Le massif de l'AURÈSLa vie aurasienne
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Les
chaouïas. - Isolés du monde dans leur massif montagneux,
comme ils le seraient sur une île, les paysans de l'Aurès,
les chaouïas, n'ont pas connu le brassage des races qui a affecté
le reste
de l'Algérie. Ils constituent un exemple unique de berbères restés ethniquement purs durant plus de vingt-cinq siècles, conservant leur parler, une partie de leurs croyances, de leur droit et de leurs usages à peine modifiés par les Romains, le catholicisme, l'Islam et la pacification française. L'Aurasienne connaît, comparée aux autres femmes du monde musulman, une liberté d'allure et de vie et un rôle familial et social particulièrement importants. conseillère de son man elle participe à la gestion du ménage et en assure la subsistance, elle fabrique les poteries, la vaisselle de bois et les tissages nécessaires; divorcée, elle mène l'existence indépendante de l'Azria, donnant les ordres à son personnel et surveillant ses intérêts armée s'il le faut. Mais aux yeux du touriste elle est surtout intéressante par son costume. Ce costume varie dans ses détails d'un douar à l'autre mois ses traits généraux restent les mêmes dans tout le massif. Les femmes, petites, ont généralement l'ovale du visage assez fin. le teint clair et les yeux très doux, mais leurs formes s'empâtent rapidement avec l'âge. Une sorte de châle très coloré recouvre l'ensemble de Io tète coiffée d'un turban torsadé et savamment drapé, du cou et des épaules. Il coche en partie le mantelet très plissé et sombre qui enveloppe la poitrine et sur lequel l'Aurasienne se plait à disposer de lourds bijoux d'argent : pendentifs, porte-amulettes, colliers, filigranes. Une ceinture ramasse l'ensemble de ces plis et tient la jupe très ample laissant une grande aisance aux mouvements. La marche ou la danse impriment un balancement harmonieux aux plis de ce costume. Mais l'élément le plus séduisant de tout cet ensemble reste la couleur : jupe noire, ou bleu profond, touchant presque au violet, égayée de franges jaune citron, vertes, rouge clair; châles ocres, bruns. Mariage de couleurs osé s'il en est, vives, heurtées, que seule l'éclatante lumière de l'Aurès et l'habileté de l'arrangement rendent harmonieux. Un peuple migrateur. - De toutes les régions d'Algérie, l'Aurès est, par excellence, celle du nomadisme à la fois pastoral et agricole. Une partie de la population du massif vit de culture tout autant que d'élevage. La variété des climats et la diversité des cultures dont aucune ne peut lui suffire a conduit le Chaouïa à dissocier sa propriété. Ainsi, un habitant d'Arris peut posséder quelques champs de céréales, près de Médina, des vergers près de Chir, un noyer à Bouzina, des figuiers à Rhoufi et le revenu de quelques palmiers à Djemina ou à M'Chounèche. Sa vie n'est donc, tout au long de l'année qu'un déplacement entre chacune de ses propriétés, tantôt pour assurer les travaux des champs et tantôt pour en ramasser la récolte. Le petit troupeau qu'il pousse devant lui l'oblige même à quitter certaines régions du massif dès les premières chutes de neige pour s'en aller en quête d'une maigre pâture vers les confins du Sahara. Ainsi accompagné de toute sa famille, le chaouïa laisse-t-il sa maison vide une grande partie de l'année. Au cours de ses déplacements, il loge sous la tente ou dans des grattes au flanc des carions. en attendant de retrouver, dans un autre village, une autre de ses maisons saisonnières. Mechtas, dechras et guelaas. - Comme tout Berbère, le Chaouïa construit sa maison avec un soin qui la différencie, dès le premier regard, du gourbi arabe. Les maisons aurasiennes sont généralement des habitations de pierres sèches aux terrasses s'avançant en avant de l'aplomb des murs; elles se blottissent, s'imbriquent les unes dans les autres, se superposent jusqu'à constituer une espèce de ruche humaine d'une extraordinaire densité, formant le village qui ne s'ouvre, sur l'extérieur, que par une ou deux portes étroites traduisant bien l'insécurité régnante, à l'état perpétuel dans ce pays de clans et de tribus rivales. Les mechtas ou villages habités aux périodes de paix se situent près des oueds alors que les dechras, perchés dans un site défensif, sont le refuge des populations pendant les temps troublés. Certains de ces dechras ne peuvent s'atteindre que par un escalier taillé dans la falaise abrupte. Certains villages sont dominés par leurs guelaas. Perchées en nids d'aigle sur les falaises, les guelaas sont des greniers, le plus souvent collectifs faits de cellules superposées s'ouvrant sur le vide ou sur une cour et bien exposées au soleil. L'Aurasienne y met ses fruits à sécher, ses provisions de graines. Mais la guelaa sert encore de poste d'observation et de guet ; de là, on surveille toute l'oasis et une partie de ses environs immédiats; elle joue le rôle de forteresse en temps de guerre et met à l'abri du vol les provisions et les richesses pendant l'absence des populations. Leur accès est souvent vertigineux, voire acrobatique et certaines ne peuvent s'atteindre que par des cordes lancées des terrasses en surplomb. |