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------Le
faubourg d'Alger qui symbolise le petit peuple algérien d'origine
européenne, que l'on désigne communément sous le
sobriquet de "pieds-noirs", Bab-el-Oued doit son nom a une
porte du vieil Alger et un ruisseau qui coulait aux abords de cette
porte. La porte s'ouvrait dans le rempart nord de la ville a peu près
entre ce qui est aujourd'hui la caserne Pélissier et le
lycée Bugeaud.
porte
"Bab-el-Oued" en 1830------
-----L'oued
coulait des hauteurs de la Bouzaréah
à travers le ravin qui s'appelle aujourd'hui le Frais Vallon.
Il s'appelait l'Oued M'kacel, et la porte de l'Alger Turc qui ouvrait
sur le ruisseau s'appelait tout naturellement la porte du Ruisseau,
soit la porte de l'Oued, donc Bab-el-Oued.
-----Bab-el-Oued
était la " Porte déshéritée "
d'Alger. Elle ouvrait sur les dépôts d'ordures et les cimetières.
Quand les Français furent entrés à Alger dans la
matinée du 5 juillet 1830, on installa les troupes dans les locaux
des bagnes désormais vidés des esclaves qui y étaient
enfermés, et dans les casernes des janissaires ou plus simplement
dans les bivouacs. Les états-majors réquisitionnèrent
les palais officiels et les luxueuses villas des "raïs "
dissimulées dans les jardins et les vergers de Mustapha au sud
d'Alger. Les cabaretiers et les truands allèrent rejoindre tout
naturellement au bord de l' Oued M'kacel la foule des coupe-jarrets
qui y vivaient déjà un peu en marge des règlements
de police du Dey d'Alger.
----- Puis,
pendant que le baron de Vialar tentait les premiers essais de colonisation
de la Mitidja
avec l'aide officielle de Clauzel et de Bugeaud, commencèrent
à affluer à Alger tout ce que la Méditerranée
comptait d'aventuriers efflanqués, attirés par la perspective
de faire fortune en Afrique. C'étaient des pêcheurs napolitains,
des maraîchers mahonnais, des laitiers maltais ou des carriers
de Valence. Justement, Alger brusquement grossie par la présence
du corps expéditionnaire d'administration, avait besoin de poissons,
de légumes et de lait. Elle avait surtout besoin d'un port on
entreprit de le construire avec les pierres d'une carrière qui
se trouvait au bord de l'oued M'kacel et la vie du futur faubourg s'organisa
autour de la carrière la Cantera, le plus vieux quartier de Bab-el-Oued.
les carrières
de Bab-el-Oued
-----Puis,
naquirent La Bassetta autour du bassin où l'on faisait boire
les chevaux qui tiraient les lourds convois autour de la pompe où
l'on puisait l'eau et enfin autour du moulin ou des Messageries d'où
partaient les diligences et dont le nom français prouve déjà
que Bab-el-Oued avait cessé d'être un faubourg exclusivement
espagnol, italien, mahonnais ou maltais. Quand Bab-el-Oued eut une gare,
il sut qu'il avait cessé d'être un village, et qu'il était
déjà une ville dont la population avait, en moins de cinquante
ans, dépassé celle de villes métropolitaines célèbres
depuis plusieurs siècles. Une telle promotion était incompatible
avec la présence du ruisseau nauséabond qui coulait entre
la Bassetta et le "Bain des familles ", cette plage qui borde
les quartiers voisins du cimetière et que le génie espiègle
des latins de Bab-el-Oued a baptisée Consolation, on couvrit
donc l'Oued M'kacel qui disparut ainsi d'abord de la vue des habitants
de Bab-el-Oued puis de la mémoire des générations
suivantes au point qu'il n'est pas un "pied-noir" sur dix
mille qui en garde le souvenir.
la gare de Bab-el-Oued
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la plage des familles
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Couverture du livre
-----Le
faubourg était prêt pour entrer dans la légende.
Un petit fonctionnaire - sorte de Courteline africain - qui s'appelait
Robinet et se forgea le pseudonyme à la fois aimable, poétique
et sentimental de Musette, les lui ouvrit toutes grandes et du même
coup lui offrit un héros Cagayous Par la grâce de Musette
l'argot du faubourg atteignait à la dignité d'uns langue,
et il ne fut pas un" Ouallioune " de Bab-el-Oued qui ne se
reconnut en Cagayous.
------On dit qu'il "n'est bon bec que de
Paris " Il n'en est pas de meilleur en Afrique que de Bab-el Oued.
La confrontation serait passionnante. Il y faudrait une langue commune
au Poulbot et au Ouallioune. Mais Bab-el-Oued, c'est indiscutablement
une sorte de Montmartre algérois, et pour que le rapprochement
soit plus vraisemblable, le coeur de Bab-el-Oued est la place Dutertre
en souvenir du défenseur de Sidi-Brahim.
-
------Cependant Bab-el-Oued ce n'est pas seulement ce faubourg
où vit La famille Hernandez de Geneviève Baïlac,
ce n'est pas seulement cette ville qui sent les parfums mêlés
du vent de mer et des fumées qui montent des braseros sur lesquels
on fait griller des sardines, cette ville où l'antique noblesse
héritée des races latines incline les hommes à
dissimuler les misères de 1a condition humaine derrière
l'insolent défi d'un éclat de rire. C'est une ville synthèse,
un creuset miraculeux, au fond duquel se sont lentement fondues dans
le nom français toutes les races de la Méditerranée
que n'aveuglaient pas la haine raciale et l'intransigeance religieuse.
Et c'est dans ce miracle et cette leçon que se fonde la véritable
grandeur de Bab-el-Oued.