| -----1890-1916 - Je 
        vous avais proposé de vous entretenir de la pénétration 
        au Sahara après l'échec, en 1881, de la mission du lieutenant-colonel 
        Flatters massacré par les Touareg.Depuis interdiction était 
        faite aux officiers des territoires du Sud de toute tentative de pénétration 
        dans le Hoggar, le Tidikelt et le Touat.
 
 -----Le 5 août 1890 une convention 
        avec l'Angleterre reconnaît nos droits sur le désert jusqu'à 
        la frontière actuelle, nord du Nigéria. L'Angleterre se 
        voit consentir la possession du cours inférieur du Niger.
 -----La France protège les sédentaires 
        sahariens des pillards.
 -----Eu égard à l'audace des 
        pillards qui attaquent les sédentaires du sud algérien, 
        le début de la pénétration française est aussi 
        progressive que timide, sous une température estivale tout juste 
        supportable. Le poste d'El-Goléa, occupé sporadiquement 
        par des détachements français depuis 1877, devient permanent 
        à compter de 1891 ; des fortins, édifiés le long 
        de l'Erg, commandent l'accès aux puits, le long de l'Erg occidental. 
        Fort Allemand au sud-est de Ouargla, Berresof entre Tébessa et 
        Ghadamès, Fort-Miribel à 135 kilomètres d'El-Goléa 
        et Fort Mac-Mahon, au sud de l'Erg occidental.
 -----Parallèlement, dans le sud oranais, 
        les troupes de Tirailleurs et de Spahis, pas particulièrement adaptées 
        au désert, avancent jusqu'à El-Abiod-Sidi-Cheikh, à 
        l'est d'Aïn-Sefra occupée avec Figuig. Cette oasis est source 
        de grosses difficultés car la frontière entre le Sahara 
        et le Maroc n'est pas clairement délimitée.
 -----Cette voie de pénétration 
        vers le Niger, dénommée "la rue 
        des Palmiers", relie Figuig au Touat et au Tidikelt en passant 
        par El-Moungar, Béni-Abbès le long de l'oued Zousfana puis 
        Taourirt.
 -----Le Sahara, région de solitudes 
        embrasées et déshéritées, eut d'autres voies 
        de pénétration qui, comme la première, bien que pacifiques 
        n'en eurent pas moins de martyrs en voulant apporter à l'Afrique 
        la civilisation qui faisait défaut à ses populations.
 -----La seconde voie permet de relier Alger 
        à InSalah en passant par Boghar, Djelfa, Laghouat, El-Goléa, 
        Fort Miribel et le plateau de Tadmàit.
 -----La troisième voie reliera Constantine 
        au Soudan en passant par Biskra, Touggourt, Ouargla, l'Erg Oriental, Amguid, 
        Tamanrasset dans le massif du Hoggar pour aboutir à Agadès 
        et Zinder au Soudan. C'est cette dernière voie qu'emprunta la mission 
        Foureau-Lamy dont je vous avais promis de vous entretenir. En fait, la 
        France autorise l'organisation de trois missions qui ont comme objectif 
        commun d'assurer la liaison entre l'Algérie, le Sénégal, 
        le Soudan et le Congo. La première, opère à partir 
        de l'Algérie sous les ordres du commandant Lamy assisté 
        de l'explorateur Fourreau ; la seconde mission Voulet-Chanoine à 
        partir de Dakar remonte le Congo, la troisième, à partir 
        de Constantine est celle de Gentil. Ces trois missions devaient opérer 
        leur jonction au Tchad.
 -----Le Commandant Lamy est Saint-Cyrien 
        et sert au 1er 
        Régiment de Tirailleurs. Le détachement qu'il 
        met sur pied à Biskra 
        comporte des hommes en qui il a une grande confiance et qui la lui rendent 
        bien. Ils sont Tirailleurs et d'origine Kabyle pour la plupart. Il y a 
        quelques Spahis algériens. Les moyens de locomotion sont un millier 
        de chameaux. Il s'adjoint des Sahariens à Ouargla, sous les ordres 
        du lieutenant Rondenay qui commandera un groupement. Quatre autres groupements 
        se lancent dans cette merveilleuse aventure qu'était la traversée 
        du Sahara. Ils sont commandés par le lieutenant Métois, 
        le sous-lieutenant Bristch, le lieutenant Oudjari, le lieutenant Verley-Hanus.
 -----Un premier bond de 480 kilomètres 
        les conduit à Temassanine.
 -----Les guides Chaamba craignent les Touareg 
        ; ils quittent la mission. Mais les guides Touareg ne rejoignent pas la 
        colonne tel qu'ils s'y étaient engagés.
 -----L'expédition se sent mal à 
        l'aise car les Touaregs l'épient et chacun se sent vulnérable. 
        La sûreté est renforcée.
 -----La progression repart vers le sud à 
        travers le Tassili des Azdjers et le Hoggar pour arriver au lieu du massacre 
        de la mission Flatters 18 années plus tôt ;Aïn-Tadjenout. 
        Ravitaillée par une colonne partie de Ouargla, l'expédition 
        s'enfonce dans un paysage minéral, aride et dépourvu d'eau. 
        Fidèlement traduit par "le pays de la 
        soif", le Tanezrouft est empreint 
        d'un silence et d'une grande âpreté qui n'ont d'égal 
        que sa solitude dans l'immensité du désert saharien.
 -----Un poste fortifié est construit 
        à In-Azaoua à la sortie du Tanezrouft. Ce sera Fort-Flatters.
 -----Hommes et bêtes, bien qu'aguerris, 
        ne sont pas habitués au Sud de la Hamada, et souffrent.
 -----Pour poursuivre sa mission, la colonne 
        abandonne, à Fort-Flatters, le superflu pour s'engager sur les 
        pentes du massif de l'Aïr, en direction d'Agadès.
 |  | -----Le 12 mars 1899 alors qu'elle quitte 
        Ouargla à la mi-octobre 1898, la colonne est attaquée lors 
        de sa première halte à Ighezzar par les Touaregs armés 
        ; les tribus marquant une grande hostilité et refusant d'apporter 
        leur aide, le commandant Lamy dut entreprendre quelques razzias pour s'équiper 
        en chameaux, ânes et boeufs. La mission répartie en deux 
        échelons quitte le bivouac d'Ighezzar les 25 Mai et 10 Juin 1899.
 -----Le 14 juin l'arrière-garde commandée 
        par le lieutenant Rondenay est attaquée par plus d'un demi-millier 
        de Touaregs chargeant sabre au clair. Les assaillants sont vigoureusement 
        repoussés et perdent le 1/4 de leurs effectifs, ce qui ralentit 
        leur ardeur belliqueuse.
 -----La mission rallie Agadès le 27 
        juillet 1899. Le sultan, après quelques palabres, accepte de signer 
        un traité, d'arborer le pavillon français et de fournir 
        contre paiement, en thalers, des vivres.
 -----Le 11 octobre, l'expédition poursuit 
        sa route vers Zinder, atteinte le 2 novembre. Les hommes sont exténués, 
        pieds-nus, en guenilles, mais prêts à repartir pour le Tchad 
        après avoir laissé un poste de Tirailleurs sénégalais. 
        Lamy s'installe à Tessaouar pour réorganiser ses troupes. 
        En effet la prudence le lui commande car il vient d'apprendre la tragédie 
        de la mission Voulet Chanoine et l'assassinat 
        le 14 juillet par deux officiers devenus fous, du lieutenant colonel Klobb. 
        Autre mauvaise nouvelle celle du massacre de la mission du lieutenant 
        de vaisseau Bretonnet par les bandes du fameux sultan noir Rabah qui ayant 
        attaqué l'escorte de la mission Gentil à Kouno, a considérablement 
        ralenti la progression de cette colonne.
 -----Rabah est un aventurier qui s'est taillé 
        à coups de sabre un vaste territoire compris entre le Nil et le 
        Tchad, dans le centre du Soudan.
 -----Tous les chefs locaux et de tribus qui 
        ne lui sont pas soumis sont soit chassés, soit tués. Quant 
        aux populations qui marquent quelques signes de résistance eh bien, 
        il les massacre purement et simplement, assurant ainsi son pouvoir après 
        avoir été l'adjoint d'un marchand d'esclaves égyptien 
        nommé Zobeïr.
 -----Il tient ainsi le Bournou au Sud-Ouest 
        du lac et Baghirni au Sud-Est.
 -----C'est pour répondre à 
        l'appel du sultan de Kouka, capitale du Bournou que le commandant Lamy 
        après avoir réorganisé son expédition, lance 
        sa marche vers le Tchad. 20.000 habitants de Kouka avaient été, 
        sur l'ordre de Rabah, égorgés. Et l'on comprend l'impatience 
        de l'ancien sultan dépossédé, Ameur Sinda de participer 
        à une action punitive.
 -----Mais le commandant Lamy a une mission 
        à remplir, opérer la liaison avec les deux
 autres missions.
 -----C'est à l'est du Lac Tchad que 
        se fait la liaison avec un détachement de Tirailleurs Soudanais, 
        aux ordres de Joalland et Meynier. Les effectifs du commandant Lamy se 
        trouvent ainsi augmentés pour atteindre 450 combattants. Au sud 
        du lac Tchad, Rabah regroupe ses forces à Dikoa.
 Lamy, déjoue les observateurs de Rabah, fait franchir par surprise 
        le Char, fleuve tributaire du lac Tchad, qui reçoit son affluent, 
        le Logone à Djamena, Les moyens de franchissement sont les pirogues 
        pour le personnel et les équipements, matériels et ravitaillements, 
        à la nagepour les animaux.
 -----L'expédition suit la rive gauche 
        du fleuve jusqu'au confluent avec le Logone où s'élève 
        une ville fortifiée : Koucheri (ou 
        Kousséri), située à environ une centaine de kilomètres 
        de Dikoa. La ville se rend après une courte mais brillante bataille 
        remportée par les hommes de l'expédition. La mission Gentil 
        se trouve en difficulté dans le sud et le commandant Lamy envoie 
        pour l'aider à se dégager, trois petites colonnes à 
        une dizaine de jours d'intervalle.
 -----La première colonne bat le fils 
        aîné, lieutenant de Rabah, qui fuit en abandonnant un important 
        butin, laissant même aux vainqueurs un méchoui tout préparé.
 -----La seconde colonne commandée 
        par le lieutenant de Chambrun, astronome 
        de la mission algérienne part, le 22 mars au devant de Gentil, 
        avec quelques Tirailleurs. La troisième colonne, partie le 2 avril, 
        fera sa jonction avec la mission partie du Congo et lui permettra d'atteindre 
        Koucheri, le 21 avril, les 300 Tirailleurs de la mission sont dans un 
        piteux état.
 -----Monsieur Gentil est beau-frère 
        de Savorgnan de Brazza le célèbre explorateur dont les expéditions 
        furent à l'origine du Congo Français.
   Lt Colonel (ER) 
        Bautista
 
 
 
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