AVIATION
Les ateliers industriels de l'Air en Algérie
Texte, illustrations : Pierre Jarrige

------Pierre Jarrige, né en 1940, à Burdeau (dpt de Tiaret), fut pilote privé et pilote militaire (ALAT) en Algérie. Il fait des recherches, depuis très longtemps, sur l'histoire de l'aviation en Algérie. Il a déjà produit trois livres sur l'aviation légère et le vol à voile. Il continue les recherches en vue d'un livre sur l'histoire de l'aviation commerciale et militaire.
Son site : www.aviation-algerie.com

extraits du numéro 101, mars 2003 de "l'Algérianiste", bulletin d'idées et d'information, avec l'autorisation de la direction actuelle de la revue "l'Algérianiste"
sur site le 18-2-2010

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Pierre Jarrige, chef pilote à l'Ecole nationale supérieure de l'aéronautique et de l'espace de Toulouse, est né en 1940 à Burdeau (ancien département de Tiaret). Il a été pilote de tourisme, puis pilote militaire dans l'A.L.A.T. (Aviation légère de l'armée de terre). Avant juillet 1962, il avait déjà effectué six cents heures de vol au-dessus du territoire algérien.

Les ateliers industriels de l'Air en Algérie

En 1939, devant la menace de guerre et avec l'importance de l'aviation militaire en Afrique du Nord, le besoin se fait sentir de créer un atelier de révision de matériel aéronautique. Ce sera l'Atelier Industriel de l'Air de Maison-Blanche. L'AIA est un établissement d'État spécialisé dans les réparations d'avions, de moteurs, d'équipements et également le remontage d'avions. Il dépend de la Direction technique industrielle de l'aéronautique et il est rattaché au secrétariat d'État à l'Air.

Le colonel Jacques Martin arrive en 1940 comme directeur et continue la construction de l'AIA de Maison-Blanche avec augmentation des effectifs et décentralisation de quelques ateliers vers Rouiba, l'Alma et Boufarik.

La défaite de 1940 arrête les activités productrices et, le 24 juin de la même année, Jacques Martin déclare devant l'ensemble du personnel: " Si l'AIA était un bâtiment mobile ou flottant, nous partirions pour continuer le combat sous d'autres cieux... ". La préoccupation permanente est alors de conserver le centre d'apprentissage, de déjouer les commissions d'armistice et d'améliorer l'outil de travail par des imputations illégales de machines et de matières premières, tout en assurant au ralenti les révisions des quelques avions autorisés à voler par la commission d'armistice.

La reprise

Le souci de conserver en état l'outil de travail permet à l'AIA de reprendre l'activité dès le débarquement allié. 1943 est marquée par un développement spectaculaire de l'AIA et de ses annexes de Boufarik et Blida. Les Américains ayant trouvé un outil bien adapté, ils augmentent l'effectif par, non seulement des cadres américains, mais aussi des prisonniers italiens, yougoslaves et allemands, auxquels vient s'ajouter une importante main-d'oeuvre locale recrutée notamment en Kabylie et dans les camps de prisonniers politiques qui viennent d'être libérés.

Le personnel de Maison-Blanche, autour du directeur André Chartry
Le personnel de Maison-Blanche, autour du directeur André Chartry
(coll. Pierre Jarrige).

L'activité devient intense au profit du remontage des avions neufs arrivés en caisses, de l'entretien et de la remise en état des avions en opération. En mars 1946, depuis le débarquement allié, les AIA d'Algérie, avec 7000 ouvriers, ont révisé 3000 avions et 7000 moteurs.

De fin 1943 à 1945, l'ingénieur en chef Jerrold remplace Jacques Martin devenu directeur des AIA d'Afrique du Nord (Mers-el-Kébir, Rabat, Meknès et Marrakech), et André Chartry devient directeur de l'AIA d'Alger, assisté de Durney et Bassoleil. André Chartry met au point le comité mixte à la production qui permet, en concertation avec le personnel, d'amener tous les perfectionnements nécessaires à la bonne marche de l'usine. Il favorise également la promotion interne dans l'établissement et entretient une bonne ambiance dans tous les ateliers.
En 1946, l'usine aéronautique Renault de Boufarik, nationalisée comme tous les biens de Renault, est définitivement affectée à l'AIA. Cette usine avait été créée par la Société algérienne de constructions aéronautiques de Jean Lignel, dans les locaux désaffectés de la Tabacoop, pour y construire une centaine des planeurs Avia 152A, Avia 40P et Caudron C800, avant de se consacrer à l'effort de guerre dès le Débarquement.

La soufflerie

Dans un bâtiment isolé de Maison-Blanche se tient la soufflerie de l'ingénieur batnéen René Hirsch, la seule d'Afrique du Nord, créée en 1943 et inaugurée le 7 février 1944. Actionnée par un moteur Hispano-Suiza de 860 ch, elle atteint 102 m/s dans la veine guidée de 1,80 m X 2,2 m et permet de juger les réactions des maquettes sur six composants. Avec cette soufflerie, René Hirsch poursuit ses études entreprises avant-guerre sur un système d'absorption de rafales qui sera mis en oeuvre par la suite sur le bimoteur H 100 de sa conception.

Le "Le 045"

Les AIA ont en charge la modification des Lioré et Olivier 45, bimoteur de bombardement faisant partie du programme de 1936 et qui effectua son premier vol en janvier 1937. Il équipe, en 1940, de nombreuses escadres de bombardement. En 1942, une cinquantaine de Le 045, rescapés de la Bataille de France, sont regroupés à l'Ecole des Équipages de Marrakech mais, en décembre 1944, le manque de moteurs Gnome et Rhône 14N en arrête l'utilisation. En février 1946, ces avions sont transférés à Maison-Blanche et les travaux sont entrepris pour les transformer, avec des moteurs Pratt et Whitney, en avions de transport rapide. Le premier avion modifié vole le 28 février 1947 aux mains du capitaine Surier.

Le Stampe

Dans le cadre du plan tracé par le gouvernement en 1944 pour faire renaître l'aviation française, le Stampe SV4 paraît le mieux placé de tous les avions légers. Ses performances permettent l'École de début, le perfectionnement et la voltige, tandis que sa construction en bois, à une époque où les alliages sont rares, ne peut que favoriser ce choix. La construction d'une série de 700 à Satrouville est insuffisante et l'AIA de Maison-Blanche, dont la charge de travail a considérablement diminué à la fin du conflit, est chargée d'une série de 150 exemplaires à partir du chiffre 1000. L'atelier est dirigé par Liétard, avec Pidell comme chef du bureau d'étude. Le premier Stampe (F-BDKD) sorti de la chaîne vole en mai 1947, piloté par Real. Très bien construits, ces avions utilisent du frêne local et seront utilisés en Algérie et en métropole. Soixante avions sont terminés fin 1947 et le dernier Stampe (F-BDKX) sortira en 1950.

La guerre d'Algérie

Avec le conflit algérien, l'activité redevient considérable. Les réparations et les révisions concernent alors les Languedoc, Dakota, Vampire, Mistral, T6 et les hélicoptères Bell, Sikorski et Vertol. Les révisions de moteurs (Pratt et Whitney R1830 et réacteurs Nene). Les réparations et l'entretien des engins cible et des simulateurs de vol et la révision d'équipements de bord (7000 par an). L'atelier de Blida opère sur les Junkers 52, les Piper de l'ALAT et les moteurs SNECMA 12S. Les ateliers couvrent tous les besoins en mécanique générale : traitement thermique et de surface, peinture, entoilage, menuiserie et fonderie. Le service entretien a également en charge plus de 100 véhicules. Un magasin général important alimente les chaînes.

De 1955 à 1957, 120 Vampire et Mistral et 100 Dakota sont révisés et la cadence de révision des T6 est de deux par semaine. Plus de 1 000 moteurs Pratt et Whitney et 150 réacteurs Nene sont révisés. En mai 1955, après le décès prématuré d'André Chartry, le colonel Jean Duc, très compétent, devient directeur, assisté de l'ingénieur principal Jean Issartel.

Le CSAIA

Les employés de l'AIA et leurs familles sont rassemblés au sein d'un Comité sportif, le CSAIA, qui est très actif dans toutes les disciplines et en particulier la plongée sous-marine et le football. Ils pratiquent, au sein de l'Aéro-Club de l'AIA, un des plus actifs d'Algérie, le vol à moteur, le vol à voile et le modélisme. Les employés de l'AIA, logés à la cité Castor de Rouiba et à Maison-Carrée, se sont également impliqués dans la construction de l'AéroHabitat, bel immeuble du boulevard du Télemly à Alger. L'AIA, qui a rendu des services très important aux Alliés et pendant la guerre d'Algérie, a eu le mérite de rassembler une phalange de spécialistes de valeur, prouvant que la technique la plus poussée pouvait prendre place en Algérie.

Site Internet: www.aviation-algerie.com