-----Troublantes
alliances et mésalliances entre les princes régnants de
l'Empire Ottoman, de l'Empire Européen, de l'Afrique, de la France
et de la Papauté.
Ambitions de Soliman
le Magnifique et des chefs européens
-----Charles V,
dit Charles Quint, fils de Philippe le Beau, archiduc d'Autriche, et de
Jeanne la Folle, reine de Castille a été élu, en
1519, à la tête du Saint-Empire après avoir reçu
le gouvernement des Pays-Bas, les couronnes de Castille, d'Aragon, de
Naples, de Sicile dont dépendaient d'immenses colonies en Amérique.
Il était le rival de François Ier , roi de France, qui briguait
la couronne impériale.
-----Trois guerres les opposèrent
entre 1521 et 1544 marquées par le désastre de Pavie où
François Ier fut fait prisonnier (1525) et le sac de Rome, en mai
1527, par les troupes impériales commandées, après
sa trahison, par le Connétable de Bourbon qui fut tué pendant
le siège. Cette conquête impériale marqua le retournement
des alliances du pape Clément VII qui fut fait prisonnier.
-----Depuis la mort de Barberousse en 1547,
Charles-Quint qui luttait contre l'expansion ottomane avait signé
une trêve avec le sultan Soliman. Celle-ci n'empêcha pas le
pillage dans la Méditerranée des navires espagnols et la
capture de leurs équipages. Le corsaire Dragut était l'auteur
de ces brigandages dont les vaisseaux trouvaient refuge dans le port de
Méhdia. Les habitants de cette ville, jaloux de leur liberté,
s'étaient organisés en République lors de la prise
de Tunis, en 1535, par Charles-Quint. Pour faire rentrer cette citadelle
portuaire sous la domination du sultan, Dragut mit à profit les
luttes intestines qui déchiraient la cité. Il se la fit
livrer, en 1556, par Ibrahim Brambarac, l'un de ses principaux magistrats.
Après l'avoir payé à prix d'or et installé
dans la place une garnison, forte de quatre cents Turcs, il fit tuer ce
traître àsa patrie.
-----Méhdia fut reprise sur ordre
donné à Doria, amiral génois, par Charles-Quint qui
lui fournit une force espagnole, sous les ordres de Don Garcia de Tolède,
fils du vice-roi, embarquée sur une cinquantaine de vaisseaux.
A ceux-ci, sous le commandement de Doria, s'étaient joints des
galères du grand-duc de Toscane et du pape Clément VII,
son nouvel allié, une flotte sicilienne sous le commandement de
Alvarez, fils de Don Juan de Véga vice?roi de Sicile, et quatre
navires équipés par l'ordre de Malte qui fournit, outre
ses chevaliers, quatre cents combattants. Cette armada fut complétée
par quelques navires des forces de La Goulette sous les ordres de son
Gouverneur, Pérez de Vargas qui laissa sa vie au cours d'une escarmouche
précédant, deux mois avant, l'assaut de Méhdia.
-----La perte de ce port-refuge exaspérera
Soliman. Voulant reconquérir le littoral africain il réunit,
en 1551, dans la rade de la capitale ottomane et métropole de l'islam,
Constantinople, cent douze galères et trois galions com mandés
par Sinan-Pacha qui avait sous ses ordres le fameux corsaire Dragut. Cette
flotte se porta d'abord sur l'archipe composé des îles de
Malte, Gozo et Comino qui étaient une ancienne possession romaine,
occupée et islamisée par le arabes en 870, reprise en 1090
par Roger de Sicile avan d'être cédée, en 1530, par
Charles-Quint, aux Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, à
condition qu'ils s'opposent
l'avance ottomane. Ces îles devaient servir de base stratégique
pour les attaques ultérieures des ports africains. La bravoure
des Chevaliers de l'Ordre fit rembarquer les troupe ottomanes qui avaient
pris pied à Malte. Toutefois trouvant moins de résistance,
elles obligèrent le Gouverneur de l'île d Gozo située
à quelque deux lieux marines au Nord-Ouest d Malte, à capituler.
-----Tripoli était l'une des villes
les plus importantes du littoral africain. Elle fut donc la première
cible des Ottomans qui la conquirent sur les Espagnols. Ceux-ci en avaient
fait la conquête, en 1510, sur les Arabes, de dynasties égyptienne
ou maghrébines, qui s'en étaient rendu maîtres en
643 après les Romains. Ces derniers s'étaient substitués
au Carthaginois en l'an 106 av. J. C.
-----Sûr de ses victoires, Soliman
le Magnifique tourne alors ses regards vers l'Europe dont il veut s'emparer.
Après avoir vassalisé la Transylvanie, la Serbie, le Kossovo
et la Vojvodine Soliman a des visées sur Vienne, siège du
Saint-Empire et la Hongrie. Il fait fi de ses ressentiments à l'égard
des Chrétiens dont il était un farouche ennemi et chercha
un allié européen Henri II, fils et successeur de François
1er , après s'être uni aux protestants allemands pour s'emparer
des "Trois Evêchés" : Metz, Toul et Verdun, cherchait
un allié pour. mener à bien la même politique que
son père et poursuivre la lutte contre Charles-Quint puis son successeur,
Philippe II.
-----Le roi de France projetait de se rendre
maître du golfe de Gênes. Mais le chemin maritime, à
partir de Marseille vers la Toscane et Naples, passait par l'île
de Corse sous l'admnistration de Gênes qui avait relayé,
en 1284, celle de Pise confiée en 1077 par le pape qui accroissait
alors son influence sur l'île. C'est alors que la France monarchique,
nation très chrétienne, fit cause commune avec l'Islamisme
voyant en Soliman le Magnifique un allié de poids contre la maison
d'Autriche et les velléités de l'empereur Charles Quint
qui, tout à la fois, luttait contre l'expansion ottomane. -----Le
roi de France ordonna au baron Polin de la Garde de rejoindre avec ses
vingt-six galères sous son commandemer la flotte ottomane commandée
par Dragut qui venait de ravager l'île d'Elbe.
------C'est
alors que, pour le compte du royaume de France, le corsaire Dragut, à
la tête de la flotte turque, en 1555, attaqua Bonificio qui résista
aux assauts causant moult pertes dans le camp ottoman, pendant que la
population de Bastia, encore sous l'effet de la révolte populaire
contre Gênes écrasée en 1347, se rendait sans résistance
aux Français. Mais Dragut obtint, toujours par la ruse, que les
portes de Bonifacio soient ouvertes en promettant aux habitants la protection
de la France. Sous cette condition Bonifacio capitula. Cette soumission
privait les Turcs du butin auquel leur intervention victorieuse aurait
donné droit.
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----------Ils
saccagèrent et pillèrent alors la ville, dès l'ouverture
des portes, massacrant au hasard les habitants et une partie de la garnison.
Cette violation au droit des capitulards fut l'origine d'une division
entre Turcs et Français, ce qui conduisit Dragut et ses forces
navales à se séparer des forces françaises et à
l'échec de leur expédition.
-----Henri II se plaignit auprès du
Sultan à qui il demanda de remplir les conditions du traité
qui les liait. Soliman ne manqua pas de l'ordonner fermement à
Dragut qui s'exécuta. Mais les forces navales ottomanes auxquelles
s'étaient jointes celles de la marine de l'odjédac d'Alger,
commandées par Salah-Reis, n'agirent que mollement aux côtés
des Français car il n'y avait point de butin à l'issue de
la victoire.-----La
Corse demeura sous domination française jusqu'en 1559 ; par le
traité de Cateau-Cambrésis elle fit retour à Gênes
jusqu'à ce que celle-ci transféra ses droits à la
France, en 1768.
La lutte en Berbérie
- la peste
-----En
l'an 1555 (963 de l'Hégire), nous l'avons dit, Bougie
fut prise aux Espagnols par Salah-Reis, roi d'Alger. Les Turcs s'étaient
emparés de Fez alors que les Espagnols étaient les maîtres
d'Oran qui avait à la tête de son gouvernement le comte Don
Martin d'Alcaudète.
Premier siège
d'Oran
-----Les
Turcs forts de leur victoire à Bougie sur les espagnols qui en
furent chassés, décidèrent de faire le siège
d'Oran.
-----Philippe II avait succédé
à son père Charles-Quint qui, malade avait abdiqué.
-----La peste sévissait à Alger
en ce mois de Juin 1556, Salah-Reis, le roi d'Alger en meurt. Son lieutenant,
Hassan Corso, renégat Corse, fut élu pour lui succéder,
dans l'attente de la décision de Soliman qui d'ailleurs ne le confirma
pas mais nomma un Turc, Tekerli, Beylerbey d'Alger. A la tête d'une
troupe, forte de 12 000 Turcs, de 30 000 Kabyles, Maures et Arabes dont
3 000 cavaliers Hassan Corso, se dirige sur Oran. Le matériel et
l'artillerie sont transportés par les vaisseaux qui touchent terre
près de Mostaganem, fief turc, lieu du rendez-vous. Corso arrive
devant Oran le 14 août et s'installe devant ses remparts et près
de la source de Ras-el-Aïn qui ravitaillait en eau la ville. Il met
en place ses batteries d'artillerie sur les flancs de la montagne dominant
la ville, près des Planteurs, et fait ouvrir le feu contre la porte
de Tlemcen et la Casbah, causant peu de dégâts et peu de
victimes : 13 Espagnols sont tués.
-----Le gouverneur d'Oran réclama
au gouvernement espagnol des renforts qui ne vinrent pas du fait de l'inimité
qui régnait entre le comte d'Alcaudète et le capitaine général
d'Espagne, Don Bernadino de Mendoza qui plutôt que de secourir Oran
préféra rallier les galères de Naples, de Sicile
et de Gênes. Mais les assiégés d'Oran eurent le secours
de la Providence, le sultan Soliman, pour de multiples raisons, décida
de ne plus soutenir les forces assiégeantes, rappelant même
la flotte turque.
-----Les prétextes avancés
par Soliman d'après certains historiens furent que les vaisseaux
de l'amiral Doria commandant la flotte française, causaient des
dégâts importants à la flotte ottomane, aux villes
des côtes de la presqu'île de Morée (Péloponnèse
actuelle) et à celles, turques, de l'Archipel. Pour d'autres historiens,
Soliman se méfiait de Hassan Corso dont il ne voulait à
aucun prix comme Beylerbey d'Alger et qu'une victoire à Oran risquait
de consacrer aux yeux de ses sujets.
-----La levée du siège est
une victoire célébrée à Oran par les Espagnols
qui voient les Turcs et leurs mercenaires, après deux jours d'attaque,
regagner Alger alors que la flotte ottomane s'éloigne des côtes
d'Oran et Mers-el-Kébir, sans avoir débarqué les
forces d'interventions turques qu'elle amenait.
-----Certains historiens rapportent que le
commandant de la flotte ottomane aurait jugé l'opération
de débarquement difficilement réalisable. Les populations
des douars et villes qui ont aidé les Turcs sont châtiées
par le comte d'Alcaudète. Pour mieux défendre Oran, il fit
construire les forts San Bernardo (Bordj Ras-el-Aïn) et le tort Sainte
Thérèse sur le front de mer.
-----Mais la victoire est ternie par une
épidémie de peste terrible, amenée d'Alger par les
janissaires. Elle dura plus de six mois et les femmes et les enfants en
furent les principales victimes. Une lutte s'engage entre le Beylerbey
Tekerli et les janissaires qui ont une influence grandissante à
Alger. Après l'assassinat de Tekerli, La Porte nomme, pour la seconde
fois, à la tête du gouvernement d'Alger, Hassan Pacha, le
fils de Keir?-ed-dine avec mission de s'opposer aux ambitions du chérif
marocain Mohammed-el-Mehdi, maître de Fez et de Tlemcen, qui aura,
par traîtrise de sa garde à la solde de Hassan Pacha, la
tête tranchée. Celle-ci sera adressée à Constantinople,
pour satisfaire à la demande de Soliman.
-----Mais il lui fallut aussi neutraliser
l'influence des janissaires. Pour cela il fit alliance avec les Kabyles
et les Arabes, ne les traitant plus avec le dédain dont faisaient
montre habituellement les Turcs à l'égard des indigènes
; il les autorise même à acheter des armes à Alger.
Bien qu'ami d'Abd-el-Aziz, il le combat après que celui-ci lui
eut refusé sa fille qu'il avait demandé d'épouser.
Il épousa alors une fille du sultan de Koukou dont il fera un allié
contre son ami.
(à suivre?)
Colonel Gaston Bautista.
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