Alger - l'Algérie
Une rédemption " à Alger, en 1713

Les pages qui suivent sont tirées d'une relation inédite due à un religieux espagnol, le frère Eusèbe du T.-S. Sacrement, de l'ordre des ". Trinitaires déchaussés ". Envoyé à Alger pour y effectuer un rachat de captifs, une rédemption -, comme on disait alors, ce personnage a pris soin de rédiger en latin le récit de sa mission. Le manuscrit original de cette relation a été copié, en 1851, aux Archives de la Minerve à Rome, par le lieutenant L. Fauchon, du 53e de Ligne.

extraits du numéro 2, 15 mars 1978, de "l'Algérianiste", bulletin d'idées et d'information, avec l'autorisation de la direction actuelle de la revue "l'Algérianiste"
mise sur site le 18-9-2009

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Une rédemption " à Alger, en 1713

Notre maître le roi catholique Philippe V et notre sérénissime maîtresse, Marie-Louise, reine d'Espagne, avaient été fort affligés d'apprendre le sort des officiers des soldats et des habitants capturés en grand nombre par les Maures, lors de la prise d'Oran, la plus forte des places espagnoles d'Afrique et conduits à Alger où, depuis cinq ans, ils enduraient toutes sortes de maux. Aussi LL. MM. nous enjoignirent-elles, à mes confrères les Rédempteurs et à moi, au milieu des rigueurs de l'hiver, de partir sans tarder pour tirer les captifs de servitude et les ramener aux rivages désirés de l'Espagne.

En exécution de cet ordre si juste, si empreint de piété et si digne de coeurs catholiques et royaux, nous quittâmes la cour de Madrid le 2 janvier 1713. Après un séjour à Carthagène, dans le royaume de Mucie, port d'Espagne le plus voisin d'Alger, séjour nécessité par les préparatifs mari- times du voyage, nous mîmes enfin heureusement à la voile, le jour de la Purification de la Bienheureuse Vierge Marie.., et, après une navigation de 220 milles, distance qui sépare Alger du port espagnol susdit, le 4 février... nous entrâmes à Alger, à la grande joie de toute la ville et surtout des captifs pour qui notre arrivée présageait un rachat prochain. La " rédemption " dont nous étions chargés commença avec quelque mystère, car on ne peut faire autrement, le 7 février, veille de la fête de notre saint " Patriarche " et fondateur Jean de Matha. La fête du saint fut célébrée dans l'hôpital principal. Cet édifice appartient aux RR.PP. Trinitaires déchaussés ( Les Trinitaires déchaussés étaient une congrégation issue de l'ordre primitif. Elle avait été fondée en France en 1620. Les réformateurs se proposaient de remettre en vigueur la règle primitive et ils y avaient ajouté l'obligation de marcher pieds nus.) espagnols et est desservi par eux. Il leur en coûte une somme d'argent payée aux Maures en guise de tribut, mais il en résulte un grand profit pour les âmes des captifs même hérétiques qui y sont amenés lorsqu'ils sont malades, L'église et l'autel étaient couverts d'ornements précieux appartenant à des Turcs, à des Maures et même à des Juifs. Le Français Lambert Duchesne, de la Congrégation de la Mission, vicaire apostolique à Alger et à Tunis, dit une messe solennelle. Je prononçai, de mon côté, un sermon sur la fête du saint " Patriarche ". A la messe et au sermon assistait la foule des captifs à l'exception des malades et de ceux qui les soignaient. Encore les uns et les autres étaient-ils présents, car la grande cour de l'hôpital a la forme d'une église à trois nefs et, de leur lit, les malades voient l'officiant à l'autel. Celui-ci est fermé par des portes qu'on ouvre pour la célébration des messes et des cérémonies. Parmi les assistants se trouvaient aussi les consuls des diverses nations ainsi que les marchands en résidence ou de passage dans la ville.

Dès le début des négociations et des démarches relatives à la " rédemp- tion ", les infidèles mahométans, Turcs et Maures, multiplièrent les vexations à notre égard. Ils se refusèrent à observer les conventions conclues antérieurement et ne voulurent pas tenir les promesses qu'ils avaient faites. Ils nous avaient, en effet, accordé et avaient envoyé en Espagne une pièce authentique appelée sauf-conduit, dans laquelle ils s'engageaient sous serment à observer les conditions que nous leur avions proposées. Ce sauf- conduit nous permettait d'accomplir en toute sécurité notre " rédemption ", de satisfaire aux volontés de notre roi Philippe V relativement à la qualité des captifs et d'exécuter de tous points les ordres de ce grand monarque.

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Les Algériens, néanmoins, sauf qu'ils respectèrent notre vie, firent exactement tout le contraire de ce qu'ils avaient promis et juré. " Nous ne sommes pas chrétiens, disaient-ils, et, par conséquent, nous ne sommes pas astreints à tenir nos promesses. " Aussi le roi d'Alger nous enleva-t-il tout l'argent que nous avions apporté d'Espagne avec nous. La somme était considérable ; elle provenait des aumônes recueillies auprès des fidèles pour le rachat des captifs, du tiers des biens de notre ordre, enfin du tiers des aumônes faites par de pieux donateurs pour notre propre entretien. Car, ainsi que je le dirai par la suite, l'ordre des Trinitaires déchaussés, auquel j'appartiens, applique toutes ses ressources à la rédemption des fidèles, les rachète de sa propre substance et se vide, pour ainsi dire, de sang à cet effet. Non content de conserver avec la plus grande fidélité les sommes demandées aux gens pieux et fournies par eux, et de les transporter au pays des infidèles, il met encore de côté et affecte au même objet le tiers des dons qui lui sont faits pour l'entretien des religieux, la construction des couvents ou le culte divin. Ajouté aux aumônes recueillies pour les captifs, ce tiers permet de soustraire un plus grand nombre d'esclaves à la tyrannie des Maures.

Au cours des rédemptions précédentes, les rois d'Alger avaient coutume de prendre pour eux une partie de la somme apportée et donnaient, en échange, quelques-uns de leurs propres esclaves. Ils laissaient le reste aux religieux qui pouvaient ainsi racheter à un prix modéré les captifs appartenant à des particuliers Maures ou Juifs. Cette fois, au contraire, ce roi barbare saisit en totalité les fonds que nous apportions afin d'être seul à nous vendre des esclaves que sa cupidité taxait à des prix excessifs ; on eût dit qu'il voulait s'approprier tout l'argent et ne rendre qu'un très petit nombre de captifs. Nous crûmes alors notre rédemption quasi perdue ; alors que nos ressources auraient pu suffire au rachat de mille individus, à peine pensions-nous en tirer quarante ou cinquante de la servitude où les tenait ce tyran. A ces prétentions et à bien d'autres encore, aussi déraisonnables qu'injustes, nous opposions une résistance énergique afin de remplir fidèlement notre devoir de rédempteurs et de sujets du roi catholique.

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Nos efforts pour accomplir notre mission ne faisaient qu'irriter davantage l'humeur farouche et tyrannique du roi. Frémissant comme un lion ou un chien qui aboie, il lui arriva souvent de nous tourner le dos ; plus d'une fois, durant de nombreux jours, il nous repoussa de son tribunal et de son audience où nous nous rendions matin et soir pour négocier le rachat ; il poussa même la rigueur jusqu'à nous interdire non seulement de lui parler mais même de nous présenter devant lui. Bien que barbares, les Maures, qui voyaient et entendaient tout cela, ne partageaient pas les sentiments du roi et nous engageaient à lui résister. Ayant même formé ole projet de se révolter contre ce prince, ils commencèrent à susciter du tumulte, nous assurant que la mort du tyran servirait les intérêts de la rédemption. (Il n'y a guère d'année, en effet, où le roi d'Alger ne soit décapité ou étouffé sous des coussins.) Turcs et Maures étaient poussés à cette extrémité par la tyrannie inaccoutumée du souverain qui fit proclamer par des crieurs l'interdiction de vendre aux rédempteurs d'autres esclaves que les siens. Il privait ainsi les particuliers d'Alger, Turcs ou Maures, du bénéfice qu'ils comptaient tirer de la vente de leurs captifs ; il nous causait, en même temps, un préjudice, puisqu'il nous empêchait de racheter à ces mêmes Turcs et Maures un certain nombre d'esclaves à un taux modéré et raisonnable.

Chaque jour, lorsque nous allions à l'audience du roi pour traiter du rachat, nous étions obligés de nous soumettre à un cérémonial humiliant ; il nous fallait lui demander permission à genoux, lui baiser la main et la placer selon la coutume maure sur notre tête ; nous nous résignions à tout pour parvenir à libérer les esclaves. Au cours de ces audiences nous fûmes témoins de scènes affligeantes, dont deux en particulier, étaient de nature à briser des coeurs de fer ou d'airain. L'une fut le spectacle des esclaves du roi, qui nous offrait de choisir en sa présence ceux d'entre eux qui seraient rachetés ; l'autre celui des violences, dont furent victimes les malheureux que le manque d'argent n'avait pas permis de racheter. Les Maures furieux et poussant de véritables hurlements, les frappaient cruellement sur la tête, jusqu'à faire jaillir le sang avec de grosses verges de bois dur et les ramenaient en prison, alors que, quand ils avaient été conduits devant le roi et les rédempteurs, ils espéraient recouvrer leur liberté.

Parmi tant d'angoisses et de préoccupations, nous eûmes la joie de racheter, avec l'aide de Dieu, 204 captifs, résultat heureux, mais qui nous coûta bien des difficultés et des tristesses. Notre satisfaction de rendre la liberté à quelques malheureux était mitigée par le regret d'en laisser un nombre beaucoup plus grand dans la servitude. Nous parvînmes à racheter quelques prêtres et quelques religieux, mais beaucoup d'entre eux restèrent captifs avec 9.000 catholiques romains de nationalités diverses, parmi lesquels un millier d'Espagnols, dont 400 prisonniers d'Oran. Ajoutons-y 1.600 chrétiens schismatiques grecs originaires de l'Archipel et des possessions de Venise misérablement détenus à Alger. Pour ceux-ci point d'espoir ; leurs coreligionnaires schismatiques ne se préoccupent pas de leur sort 'et nous, rédempteurs, nous ne les comptons point parmi les individus rachetables. Il répugnerait, en effet, à la raison de laisser les catholiques exposés aux dangers qu'une fois libérés, ils peuvent éviter dans leur propre pays, et de délivrer des hérétiques et des schismatiques, que leur religion même condamne, dans leur propre pays, aux peines de l'enfer.

Nous avions dépensé tout l'argent apporté d'Espagne ; nous nous étions même considérablement endettés par suite d'emprunts contractés à Alger en raison (lu prix inaccoutumé demandé pour les esclaves.

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Parmi tant de sujets de tristesse et d'affliction que nous offrait cette nouvelle Babylone, terre qui fut jadis nôtre, mais qui, pour la punition de nos péchés, est tombée aux mains des tyrans barbares et nous est devenue étrangère ainsi qu'à la religion chrétienne, nous avions pourtant un motif très sérieux de chanter un cantique à la louange du Seigneur. Il existe, en effet, à Alger, six églises chrétiennes : la demeure du vicaire apostolique, l'hôpital des P. Trinitaires chaussés déjà mentionné, le bagne du Beylik et trois autres bagnes, ceux de Sainte-Catherine, de la Galère (?) et de Zita muta (?).

Dans chacune de ces églises on conserve toute l'année, en vertu des traités passés avec les Français, qui ont ici un consul, le T.-S. Sacrement de l'Eucharistie ; on y célèbre plusieurs messes par jour, car il se trouve toujours parmi les captifs nombre de prêtres ou de religieux prêts à le faire. Quant aux esclaves, certains musulmans, loin de leur interdire
18 l'accès de l'Eglise, leur prescrivent, au contraire, d'entendre la messe et de recevoir les sacrements de Pénitence et d'Eucharistie. Ces prêtres célèbrent à leur date les fêtes ecclésiastiques avec toute la solennité qu'ils veulent et les portes ouvertes. Il leur est, toutefois, défendu de sortir sur les places ou dans les rues de la ville ; ils doivent rester dans l'intérieur des églises ou des bagnes. L'Eglise majeure ou principale appelée, nous l'avons vu, église du Beylik, possède un atrium ou cour très vaste, dont la partie supérieure est couverte de voiles de navires. De cette façon, les Maures, les Juifs et même les hérétiques, qui sont ici en grand nombre, ne peuvent, de leurs maisons apercevoir les divins mystères et s'en moquer. Pendant la semaine sainte on y célèbre des offices et l'on y fait de pieuses processions. Le spectacle des esclaves, cierges en main, recueillis et gémissants, est des plus édifiants.

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Le Jeudi Saint, on orne les autels qui supportent le sépulcre ou tombeau de N.-S., dans lequel est conservée la T.-S. Eucharistie. Les captifs rivalisent d'ingéniosité pour rendre ces sépulcres aussi riches et aussi beaux que possible. Le spectacle est admirable et superbe : les autels édifiés avec des matériaux précieux resplendissent de l'éclat de mille cierges se reflétant dans des miroirs d'or ; ils sont couverts de vases d'or et d'argent les plus somptueux qui se puissent trouver à Alger ; partout brillent les gemmes au milieu d'étoffes de soie magnifiques ; le pavé même disparaît sous des tapis de grand prix. Chose peut-être plus étonnante : tous ces objets sont demandés par les esclaves aux Turcs, aux Maures et même aux Juifs, dont il existe à Alger 15.000 familles. Ces objets que les Maures nous ravissent sur mer et sur terre et que les Juifs leur achètent (ils passent, à cet effet, des contrats dans les quatre parties du monde) sont prêtés gratuitement par ces mêmes infidèles. Ceux d'entre eux, auxquels on n'a rien demandé par ce que cela n'était pas nécessaire, se plaignent amèrement après Pâques ou toute autre de nos fêtes de ce que les esclaves n'aient pas ' voulu s'adresser à eux et déclarent qu'ils auraient bien volontiers prêté tout ce qu'ils ont dans leurs demeures, si on leur en avait touché le moindre mot.

Ce fait merveilleux se reproduisit, l'expérience le montre, chaque année. Et pourquoi, sinon parce que Dieu, notre maître suprême, tient sous son autorité, malgré eux et à leur insu, le coeur de ces infidèles, Turcs, Maures, Juifs, afin qu'ils rendent à la Divinité l'hommage qui lui est dû. Que signifie cet hommage extraordinaire sinon que ces barbares et ces infidèles, encore que leur infidélité triomphe en ce pays, sont, pour ainsi dire, en quête de Dieu, et fournissent tout ce qui est nécessaire pour célébrer son culte et consoler les fidèles dans la captivité ? Voyons-y aussi la manifestation de la volonté divine de conserver la semence de la foi catholique et la célébration des divins mystères sur cette terre inculte, sur cette terre où la foi et les pratiques florissaient, au temps du saint évêque de Carthage. Cyprien, du grand docteur Augustin et d'autres Africains innombrables, saints, martyrs, évêques, vierges et confesseurs. Leurs corps reposent cachés dans cette terre d'Afrique, jusqu'à ce que Dieu veuille bien nous révéler leur tombe ; mais les martyrologes, les histoires ecclésiastiques, les livres des Conciles nous parlent longuement de leurs actions.

Tous ces saints, toutes ces saintes, nés ou ayant vécu en Afrique, demandent à Dieu de ne pas laisser s'éteindre complètement ici l'étincelle de la foi ; ils lui demanderont que cette terre, redevenue fertile à la suite de la victoire des chrétiens sur les Barbaresques, produise des fruits au centuple ; ils lui demanderont aussi. Très-Saint-Père Benoît, qu'au nom de Dieu, au nom de ce Dieu des armées d'Israël, qu'offensent aujourd'hui les Africains, disciples du perfide et faux Mahomet, V.S. et ses successeurs réussissent à unir les princes chrétiens pour la conquête et la rechristianisation de l'Afrique.

La rédemption enfin terminée de notre mieux, avec l'aide de Dieu, arriva le jour où nous devions quitter Alger en compagnie des captifs rachetés. Jour terrible, jour de deuil pour nous et pour les esclaves restant en Afrique. Nombre de malheureux qui n'avaient pu être délivrés venaient nous assaillir ; ils gémissaient, se jetaient à genoux, se prosternaient à terre, suppliant qu'on les rachetât et qu'on mit ainsi un terme à leurs maux. Et pourtant il était impossible d'accueillir leur demande, car nous n'en avions pas les moyens. L'un alléguait ses parents vieux et pauvres, l'autre sa mère veuve, un troisième ses enfants à demi orphelins et sa femme désolée. Certains se plaignaient d'avoir à supporter les injures et les coups de monstres cruels qui les maltraitaient dans leurs maisons et au dehors. C'était pour nous un sujst d'affliction, d'entendre quelques-uns d'entre eux déclarer que, puisqu'ils n'étaient pas rachetés, ils s'empresseraient d'abjurer la religion catholique et d'adopter la détestable religion musulmane. Ajoutons que, tandis qu'après avoir quitté le bagne, nous traversions Alger pour nous rendre au port et nous embarquer, dans les rues et sur les places où nous passions, par un raffinement de méchanceté et de perfidie des Barbares, les portes des mosquées c'est-à-dire des lieux publics d'oraison et de culte, étaient grandes ouvertes. Là se tenaient les marabouts, qui sont comme les prêtres et les ministres du culte de ces gens-là et sont révérés par eux comme des saints. Ils s'efforçaient de persuader les captifs d'entrer dans les mosquées ou cherchaient à les saisir par le bras pour les y introduire, en signe de profession de la funeste foi musulmane. Une fois entré dans ces lieux, on se voit, en effet, obligé d'embrasser la religion des Maures ou condamné aux flammes ; en aucun cas, il n'est permis de vivre dans une autre religion à quiconque a pénétré dans ces mosquées, ne fût-ce qu'une fois, y eût-il même été introduit de force. Tout le long du chemin se trouvaient aussi beaucoup de femmes musulmanes, qui invitaient les esclaves à renier la foi catholique pour commettre avec elles toutes espèces de turpitudes.

Aussi étions-nous obligés, nous autres rédempteurs, pasteurs chargés de veiller sur les brebis du Christ, de regarder de tous côtés, surtout là où les portes des mosquées étaient ouvertes. Il nous fallait empêcher qu'aucun des captifs déjà rachetés ne cédât à des tentations aussi terribles et que, soit les marabouts, soit les femmes infidèles, saisissant de force le bras d'un des chrétiens, ne le poussât vers une mosquée et ne l'y fît entrer. Nous eussions ainsi perdu, en même temps que le captif, la somme considérable dépensée pour le libérer.

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Le secours de Dieu nous permit d'échapper aux dangers qui nous menaçaient dans la rue conduisant à la mer et nous montâmes sur notre navire pleins d'exultation et de joie. A bord se tenaient des Maures pour inspecter minutieusement, ainsi qu'ils le font toujours, le bâtiment avant de le laisser partir. Si, nous déclarèrent-ils, ils découvraient quelque individu sorti d'Alger sans avoir été racheté par nous, Turc, Maure, renégat ou chrétien, dont le prix n'eût pas été payé, notre rédemption serait perdue. Nous devrions, en ce cas, regagner la ville avec les esclaves et tous les matelots pour y être retenus nous-mêmes dans une dure captivité. Sur ce, ils procédèrent à l'inspection de toutes les parties du navire, y compris l'intérieur. Grâce à Dieu, ils ne trouvèrent rien de ce qu'ils cherchaient et, après nous avoir dit adieu, ils regagnèrent Alger.

Extrait des Annales universitaires de l'Algérie. (Numéro de mars 1915.)

Frère EUSEBE.