Aïn-Taya, l'un des joyaux de la côte algéroise
Après Fort de l'Eau, la plage se courbe progressivement et remonte vers le nord. L'embouchure du Hamiz sépare "Les Dunes" d"'Alger-plage" et le sable laisse la place aux rochers. Ùne falaise s'élève graduellement jusqu'au "Cap Matifou" qui forme la partie orientale de la baie d'Alger. C'est sur ce territoire de plus de 3.000 hectares, connu alors sous le nom de "La Rassauta" que naîtra en 1853 le village d'Aïn -Taya.
pnha n°47 juin 1994
sur site le 16/02/2002

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-------Après Fort de l'Eau, la plage se courbe progressivement et remonte vers le nord. L'embouchure du Hamiz sépare "Les Dunes" d"'Alger-plage" et le sable laisse la place aux rochers. Ùne falaise s'élève graduellement jusqu'au "Cap Matifou" qui forme la partie orientale de la baie d'Alger. C'est sur ce territoire de plus de 3.000 hectares, connu alors sous le nom de "La Rassauta" que naîtra en 1853 le village d'Aïn -Taya.
-------Ce lieu était, à l'époque, une immense étendue de broussailles truffées de palmiers-nains et de fourrés, pratiquement inaccessible à l'homme qui ne pouvait se frayer un passage qu'en suivant les traces des battues organisées contre les bêtes fauves de l'endroit. Un projet de colonisation concernant cette région inhospitalière située entre l'oued Hamiz, à l'Ouest et l'oued Boudouaou, à l'Est fut présenté à l'administration le 24 juillet 1847 par le Comte Eugène Guyot, directeur des affaires civiles en Algérie (dont Guyoville portera son nom, en 1843). La situation n'était pas si mauvaise que cela puisque trois bonnes sources furent découvertes, offrant des possibilités d'irrigation : Aïn-Taya (source vivifiante selon certains ou source de la bénédiction, selon d'autres), AïnBeïda (source blanche - plus tard, Suffren) et Aïn Kahlà (source noire - plus tard Surcouf). La fondation d'un village de 60 familles fut proposée pour Aïn-Taya avec deux annexes : Aïn-Beïda pour 10 familles et Aïn-Kahlà pour 8 familles ; les 3 centres occupant une superficie de 1.200 hectares.
Les Mahonnais
-------Il fallut attendre 6 ans et le 30 septembre 1853 pour que le Décret signé par Louis-Napoléon Bonaparte, Empereur de France, donne le feu vert pour l'occupation des terres. Les premiers colons furent des émigrants des îles Baléares, plus connus sous le surnom de "Mahonnais" ; ils venaient de faire leurs preuves, 3 ans plus tôt, en transformant le territoire voisin, plus à l'Ouest, de Fort de l'eau, en magnifiques jardins potagers, grâce à leur labeur et savoir-faire. Durs à la peine, doués pour l'agriculture, les "Mahonnais" avaient trouvé en Algérie les mêmes conditions climatiques que dans leur île. Les noms typiques de ces valeureux pionniers dominent sur la liste des premiers concessionnaires de ces villages, accompagnés souvent d'un sobriquet pour les distinguer les uns des autres (c'était la coutume à Minorque). On y retrouve, par exemple, 6 Sintes, 5 Pons, plusieurs Bagur, Coll, Juanico, Marques ou Mercadal entre 1855 et 1859.
-------Quelques familles Génoises ou Françaises vinrent se joindre aux Mahonnais pour compléter la population de ces villages. A peine 8 mois plus tard, ces hardis pionniers avaient défriché plus de 60 hectares et construit une trentaine d'habitations. A la fin de l'année 1854, toutes les maisons étaient achevées et les plantations donnaient déjà des récoltes. L'administration traça quelques rues, construisit 3 fontaines, et un lavoir, ouvrit des chemins entre les 3 sources et aménagea le premier canal d'irrigation. Visitant le village, un journaliste algérois écrivit dans "I'Akbhar", les propos suivants
"A la place de l'inextricable fourré qui couvrait auparavant le plateau qui domine le rivage et à travers lequel je n'étais parvenu à me frayer difficilement un passage, quelques années plus tôt, je découvrais un village ! Un village naissant en train d'éclore avec déjà de jolies fontaines, un abreuvoir, un lavoir couvert, des rues, une grande place, une briqueterie, un four à chaux, plusieurs maisons blanches et coquettes solidement construites, derrière chacune d'elles un jardin où des légumes de toutes espèces abondent...".
-------Erigée en commune de plein exercice en 1870, Aïn-Taya possède 1.666 habitants à cette époque dont 594 français. Elle devait sa prospérité à l'agriculture mais elle devint, bien vite, une station balnéaire très fréquentée, ses plages attirant les algérois, séduits par leur beauté et le climat. En effet, Aïn-Taya connaissait un régime climatique plus agréable que celui d'Alger plus humide ; les vents y étaient retenus par une ligne de hautes collines.
-------Les habitants d'Aïn-Taya se groupèrent autour de la place centrale, à la jonction de deux routes, la nationale 26 et la départementale 121, l'une parallèle au littoral, l'autre venant de Roui'ba. Les maisons s'alignèrent le long de ses rues, au tracé régulier, entouré d'un boulevard planté de magnifiques platanes. Les constructions du début, maisonnettes rurales où granges, laissèrent place à des villas, des immeubles et des hôtels où s'épanouissaient des fleurs aux vives couleurs.
-----------L'ouverture d'un canal de dérivation conduisait l'eau à un bassin de partage, d'où une conduite en fonte alimentait une belle fontaine en pierres de taille et divers canaux irriguaient abondamment les jardins contigus aux habitations.
-------Plus tard, le village fut entouré par des stations balnéaires ou ports de pêche et plaisance portant les noms des plus célèbres navigateurs et corsaires de France : La Pérouse, village de pêcheurs fondé en 1897, à l'Ouest, à l'intérieur de la baie ; Surcouf, village de pêcheurs à 1.800 mètres à l'est, hors de la baie, créé en 1893 ; Jean Bart, port de pêche créé en 1892, près de la pointe du Cap Matifou, au nordouest et enfin Suffren, l'ex Aïn-Beïda, au nord-ouest aussi, entre Jean Bart et Aïn-Taya.
-------Les plages, la pêche, le bateau et la plongée sous-marine attirèrent irrésistiblement les algérois vers ces lieux mais aussi les guinguettes pendant la période estivale et plus encore, les fêtes annuelles. Ah, ces merveilleuses fêtes de nos villages côtiers !.
-------De 1870 à 1962, plusieurs générations d'administrateurs aidés par des conseils municipaux groupés des 12 maires qui se sont succédés à Ain-Taya ont dirigé l'essor de la commune ; il convenait de leur rendre hommage dans ces lignes.
-------Ce furent : MM. Joseph Guyot de 1870 à 1878, Jean Dabadie de 1879 à 1884, Casimir Fabre de 1884 à 1891, Paul Oudaille de 1891 à 1895, désiré Dulin de 1896 à 1898, Joseph Chabert de 1898 à 1904, Paul Fabre de 1904 à 1910, Charles Pellegrin de 1910 à 1919, Michel Sintes de 1920 à 1935, Auguste Allier de 1935 à 1945, Emile Bertoni de 1945 à 1948 (il décède en cours de mandat) et Hector Burkhardt puis Monsieur Gardel de 1949 à 1962. Toutes ces municipalités conçurent et réalisèrent progressivement la modernisation et l'extension du village et de la commune qui fit d'Aïn-Taya l'un des joyaux de la côte algéroise.

Joie de vivre
-------Avec le temps Aïn-Taya, et ses deux satellites (Suffren et Surcouf) devint une station balnéaire très fréquentée. Il y eut alors la construction ou l'aménagement d'hôtels-restaurants: le Corail, le Corsaire, le Dauphin, le Bougainvillier , dont le plus réputé fut "Le Tamaris" construit et géré par la famille Carreras en 1928 avec une salle à manger et une salle de bal de chacune trois cents mètres sans piliers. Le "Tamaris" fut réquisitionné de décembre 1942 à juin 1945 et après le 13 mai 1958.
-------Qui ne se souvient pas des plats minorquins qui faisaient notre joie, les oliaigues, les fromageades, les Souquettes, les colomins et autres mounas et mantecaos...
--------Pour les fêtes annuelles -première semaine d'août Aïn-Taya se transformait, les festivités débutaient et duraient trois jours pendant lesquels toutes sottes de manifestations s'y déroulaient
-- Courses à bicyclette avec les meilleurs cyclistes d'Algérie : Guercy, Kebaili, Zelasco et le célèbre Zaaf.
--Tournoi de tennis avec la participation des meilleures raquettes du département.
-- Tournoi de boules, au jeu national et à la pétanque.
--Course à la nage avec lancer de porcs et de canards.
--Jeux divers pour les petits et les grands. Les places décorées et illuminées étaient occupées par les forains, pour de grands manèges ou jeu des anneaux, du petit manège aux autos-tampons.
--------Un orchestre faisait tournoyer les couples les après-midi et les soirées jusqu'à une heure très avancée.
C'était la fête pour Aïn-Taya mais aussi pour les habitants des communes voisines jusqu'à Alger. La circulation automobile était détournée et les bars Sintés , Pascal, Perrer, Verdu, qui pour la circonstance occupaient les trottoirs sur de grandes superficies, affichaient "complet".
--------Aïn-Taya c'était l'entente entre tous, chrétiens, arabes et juifs. C'était la joie de vivre.
Quelques anecdotes
--------Qui ne se souvient : des premiers bals d'après guerre animés par le quatuor J.P.D.F. (Joseph Palmarini, Paulette Surjus, Denise Palmarini, Fernand Reus).
--------De la chorale dirigée par "Mariette Barber" de la "Chanteuse" Catherine Benejam. De l'écrivain public "petit poucet" qui, stationnait devant la poste sans jamais abandonner sa divine bouteille qu'il tenait, même dans les fréquentes chutes, le goulot en haut.
--------De la plage au sable d'or, au débarquement américain le 8 novembre 1942 sur cette plage. la mer démontée avait fait se retourner les barges de débarquement. Les soldats qui s'y trouvaient, venus pour ces bases d'AFN qui heureusement avaient été sauvegardées de l'occupation allemande, avaient été sauvés de la noyade, grâce à la présence d'esprit et au courage de nombreux Aïn-Tayens, en particulier de Marcel Cazeaux qui fut décoré, qui les remirent sur pieds à l'aide de Cognac et de couvertures.
--------Des oursins que l'on faisait au "moulin".
--------Des pêcheurs qui dans les bars racontaient "leurs prises" dont la longueur augmentait avec le nombre d'anisettes ingurgitées.
--------Qui ne se souvient d'Armand Anglade qui au départ de Jacques Soustelle d'Alger avait crié. "Reste, on te fera Empereur !"
Le Hand-ball règne en maître
--------Chez les boulistes Pierre Villalonga et Paul Ginesta furent champions de France et d'Algérie au jeu national en tête à tête. L'équipe Lebeau, Martinez, Costa fut championne d'Algérie de pétanque.
--------Des dizaines de coupes étaient exposées chez Bernard au bar restaurant 'le Corail" à Surcouf. En foot-ball, l'ESAT dirigée par Hamidou Ben Ferhat . L'USAT, qui après interruption fut recréée par l'équipe Vix-Chabert, puis présidée par Jeanjean Segui ou le Capitaine Marius Gachet dominait le lot avec les gardiens de but aux qualités exceptionnelles Ernest Dabadie et Gilbert Barber aux exploits individuels de Jean Palmarini, champion d'Alger et septième des championnats de France de modèles réduits. Palmarini, grand sportif que l'on retrouve au foot et au tennis, victime d'un grave accident en Delta-plane en 1982, qui avec une volonté extraordinaire se prépare pour un championnat de deltaplane treuillé.
--------En double ski, le championnat de France remporté dans les années quarante par le dernier Maire de la commune Jacques Gardel associé à Blasselle.
--------En hand-ball- Créée par Raymond Gonzalez, alors Président du tennis club- sur proposition d'un groupe de jeunes sportifs, en particulier Jean-Paul Sintes, la section hand-ball, qui par la suite devint autonome sous l'appellation de H.C.A.T. présidé par Georges Gomila, obtient des résultats remarquables
-- 1958-1959 : Champion d'Alger Division d'honneur, vainqueur de la coupe d'Alger.
-- 1959-1960 : Equipe I :Champion d'Alger excellence, vainqueur de la coupe d'Alger. Finaliste du championnat d'Algérie gagné par les Spartiates 17/16. Equipe II : 3e du championnat honneur.
-- 1960-1961 : Equipe I : Champion d'Alger Régional, vainqueur de la coupe d'Alger, finaliste championnat d'Algérie. Equipe II : Champion d'Alger excellence, vainqueur de la coupe de consolation. Equipe I : vainqueur entre autres de nombreuses coupes
Muriot- Gomila-Renoux, du RCMC du RSA.
--------Invité en France et en Allemagne en avril 1961 le H.C.A.T obtint trois victoires, Martigues, Metz, Sochaux, sur six parties disputées en onze jours.
--------Son existence fut malheureusement stoppée en 1962 par l'indépendance des départements d'Algérie voulue par De Gaulle et par un peuple français désinformé qui ne mit pas autant d'ardeur à les défendre que les combattants de ces départements en avait mis pour la libération de la France.

G.Tudury