Halles centrales
( plan Vrillon, collection personnelle)
Les Halles Centrales d'Alger
Alger possède enfin
ses Halles Centrales. La nouvelle peut paraître évidemment
assez inattendue et la seule pensée qu'une ville de 300.000 âmes
a été jusqu'ici privée d'un marché en gros
rationnellement conçu et installé dans des locaux spécialement
aménagés à cet effet, est susceptible de faire
naître en l'esprit de certains urbanistes, un sentiment d'ironie
et de scepticisme.
Et pourtant, il y a quelque temps encore, les revendeurs devaient se
contenter pour faire leurs achats, du traditionnel marché de
la Lyre où la vente s'effectuait dans un désordre général,
le plus souvent en pleine rue parmi les cris et les invectives des chauffeurs
d'autos et des conducteurs de tramways. Embouteillages continuels et
dangereux des artères environnantes et plus particulièrement
du carrefour Henri-Martin, malpropreté des trottoirs, de la chaussée
et des escaliers donnant accès à la place de la République
; à ces inconvénients réels venait aussi s'ajouter
l'insuffisance des services de réception et de perception.
La Municipalité avait bien, à plusieurs reprises essayé
de remédier à ce regrettable état de choses mais
chaque fois qu'ils s'attaquèrent au problème, nos édiles
se trouvaient en présence d'obstacles insurmontables. Le choix
d'un emplacement surtout semblait s'opposer à la réalisation
d'un projet dont la nécessité se faisait impérieusement
sentir. Il fallut que les abattoirs soient désaffectés
et déplacés pour trouver la possibilité de le mettre
à exécution et le 12 mai dernier, les Halles ouvraient
leurs portes officiellement.
Nous avons pu ces jours-ci - à la faveur d'une promenade effectuée
en compagnie de M. Bondu, guide d'une précieuse amabilité
- nous rendre compte des efforts tentés par l'Administration,
pour doter la capitale nord-africaine d'une organisation modeste sans
doute mais parfaitement comprise. Les rentrées et les sorties
semblent inspirées des Halles de Paris. Le Marché ouvre
à deux heures du matin. De deux à quatre heures les maraîchers
apportent leur marchandise et la vente s'effectue de quatre à
huit heures. A huit heures et demie, trêve générale.
Dans l'après-midi, le mouvement reprend de deux heures à
quatre heures et demie pour l'entrée des produits et de quatre
heures et demie à six heures et demie pour la vente.
En pénétrant dans la cour des Halles, les vendeurs confient
au receveur une lettre de voiture où sont indiquées le
nombre et la nature des colis transportés. D'autre part les mandataires
ont un carnet à souches. Ils en donnent deux à l'acheteur
: celui-ci en conserve une pour lui et remet l'autre aux services administratifs,
ce qui permet d'établir un contrôle rigoureux sur les produits
vendus.
Les abris sont divisés en soixante emplacements - un par mandataire
- dont les dimensions varient selon l'importance du chiffre d'affaires
réalisé. La marchandise, dès son arrivée,
est transportée sur le carreau. Si elle reste invendue, elle
paye un droit de resserre qui s'élève pour l'instant à
0 fr. 10 par colis mais qui va être incessamment ramené
à 0 fr. 15.
Pour les amateurs de chiffres, il serait peut-être utile de noter
maintenant qu'environ 12 à 15.000 colis sont vendus tous les
jours alors que la moyenne de la resserre s'élève à
5 ou 600 colis.
Nous avons constaté que l'aubergine et le poivron étaient
parmi les produits les plus demandés actuellement. Quant à
la tomate, elle bénéficie d'un taux relativement bas.
A certain moment même on l'écoulait avec tellement de difficulté
qu'on était bien souvent contraint de la jeter par paniers entiers.
Cela s'explique par la concurrence redoutable du Maroc dont les progrès
constituent une concurrence pour les producteurs algériens. Côté
fruits, les prunes, les poires, le raisin et, depuis peu, les figues
trouvent de nombreux acquéreurs.
Mais tous les records sont battus par la vente en vrac des melons et
des pastèques. Nous ne pouvons que citer des prix approximatifs
et quand nous affirmons qu'il s'en vend pour plus de 25.000 francs chaque
jour, nous sommes certainement, et de loin, au-dessous de la vérité.
Où va donc cette formidable provision de légumineuses.
Elles se répandent un peu partout dans les quartiers populeux
de Belcourt et surtout de
Bab-el-Oued, où on les consomme joyeusement, au son
des guitares et des accordéons, dans la tiédeur humide
des nuits d'été algéroises.