peut-être le premier mort que je voyais. Ce qui mavait surtout frappée cest quune mouche rentrait et sortait de son nez ! Cette image ma frappée pour la vie. -Jai aussi le souvenir de nous deux, à plat ventre sur un tapis et lisant les péripéties denfants ou dadultes pendant la guerre de 14/18. Ton grand-père devait avoir un livre là-dessus, largement illustré et avait dû nous le prêter pour nous faire tenir tranquilles. Cela nous avait passionnés !" Jeanine Bourvéau-Ravoux
Merci Jeanine pour ces précisions. Je nai aucun souvenir du lit de mort de mon grand-père ! Nous habitions Sidi-Bel-Abbès a-t-il été mis en bière avant notre arrivée un ou deux jours après son décès ? Par contre je me souviens de sa mise en terre au cimetière de Saint-Eugène. Un fait ma marqué. Toute la famille était en pleurs sauf moi ! Ce nétait pas je pense de lindifférence ! Etait-ce que je narrivais pas à intégrer sa disparition ou étais-je victime dun choc psychologique qui me bloquait ? Pourtant je laimais profondément ! Pépé avait ramené de Paris une collection dun magazine qui relatait sous forme de bandes dessinées en couleur les exploits de nos soldats qui se battaient avec courage et abnégation pendant la guerre de 14-18. Je pense quaprès son décès ces journaux ont été détruits par Mémée ou mes parents ? A ce jour ils auraient une grande valeur historique et les collectionneurs se les arracheraient !
Le ballon Cétait un lourd ballon de football en caoutchouc rouge très épais, il était muni dune valve à bille qui permettait de le gonfler en appuyant sur la bille avec lorifice de sortie dune pompe à vélo. Il était nervuré pour imiter les coutures des ballons en cuir. Comme le vélo il mavait été apporté par le Papa Noël. Vélo trop grand, ballon trop lourd, les anciens étaient économes et prévoyaient quen achetant un cadeau plus grand il servirait plus longtemps quun objet plus en rapport avec la taille ! Dautre part cette pratique existait aussi quand il fallait acheter des vêtements aux enfants. La première année lajustement se faisait par quelques pinces par-ci par-là, par de grands ourlets aux manches et au pantalon, ce qui permettait de les rallonger lorsque lenfant grandissait. A Alger je neus pas beaucoup loccasion de jouer au ballon en raison de sa taille et de la mienne ! Arrivé à Sidi-Bel-Abbès à lâge de huit ans je pus enfin profiter de mon ballon. Que de folles parties organisées en toute sécurité dans la rue des cousins Bastié, rue qui se terminait par un sentier inaccessible aux voitures ! Je devins un petit tyran. Les copains nayant quune balle en chiffon ou une balle de tennis râpée au maximum, mon ballon était lobjet de toutes les convoitises. Mon statut de propriétaire faisait que je choisissais qui pouvait ou ne pouvait pas jouer au ballon avec le groupe et qui jouerait ou ne jouerait pas dans mon équipe! Beaucoup plus tard alors que jétais collégien le jeudi nous enfourchions nos vélos et allions faire des parties de football endiablées devant les tribunes de lhippodrome qui était a situé deux ou trois kilomètres de notre quartier. Un jour le ballon arriva au bout de sa vie en souvrant largement, plus de football, ce fut loccasion de trouver dautres occupations le jeudi après-midi.
Sain-Lys le 4 février 2021
André Amadeuf
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