Journal de la prise d'Alger (1830)
par le capitaine de frégate Matterer

Cet extrait du Journal de la prise d'Alger, nous a été transmis par
M. Yves Brette.


extraits du numéro 116 , décembre 2006, de "l'Algérianiste", bulletin d'idées et d'information, avec l'autorisation de la direction actuelle de la revue "l'Algérianiste"
mise sur site le 25-9-2011

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Journal de la prise d'Alger (1830)
par le capitaine de frégate Matterer


18 mai : Nous marchons tous satisfaits, la hache et la pioche à la main pour démolir cette ville affreuse qui, depuis des siècles, lève des contributions sur la bassesse des autres nations, la nôtre en tête.

10 juin : Nous apprenons que les Algériens ont 80000 hommes sous les armes, partagés en trois camps différents, ainsi que 2 000 vigoureux chameaux dont ils auront goudronné et enflammé la queue. Ces chameaux seront lancés sur nos troupes au moment du débarquement (nos chevaux ont horreur de ces bêtes). Dieu de l'univers, jette un regard sur 50000 chrétiens qui vont combattre des hommes qui ne veulent pas te connaître.

13 juin : Nous sommes mouillés dans la baie de Sidi-Ferruch où se trouve le fort de Torre-Chica situé sur la presqu'île de Sidi-Ferruch.

14 juin : Le débarquement commence par un temps superbe. Les Algériens se défendent très mal. La mer est couverte de chalands (bateaux à fond plat pour le transport des marchandises). À 2 heures du soir les 32 000 hommes seront à terre. Le pavillon blanc flotte en Afrique sur Torre-Chica. La prise d'Alger est assurée.

15 juin : Les Bédouins ne laissent jamais les morts sur le champ de bataille. Ils ont pris un sergent auquel ils ont coupé la tête et un fourrier auquel ils ont coupé autre chose.

17 juin : Les Bédouins sont au nombre de 20000. Il y a des Turcs. Chaque jour nous perdons des hommes et nos forces diminuent sensiblement. On trouve dans la broussaille un jeune lieutenant de voltigeurs la tête coupée ainsi que les deux mains et deux pieds. Nous n'agissons pas de même, car lorsqu'on prend des Algériens on les renvoie avec des présents et des proclamations.

18 juin : 4 heures du matin, la bataille commence sur toute la ligne. Un bédouin s'est détaché de l'armée ennemie et est venu nous voir. " Qu'êtes-vous venus faire là " a-t-il demandé? Le général lui a répondu: " Nous sommes venus vous délivrer du joug des Turcs ". " Vous ne prendrez pas Alger, nous sommes décidés à périr plutôt que de nous rendre ".

19 juin : Il est 11 heures, la bataille est finie. Nous avons perdu 500 hommes, tant tués que blessés, et l'ennemi, au nombre de 30000, est en pleine déroute.

Le Bédouin d'hier était en fait un chef de tribu qui s'était déguisé en pauvre pâtre pour savoir ce que voulaient les Français.

Il envoya un jeune Bédouin prévenir le général qu'il serait attaqué le lendemain. Cela prouve que les Arabes, fatigués du joug turc, seraient bien aise de passer sous une autre puissance.

Les Turcs repoussés par les Français, se retirent sur la crête d'une montagne peu élevée et défient les troupes françaises. Ces batteries sont enlevées à la baïonnette. L'ennemi en déroute est poursuivi et 60 chameaux sont pris. Il y a toute apparence que maintenant les Arabes vont se mettre de notre côté et que nous n'aurons à combattre que les Turcs.

21 juin: Les Arabes disent au général Bourmont qu'ils allaient être pour nous, mais voulaient être certains que les Turcs seraient décapités, car si les Français quittent l'Afrique il est bien certain que les Turcs massacreront les Arabes...

22 juin : Il est 9 heures, le temps est très beau et la mer belle. Où sont passés les Arabes ? On dit qu'il y a une révolution dans Alger. Tant mieux ! L'opération sera moins difficile et nous perdrons moins de monde.

24 juin : Nous apprenons que notre armée a marché sur Alger. Elle a pris avec elle 800 vaches ou boeufs. On apprend que le 19, à Alger il y a eu une grande révolution et le bey a fait tomber une foule de têtes. 8000 Turcs ont été repoussés et notre armée est tout près du fort de l'Empereur.

27 juin: Nous sommes à l'ancre depuis 14 jours, n'étant occupés qu'à débarquer les vivres, des effets et des " chevaux ". Nos troupes sont sur les hauteurs d'Alger.

28 juin : Débarquement de la 39e compagnie à 5 heures du matin. Les Arabes sont assez tranquilles. 1500 hommes ont été tués et nous avons 1400 malades (il y a déjà des dysenteries).

30 juin : Nous sommes maîtres des hauteurs qui dominent le fort Empereur. ter juillet: Le dey a lancé une proclamation à son peuple : " Africains, mes très fidèles sujets, les chrétiens ont osé mettre le pied sur notre territoire, c'est un bienfait du prophète car nous allons les exterminer: ainsi donc coupez-leur la tête et rappelez- vous que si vous les laissez vivre, ils mangeront vos femmes et vos enfants... ils les embrochent les font rôtir et les mangent avec un appétit vorace ".

On a pris un Algérien qui tenait une tête française qu'il venait de couper... On lui a demandé pourquoi il avait coupé cette tête (celle d'un jeune officier). Il a répondu que le dey lui aurait donné dix piastres ou 50 F. Voilà le peuple féroce auquel on a affaire.

3 juillet: Combat contre les batteries à partir de la flotte.

4 juillet: A 10 heures, secousse épouvantable par trois fois : le fort de l'Empereur a sauté. À midi et demi Alger est prise. Jour du châtiment de quatre siècles d'infamie, chute de l'insolente et voleuse Alger.

5 juillet : C'est aujourd'hui à 3 heures de l'après-midi qu'Alger est prise car totalement rendue et le pavillon français flotte sur le palais du dey: la casbah. Il aura fallu 22 jours...

Toutes les nations chrétiennes doivent bénir nos drapeaux d'avoir délivré la terre de ces affreux pirates, l'horreur de l'humanité. Le 5 juillet a définitivement vengé cinq siècles de meurtres, d'infamie et de piraterie.
Le pavillon français flotte sur le palais du dey salué par 21 coups de canon.