| CHAPITRE IILES CHEMINS DE FER À VOIE DE 1,055 M
 - b)La Franco-Algérienne et le 
        réseau oranais
 -----Nous venons de voir qu'en 1874 la Compagnie 
        Franco-Algérienne a obtenu la concession de la ligne à voie 
        de 1,055 m, longue de 175 km, Arzew - Saida.
 -----En 1879, cette ligne est ouverte à 
        tous les trafics, donc pas seulement alfatiers. Quelques mois auparavant, 
        la Franco-Algérienne (FA)  a obtenu 
        la concession d'un embranchement Tizi - Mascara, long de 12 km, et d'une 
        deuxième ligne allant du port de Mostaganem 
        à 
        Tiaret via Relizane, où elle doit croiser la ligne PLM 
        Oran - Alger, Uzès-le-Duc 
        et Prévost-Paradol, 
        et cette ligne a 202 km de long. Tiaret se trouve à l'entrée 
        du plateau du Sersou, plateau fertile considéré comme étant 
        l'un de greniers à blé de l'Algérie, par suite, le 
        trafic prévu pour cette deuxième
 ligne doit être essentiellement agricole.
 -----Telle est l'origine de ce que l'on a 
        appelé le réseau oranais, avec ses trois lignes, Tizi - 
        Mascara étant l'origine de la troisième.
 -----Mais, après ce départ 
        très simple, l'histoire de ce réseau est particulièrement 
        complexe, les concessionnaires, comme d'ailleurs les constructeurs, vont 
        s'y succéder.
 -----Dès 1881, des troubles dans le 
        sud-oranais vont modifier le programme prévu. Tizi - Mascara et 
        la deuxième ligne sont ajournées au profit du prolongement, 
        littéralement en catastrophe, de la ligne Arzew - Saïda jusqu'à 
        Méchéria. L'armée le construit par tous les moyens, 
        y compris l'emploi d'une main-d'oeuvre composée pour moitié 
        de détenus transférés de la métropole et travaillant 
        boulet aux pieds. Aussi est-il ouvert par étapes très rapidement 
        de juin 1881 à avril 1882. Toutefois, la FA ne peut exploiter elle-même 
        en première étape que le tronçon Saïda - Kralfallah 
        (43 km), la suite (137 km) relevant de la seule armée. Ensuite, 
        la ligne nouvelle est ouverte au trafic civil jusqu'à Modzbah en 
        1883 et enfin jusqu'à Méchéria en 1885. C'est à 
        cette époque qu'est ouvert l'embranchement Modzbah - Marhoum (35 
        km) pour desservir la partie ouest de la "mer d'alfa". Par ailleurs, 
        Tizi - Mascara est ouvert en 1886.
 -----Cet intermède militaire n'a pas 
        arrangé la situation de la FA, pour laquelle le transport de l'alfa 
        s'avère beaucoup moins lucratif que prévu. Quant à 
        l'armée, imperturbable, elle continue à construire la ligne 
        toujours plus au sud, maintenant en plein désert, et Ain-Sefra, 
        à 102 km de Méchéria, est atteint en 1887. -----Entre 
        l'armée, le désert et l'alfa, la FA ne s'en tire plus. Aussi 
        soustraite-t-elle à la Compagnie des Chemins 
        de Fer Départementaux, les CFD, la construction de la première 
        section de la deuxième ligne, de Mostaganem à Relizane, 
        section ouverte en mai 1888. Les CFD se retirent alors sans avoir pu recouvrer 
        la totalité de leurs créances ; ce guêpier sera en 
        définitive leur seule expérience africaine.
 -----A bout de souffle en 1888, la FA donne 
        son réseau en affermage pour cinq ans à son voisin l'Ouest 
        Algérien. L'Ouest Algérien commence par terminer 
        Relizane - Tiaret, ouvert en 1889. Déclarée en faillite 
        en 1890, la FAsurvit grâce à un concordat et elle récupère 
        son réseau à l'issue des cinq ans, donc en 1893. Son activité 
        essentielle est alors de réclamer le rachat de sa concession, ce 
        qu'elle obtient en 1900. Le réseau de la FA devient le réseau 
        oranais de l'Etat, rattaché directement à l'administration 
        métropolitaine.
 -----C'était ainsi le début 
        d'une politique qui allait conduire au rachat des quatre autres réseaux 
        concessionnaires : l'Est Algérien en 1908, 
        le Bône - Guelma en 1915, l'Ouest Algérien 
        et le PLM en 1921.
 -----Notons dès maintenant que c'est 
        en 1912 seulement que la métropole allait se défausser de 
        son réseau algérien au profit du gouvernement général 
        de l'Algérie, qui créait en conséquence les 
        Chemins de Fer Algériens de l'Etat, les CFAE, qui seront 
        donc dorénavant entièrement distincts du réseau des 
        chemins de fer de l'Etat de la métropole.
 
 -----Revenons à la fin du XIX ème siècle. 
        Le dénommé Lartigue est resté célèbre 
        comme inventeur d'un monorail qui ne connut jamais aucun succès. 
        ---- -----Après 
        de nombreux échecs en métropole, Lartigue s'était 
        tourné vers l'Algérie et avait réussi à intéresser 
        le département d'Oran. Ce dernier eut l'idée de construire 
        une ligne expérimentale sur les hauts plateaux, et ce fut un nouvel 
        échec, car les bergers s'empressèrent 
        de démonter des tronçons entiers de la ligne qui faisait 
        obstacle au libre passage de leurs troupeaux.
 -----Pour dédommager Lartigue, le 
        département d'Oran lui accorda en 1898 la concession d'une ligne 
        de 42 km entre Oran et Damesne, à 5 km d'Arzew sur la ligne de 
        Saïda. Lartigue créa à cet effet 
        la Société des Chemins de Fer d'Algérie (à 
        ne pas confondre avec la compagnie du même nom qui avait disparu 
        bien avant 1870). Ce fut encore un échec et le département 
        d'Oran dut achever lui-même la construction de la ligne et l'exploiter 
        en régie à son ouverture en 1900, car la concession était 
        bien d'intérêt local puisque venant d'un département.
 .
 -----La ligne est tout de suite intégrée 
        dans le réseau oranais de l'Etat, qui l'exploite ainsi pour le 
        compte d'un département, situation ubuesque qui va durer jusqu'en 
        1908, année au cours de laquelle la ligne est classée d'intérêt 
        général et rachetée par l' Etat.
 Signalons au passage une ligne industrielle éphémère 
        et embranchée sur la précédente. En 1905, la Société 
        Minière Franco-Africaine reprend l'exploitation des mines de fer 
        de Kristel et construit un embranchement particulier de 9 km à 
        voie de 1,055 m de la mine à la gare de Saint-Cloud, entre Oran 
        et Damesne. Cependant, la mine et la ligne sont abandonnées dès 
        1914.
 -----Pour en terminer avec ce secteur d'Arzew, 
        il faut mentionner l'existence d'une ligne de 15 km reliant le port aux 
        salines d'Arzew, ligne exploitée par ces dernières et dont 
        l'ouverture semble remonter à la fin du XIX ème siècle.
 -----Pendant le développement de ces 
        péripéties administratives et financières, l'armée 
        n'est pas restée inactive. Par étapes, à partir de 
        1901, la ligne initiale est prolongée dans le sud jusqu'à 
        Colomb-Béchar, atteint en 1906, à 749 km d'Oran. La ligne 
        Oran - Colomb-Béchar comporte trois embranchements publics : Damesne 
        -Arzew, Tizi - Mascara et Modzbah 
        - Marhoum, plus les deux embranchements industriels que nous venons 
        de signaler: mines de Kristel et salines d'Arzew. C'est aussi la première 
        ligne algérienne de 
        pénétration au Sahara. Son rôle, en dehors 
        de l'alfa, est presque exclusivement militaire. Elle assure en effet la 
        couverture de la frontière entre l'Algérie et le Maroc encore 
        indépendant. Aussi, en certains points, elle longe la frontière.
 -----C'est ainsi que 
        dans les oasis de Figuig, la France obligea le Maroc à reculer 
        cette frontière de quelques dizaines de mètres pour que 
        la ligne, déjà construite, reste intégralement en 
        territoire algérien !
 -----Mais les deux premières lignes 
        du réseau oranais n'allaient pas rester longtemps séparées 
        l'une de l'autre. En effet, en 1908, est ouvert un embranchement de La 
        Mocta (entre Arzewet Perregaud) à Mostaganem, où il rejoint 
        la ligne du Sersou à 6 km de son origine, située au port 
        même de Mostaganem. Cet embranchement de 30 km de long fut construit 
        par le département d'Oran et, par suite, ce fut la seconde ligne 
        d'intérêt local exploitée par le réseau oranais 
        de l'Etat, et ceci jusqu'à son classement d'intérêt 
        général et son rachat par l'Etat en 1915 seulement.
 -----A leur création en 1912, les 
        CFAE exploitent à l'est l'ancien réseau de l'Est Algérien, 
        en partie à voie normale et en partie à voie métrique, 
        mais de 1 mètre comme nous le verrons, et à l'ouest le réseau 
        oranais de l'Etat à voie de 1,055 m. Embranchements exclus, son 
        réseau de l'ouest comporte les deux lignes 
        Oran - Colomb-Béchar et Oran - Tiaret, 
        en tronc commun jusqu'à La Mocta, mais ce réseau doit être 
        repris par
 endroits et surtout complété. Bien entendu, la guerre de 
        14 arrête tout, à deux exceptions près toutefois. 
        La première consiste à reprendre d'urgence la seconde ligne 
        entre Relizane et Uzès-le-Duc, car elle est coupée sans 
        cesse par les crues de l'Oued Mina. Il est prévu à sa place 
        un tracé direct de Relizane à Prévost Paradol (donc 
        entre Uzès-le-Duc et Tiaret).
 -----Ce nouveau tracé est bien ouvert 
        en 1916 de Relizane à Zemora, 
        sur 22 km, mais la seconde partie, la plus longue, puisqu'il y a 59 km 
        de Zemora à Prévost-Paradol, ne sera finalement ouverte 
        qu'en 1925.
 -----La seconde exception est consécutive 
        à la découverte en pleine guerre d'un gisement minier important 
        à Kenadza, véritable miracle 
        pour l'Algérie qui jusque là ne possédait pas la 
        moindre mine de charbon.
 -----La ligne d'Oran est alors prolongée 
        sur 22 km de Colomb Béchar à Kenadza, ceci en 1921. Notons 
        au passage qu'ultérieurement, un second gisement de charbon sera 
        découvert à Béchar Djedid au sud de Colomb-Béchar, 
        il sera relié à cette dernière gare par un embranchement 
        de 15 km de long.
 
 -----Un bouleversement très important va modifier complètement 
        en 1921 l'organisation des chemins de fer algériens mais, une fois 
        n'est pas coutume, il ne concerne pas le réseau oranais de l'Etat. 
        En effet, 1921 est l'année du rachat par l'Etat des deux derniers 
        réseaux restés indépendants : l'Ouest Algérien 
        et le PLM. On profite de l'occasion pour regrouper 
        en deux réseaux l'ensemble ferroviaire algérien. 
        Al'ouest d'Alger, le PLM reçoit en affermage son ex-ligne Alger 
        - Oran et le réseau de l'Ouest Algérien ; à l'est 
        d'Alger, les CFAE reçoivent l'ancienne ligne PLM Constantine - 
        Philippeville et gardent les réseaux issus de l'Est Algérien 
        et du Bône - Guelma. Les lignes départementales restent provisoirement 
        en dehors de ce partage, très simple géographiquement s'il 
        ne comportait une exception de taille : le réseau oranais de l'Etat, 
        bien qu'entièrement situé dans le nouveau domaine du PLM, 
        reste néanmoins rattaché aux CFAE.
 -----A propos de l'embranchement Tizi - Mascara, 
        nous avons parlé d'une troisième ligne du réseau 
        oranais.
 -----Effectivement, avant la guerre de 14, 
        ce qu'il est convenu d'appeler le programme de 1907 avait prévu 
        la construction d'une rocade allant de Sidi-Bel-Abbès, au sud d'Oran 
        sur la ligne de l'Ouest Algérien, à Bouïra à 
        l'est d'Alger, sur la ligne principale de l'Est Algérien. Commencée 
        à la fin de la guerre, elle sera construite si lentement qu'elle 
        ne sera jamais terminée. -----Le tronçon 
        ouest Sidi-Bel-Abbés - Tizi, de 83 km, est ouvert à ses 
        deux extrémités dès 1919, mais sa partie centrale, 
        de Mercier-Lacombe à Moulin-Carnot, ne le sera qu'en 1926. On retrouve 
        ensuite le vieil embranchement de 1886, Tizi - Mascara. Puis, toujours 
        vers l'est, le tronçon de 65 km Mascara - Uzès-le-Duc est 
        ouvert en 1927. On retrouve alors jusqu'à Tiaret l'ancienne ligne 
        venant de Mostaganem. Cette ligne est alors prolongée en 1926 sur 
        25 km jusqu'à Trumelet. A partir de Trumelet, l'armée avait 
        construit en 1921 (?) une ligne à voie de 60, en récupérant 
        du matériel venant des chemins de fer militaires du Maroc, ligne 
        allant jusqu'à Hardy, à 95 km.
 -----Et l'on en resta là, sous la 
        réserve suivante : en 1942, les 21 premiers kilomètres de 
        cette ligne à voie de 60, de Trumelet à Burdeau, sont reconstruits 
        à voie de 1,055m.
 -----Donc, si le chemin de fer était 
        allé jusqu'à Hardy, le véritable terminus de la troisième 
        ligne du réseau oranais de l'Etat à voie de 1,055 m était 
        bien Burdeau. Au-delà de Hardy, la rocade projetée aurait 
        dû retrouver à Boghari la ligne Blida - Djelfa que nous étudierons 
        au paragraphe suivant, ligne elle aussi à voie de 1,055 m. La rocade 
        était en tronc commun avec cette ligne jusqu'à Berrouaghia, 
        donc en remontant vers le nord en direction de Blida.
 -----Un dernier tronçon aurait dû 
        joindre Berrouaghia à Aïn-Bessens où l'on retrouvait 
        la ligne Bouïra - Aumale, elle aussi à voie de 1,055 m, ligne 
        des CFRA, réseau que nous étudierons ensuite.
 -----La durée de vie de la partie 
        construite de cette troisième ligne fut, sauf exceptions, particulièrement 
        courte. Effectivement, les mesures de coordination rail-route ont amené 
        la fermeture en 1938 des sections SidiBel-Abbès - Tizi et Mascara 
        - Uzèsle-Duc.
 ----- --- 
        -----L'adoption du nouveau tracé de la deuxième ligne 
        par Zemmora a également amené la fermeture de Relizane - 
        Uzès-le-Duc et aussi de Uzès-le-Duc - Prévost-Paradol, 
        repassé à la troisième ligne. La mise à voie 
        de 1,055 m de Trumelet - Burdeau a amené la fermeture du secteur 
        resté à voie de 60, Burdeau - Hardy.
 -----En 1959, donc pendant ce qui ne s'appelle 
        pas officiellement la guerre d'Algérie, la partie du réseau 
        oranais au nord de la ligne Oran - Alger a été profondément 
        remaniée. Les lignes d'Arzew et Mostaganem à La Mocta et 
        Perregaud ont été mises à voie normale, tandis que 
        les lignes Oran - Damesne et Mostaganem - Relizane étaient abandonnées. 
        Il semblerait de plus que l'embranchement alfatier Modzbah - Marhoun ait 
        été abandonné depuis la seconde guerre mondiale, 
        comme probablement la ligne privée des salines d'Arzew. En conséquence, 
        de ce grand réseau oranais à voie de 1,055 m, il reste la 
        ligne Perregaud - Colomb-Béchar, la ligne Relizane -Zemmora - Burdeau, 
        l'embranchement Tizi - Mascara, et probablement les deux embranchements 
        miniers de Colomb-Béchar à Kenadza et à Béchar-Djedid. 
        Cependant, le nouvel Etat algérien a un grand projet. Pour lui 
        aussi, il s'agit de construire une grande rocade ferroviaire ouest-est, 
        mais cette fois-ci à voie normale. Or, il est curieux de constater 
        que dans sa partie ouest, le tracé de cette nouvelle rocade suit, 
        à peu de choses près, le tracé de la partie construite 
        de la troisième ligne du réseau oranais, donc de Sidi-Bel-Abbès 
        à Burdeau, voire même Hardy. Au delà, le tracé 
        prévu passe nettement plus au sud et va beaucoup plus loin vers 
        l'est puisque jusqu'à Tébessa, ceci via Aïn-Oussera 
        (sur la ligne Blida - Djelfa), Bou-Saada, la célèbre oasis 
        pourtouristes, dans un premier projet, ou M'Sila dans un second, A'in-Touta 
        (sur la ligne Batna - Biskra) et Khenchala (que nous retrouverons pour 
        la voie de 1 mètre). A notre connaissance, actuellement un seul 
        tronçon a été commencé par un groupe indien 
        à partir de Aïn-Touta en direction de M'Sila. En revanche, 
        il semble que la voie de 1,055 m n'ait pas dit son dernier mot et qu'un 
        embranchement industriel à cet écartement ait été 
        construit au départ de Saïda en 1983.
  -----En conclusion de cette 
        histoire mouvementée, il a paru utile de récapituler les 
        lignes à voie de 1,055 m construites au titre du réseau 
        oranais.--------Première 
        ligne
 -----Oran - Colomb-Béchar (749 km), 
        Arzew- Damesne (5 km), SaintCloud - Kristel (9 km), Salines d'Arzew (15 
        km), Modzbah - Marhoun (35 km), Colomb-Béchar - Kenadza (22 km), 
        Colomb-Béchar - Béchar-Djedid (15 km).
 --------Deuxième 
        ligne
 -----La Macta - Uzès-le-Duc (146 km), 
        Mostaganem - Mostaganem-Marine (6 km), Relizane - Zemmora - Prévost-Paradol 
        (81 km).
 -----La ligne Blida - Djelfa traverse les 
        gorges de la Chiffa, un massif montagneux très pittoresque mais 
        qui a toujours été un bastion de résistance et de 
        guérilla. Collection Jean Bazot.
 --------Troisième 
        ligne
 -----Sidi-Bel-Abbès - Burdeau (292 
        km). Soit un total de 1375 km, c'est dire l'importance du réseau 
        oranais de l' Etat
 
 
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