-Alger, Belcourt.
Le 44 Boulevard Thiers du quartier Belcourt à Alger
la tonnellerie Marquand

 

 

Souvenirs de André AMADEUF
Texte, photos par l'auteur : André AMADEUF

mise sur site :avril 2022

Du même auteur, un PDF
: Méthode d'enseignement d'autrefois d'un instituteur atypique et exceptionnel

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Boulevard Thiers
Boulevard Thiers
, le 44
En rouge la tonnellerie Marquand
( plan Vrillon)

Nota : Le mot école (plan à gauche) chevauche sur un entrepôt qui faisait partie des établissements Vve Côte.

Le café Gardiola au coin des bd Thiers et Villaret Joyeuse était au rez de chaussée d'un immeuble de 4 étages.

Lors des alertes aux bombardements tout le voisinage était contraint de se réfugier au rez de chaussée de l'immeuble!!!!!Ce qui fait que si une bombe était tombée sur nous ,il y aurait eu plus de victimes que si nous étions restés chez nous!


Le 44 Boulevard Thiers du quartier Belcourt à Alger

C’était l’entrée de la grande tonnellerie Marquand Futailles qui devait avoir environ une superficie de plus d’un hectare. En entrant par le portail, à gauche on trouvait un petit bureau dévolu à mon grand-père, Pierre Perrier, qui était le contremaître de la tonnellerie.

André Amadeuf sur son tricycle. (Age ?)
André Amadeuf sur son tricycle. (Age ?)

Le portail du 44 boulevard Thiers, à droite le bureau de mon grand-père, au second plan de l’autre côté du Boulevard Thiers l’atelier de fabrication des tonneaux et le secrétariat.

Grand-Père avait de nombreuses responsabilités à savoir :

La gestion de plusieurs centaines de tonneaux de 600 litres chacun appelés demi-muids. Avant l’utilisation des bateaux citernes ils permettaient d’exporter vers la France les meilleurs vins d’Algérie

C’est lui qui assurait la location des fûts à des marchands de vin.

Avant la location des tonneaux, il contrôlait leur étanchéité par une seconde désinfection à l’eau bouillante, puis il faisait introduire par les bondes des mèches de souffre enflammées retenues par un fil de fer très fin afin de désinfecter leurs intérieurs.

Sitôt la mèche allumée un petit carré de toile de jute était posé sur la bonde et recouvert afin d’assurer l’étanchéité par un solide bouchon de bois enfoncé à l’aide d’un maillet. Ne restait plus qu’à vérifier sur les fonds du tonneau si un matricule destiné à retrouver les futailles était bien lisible. Les inscriptions (lettres et chiffres) étaient inscrites grâce à des plaques de zinc ajourées plaquées sur le bois et tamponnées avec un pinceau à poils courts et raides trempés dans de la céruse (blanc de plomb).

Je crois me souvenir aussi que des inscriptions réalisées à l’aide d’un alphabet métalliques chauffé au rouge étaient apposées sur les fonds des fûts mais sans certitude.

Au retour de location grand-père faisait l’inventaire des fûts, en fonction de leur état avec un morceau de craie il marquait sur le bois des signes cabalistiques pour changer un cercle, un joint ou carrément une douelle.

Deux ouvriers algériens expérimentés Taïeb et Lahkdar assuraient les réparations, la désinfection et le stockage des tonneaux qu’ils empilaient les uns sur les autres dans deux immenses hangars en attente d’une location ou d’une vente.

Pour la désinfection et les réparations ils utilisaient une énorme étuve dans laquelle les douelles en chêne étaient plongées afin de les assouplir pour mieux les mettre en place et les plier. L’étuve était chauffée grâce aux douelles défectueuses.

Les tonneaux étaient nettoyés à l’eau bouillante et pour cela basculés de droite à gauche et de gauche à droite, ensuite ils étaient roulés sur deux rails parallèles distants d’une trentaine de centimètres, la bonde placée vers le bas pour évacuer l’eau et d’éventuels morceaux de tartre ou résidus.

Lorsque les tonneaux étaient prêts à être loués ils étaient mis en gerbe, les uns sur les autres dans un très grand hangar. Pour les empiler les ouvriers utilisaient une rampe mobile sur laquelle ils les faisaient rouler. Opération dangereuse à partir du troisième étage de la gerbe car tout se faisait manuellement.

Entre le bureau du contremaître et l’étuve sur toute la longueur un hangar véritable caverne d’Ali Baba permettait d’entreposer des matières premières pour confectionner ou réparer les futs. Je me souviens de bottes de joncs empilées, de grands rubans métalliques destinés à devenir des cercles, de douelles neuves, d’étagères contenant des rivets des outils, de la peinture, des clous et autres matériaux dont je n’ai plus souvenance !

Tous les samedis mon grand-père distribuait à chaque ouvrier une enveloppe préparée par le comptable et contenant la paye de la semaine.

Longeant le trottoir en face du 44 de l’autre côté du Boulevard Thiers sur une surface presque aussi grande qu’au 44 se logeaient les bureaux de la direction, un atelier de menuiserie contenait des machines-outils pour travailler le bois et permettait ainsi de façonner les douelles à partir de morceaux de chêne (les merrains) de forme parallélépipédique.

Dans un hangar ouvert sur un côté trônait un atelier contenant une forge, une machine qui mettaient en forme les futurs cercles métalliques des tonneaux (les feuillards) en leur donnant de plus une forme légèrement tronconique afin qu’ils s’adaptent aux formes du tonneau. Chaque extrémité du cercle était percée de deux trous dans lesquels des rivets chauffés au rouge étaient introduits et battus à chaud sur une enclume afin de fermer le cercle.

Dans la partie du hangar ouverte sur la cour les tonneliers fabriquaient les tonneaux en disposant les douelles sommairement cerclées autour d’un feu qui les cintraient progressivement. A grand renfort de coups de massette sur une sorte de burin rainuré à sa base et qui chevauchait les chants des cercles avec pour but de solidariser les douelles entre elles.

Le frappeur tournait autour du tonneau afin de répartir le serrage progressif des cercles.

Préalablement à ces opérations, du côté interne les douelles avaient été rainurée à chaque extrémité. En fin de cintrage des douelles, les fonds circulaires et renforcés des fûts étaient encastrés dans la rainure.

Il ne restait plus au moyen d’une tarière que de percer au centre d’une douelle un gros trou destiné au remplissage du fût et sur le fond un trou plus petit destiné à la vidange. Un immense hangar servait à sécher pendant des années des merrains empilés en forme de tours creuses au milieu de telle manière que l’air pouvait y circuler librement.

Enfin à côté du secrétariat logeait un sous-contremaître responsable uniquement de la fabrication des tonneaux.

Les ouvriers de la tonnellerie
Les ouvriers de la tonnellerie. A gauche chapeau sur la tête grand-père, en haut à droite Lahkdar (chéchia sur la tête) et Taïeb crâne nu

Après la partie technique, la vie familiale

maison de fonction
La maison de fonction de grand-père. 5 Novembre 1939

A l’étage, à droite, la chambre de mes parents lieu de ma naissance. Au rez de chaussée une grande chambre destinée à être une salle de repos pour Monsieur Marquand (Il n’y venait jamais) elle nous servait de chambre d’amis.

On distingue entre moi sur un tonneau et la maison, le jardin de grand-Mère fleuri de géraniums engraissés par les déjections des chevaux des maraichers qui livraient les halles centrales en fruits et légumes frais et la treille. A gauche dans l’ombre une grande véranda qui servait de cuisine d’été.

Complètement à gauche contre la muraille Mémée entretenait un grand poulailler qui nous assurait œufs et viande.

Lorsque mes parents se marièrent, pour une raison affective et aussi pécuniaire mon père voulut bien accepter de vivre chez ses beaux-parents qu’il considérait un peu comme ses parents. Papa ayant été orphelin alors qu’il avait 17 ans.

L’entrée principale s’ouvrait par une porte sur le boulevard Villaret-Joyeuse perpendiculaire au boulevard Thiers. Cette porte permettait d’accéder dans la grande véranda limitée du côté cour par un grand panneau de lattes de bois croisées à une dizaine de centimètres les unes des autres.

En entrant dans la véranda à gauche il y avait la cuisine, à droite tout au bout il y avait un grand débarras sans plafond au fond duquel on accédait à un WC et une salle de bain (un bien grand mot) dans un réduit contenant une baignoire en zinc.

meme et moi

La porte de la Véranda côté cour à gauche Mémée et moi

La véranda longue d’une dizaine de mètres et large de quatre à cinq mètres servait aussi de cuisine d’été, elle était équipée d’une cuisinière et d’un évier en pierre et sa paillasse.

Le logement était bizarre, l’entrée de l’appartement à partir de la véranda se faisait directement dans une grande cuisine dans laquelle trônait une grosse cuisinière à bois. Sous l’escalier un garde-manger avait les pieds posés sur des soucoupes remplies d’eau pour interdire aux fourmis de venir se servir. De la cuisine partait un bel escalier en bois qui menait à l’étage.

Y avait-il une glacière ? C’est possible mais je ne m’en souviens plus !

L’escalier aboutissait à l’étage à un palier, à droite la chambre des grands-parents à gauche en enfilade une salle à manger puis la chambre de mes parents. Salle à manger non fonctionnelle en raison de son emplacement au-dessus de la cuisine !

La pièce était meublée d’une table, de chaises, d’un buffet, le tout en bois massif de couleur claire. De deux sellettes (souvenir de l’artisanat du Maroc) supportaient quelques bibelots. La cheminée était décorée par une imposante pendule en marbre entourée de deux petites coupes assorties à la pendule.

Je crois me souvenir que Maman qui était une excellente couturière formée à Paris dans une grande maison de couture y recevait des amies ou quelques clientes de plus en plus rares depuis son mariage avec Papa.

Les souvenirs de ma tendre enfance sont fugaces. Ce n’est qu’au retour à Alger après l’intermède de 3 ans à Bitche petite ville située en Moselle à quelques kilomètres de la frontière avec l’Allemagne que mes souvenirs perdurèrent. (J’avais 7 ans)

A la déclaration de guerre de 1940, avec Maman nous nous repliâmes en catastrophe sur Alger tandis que Papa jusqu’à la défaite continua à surveiller des travaux d’amélioration de la ligne Maginot.


5 Novembre 1939

Alors que je n’avais que quatre ans mes grands-parents m’avaient offert à l’occasion d’un Noël ce vélo rouge bien trop grand pour moi, il fallut que j’attende plusieurs années avant de pouvoir le chevaucher !

Cela se fit en 1940 sur la terrasse des cousins Bastié à Sidi-Bel-Abbès. Après un ou deux jours d’essais j’arrivais à maîtriser l’équilibre de même que Riri Bastié.

En catimini nous allâmes nous exercer dans la rue. Les cris de frayeur de nos mamans firent que nous rentrèrent sans barguigner et pas très fiers !

La guerre fit que la tonnellerie du 44 boulevard Thiers fut en partie réquisitionnée par l’armée pour y entreposer dans les hangars un nombre considérable de chevaux et mulets eux aussi réquisitionnés en prévision d’un départ sur le front.

Des dizaines de véhicules hippomobiles certaines du type Araba furent aussi entreposées dans la tonnellerie.


des arabas et moi
Des Arabas et moi Septembre 1940

Au sujet des arabas :

Un jour, lequel ? une tête pensante, certainement un officier inexpérimenté, un génie dans son genre eut l’idée de donner de l’exercice aux chevaux et mulets mais aussi aux palefreniers !

Les animaux en stabulation complète sans la possibilité de se dépenser depuis des semaines étaient excités au possible, certains n’avaient même jamais été attelés !!!

Les palefreniers militaires Algériens musulmans très nombreux attelèrent difficilement une vingtaine de pauvres bêtes protestataires qui ruaient à loisir, se cabraient et faisaient tout pour ne pas se trouver entre les brancards.

Sitôt attelés il fallait au moins deux hommes pour tenir par la bride les bêtes affolées. Tous ayant été attelés l’autorité désigna des « volontaires forcés » qui s’installèrent chacun sur le banc des charrettes.

Le portail fut ouvert juste au moment où plusieurs dizaines de voitures à cheval arrivaient par le boulevard Thiers et les rues adjacentes pour apporter aux halles centrales d’Alger des cargaisons bien fournies de légumes frais. L’entrée des halles boulevard Villaret-Joyeuse se trouvait à une petite centaine de mètres du 44 Boulevard Thiers.

Ce fut indescriptible … ! Sitôt lâchés, les chevaux se ruèrent sur le boulevard sortant à droite ou à gauche sans que les conducteurs novices puissent les diriger. La plupart s’emballèrent, les accrochages avec les voitures maraîchères furent légion, certaines arabas empiétèrent sur les trottoirs, des roues furent arrachées en heurtant un arbre ou un obstacle, les conducteurs éjectés pour la plupart !

Je ne me souviens pas du bilan mais nombreux furent les blessés tant chez les animaux que chez les militaires sans compter les civils et les dégâts matériels occasionnés !!

En fin de soirée certains équipages perdus ou accidentés n’étaient pas encore rentrés !!!J’ignore si des sanctions furent prises à l’encontre de l’organisateur de ce rodéo !

Après cet intermède les tirailleurs Algériens qui s’occupaient des chevaux furent remplacés par des Sénégalais qui en avaient une peur bleue. Souvent nous fûmes les témoins de situations cocasses.

Un exemple : les Algériens conduisaient à l’abreuvoir plusieurs chevaux à la fois, les Sénégalais un seul, si le cheval s’agitait un peu trop, ils lâchaient la bride, l’équidé en profitait pour galoper dans tous les sens avant d’être repris !

Je me fis un copain Sénégalais qui s’appelait Latilli Galou, un jour il me montra un livre de lecture et me demanda de lui apprendre à lire ce que je fis avec joie du haut de mes 10 ans.

Comme j’étais parfois désobéissant je recevais une taloche de la part de Maman. Si c’était en sa présence il prenait ma défense et sur un ton suppliant il disait à Maman :<< Pas taper le petit madame ! pas taper le petit !>>

Un jour les Sénégalais partirent et je n’ai plus eu de nouvelle de Latilli Galou.



26/09/1939 Je suis assis sur un gentil cheval réquisitionné très séduisant, Pépé protégé par son très épais tablier de tonnelier contrôle l’animal au pelage marron qui me fut présenté comme étant un alezan.


Alezan … ? Ce ne fut que bien plus tard que j’appris qu’un alezan était un cheval à la robe marron plus ou moins claire et que souvent les alezans avaient un pelage blanc au-dessus des sabots appelé balzane.

Après l’armistice de 1940 les équins furent rendus à leurs propriétaires, les charrettes furent alors remplacées par des camions et voitures réquisitionnées et badigeonnées de peinture kaki par l’armée.

Cette mesure était due au Général Noguès commandant en chef de l’armée française en Afrique du Nord. Ce dernier pressentant que les hostilités reprendraient un jour avec l’Allemagne fit qu’il ordonna de cacher aux commissions d’armistice Italo-Allemande qui siégeaient à Alger Tunis et Rabat les uniformes, armes, munitions, véhicules qui auraient pu servir à nos ennemis.

Tout ce matériel fut éparpillé dans des caches sur tout le territoire et remis au grand jour après le débarquement des alliés en Novembre 1942 pour réarmer sommairement l’armée d’Afrique afin qu’elle puisse lutter contre les Allemands et les Italiens en Tunisie.

Après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord le 08/11/1942 l’Algérie fut coupée de la France. Ce fut le marasme pour les fabricants et loueurs de futailles. La tonnellerie fut mise en sommeil.

Lors de nos séjours de vacances en 1942 et 1943 à la tonnellerie nous eûmes droit à plusieurs alertes au bombardement, à un feu nourri de la DCA et ses retombées d’éclats d’obus, à un combat aérien au-dessus de nous. Un avion des alliés mitrailla un appareil allemand ou italien qui passa en flamme au-dessus de la tonnellerie pour enfin s’écraser en mer.

L’armée américaine s’installe au 44 boulevard Thiers

Les Américains qui devaient entretenir un contingent énorme de soldats sans compter les troupes françaises qui s’étaient ralliées à eux firent feu de tous bois pour entreposer vivres et matériel dans de bonnes conditions. Ils louèrent la tonnellerie pour en faire un immense dépôt de vivres.

Tous les fûts, le bois merrain, l’outillage furent entreposés dans l’atelier de fabrication de l’autre côté du boulevard.

Des étagères superposées jusqu’à la toiture des hangars furent mises en place et garnies de nourritures, caisses de boîtes de conserve, sac de farine, de riz, bidons d’huile et j’en passe beaucoup. Dans la cour ils installèrent d’énormes réfrigérateurs et des congélateurs de la taille des grands containers actuels.

Du matin au soir le 44 devint une ruche dans laquelle des GMC apportant des vivres depuis le port et ceux qui partaient pour alimenter les unités se croisaient et se recroisaient.

Des chariots élévateurs circulaient au milieu des camions.

Après la conquête de la Tunisie par les alliés les manutentionnaires américains furent remplacés par un contingent de prisonniers italiens très satisfaits de leur condition et n’ayant nullement l’envie de fuir.

Symboliquement un seul homme de garde armé d’un pistolet gardait l’entrée de l’entrepôt.

Les cadres américains de l’entrepôt lassés des boîtes de conserve et des rations de l’armée demandèrent à ma Mémée si elle pouvait leur préparer des repas.

Mémée ouvre un mess pour les Américains

Ma grand-mère qui dans sa jeunesse avait tenu une pension de famille se fit un plaisir d’accepter d’autant plus que tous les ingrédients étaient fournis par les Américains ce qui nous arrangeait bien dans ces temps difficiles où tout ou presque était obtenu avec des tickets de rationnement.

Le midi une bonne dizaines d’Officiers et de Sous-officiers prenaient place à table sous la véranda.

Avant le repas un insecticide américain contenu dans des « bombes sous pression » était largement utilisé pour occire les mouches. Cela nous changeait du papier collant cloué au plafond et de la pompe à main du pulvérisateur Fly-Tox ! L’opération se faisait autour et au-dessus de la table bien qu’elle fût mise !

Les mouches et les particules d’insecticide tombaient sur la table sans que personne n’y voit un danger !

Mémée chaque jour prévoyait le menu du lendemain faisait une liste et par miracle elle recevait les ingrédients nécessaires. En cas d’un oubli Pépé était chargé d’aller chercher une tablette de beurre dans un frigo ou un poulet dans un congélateur sans rendre compte à quiconque.

C’est ainsi que des Américains eurent droit aux plaisirs gustatifs de la cuisine française et pied-noir.

Lors des vacances nous mangions à table avec eux, ils amenaient leurs couverts et une grande assiette métallique compartimentée dans laquelle à notre grande surprise ils mettaient côte à côte dans les compartiments des aliments salés ou sucrés.

La première fois je fus surpris de voir par exemple dans une même assiette de la salade, un rôti de porc avec sa garniture, un morceau de fromage et de …. la confiture !

Pour éviter du gaspillage mes grands-parents qui auraient pu les monnayer donnaient à deux familles voisines les Michel et les Cazalet des restes copieux des préparations, le tout complémenté de temps en temps par quelques œufs, quelques steaks ou un kilo de farine. La famille n’était pas oubliée

Quand nous rentrions à Sidi-Bel-Abbès après les vacances nos valises étaient bien garnies !

Ma cousine Andrée Amadeuf avait été victime d’une pneumonie doublée d’une pleurésie, elle avait frôlé la mort, complètement anémiée elle n’arrivait pas à se rétablir.

Mon grand-père pendant plusieurs semaines lui apporta régulièrement des steaks, du jambon, du poulet, des friandises, du pain blanc coupé en tranches qui firent qu’elle put se rétablir rapidement.

(Le pain nous était rationné, il fallait donner un ticket au boulanger pour obtenir environ 250 grammes de pain par jour et par personne)

Le 21 septembre 1944 Pépé rendit son dernier soupir à l’âge de 62 ans victime d’un arrêt cardiaque.

Mon dernier souvenir de lui fut sa joie le lendemain de la prise de Paris le 26 Août 1944, il m’emmena au centre d’Alger où un défilé interminable de troupes Américaines, Anglaises et Françaises devant le monument aux morts dans le centre d’Alger fêtait la libération de Paris au milieu d’une foule enthousiaste en délire.

Mémée plus âgée que Pépé vint vivre chez mes parents à Sidi-Bel-Abbès où elle décéda le 26 juillet 1949 suite à un AVC à l’âge de 78 ans.

Après 1945 les bateaux citernes supplantèrent les tonneaux et la tonnellerie Marquand Futailles de mon enfance périclita et fut vendue et démantelée.

Quelquefois nous avions des visiteurs


Jeanine Ravoux 12 mois sur le bambine-auto ou bambinauto ? André 17 mois

André Amadeuf et Jeanine Ravoux
André Amadeuf et Jeanine Ravoux dans le jardinet de Mémée (Age ?)

Remarque

Je suis rondouillard contrairement à l’une de mes photos insérée dans mes souvenirs de Bitche. Quelques temps après la prise de cette photo j’avais été victime d’une terrible gastro –entérite lors d’un séjour de mes parents et des Ravoux dans un cabanon situé pas loin d’Alger à la pointe Pescade.

Deux docteurs de concert vinrent à mon chevet et annoncèrent à mes parents que mon cas était critique pour ne pas dire désespéré !

Soigné à grands coups de piqures avec des médicaments mystérieux dont mes parents n’ont jamais connu la composition, je revins à la vie par miracle, mais j’ai gardé jusqu’à ce jour des problèmes d’ordre digestif !

photo famille
Année ?
Alphonse Muller 7 neveu de ma Mémée 5, son épouse Clairette 3 et leurs enfants Domiciliés à Hammam-Bou-Hadjar sont venus nous rendre visite.

André Amadeuf à peine visible No 9

Souvenirs de Jeanine Ravoux

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Janvier 2021

-André Je me souviens aussi que tu m’emmenais au sommet de grands tas de foin ou de paille qui étaient stockés dans un hangar, sans doute au temps où il y avait des chevaux dans la tonnellerie. Ce devait être le dimanche, car il n’y avait personne dans les entrepôts pour nous empêcher d’y grimper. C’était une grande aventure pour moi.

-Il n’y a pas que Dédée que ta grand-mère a ravitaillée : Je me souviens, quand nous allions vous voir chaque fois ta grand’mère trouvait quelque chose à nous donner. Boite de beurre entamée, lait en poudre enrichi de vitamine A, dont je me faisais des crèmes délicieuses en le délayant avec peu d’eau. Maman était très reconnaissante parce que ta grand-mère était généreuse et savait que, dans ces temps de galère, de la nourriture plus riche était nécessaire aux enfants.

-De ton grand-père j’ai le souvenir d’un géant. Il était grand et imposant et avait un teint très coloré, mais il ne me faisait pas peur, en tous cas moins que tonton Ernest !

J’ai de lui un souvenir qui m’a marquée. Maman m’avait amenée avec celle pour apporter ses condoléances à ta grand-mère et m’avait encouragée pour voir ton grand-père exposé, comme on le faisait alors. C’était, peut-être le premier mort que je voyais. Ce qui m’avait surtout frappée c’est qu’une mouche rentrait et sortait de son nez ! Cette image m’a frappée pour la vie.

-J’ai aussi le souvenir de nous deux, à plat ventre sur un tapis et lisant les péripéties d’enfants ou d’adultes pendant la guerre de 14/18. Ton grand-père devait avoir un livre là-dessus, largement illustré et avait dû nous le prêter pour nous faire tenir tranquilles. Cela nous avait passionnés !"

Jeanine Bourvéau-Ravoux

Merci Jeanine pour ces précisions.

Je n’ai aucun souvenir du lit de mort de mon grand-père !

Nous habitions Sidi-Bel-Abbès a-t-il été mis en bière avant notre arrivée un ou deux jours après son décès ?

Par contre je me souviens de sa mise en terre au cimetière de Saint-Eugène. Un fait m’a marqué. Toute la famille était en pleurs sauf moi ! Ce n’était pas je pense de l’indifférence !

Etait-ce que je n’arrivais pas à intégrer sa disparition ou étais-je victime d’un choc psychologique qui me bloquait ? Pourtant je l’aimais profondément !

Pépé avait ramené de Paris une collection d’un magazine qui relatait sous forme de bandes dessinées en couleur les exploits de nos soldats qui se battaient avec courage et abnégation pendant la guerre de 14-18.

Je pense qu’après son décès ces journaux ont été détruits par Mémée ou mes parents ?

A ce jour ils auraient une grande valeur historique et les collectionneurs se les arracheraient !

Le ballon

C’était un lourd ballon de football en caoutchouc rouge très épais, il était muni d’une valve à bille qui permettait de le gonfler en appuyant sur la bille avec l’orifice de sortie d’une pompe à vélo. Il était nervuré pour imiter les coutures des ballons en cuir.

Comme le vélo il m’avait été apporté par le Papa Noël.

Vélo trop grand, ballon trop lourd, les anciens étaient économes et prévoyaient qu’en achetant un cadeau plus grand il servirait plus longtemps qu’un objet plus en rapport avec la taille !

D’autre part cette pratique existait aussi quand il fallait acheter des vêtements aux enfants. La première année l’ajustement se faisait par quelques pinces par-ci par-là, par de grands ourlets aux manches et au pantalon, ce qui permettait de les rallonger lorsque l’enfant grandissait.

A Alger je n’eus pas beaucoup l’occasion de jouer au ballon en raison de sa taille et de la mienne ! Arrivé à Sidi-Bel-Abbès à l’âge de huit ans je pus enfin profiter de mon ballon.

Que de folles parties organisées en toute sécurité dans la rue des cousins Bastié, rue qui se terminait par un sentier inaccessible aux voitures !

Je devins un petit tyran. Les copains n’ayant qu’une balle en chiffon ou une balle de tennis râpée au maximum, mon ballon était l’objet de toutes les convoitises.

Mon statut de propriétaire faisait que je choisissais qui pouvait ou ne pouvait pas jouer au ballon avec le groupe et qui jouerait ou ne jouerait pas dans mon équipe!

Beaucoup plus tard alors que j’étais collégien le jeudi nous enfourchions nos vélos et allions faire des parties de football endiablées devant les tribunes de l’hippodrome qui était a situé deux ou trois kilomètres de notre quartier.

Un jour le ballon arriva au bout de sa vie en s’ouvrant largement, plus de football, ce fut l’occasion de trouver d’autres occupations le jeudi après-midi.



andre amadeuf
1er Novembre 1934 André Amadeuf 22 mois et 10 jours

 

Sain-Lys le 4 février 2021

André Amadeuf