HISTOIRE
À propos du décret Crémieux
Georges Bensadou

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extraits du numéro 104 , décembre 2003 de "l'Algérianiste", bulletin d'idées et d'information, avec l'autorisation de la direction actuelle de la revue "l'Algérianiste"
mise sur site le 15-6-2010

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À propos du décret Crémieux
Georges Bensadou


Des lecteurs ont dialogué, dans " la chronique des chercheurs " de l'algérianiste, sur les motivations de ce décret, sur ses effets: transformation des Juifs de l'Algérie en Français (1.-M. Manivit, l'algérianiste n° 96, décembre 2001, p. 124), ou naturalisation " en bloc " pour obtenir la citoyenneté (2.-M. Métras, l'algérianiste n° 98, juin 2002, p. 116), ou bénéfice de la citoyenneté accordée aux Juifs indigènes de l'Algérie (3.-M. Accomiato, l'algérianiste n° 102, juin 2003, p. 130), sur l'exclusion, alors, des Juifs sahariens qui n'en auraient bénéficié que plus tard et quand? (4.-M. Fonfride, l'algérianiste n° 100, décembre 2002, p. 121, et M. Accomiato précité), et sur le refus d'en étendre le bénéfice aux Musulmans (M. Manivit)... Notre ami Georges Bensadou, magistrat honoraire, a bien voulu rédiger une réponse globale pour clarifier ces questions et en faire le point.

La législation coloniale de la France

Il faut rappeler que lorsque la France annexe la Régence turque d'Alger, par la Convention du 5 juillet 1830, les habitants de la Régence deviennent des nationaux français.

La législation coloniale de l'époque classe les Français des colonies en deux catégories :
- celle des Français citoyens qui sont les métropolitains venus dans la colonie,
- celle des Français indigènes qui comprend les autochtones du pays, et donc en Algérie, les indigènes musulmans et les indigènes juifs.

Ces Français indigènes sont des Français de seconde zone, appelés d'ailleurs bien souvent des " sujets français ": ils ne bénéficient pas des droits publics accordés aux citoyens, mais ils conservent leurs droits privés à caractère religieux coraniques ou mosaïques (règles du mariage, du divorce - polygamie et répudiation, règles de la filiation, de la majorité, règles de successions...) au lieu de ceux du Code civil.

Les plus émancipés de ces indigènes pourront être admis à la qualité de citoyens (droits publics et droits privés du Code civil) par option personnelle et abandon de leur droit religieux (sur tous ces points, voir mon article " Une date à retenir: le 5 juillet 1830 ", l'algérianiste n° 67, septembre 1994, p. 80 (note du site : je ne le possède pas.)et le tableau en annexe 1).

C'est justement l'objet du sénatus-consulte de l'empereur Napoléon III du 14 juillet 1865 qui rappelle:
- que les indigènes musulmans et israélites sont Français;
- qu'ils peuvent demander, à titre individuel, le bénéfice de la citoyenneté (texte en annexe II )

Mais... à cette époque, abandonner sa loi religieuse était, pour les Musulmans comme pour les Juifs, l'acte d'un renégat, d'un apostat (m'torni). Ce qui explique l'échec du droit d'option accordé aux indigènes.

Le décret Crémieux

1 - Il s'agit, en réalité, d'un décret du Gouvernement provisoire de la Défense nationale (mis en place après la chute de l'Empire).

Il a été signé le 24 octobre 1870 et publié au Bulletin officiel de Tours du 7 novembre 1870.

Mais il est d'usage d'appeler ce texte du nom de son initiateur alors ministre de la Justice et responsable des questions algériennes : Isaac, Adolphe Crémieux.

Le but du décret était de donner aux misérables et arriérées masses des Juifs d'Algérie la citoyenneté, à les obliger ainsi à abandonner loi mosaïque et moeurs archaïques et donc les inciter à l'émancipation, à la civilisation. C'était là le voeu des élites juives de France et des grandes villes d'Algérie.

Il faut insister sur ce point: le décret Crémieux n'a pas " transformé " ces Israélites en nationaux français, ce qu'ils étaient déjà depuis le 5 juillet 1830, mais il a donné à ces indigènes la qualité de citoyen. Pour s'en convaincre il suffit de lire le texte du décret (annexe III).

Mais alors, pourquoi tant d'auteurs ont- ils écrit que le décret avait naturalisé les Israélites, en faisant des Français?

Pour le comprendre il faut se reporter à la législation coloniale évoquée ci-dessus : deux catégories de Français : citoyens et indigènes et aucun mot, à caractère technique, pour désigner le passage de l'indigénat à la citoyenneté !

Aussi, les auteurs de l'époque ont cherché un terme pouvant désigner ce changement de statut avec accession à la citoyenneté. Ils l'ont trouvé, par emprunt à un mécanisme juridique du même genre: le passage d'étranger à celle de Français : la " naturalisation ". Ils ont créé un néologisme, au sens ancien du mot (l'étranger devient Français) s'ajoute un sens nouveau (l'indigène devient citoyen). Le mot " naturalisation " est devenu " amphibologique ", c'est-à-dire à double sens, car il est équivoque (deux significations) et ambigu (incertain); seul le contexte peut en préciser le sens. D'où l'erreur fréquente qui consiste à dire qu'il y a eu naturalisation (l'étranger devient Français) des Juifs. Aussi, vaut-il mieux éviter de parler de naturalisation des Juifs, même s'il faut écrire (ce qui est plus long): accession à la citoyenneté (sur ce point, voir le professeur Louis Milliot, de la Faculté d'Alger dans Les institutions kabyles, revue des Études islamiques, tome vr, 1932).

2 - Les avatars du décret. Sous le régime de Vichy, le décret est abrogé le 7 octobre 1940 par décision du maréchal Pétain, et les Juifs d'Algérie redeviennent des indigènes. Si le général Giraud décide, le 14 mars 1943, de déclarer nulle la législation de Vichy, il décide aussi, le même jour d'abroger encore une fois le décret Crémieux!... Et il faut attendre le 21 octobre 1943 pour voir le Comité français de libération nationale, présidé par le général De Gaulle, " constater que le décret Crémieux se trouvait maintenu en vigueur ".

Les Juifs sahariens

Il s'agit de très anciennes communautés issues d'autochtones berbères, judaïsées par des Hébreux aux époques phénicienne (814/146 avant J. - C.) et romaine (146 avant J. - C./435 après J.-C.) et réfugiées dans l'Atlas saharien et des oasis (M'Zab - Laghouat - Ouargla - Colomb- Béchar...).

Le décret précisait qu'il ne bénéficiait qu'aux " Israélites des départements de l'Algérie ". Or, fin 1870, les Territoires sahariens non encore conquis, ne faisaient donc pas partie de ces départements. Et les Juifs sahariens n'en ont alors pas profité.

Mais quand sont-ils devenus des citoyens?

Il y eut controverse sur ce point. N'ont pas été retenues les dates suivantes: 24 décembre 1902 (loi créant les Territoires du Sud), et 17 mars 1956 (départementalisation de ces mêmes territoires) par de nombreux juristes et par l'administration, dont le choix s'est porté sur le 13 juin 1962 (décret d'homologation du registre d'état-civil, l'inscription sur ce registre valant accès au statut civil de droit commun - et donc à la citoyenneté).

Et les Musulmans

La France n'a jamais voulu imposer aux Musulmans l'abandon de leur statut personnel religieux (loi coranique), ce à quoi d'ailleurs, ces derniers n'ont jamais voulu consentir. Et ils accéderont à la citoyenneté tout en conservant leur droit religieux en vertu de l'ordonnance du 7 mars 1944. Ce n'est donc pas par dépit que les Kabyles ont déclenché la révolte de 1871. C'est une légende (cf. Histoire de l'Algérie française, C. Martin, éd. Tchou, 1979, tome II, p. 241). Cette insurrection trouve ses causes dans la défaite de l'Empire, signe de faiblesse de la France pour les indigènes; dans la crainte d'un régime civil en Algérie pour les chefs féodaux qui ne connaissaient que l'autorité des militaires, qui craignaient une diminution de leurs pouvoirs...

À cela s'ajoute la misère après les grandes famines des années précédentes.

Ce n'est donc pas le décret Crémieux, ignoré des masses populaires, même s'il a été mal accueilli par des chefs de tribus qui n'admettaient pas que les Juifs deviennent des égaux des Français, qui a poussé les Musulmans à se soulever.

D'ailleurs, quand le chef de l'insurrection, El Moqrani, a vu qu'il n'était pas suivi dans sa révolte, il a dû faire proclamer la guerre sainte (par la Confrérie des Rahmaniya) pour être suivi par les populations de Kabylie et du Constantinois dans la guerre contre les " Roumis " (8 avril 1871).

Annexe I

annexe 1, décret cremieux

Annexe II

Sénatus-consulte du 14 juillet 1865 sur l'état des personnes et la naturalisation en Algérie
(11 Bull. 1315 n° 13-504).

Art. 1er - L'indigène musulman est français, néanmoins, il continuera à être régi par la loi musulmane.
Il peut être admis à servir dans les armées de terre et de mer. Il peut être appelé à des fonctions et emplois civils en Algérie.
Il peut, sur sa demande, être admis à jouir des droits de citoyen français; dans ce cas, il est régi par les lois civiles et politiques de la France.

Art. 2 - L'indigène israélite est français néanmoins il continue à être régi par son statut personnel.
Il peut être admis à servir dans les armées de terre et de mer. Il peut être appelé à des fonctions et emplois civils en Algérie.
Il peut, sur sa demande, être admis à jouir des droits de citoyen français; dans ce cas, il est régi par la loi française (Les art. 2, 4 et 5 ont été abrogés par le décret du 24 octobre 1870.).

Art. 3 - L'étranger qui justifie de trois années de résidence en Algérie peut être admis à jouir de tous les droits de citoyen français.

Art. 4 - La qualité de citoyen français ne peut être obtenue, conformément aux articles 1, 2 et 3 du présent sénatus- consulte, qu'à l'âge de vingt et un ans accomplis, elle est conférée par décret impérial rendu en Conseil d'Etat (Les art. 2, 4 et 5 ont été abrogés par le décret du 24 octobre 1870.).

Art. 5 - Un règlement d'administration publique déterminera :
1 - les conditions d'admission, de service et d'avancement des indigènes musulmans et des indigènes israélites dans les armées de terre et mer;
2 - les fonctions et emplois civils auxquels les indigènes musulmans et les indigènes israélites peuvent être nommés en Algérie;
3 - les formes dans lesquelles seront instruites les demandes prévues par les articles 1, 2 et 3 du présent sénatus-consulte (Les art. 2, 4 et 5 ont été abrogés par le décret du 24 octobre 1870.).

Annexe III

ALGÉRIE, ISRAÉLITES INDIGÈNES,NATURALISATION.

24 oct. - 7 nov. 1870 - Décret qui déclare citoyens français les israélites indigènes de l'Algérie (Bull. de Tours, n° 136).

LE GOUVERNEMENT DE LA DÉFENSE NATIONALE, DÉCRÈTE:

Les israélites indigènes des départements de l'Algérie sont déclarés citoyens français; en conséquence, leur statut réel et leur statut personnel seront, à compter de la promulgation du présent décret, réglés par la loi française, tous droits acquis jusqu'à ce jour restant inviolables.

Toute disposition législative, tout sénatus- consulte, décret, règlement ou ordonnance contraires, sont abolis.

ALGÉRIE, INDIGÈNES MUSULMANS,ÉTRANGERS, NATURALISATION.

24 oct. - 7 nov. 1870 - Décret sur la naturalisation des indigènes musulmans et des étrangers résidant en l'Algérie (Bull. de Tours, n° 137).

LE GOUVERNEMENT DE LA DÉFENSE NATIONALE, DÉCRÈTE:

Art. 1 - La qualité de citoyen français, réclamée en conformité des art. 1 et 3 du sénatus- consulte du 14 juillet 1865, ne peut être obtenue qu'à l'âge de 21 ans accomplis.

Les indigènes musulmans et étrangers résidant en Algérie, qui réclament cette qualité, doivent justifier de cette condition par un acte de naissance; à défaut, par un acte de notoriété dressé, sur l'attestation de quatre témoins, par le juge de paix ou le cadi du lieu de la résidence, s'il s'agit d'un indigène, et par le juge de paix, s'il s'agit d'un étranger.

2 - L'art. 10, § 1er, du tit. 3, l'art. 11 et l'art. 14, § 2, du tit. 4 du décret du 21 avril 1866, portant règlements d'administration publique, sont modifiés comme il suit:

Tit. 3, art. 10, § 1er: L'indigène musulman, s'il réunit les conditions d'âge et d'aptitude déterminées par les règlements français spéciaux à chaque service, peut être appelé, en Algérie, aux fonctions et emplois de l'ordre civil désigné au tableau annexé au présent décret.

Tit. 3, art. 11: L'indigène musulman qui veut être admis à jouir des droits de citoyen français doit se présenter en personne devant le chef du bureau arabe de la circonscription dans laquelle il réside, à l'effet de former sa demande, et de déclarer qu'il entend être régi par les lois civiles et politiques de la France. Il est dressé procès-verbal de la demande et de la déclaration.

Art. 14, § 2: Les pièces sont adressées par l'administration du territoire militaire du département au gouverneur général.

3 - Le gouverneur général civil prononce sur les demandes en naturalisation, sur l'avis du comité consultatif.

4 - Il sera dressé un bulletin de chaque naturalisation en la forme des casiers judiciaires. Ce bulletin sera déposé à la préfecture du département où réside l'indigène ou l'étranger naturalisé, même si l'individu naturalisé réside sur le territoire dit territoire militaire.

5 - Sont abrogés les art. 2, 4 et 5 du sénatus- consulte du 14 juillet 1865, les art. 13, tit. 4, et 19, tit. 6, intitulé dispositions générales du décret du 21 avril 1866. Les autres dispositions desdits sénatus-consulte et décret sont maintenues.

1.-M. Manivit, l'algérianiste n° 96, décembre 2001, p. 124
Décret Crémieux, autres autochtones. 96/361. Au moment du décret Crémieux, la décision ou la non décision concernant les " autres autochtones ", les Algériens proprement dits : y a-t-il eu des arguments pour décider de transformer les Juifs en Français, face à d'autres arguments pour ne pas étendre l'application aux Musulmans?

2.-M. Métras, l'algérianiste n° 98, juin 2002, p. 116

Décret Crémieux, autres autochtones? À l'attention de Pierre Manivit 84160 Cucuron (l'algérianiste n° 96/361).La décision de naturalisation des " Israélites indigènes de l'Algérie " par le décret Crémieux (signé le 24 octobre 1870 par Gambetta, Crémieux, ministre de la Justice, Glaise Bizoin et Fourichon, membres de la " Délégation deTours " et corrélativement celle implicite de ne pas l'étendre aux " Arabes ", dont les Kabyles), doit s'examiner dans le temps.Dès 1847, M. de Baudicour écrivait dans son livre sur La colonisation de l'Algérie que le " gouvernement français aurait un intérêt majeur à s'attacher les Juifs algériens... ". En 1860, Jules Delsieux publiait un Essai sur la naturalisation collective des Israe7ites indigènes (imprimerie Duclaux, Alger). En 1864, les Israélites de l'Algérie adressent une pétition au Sénat à l'effet d'être élevés à la dignité de citoyen français. Cette même année, Napoléon III, lors d'une réception officielle au Château Neuf à Oran, en présence du Grand rabbin et de son consistoire, déclare: " Bientôt j'espère, les Israe7ites algériens seront citoyens français... ". Le sénatus-consulte du 14 juillet 1865, permet, à titre individuel, aux indigènes israélites ou musulmans, à leur demande, une naturalisation. Jusqu'en 1870, on ne comptait que 398 naturalisations pour les Israélites, dont à peine 10 % étaient des Juifs algériens indigènes; les autres étant marocains ou tunisiens. En 1869, le Conseil général d'Alger s'exprimait considérant: " que les nombreuses preuves de patriotisme et les servicesrendus par les Israélites indigènes commandent impérieusement que le titre de citoyen français leur soit donné sans retard ".Ainsi le décret Crémieux ne vient que concrétiser un voeu largement partagé par les intéressés et les Français. Concrètement, ce décret ne concernera, à l'époque, que 38000 Israélites. S'agissant des indigènes arabes (dont les Kabyles), ceux-ci n'ont jamais été tentés par la possibilité d'acquérir, à titre individuel, la citoyenneté. Même si le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 facilite leur naturalisation par une procédure simplifiée (" Pour se faire naturaliser, l'indigène musulman, sujet français, n'a qu'à se présenter devant le maire, l'administrateur ou le commandant supérieur, et à lui déclarer qu'il entend être régi par les lois civiles et politiques de la France "). Concrètement, au 30 décembre 1895, pendant trente ans et sur une population de 3,5 millions d'hommes, il n'y eut que 930 naturalisations d'Arabes ou de Kabyles (194 jusqu'en 1870!).

Y avait-il en Algérie en 1870, d'autres communautés d'indigènes, sujets français (autres que musulmane ou israélite)? Les étrangers (Espagnols, Italiens...) ne sont guère non plus attirés par le sénatus-consulte de 1865... Il faudra attendre la loi 26 juin 1889 pour accélérer le flux des naturalisations... " forcées " (automaticité). (Sources: Histoire de l'Algérie, Xavier Yacono, Atlanthrope, 1993; La naturalisation des Juifs algériens et l'insurrection de 1871,
Louis Forest).
Daniel Métras 78000 Versailles

- De nombreux ouvrages traitent la question du décret Crémieux. Vous pouvez consulter les huit pages que Charles Taillart lui consacre dans L'Algérie dans la littérature française, avec bien sûr de nombreuses références à divers auteurs et l'analyse sommaire des arguments présentés.
André Gille 83 000 Toulon - Simple remarque concernant les sentiments personnels de Crémieux, admirateur de Napoléon ler et de la Révolution française. Dès 1860, il avait lancé un appel en faveur des maronites, chrétiens persécutés par les Turcs. Or, à l'époque du décret Crémieux, Alger gardait encore le souvenir d'un passé oùle Turc était le maître.
Dr Georges Duboucher 31000 Toulouse

3.-
M. Accomiato, l'algérianiste n° 102, juin 2003, p. 130
- Le décret Crémieux? À l'attention de Jacques Fonfride 31000 Toulouse (l'algérianiste n° 100/474).
Le décret du 24 octobre 1870 (dit Crémieux) rendait citoyens français " les israélites indigènes des départements d'Algérie ". Une dépêche du 7 novembre 1882, du ministre de la Justice au ministre de l'Intérieur, citée en note de renvoi de la reproduction dudit décret (Code de l'Algérie annoté - 1830 à 1898 - Estoublon et Lefébure, p. 373 et 374, alinéa d) confirme cette limitation géographique indiquant notamment " une situation d'infériorité marquée vis-à-vis des indigènes, les Israélites du M'Zab ne sont en rien préparés pour une naturalisation en bloc ", signalant toutefois que " la situation légale, après l'occupation, des Israélites résidant actuellement dans le M'Zab est diversement appréciée ". La dépêche ministérielle considère que le M'Zab se situe en dehors des départements de l'Algérie et que les Israélites y résidant ne peuvent être tenus collectivement comme nationaux français et que seule une naturalisation individuelle est possible sur la base du senatus-consulte de 1865. À noter que le décret du 7 avril 1884, relatif à la représentation des indigènes musulmans dans les conseils municipaux, précise en son article 1 que la population européenne servira seule à déterminer la composition, en ce qui concerne les membres français, des conseils municipaux. Un commentaire à cette disposition, figurant dans le Code précité, indique qu'une circulaire du Gouverneur général du 15 avril 1884 (que je ne possède pas) souligne que les Israélites français, au sens du décret, doivent être considérés comme faisant partie de cette population européenne. La lecture du livre d'André Chouraqui, Histoire des Juifs d'Afrique du Nord, nous rappelle que, même la loi du 20 septembre 1947 portant statut organique de l'Algérie, maintenait les Juifs du M'Zab dans le deuxième collège. L'auteur considère qu'ils ne bénéficièrent du décret Crémieux qu'au moment de la départementalisation des " Territoires du Sud " (cf. p. 322, note 51) soit, selon moi, en 1957 (création des départements des Oasis et de la Saoura). Cette courte analyse permettra, je l'espère, d'éclairer davantage le sujet, étant observé combien un mot (département) ou une phrase a d'importantes conséquences dans un texte législatif ou réglementaire.
Rolland Accommiato 83130 La Garde

4.-M. Fonfride, l'algérianiste n° 100, décembre 2002, p. 121, et M. Accomiato précité
Décret Crémieux, autres autochtones? À l'attention de Pierre Manivit 84 130 Cucuron (l'algérianiste n° 96/361), en complément de la réponse collégiale de MM. Daniel Métras, Georges Duboucher et André Gille (l'algérianiste n° 99, p. 116 et 117).
Seuls les Juifs résidant dans les trois départements d'Alger, Oran et Constantine ont bénéficié de cette naturalisation collective. Ceux qui résidaient en dehors, à savoir dans ce qu'on appelait alors les Territoires du Sud, ont été exclus.
Jacques Fonfride 33 000 Bordeaux