Alger - l'Algérie

         BREVES MONOGRAPHIES COMMUNALES
Les six communes de la deuxième ceinture du Fahs
 o      DRARIA

Texte, illustrations : Georges Bouchet

mise sur site le 1-4-2008

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Texte de Liliane Vidal-Desmos + photos de classes

o      DRARIA

Historiquement Draria appartient à cette catégorie de villages de colonisation dont le plan Guyot a évoqué la création alors que la décision de les créer avait déjà été prise et annoncée. En effet le Comte Guyot avait lui-même fait savoir en janvier 1842 qu'il « serait procédé à la fondation d'un nouveau village de colonisation au lieu-dit Draria dans la commune de Kaddous. En effet, par arrêté, de Monsieur le Lieutenant Général, Gouverneur de l'Algérie, du 10 janvier 1842, il avait été formé un village composé de 51 familles à Draria, «en considérant que les tribus demeurant aux lieux dits : Draria, Beni Arbia, Ouled Sirah, ont passé à l'ennemi en novembre et décembre 1839 en incendiant les gourbis et en assassinant des colons européens ».

A la même date on promet d'accorder des concessions dont les premiers titres, il est vrai, ne seront signés, par Guyot et Bugeaud, qu'à partir du 8 avril 1842.

Dans son plan Guyot n'a rien à ajouter et se contente de trois lignes en orthographiant autrement le nom de l'une des trois tribus.

Draria est près de Kaddous, sur le territoire abandonné par les tribus des Beni Arbia, Sghiria et Draria. Ce territoire est fertile. Les colons ont déjà reçu 40 hectares

Au début de l'année la commune s'appelait Kaddous et le lieu-dit Draria. A la fin de l'année ce fut l'inverse. Et c'est Draria qui s'est imposé jusqu'à nos jours. Quel que soit son nom elle fit partie, jusqu'en 1870 de la CPE de Dély Ibrahim. Il est très probable que, dès 1835, des familles s'étaient établies sur les terres du futur centre de Draria.

Le succès du nouveau centre de peuplement européen semble avoir été rapide, si l'on en croit le rapport rédigé en 1847 par le sieur Villevaleix, Inspecteur de la Colonisation

C'est l'un des plus jolis et des meilleurs centres du Sahel ; il compte une soixantaine de maisons parmi lesquelles on en remarque plusieurs de belle apparence. Le territoire rural annexé à ce centre est, en général, assez fertile. La culture des céréales commence à prendre un peu d'extension et promet quelques résultats pour 1848…
Une mairie, une jolie église, une brigade de Gendarmerie constituent la commune. Les édifices qui y sont affectés appartiennent à l'Etat. Le maire ne réside pas au village : c'est un grave inconvénient pour la régularité et la célérité du service.
Les routes qui relient Draria à Saoula, à El Achour, et celle surtout qui conduit à la Colonne Voirol, sont impraticables pendant l'hiver, leur réparation est urgente…
Les habitants ont commencé, à leurs frais, une route de quelques centaines de mètres qui part de la barrière faisant face à l'église, et va s'embrancher sur la route de Saoula. Peu de travaux restent à faire pour l'achever ; l'Administration devrait s'en charger…
Le local de la Mairie sert aussi à le tenue de l'école et au logement de l'Instituteur ; ce local est un peu trop exigu. On pourrait l'agrandir d'une pièce en prenant sur la cour, il n'y a aucun inconvénient à cela, et la dépense serait minime.
Le ruisseau qui traverse le territoire de Draria est susceptible de mouvoir une ou deux usines, moyennant, bien sûr quelques travaux pour préparer les chutes d'eau. Les édifices publics ont été réparés il y a peu de temps. La salubrité est parfaite.
Draria est en définitive un village qui a de l'avenir.

L'année suivante le guide Quétin confirme " Florissant village de 57 familles. Habitations propres et commodes ".

L'église fut bâtie par le Génie dès 1842 et consacrée par l'Archevêque de Marseille, Monseigneur Massenor le 3 novembre.

L'école à classe unique de Draria persista jusqu'en 1900, date de l'ouverture d'un bâtiment scolaire à deux, puis trois classes, construit dans le bas du village. Mais on avait ouvert dès 1890 une école à un carrefour au nord du village, pour les enfants de Kaddous. Le lieu-dit Kaddous ne devint jamais un village européen ; mais il y avait quelques fermes.

La gendarmerie
hébergea au maximum 6 gendarmes, puis fut abandonnée vers 1860 ; Draria dépendit alors de la gendarmerie de Birkhadem.

Villevaleix a surestimé les capacités de l'oued qui coule au sud du village : il n'a d'eau qu'en hiver. Quant à l'oued Kerma (branche orientale) qui limite la commune à l'est, il est à plus de 2km.

Le chemin vers Saoula dont il est question dans le rapport a bien été aménagé. C'est la traverse de Saoula qui raccourcit pas mal le trajet, mais au prix d'une descente et d'une montée redoutables.

Elisabeth Rivet

Parmi les natifs de Draria je ne retiendrai que deux noms : ceux d'Elise Rivet et de Monsieur Palomba.

Elise Rivet est née à Draria le 19 janvier 1890. Elle entra dans les Ordres et devint en 1933 la Mère Supérieure du couvent des Religieuses de la Compassion à Lyon sous le nom de Mère Elizabeth. C'est là qu'elle fut arrêtée par la Gestapo en mars 1941 pour avoir caché des Juifs et des résistants armés. Elle fut déportée, et mourut au camp de Ravensbrück le 30 mars 1945, après avoir pris volontairement la place d'une mère de famille. Un timbre a été émis à son effigie, en 1961, dans la série " Héros de la Résistance ".

Monsieur Palomba doit sa présence ici à la durée de ses mandats de Maire de Draria : 27 ans, de 1935 à 1962 !

Quelques dates

1842 - Arrêté de fondation du village le 10 janvier
1842 - Construction de l'église qui est consacrée le 3 novembre
1842 - Construction d'une gendarmerie
1870 - Draria est promu CPE le 8 décembre
1882-1884 - Construction du château Béraud
1890 - Commune sinistrée par des chutes de neige et un froid exceptionnels
1922 - L'électricité est installée au village
1928 - Construction d'une cave coopérative
1951 - Le château Béraud devient Préventorium
1989 - Inauguration d'une centrale nucléaire expérimentale

Je sais, 1989 est une date bien postérieure à l'Indépendance, et donc hors de mon sujet. Mais sa raison d'apparaître ici est tout à fait exceptionnelle : je fais donc une exception pour quelques chose d'exceptionnel, une centrale nucléaire. C'est à Draria que, grâce au concours de l'Argentine, a été édifiée et mise en fonctionnement, la toute première centrale nucléaire d'Algérie et d'Afrique du nord. Elle est expérimentale et prend en quelque sorte la suite de l'Institut que la France avait installé près des Tagarins. Les Algériens l'ont appelée Nour (la lumière), mais vu sa faible puissance, un à trois mégawatts, il eut été plus honnête de l'appeler la luciole.

réacteur chinois

L'Algérie a récidivé en 1993 en installant à Aïn Oussera (ex Paul Cazelles) , au sud de Boghari, un réacteur chinois plus puissant (15 ou 40 ?mégawatts) surdimensionné pour un usage de recherche. Sous la pression internationale l'Algérie a dû consentir à l'inspection du site par l'AIEA.

La photo est celle du site d'Aïn Oussera, qui bénéficie, par Google Earth, d'un traitement de choix. La centrale s'appelle Es Salam (le salut). Je ne sais
pas à quoi elle sert au juste. Elle n'alimente pas le réseau électrique.

En 2007 l'Algérie a fait savoir, qu'elle devait préparer l'après pétrole et qu'il lui faudrait construire une centrale pour la production d'électricité, d'ici une vingtaine d'années : un marché qui va s'ouvrir…peut-être…

Le territoire communal

Il est de dimension modeste : 1269 ha, et n'a de limite naturelle qu'à l'est où la commune est longée par la vallée assez encaissée de l'oued Kerma (branche orientale).

Draria est une commune de collines, mais son relief s'apaise du nord au sud. Au nord il est formé de dos de collines arrondis séparés par des ravins bien marqués. Quelques escarpements rocheux près de l'oued Kerma ont permis très tôt l'exploitation de carrières de pierres. Au sud l'altitude s'abaisse à moins de 150 m et les espaces plats s'élargissent.

Les chemins sont nombreux, mais ils sont sinueux. A noter le carrefour de Kaddous, au nord du village de Draria, qui réunit les chemins de la Colonne Voirol, de Tixeraïne, de Saoula et de Draria. C'est là qu'en 1890 avait été ouverte l'école de Kaddous, à classe unique.

La culture principale, dès la fin du XIXè siècle est la vigne, avec des exploitations moyennes de 10 à 15ha. La cave coopérative, inaugurée en 1928 pour 7 viticulteurs, a fini par en réunir 41. La capacité de stockage aurait été de 12 000hl : pour 7 c'était beaucoup, pour 41 c'était peu.

Il y avait néanmoins au moins deux grands domaines : celui de Monsieur Béraud qui se fit bâtir une ferme à l'allure de château aux toits d'ardoise à forte pente, en face d'El Achour ; et le domaine Gitton Servat à Kaddous.

Vers 1860-1870 on avait mis quelque espoir dans la sériciculture : il en est resté des allées de mûriers et de quoi élever quelques vers à soie qui servaient pour les leçons de Sciences Naturelles des instituteurs.

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Le territoire communal Draria
Le territoire communal

A l'époque française, malgré sa proximité avec Alger par le chemin de la Colonne Voirol, Draria n'était pas devenu, comme Birkhadem, une commune de grande banlieue d'Alger. C'est resté jusqu'en 1962 un village d'agriculteurs et de commerçants, avec quelques fonctionnaires, instituteurs ou postiers.

Le village centre

Le succès du village fut rapide. Mais ensuite il n'a quasiment pas grandi, au moins jusqu'aux années 1950. J'en veux pour preuve la comparaison entre les deux documents ci-joints : le plan cadastral des débuts (date précise inconnue mais antérieure à 1860) et une photographie aérienne des années 1930.

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Plan cadastral de Draria
Plan cadastral de Draria

Les numéros des lots sont écrits à l'envers car j'ai réorienté le plan de telle sorte que le nord soit en haut et non en bas comme sur l'original.

Ce plan est conforme aux usages du temps très soucieux de sécurité. Un fossé, ou un parapet, ou une palissade l'entoure. Il y a une tour de guet au point culminant du village, et deux corps de garde où les colons devaient assurer une présence, en cas de besoin dans le cadre du service de la milice. La dernière alerte trouvée dans les annales est datée de 1845 : justifiée ou pas ? je ne sais pas. Il y a aussi une gendarmerie qui fut abandonnée dès que la sécurité parut assurée.

On récupéra le bâtiment pour des logements de fonction.

L'église et la Mairie se font face au centre du village.

Il y a trois rues longitudinales, en pente forte du nord au sud ; et une fontaine tout en bas.

Les lots sot de tailles différentes : c'est normal, les lots des artisans étant plus petits.

Les maisons ne sont pas jointives, mais les clôtures le sont.

Cette photo aérienne n'a pas pu être prise en 1850, c'est sûr. Et sans doute pas avant 1930. Le sud est à gauche et le nord à droite.

Pourtant les changements sont minimes. Les tours de guet et le parapet ont disparu ;des maisons ont été bâties à l'emplacement prévu pour la fontaine et l'abreuvoir et sur une partie de l'espace dévolue à la protection du village. Une rue fait le tour de tout le village qui n'a changé ni de forme, ni de dimensions. Le rectangle originel a été préservé.
Il n'y a pas d'immeubles.

Vue aérienne de Draria
Vue aérienne de Draria
L'église et la mairie se font face, au carrefour central du village

Après 1945, et grâce à sa 2 chevaux Citroën, l'abbé Hudry desservit au moins trois paroisses. Il officia, baptisa, confessa, maria et inhuma à Draria, El Achour et Saoula.

Avec son rez-de-chaussée simple, la Mairie de Draria est d'une modestie rare.

église de Draria
mairie et monument aux morts

Autres lieux habités notables

        •   Kaddous Ce lieu dit est d'abord le nom d'un oued affluent de l'oued Kerma qui a donné son premier nom à la commune de Draria. C'est ensuite une zone de coteaux colonisés, au nord du village. Parmi ces fermes consacrées à la viticulture, il faut noter le domaine Gitton Servat qui possédait tous les équipements de grandes caves. Le domaine était sous la conduite d'un gérant qui, entre les deux guerres, fut Ferdinand Cazayous, natif de Baba Hassen. La propriétaire fit placer le téléphone dès que ce fut possible, mais refusa obstinément l'électrification. A ses yeux le téléphone était utile pour faciliter les contacts avec le responsable des travaux : l'électricité était dangereuse. En 1939 on s'y éclairait encore à la lampe à carbure.

Kaddous est aussi un lieu d'exploitation de carrières de pierres qui ont servi à bâtir bien des immeubles à Alger, en sus du château Béraud. Ces pierres ont été utilisées notamment pour des travaux portuaires et pour l'église Saint Augustin. Il y eut jusqu'à 5 carrières exploitées par plus de trente ouvriers., au début du siècle. Cette activité explique la présence de quelques tailleurs de pierre parmi les résidents européens de la commune.

Kaddous est enfin une école à classe unique implantée à une carrefour qui attira aussi un café où les colons du coin allaient parfois jouer aux cartes.

Les bâtiments du domaine Gitton Servat.

A gauche une vue générale
A droite l'arrivée vers le logement du gérant, avec en bas des chambres pour des parents ou
des techniciens de passage. En face, les cuves de stockage des vins.

A gauche une vue générale
A droite l'arrivée vers le logement du gérant
        •  La mechta des Ouled Roumane
Elle se trouve sur la colline au nord de Kaddous. C'est un vrai village arabe, sans voirie à l'européenne, mais très peuplé. Sur la carte au 1/50000 les points noirs des maisons sont nombreux autour du marabout de Sidi Embarek.

Même si le village-centre fut à majorité européenne, la commune a toujours été majoritairement musulmane : en 1954 elle l'était à 89%, à comparer aux 58% de sa voisine El Achour. En 1830 la région était déjà bien peuplée. Et si trois tribus s'étaient enfuies à l'automne 1839, elles ont dû revenir assez vite.

En schématisant on peut dire que le sud de la commune était devenu européen, que le nord était resté arabe et que le milieu était mixte.

La desserte du village était assurée par les autocars Seygfried remplacés après 1950 par les Autocars blidéens. Kaddous n'était pas desservi par des transports en commun.

Supplément sur l'obtention d'une concession d'un lot de colonisation dans les années 1842-1850
Ce chapitre sera nourri par le résultat de recherches faites aux archives par un ami héréditaire (nos parents étaient amis, nous aussi) dont le père était né à Draria. Sans Gérard Malleus, je n'aurais pas pu écrire ce qui suit.

Généralités

Ce qui est vrai pour Draria est vrai pour tout le Sahel, sauf pour Mahelma, Fouka, Saint Ferdinand et Sainte Amélie qui eurent une origine militaire.

Pour obtenir une concession il convient de la demander sur du papier timbré en vertu d'une loi de brumaire an VII (1798) adressée au Gouverneur Général de l'Algérie , ou à n'importe quel Préfet ou Sous-préfet qui transmettra.

Conditions exigées des demandeurs

o Etre français d'origine européenne par filiation ou naturalisation
o S'engager à résider au moins 5 ans avec sa famille
o Posséder un casier judiciaire vierge
o Disposer de ressources suffisantes car " les concessions seront
accordées de préférence aux cultivateurs, chefs de famille
possédant un avoir d'au moins 5000 francs ".
o Se conformer aux dispositions de l'arrêté du 18 avril 1841.

Obligations prévues par l'arrêté du 18 avril 1841 pour le lot au village

o Bâtir une maison en pierres, briques ou pisé en un an
o Construire le toit en matériaux incombustibles
o Séparer son lot de la rue et des lots voisins par une clôture solide
o Ne laisser aucun vide entre son lot et les lots voisins
o Respecter les alignements indiqués par l'Administration
o Payer une redevance qui sera fixée ultérieurement

Obligations prévues par l'arrêté du 18 avril 1841 pour les terres

o Mettre en culture au moins un hectare la première année
o Mettre en culture trois autres hectares la deuxième année
o Mettre en culture le restant la troisième année
o Faire tailler et greffer les arbres fruitiers
o N'abattre aucun arbre sans autorisation
o Respecter clôtures et servitudes pour le service des voisins

Conditions d'obtention du titre de propriété définitif

o Avoir au moins trois ans de résidence
o Avoir dépensé au moins 1000 francs par hectare en améliorations
o Avoir obtenu l'aval d'un Commissaire Colonial après Inspection.
Le Commissaire doit vérifier l'achèvement de la maison, l'état des
ensemencements et des débroussaillages.
Il doit enfin évaluer le montant des dépenses consenties.

Il est clair que l'on ne cherche pas à attirer de pauvres gens sans ressources qui risqueraient de rester à la charge de l'Administration. On ne veut pas d'indigents, on préfère les hommes mariés et, à défaut d'agriculteurs de métier, les artisans compétents. Les listes de concessionnaires indiquent généralement le métier du futur colon. Le colon sera aidé de diverses façons par l'armée ; mais il sera aussi surveillée par elle et encadré dans le service de la milice.
Par précaution l'Administration se réserve " expressément la propriété de toutes les sources d'eau vive et de tous les cours d'eau connus et inconnus ".Mais le concessionnaire peut utiliser l'eau des sources se trouvant sur ses parcelles, pour son usage exclusif.

Un cas particulier, celui du lot 44 du village et des lots de terrains 7, 83 et 107

J'évite de joindre des documents d'archive car ils sont toujours difficiles à lire. Je ferai toutefois une exception pour les deux titres de concession destinés au sieur Jacques Dalmaze ; l'un concernant un lot à bâtir au village, et l'autre trois terrains couvrant au total 10 hectares 24 ares et 60 centiares. Cette précision devient savoureuse lorsqu'on lit la ligne manuscrite rajoutée spécifiant " qu'il n'y a aucune garantie de contenance et qu'il faudra défalquer de la superficie annoncée comme cultivable celle des chemins faits ou à faire ".

Ce sont ces lots qui formeront plus tard le domaine des Malleus, au descendant desquels nous devons toutes les précisions qui suivent.

Jacques Dalmaze était le fils aîné d'un tisserand d'Entrevaux dans la vallée du Var. Il ne choisit pas le métier de son père et devint Maître Tailleur de Pierres. En 1841, à 37 ans, il apprend par la lecture d'affiches préfectorales lues à Draguignan, qu'on demande des bras en Algérie, et même qu'on distribue des terres gratuitement. Il imagine que dans ce pays neuf, où tout est à construire, on aura bien besoin de tailleurs de pierres. Il persuade même son jeune frère, ses deux sœurs et sa mère, de l'accompagner dans cette aventure.

Je ne sais pas si son métier a joué un rôle dans le choix de Draria, mais on peut l'imaginer en raison des carrières de Kaddous déjà connues
.
La concession de Dalmaze (ou Dalmase) lui a été promise le 10 janvier 1842
Les titres de concession furent signés par le Comte Guyot et Bugeaud le 8 avril 1842
Les procès-verbaux de vérification de la tenue des engagements ont été signés le 25 février 1845.

Cliquer sur chaque mage pour une meilleure lecture .
titre de concession
titre de concession

Les procès-verbaux de vérification ont été établis par le Commissaire Colonial Lavaude, aidé par son adjoint, le sieur Gay pour les terrains, et par un entrepreneur, le sieur Monneret, pour la maison.
Il a été constaté que 7 ha avaient été ensemencés en orge, blé et cultures diverses, et que plus de 2 ha étaient prêts à être ensemencés ou à servir de jardin.

Le constat pour la maison est très favorable : « Il existe à l'emplacement accordé une grande maison en pierres construite solidement, composée d'une cave, de trois grandes pièces au rez-de-chaussée, et de six pièces au premier étage. Une cour close d'un mur, occupe seize mètres de face et douze mètres de profil. On y trouve une écurie ou plutôt un hangar pour dix chevaux ».

Les maisons de colon habituellement construites à cette époque étaient basses, avec 2 ou 3 pièces placées en enfilade le long de la rue. Cette maison Dalmaze est vraiment exceptionnelle : sa photo terminera ma monographie de Draria.

Le Commissaire Lavaude a également constaté que 13 000 francs avaient été dépensés ; alors que 10 000 auraient suffi pour une concession d'environ 10ha plus 333m² au village.

Les conditions étant remplies le concessionnaire devint presque pleinement propriétaire, au bout de trois ans, comme promis. Je dis presque car il demeure une interdiction : celle de " vendre ou de céder sous quelque forme que ce soit la propriété à un indigène non naturalisé pendant 10 ans pour la maison et 20 ans pour les terres ". Par contre il reçoit le droit d'échanger des parcelles, sous réserve de l'approbation par l'Administrateur, ce qu'il fit le plus tôt possible car ses parcelles étaient trop dispersées. L'accord de l'Administrateur, pour l'échange des parcelles 58 et 83 avec le sieur Convert, fut obtenu en moins de trois semaines.

Les titres de propriété définitifs furent signés en deux fois, le 28 juin et le 10 juillet 1845. Et Jacques Dalmaze put recevoir gratuitement des semences pour les 2 hectares nettoyés et prêts à être cultivés.

Il put également obtenir des prêts hypothécaires, plus facilement qu'avec un titre de concession provisoire. Avec ce dernier il ne pouvait emprunter que pour les travaux de construction de la maison, de mise en valeur des terres ou pour l'achat de cheptel. Et il devait pouvoir justifier toutes ses dépenses par des « quittances et autres documents justificatifs ».

la belle et grande maison de pierres du lot 44 construite entre 1842 et 1845.
Voici, vers 1930, la belle et grande maison de pierres du lot 44 construite entre 1842 et 1845.
Comme c'était l'usage, Jacques avait sollicité l'attribution gratuite de trois mètres cubes de chaux, 1500 tuiles creuses, 100 planches et 20 madriers.