| LEUR RUE ou L'HISTOIRE D'UNE 
        AMITIE  ----------Geneviève 
        Gehin à souvenir-alger@piedsnoirs.org (courriel du 27 novembre 
        2000)----------" Mon arrière-grand-père 
        travaillait à " LA GAULOISE ", première 
        brasserie installée à Alger. Qui pourrait m'en 
        parler ?D'avance, Merci. "
 ----------Michel 
        Venis à Geneviève Gehin (lettre du 12 mars 2001)----------" Lorsque j'ai lu votre message 
        demandant des renseignements sur la brasserie " LA GAULOISE ", 
        j'ai hésité à vous répondre, me jugeant trop 
        âgé pour vous parler du personnel précédent 
        l'indépendance. J'ai maintenant 83 ans et j'ai été 
        employé à la Brasserie de 1940 à 1946, cela fait 
        déjà longtemps, mais puisque votre arrière-grand-père 
        a été brasseur de 1880 à 1900, cela me rajeunit.
 ----------Je ne sais pas si tous les renseignements 
        que je vais vous donner vous intéresseront, mais pour moi, né 
        à Alger comme mes enfants, mon père et mon grand-père, 
        c'est un plaisir de parler de " mon pays ".
 ----------Note : Lire - sur ce site qui 
        l'a publiée depuis - 
        l'histoire de la Brasserie " La Gauloise ". Michel 
        Venis est le père de Bernard.
 ----------Geneviève 
        Gehin à Michel Venis (lettre du 14 mars 2001)----------" Je viens de recevoir, de 
        lire et de relire, votre lettre du 12 mars et je vous en remercie vivement. 
        Je désespérais de retrouver un jour quelqu'un qui aurait 
        pu travailler à " La Gauloise " et m'en parler.
 ----------Vous avez été très 
        complet et vous m'avez appris bien davantage que je n'osais l'espérer 
        sur la brasserie la plus ancienne et longtemps unique d'Algérie.
 ----------J'ai un cousin de votre âge, 
        Jean Carrot, né à Alger à l'angle de la rue Michelet 
        et de la rue Horace Vernet qui vit aux Baléares depuis 1962.
 C'est par lui, mémoire de la famille, que j'ai appris que notre 
        arrière-grand-père avait travaillé à " 
        La Gauloise ". Je vais photocopier et lui envoyer votre lettre et 
        vos précieux documents : nul doute qu'il en sera ravi et sûrement 
        très ému ; Merci aussi pour lui ! "
 ----------Michel Venis 
        à Geneviève Gehin (lettre du 26 mars 2001)----------" Vous signalez dans votre 
        lettre les quartiers de Mustapha, Plateau Saulière et la rue Horace 
        Vernet. Pour moi ce sont beaucoup de souvenirs.
 ----------Mes parents, mes deux frères 
        et moi habitions le 25 
        de la rue Horace Vernet (A)*, les balcons et fenêtres 
        du côté de la rue Bastide, entre 1924 et 1930. J'avais alors 
        7 ans. J'en ai gardé de bons souvenirs. Nous avons fréquenté 
        l'école 
        communale (B) jusqu'au certificat 
        d'études.
 ----------Au début de la rue, il y 
        avait les 
        Moulins des frères Grima (F). Une grande minoterie qui 
        alimentait les boulangeries d'Alger et du département.
 A la fin de cette rue, il 
        y avait un atelier de sculpture (D) qui m'attirait beaucoup 
        et ce n'est seulement qu'en France que j'ai appris, par des amis qui avaient 
        habité ce quartier, que cet atelier était celui de Paul 
        Belmondo, le père de l'acteur.
 ----------J'allais souvent chez des amis 
        de mes parents qui habitaient rue Elie de Beaumont (la rue formant le 
        coin de l'immeuble où se trouvait l'atelier). Je profitais des 
        commissions qu'on m'envoyait faire pour coller ma figure contre la grande 
        glace de la façade de l'atelier. J'étais fasciné 
        par les sculptures en cours de finition, des têtes barbues et chevelues 
        grecques, des statues, etc. et au milieu un grand monsieur en blouse blanche 
        qui remarquait mon manège. Sans le savoir à ce moment, je 
        voyais quelqu'un qui allait devenir célèbre. "
 ----------*Pour 
        situer les lettres, voir plan de Michel Venis.
 ----------Geneviève 
        Gehin à Michel Venis (lettre du 28 mars 2001)----------" Quelle émotion ! 
        J'étais loin de me douter, quand j'ai reçu votre message 
        en réponse à ma question sur " La Gauloise ", 
        que j'aurais la chance de retrouver un proche voisin de ma famille.
 ----------Je joins à cette lettre 
        le " plan approximatif du Plateau Saulière " dressé 
        par mon cousin*.
 ----------*Voir 
        plan de Jean Carrot.
 ----------Michel Venis 
        à Geneviève Gehin (lettre du 3 avril 2001)----------" Vous dites être émue, 
        je le suis aussi car à cette occasion tous les souvenirs de ces 
        années me reviennent, même les plus petits. Vous êtes 
        la première personne et sûrement la dernière à 
        qui je peux parler de mes jeunes années.
 ----------Voyez comme les choses arrivent. 
        Le jeudi 29 mars, un ami me téléphone pour me dire qu'étant 
        de passage, il viendra me rendre visite. Un très bon ami d'enfance, 
        un grand copain depuis 1936. On s'est retrouvé par hasard en 1994. 
        Il habite Nice. Nous passons l'après-midi en parlant de quoi ? 
        Des souvenirs d'Alger. Et à un moment, on parle de la rue Michelet 
        et de la rue Horace Vernet. Je me souviens, me dit-il entre autres, des 
        établissements Bergougnan et d'une miroiterie en bout de rue du 
        nom, croit-il, de Carrot. Je lui réponds que je m'en souviens également. 
        Et voilà que le lendemain, je reçois votre lettre et un 
        plan où vous parlez de ces deux noms !!! Qu'en pensez-vous ?
 ----------Le plan de Monsieur Carrot est 
        exact mais il est postérieur à 1930, date de notre départ 
        de la rue Horace Vernet. En effet, le groupe d'immeubles et le marché 
        n'existaient pas encore. Il y avait à cet endroit, au coin de la 
        rue Barnave, une petite maison habitée par des nommés De 
        Bernardi. Un des fils allait à l'école dans la classe de 
        mon frère aîné.
 ----------Au coin de la rue Elie de Beaumont 
        se trouvait un magasin de pièces automobiles du nom de " Chenou 
        et Pomponi ".
 ----------Avant Bergougnan, il y avait les 
        ateliers des poids lourds " Latil ".
 ----------Au lieu du cinéma Rex, il 
        y avait une maison qui abritait une chapelle où un père 
        blanc, le Père Berthel, disait le dimanche une messe le matin et 
        les vêpres l'après-midi. Mon frère et moi avons été 
        enfants de chur. La propriétaire de la maison était 
        Melle Marie. Les enfants du quartier s'y retrouvaient le jeudi pour le 
        catéchisme.
 ----------Je me souviens de l'immeuble de 
        Monsieur Gehin, 17 rue Horace Vernet, un très bel immeuble, comme 
        d'ailleurs tous ceux de cette partie de rue. Les escaliers étaient 
        plutôt rue Elisée Reclus. Le 17 était presque en face 
        de l'école. Plus loin, peut-être au 19, au coin de la rue 
        Nocard, il y avait un épicier arabe, un mozabite, où on 
        achetait, pour deux sous, de la cassonade, un sucre roux, avant d'entrer 
        à l'école.
 ----------Je dois apporter des rectifications. 
        D'une part, j'ai dit avoir habité au n°25 mais, puisque les 
        familles Gehin et Carrot habitaient des n° impairs, je devais habiter 
        le n°26, comme le montre mon premier plan. D'autre part, on m'avait 
        dit que l'atelier de sculpture était celui de Belmondo or Monsieur 
        Carrot indique sur son plan le nom d'Ardizio, un nom que je connais. Il 
        se peut que Belmondo ait été là avant.
 ----------Vous m'avez fait revivre des souvenirs 
        de ma jeunesse. Je me suis revu à cette époque, courant 
        dans les rues, en classe avec des instituteurs qui se nommaient Jamet 
        et Germain, peut-être ceux également de Monsieur Gehin et 
        de Monsieur Carrot. Et je serais heureux s'ils pouvaient rappeler de bons 
        souvenirs aux personnes de votre famille originaires de ce quartier. "
 ----------Jean Carrot 
        à Michel Venis (lettre du 26 juin 2001 - copie adressée 
        à G.Gehin)----------Horace Vernet, c'est " notre 
      " rue.  ( voir 
      plan réalisé par Jean Carrot)----------" Ma cousine, Geneviève 
        Gehin, m'avait communiqué, en son temps, copie de vos lettres des 
        12 et 26 mars derniers, traitant de " notre " quartier du Plateau 
        Saulière et de la brasserie " La Gauloise ". Pour des 
        raisons de santé, je n'ai pu y donner suite et je me permets, même 
        avec cet énorme retard, de prendre contact avec vous.
 ----------Ma joie, à la lecture de 
        vos lignes, a été immense.
 ----------Vous avez 83 ans, je vais célébrer 
        le 28 août prochain ma 82ème année.
 ----------Nous avons été basiquement 
        instruits dans la même école, à l'angle de la rue 
        Camille Desmoulins. Vous deviez me précéder d'une classe 
        et sans doute avez-vous connu Lespinasse, instituteur de la 7ème 
        au fond de la cour (côté droit) ; le père Castan ; 
        Charles Lehmann qui fut mon maître préféré 
        et qui me mena au certificat d'études (avec lequel je suis resté 
        3 ans car il " montait " de classe avec moi) ou Maurice Bloch 
        que je connus 2 ans de suite vers les 14/16 ans. Vous avez quitté 
        notre école en 1930. En 1931, je passai chez M. Germain (à 
        droite en débouchant des escaliers) puis en 1932-33-34-35, chez 
        M.Bloch et M.Jamet (à gauche en arrivant par les escaliers). Le 
        premier chargé des Lettres - Littérature, Histoire-Géographie 
        et instruction civique ; le second des Maths - Géométrie 
        et Sciences. Cela nous menait au brevet simple. Après ce fut l'Ecole 
        de Commerce, rampe Chassériau, dirigée par M. 
        Messerschmidt.
 
        
          |  La miroiterie Jean Carrot Extrait du site www.alger.50.com avec l'autorisation de Marc Morell
 |  ----------Vous habitiez avec vos parents au 
      n°26. Mon père, miroitier et contremaître d'un atelier 
      situé rue Hoche, avait débuté à son compte au 
      n°17 en 1911/1912 et transféré son affaire en 1918 au 
      87 rue Michelet et 1, 3 et 11 rue Horace Vernet, occupant plus de 1500 m2. 
      En 1925-26, il devait y avoir une bonne vingtaine d'ouvriers. Le dépôt 
      du n°11, au pied de l'escalier formant la rue Elisée Reclus, 
      était mitoyen avec le magasin de vins appartenant aux Ayela dont 
      le fils, également ancien élève de notre école, 
      monta par la suite un orchestre.
 ----------Au fin fond, car je pars du n°1/3 
      mitoyen du cinéma Rex, il y avait effectivement les Moulins Grima 
      et, au 17, l'immeuble Zanetti avec, au rez-de-chaussée, le " 
      Bar des Amis ", face à l'école. Ce 17 de la rue Horace 
      Vernet avait appartenu à notre grand-père, Charles Simon Gehin, 
      venu d'Alsace en 1872.
 ----------En fait de sculpteur plâtrier, 
      je me souviens d'Ardizio, collant au magasin Chenou et Pomponi - pièces 
      détachées automobiles - et flanqué sur son côté 
      début de rue de la minuscule boutique du charbonnier, vieil espagnol 
      à la ceinture rouge. 
      La pharmacie Dumas et Richier formant ensuite angle avec la rue Michelet 
      (n°85), face à notre miroiterie. Tout ce pâté 
      de maisons, entre les rues Michelet et Elie de Beaumont, portait donc des 
      n° pairs.
 ----------A l'autre angle de la rue Elie de 
      Beaumont venait un immeuble puis un terrain sur lequel était construite 
      une file de maisonnettes qui furent abattues pour faire place à un 
      grand immeuble qui, lui, formait angle avec la fameuse rue Barnave. Son 
      école de filles faisait bloc avec notre école de garçons 
      aboutissant à l'angle de la rue Camille Desmoulins, sans oublier 
      la " maternelle ".
 ----------C'est sans doute chez Louis Ardizio 
      que vous avez pu entrevoir le père de Belmondo. C'est en tout cas 
      l'endroit " D " que vous situez sur votre plan. Il existait également 
      sur le chemin de l'école, côté impair, entre Ayela (n°11) 
      et le " Bar des Amis " (n°17), un autre atelier de sculpture 
      et plâtrerie tenue par un italien assez haut de taille et portant 
      lunettes dont je ne me souviens pas du nom
 ----------Nous nous sommes certainement côtoyés 
      mais je n'arrive pas à mettre un visage sur " Venis " quoique 
      ce nom me " sonne " comme on dit en espagnol. Pour terminer cette 
      très ou trop longue missive, je vous demande toute votre indulgence 
      pour le jaillissement de mes idées que je n'arrive jamais à 
      contrôler.
 ----------Cher Monsieur Venis, j'espère 
      avoir de vos nouvelles, car il est temps à nos âges ; mais 
      nous disposons encore du temps suffisant pour " renouer " des 
      relations que nous n'avons pu entamer chez nous. "
 ----------Michel Venis 
        à Geneviève Gehin (lettre du 3 janvier 2002)----------" Nos échanges de correspondance 
        se sont arrêtés avec votre lettre du 9 avril.
 ----------Je n'ai rien oublié car 
        cela m'a permis de revoir ce quartier de mon enfance.
 ----------Monsieur Carrot a dû vous 
        le dire, nous avons pris le relais en échangeant nos souvenirs 
        communs et retrouvé de nouveaux faits*. J'ai trouvé, dans 
        un livre sur Alger, une photo du coin de la rue Michelet et de la rue 
        Horace Vernet. D'un côté se trouve la pharmacie et, en face, 
        le magasin de la famille Carrot (que l'on ne voit pas). Ci-joint copie 
        de cette photo. Je vais en envoyer une à monsieur Carrot.
 ----------Comme je l'ai dit à votre 
        cousin, ce serait formidable d'être en face l'un de l'autre. Nous 
        aurions des heures de conversation pour raconter des tas de souvenirs 
        et de choses sur l'Algérie.
 ----------Encore merci d'avoir fait passer 
        ce message sur la brasserie d'Alger. "
 ----------*Lire - sur ce site - le texte 
        consacré par Michel Venis à la 
        Rue Horace Vernet (Rue Michelet). ----------Jean Carrot, hospitalisé, 
        meurt à Palma de Majorque le 15 janvier 2002. ----------Michel 
        Venis à Geneviève Gehin (lettre du 23 janvier 2002)----------" C'est une bien triste nouvelle 
        que vous m'annoncez. Nous avions noué avec Monsieur Carrot une 
        amitié certaine. Je sentais qu'il désirait comme moi revoir 
        ces années d'enfance pleines d'insouciance. A nos âges il 
        ne nous reste que des souvenirs, le futur on le connaît.
 ----------Sa dernière lettre commençait 
        par " Cher Ami Venis ". C'est vrai que je ressentais aussi cette 
        amitié pour lui. C'était la seule personne avec qui je pouvais 
        parler de ces années.
 ----------Je lui ai écrit le 5 janvier 
        en lui parlant encore de notre quartier. Je lui donnais certains noms 
        et j'aurais aimé qu'il me dise : je m'en souviens.
 ----------A-t-il l pu les lire ? J'espère 
        que oui.
 ----------Je vous serai toujours reconnaissant 
        de m'avoir fait connaître ce témoin des beaux jours. "
 ----------Oui, cher Monsieur Venis, Alberte 
        Carrot, l'épouse de Jean, lui a lu votre lettre, à la clinique, 
        et lui a montré vos photos.----------Elle vous remercie d'avoir été 
        à ses côtés jusqu'au bout du chemin
 ----------Michel Venis nous a quittés 
        le 3 mars 2005. A leur mémoire,En hommage à leur amitié.
 Geneviève Gehin
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