-----La France veut
entretenir de bonnes relations avec Abd-el-Kader, mais bien des difficultés
font obstacle à ces bonnes intentions.D'abord les termes imprécis
du traité de Tafna, relatifs à la délimitation de
la frontière orientale de la Mitidja.
-----L'Émir veut accroître sa
souveraineté vers l'est de la région qui lui est dévolue
; il essaie de tirer à son profit l'interprétation de contrat
transcrit en langue arabe et veut étendre son territoire au-delà
de l'oued Kaddara. La France qui veut mantenir ses communications, par
terre entre Alger et Constantine, s'oppose.
-----Le général
Valée propose au représentant de l'émir, qui l'accepte
et le signe, un traité que le gouvernement de la France considère
valable alors qu'Abd el Kader se refuse de l'accepter et le considère
caduc. Il provoque la France par des harcélements nombreux, sans
toutefois vouloir livrer bataille, dans la province de Constantine. La
réaction française n'est qu'une simple démonstration
pacifique de sa force militaire. Le 18 octobre 1839, le général
Valée quitte Mila à la tête d'une colonne forte de
4 000 hommes. Le duc d'Aumale l'accompagne. Le 2 novembre il entre dans
Alger après avoir taversé les "Portes de Fer"
(défilé des Bibans), moyennant le paiement aux tribus d'un
droit de passage. Le 10, un officier est tué dans une embuscade
tendue par les Hadjoutes, les 13 et 14 novembre des coups de feu sont
tirés contre Blida. L'Emir considère cette expédition
comme une violation, bien qu'il ne l'ait pas ratifié, du traité
par 1a France et en appelle aux armes en proclamant, le 9 novembre 1839,
la Djihad, la guerre sainte.
-----Dès le lendemain, 20 novembre,
la Mitidja est envahie et dévastée par les troupes d'Abd-el-
Kader.158 français sont surpris et tués dans le camp militaire
de l 'oued Alleug. L'émir concentre ses forces sur la contrée
algéroise. Il attaque les postes et les camps qui assurent la sécurité
de cette province, ce qui conduit à l'évacuation de ces
points de défense ; leurs effectifs renforcent les garnisons de
Blida, L'Arba, Kara Mustapha et Fondouk.
Leur ravitaillement est assuré par des colonnes mobiles. C'est
alors qu' Abd-et-Kader décide de s'attaquer à la province
d'Oran. Le 13 novembre 1840 il lance des coups de main sur Mazagran, le
17 sur Arzew. Les Gharaba, dévoués à l'Emir, organisent
les razzias contre les Douairs et les Smela, fidèles à la
France.
-----Le 2 février 1840, la 10è
compagnie, du 1er Bataillon d'infanterie légère d'Afrique
commandée par le capitaine Lelièvre défend vaillamment
la redoute de Mazagran encerclée durant cinq jours et force à
la retraite des assaillants. Belle action qui vaut des renforts au Maréchal
de France Valée qui fait occuper Médéa et Miliana
afin de maintenir uneliaison permanente avec Mostaganem et Oran et il
fait également prendre la ville de Cherchell, sur la Méditerranée.
-----Mais les colonnes de ravitaillement
font, toujours, l'objet d'incessantes attaques, ce qui influe grandement
sur l'état sanitaire des garnisons. Quelques révoltes se
manifestent alors dans la population indigène des provinces de
Constantine et d'Oran. Le gouvernement rappelle le Maréchal Valée
et le remplace par le Général Bugeaud qui avait mis au point
un plan d'action de substitution à celui dont l'inefficacité
est évidente.
-----L'occupation restreinte,
progressive et pacifique va faire place à une action d'envergure.
Paris met à la disposition du nouveau gouverneur les moyens que
Bugeaud demande pour mener à bien son projet. Les effectifs supplémentaires
de 110 000 hommes équipés et le matériel d'artillerie
réclamés, sont rapidement mis en place et permettent la
mise sur pied de nombreuses colonnes. Chacune de celles-ci comprend trois,
voire quatre, bataillons d'infanterie, deux escadrons de cavalerie, deux
batteries d'obusiers de campagne et de nombreux auxiliaires indigènes.
Mais Bugeaud dispose de remarquables officiers formés en Algérie
dans cette Armée d'Afrique qui ne fait pas que des razzias. Elle
se préoccupe de la misère des Berbères et des besoins
hydrauliques et organise l'agriculture tout en élevant moralement
et intellectuellement la population indigène au contact de laquelle
elle vit, au sein d'une grande famille.
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-----Retenons de ces officiers
quelques noms, pour la postérité : Baraguey d'Huilliers,
Bedeau, Cavaignac, Changarnier, Duvivier, Lamoricière, Morris,
Mustapha Ben-Ismaël. Abd-el-Kader sent un danger car Bugeaud s'attaque
aux places de L'Emir et à ses cavaliers qui attaquaient les colonnes
de ravitaillement des garnisons. Entre le 30 mars et le 5 mai 1841 Tagdempt
(Tekedempt), Boghar, Taza (Thaza) et Mascara sont pris. En juin, les troupes
de Bugeaud participent à la récolte dans la plaine d'Eghris.
Dès l'automne les opérations sont reprises. Bugeaud bat
Abd-el-Kader à Sidi Yahia et après avoir détruit
la guetna de Sidi Mahi ed-Din, s'installe à Saïda en octobre
1841.
-----Les tribus n'ont plus foi en Abd-el-Kader,
mais craignent ses représailles sanglantes.Les colonnes de pacification
poursuivent leur mission et rayonnent à partir de Mostaganem, Oran,
Mascara. Bugeaud rentre à Tlemcen en janvier 1842 et lance la colonne
commandée par le Général Bedeau sur Nedromah qui
se soumet.
----------C'est
alors qu'Abd-el-Kader appelle à son secours l'Angleterre, le Sultan
de Constantinople et même le Sultan du Maroc, mais sans aucun succès.
Alors il lève les Béni Snassen et les lance dans de vains
combats. Défaits par l'Armée d'Afrique, ils battent en retraite
et se réfugient sur la Sikkak, le 21 mars 1842.
-----Mais l'Emir est inlassable, il rassemble
de nouvelles troupes au sein de tribus guerrières qui sont battues,
à leur tour, à laTafna par le même général
Bedeau. Abd-el-Kader ne désarme pas, toujours ardent, il entraîne
les Kabyles au siège de Nédromah.
-----Bedeau le bat à nouveau à
Bab-Taza. A Goudjila, sont stockés les matériels, armes
et munitions qui étaient dans le réduit de Tagdempt avant
la reddition de cette base arrière. Lamoricière s'en empara
et faillit prendre l'Emir qui s'échappe et s'enfuit avec sa Smala
qui compte environ 60 000 personnes, vers le désert sous la pression
des forces commandées par les deux généraux Changarnier
et Lamoricière. Bugeaud décide alors d'ouvrir une voie de
communication terrestre entre Alger et Oran. Le dogme islamique, transcrit
du Coran, empêche les tribus de se rallier à la France qui
va, dès lors, pratiquer une politique qui tend à lever le
malentendu fondamental.
-----Léon Roches assura les fonctions
de secrétaire auprès de l'Emir, de 1837 à 1839 et
l'aida dans ses relations extérieures. Le gouvernement de la France
lui demanda, tout comme à Sidi Tedjini à Kairouan de participer
à lever ce malentendu. Ainsi, grâce à une décision
des Mokkadens réunis à la Zaouia de Sidi Tedjini, les Algériens
font leur soumission aux Français, en août 1841, sans être
en opposition avec le Coran, la Souna et la Charia. Cette "fouetta"
est approuvée par les Oulémas du Caire puis par un "medjelés"
réuni à Taïf par le Grand Chérif de la Mecque.
Des émissaires sûrs et dévoués se rendent dans
les tribus et les assurent qu'elles ne subiront pas de représailles
après leur soumission. Abd-elKader est pourchassé, sans
cesse. Dans le Sud, il retrouve quelques forces avec lesquelles il reparaît,
en 1843, dans l'Ouarsenis. Le général Bugeaud occupe le
pays : Camp el-Asnam (Orléansville),Tiaret,Teniet
el-Had, Boghar.
Lieutenant-Colonel
(ER)
Gaston Bautista
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