| -------Durant notre 
        ère, une civilisation juive s'étendait au nord du Sahara, 
        le plus vaste désert du monde. Un lourd silence plane sur cette 
        période, mais l'Histoire nous fait un devoir de la mentionner, 
        puisant les renseignements dans l'une des conférences faites par 
        le Général Didier aux officiers de la garnison d'Oran, en 
        1922, éditée en 1931 par la Librairie-Imprimerie Louis Petit 
        Neveu.-------La 
        race juive a eu une influence psychologique non négligeable dans 
        l'Afrique du Nord. Descendants d'Abraham, les "Hébreux" 
        s'y sont infiltrés dès avant Moïse. Regroupés, 
        ils s'organisent politiquement en une "République juive" 
        dont la capitale est Tamenti, oasis du Touas 
        qui fut au XIIIè et XIVè siècles une métropole 
        industrielle et commerciale du désert, tout comme le fut Tombouctou, 
        la ville légendaire. La population juive était l'aristocratie 
        dominante. A son contact, quelques tribus berbères se seraient 
        converties à la religion hébraïque. Tout à l'honneur 
        de cette population juive enracinée au sol, de grands travaux d'irrigation 
        ont été réalisés. Alors que les lacs s'asséchaient, 
        des aqueducs souterrains et des puits artésiens sont creusés 
        ; ils font longtemps l'orgueil des oasis.
 -------En 
        l'an 115 de nombreux juifs de Cyrénaïque fuient le pays devant 
        la rude répression de Marcius Turbo. Ils émigrent vers l'Ouest 
        et fondent des colonies dans la vallée de l'oued Righ et celle 
        de l'oued Mzab et jusque dans les oasis où leurs descendants islamisés 
        se retrouvent sous le nom de Méhadjeria ("émigrés"... 
        de leur religion, d'après M. Martin, écrivain). Ils importent 
        la civilisation gréco-romaine et les méthodes de commerce 
        et de cultures, apprises en Cyrénaïque. Ils se propagent dans 
        le Touas et le Gourara qui seront peuplés de juifs ou de Gétules 
        judaïsés.
 La Nouvelle Palestine -------C'est alors 
        qu'à partir de l'an 500, la "Nouvelle 
        Palestine" se développe dans le Touas, autour des lacs 
        et des palmeraies qui les ceignent. Barrages et canalisations à 
        ciel ouvert drainent les eaux de ruissellement superficielles. La métropole, 
        nous l'avons dit, est Tama-n-sit où, à la suite d'une nouvelle 
        et importante immigration juive dans le Touas est construite, en 517, 
        la première synagogue. Des kasbahs (véritables châteaux-forts 
        maçonnés en pierres plates posées de champ par couches 
        horizontales) se construisent à Tazout Balia, Mekkid et Ighezzer. 
        Des villages se développent, notamment :-------- en 
        aval : à Tasfaout et dans le Fenoughil ; à El-Ahmar, Tittaf, 
        Gharmianou, Temassegh dans le Tamest ; à Takhfift, dans le Touas 
        ElHenné ; à Ait Messaoud et Taorirt dans le Reggane.
 -------- en 
        amont : à El-Mansour et Ghermal, dans le Bouda ; à Kaberten 
        à Igosten ; à Tabia et à Tahtaït, dans l'oasis 
        de Timimoun.
 
 
 -------En 
        681, les tribus Zénètes, anciens Gétules nord-sahariens, 
        chassés par Sidi-Okba, s'ins
 tallent dans le Touas, le Gourara et le Bouda.
 Sidi-Okba parvient à soumettre le Touas et islamise par la force 
        ses habitants. Dès que le conquérant disparaît, les 
        habitants des oasis juives reviennent à la religion de leurs pères 
        et de nombreux Zénètes se convertissent à la religion 
        hébraïque. C'est en 691 que l'héroïne berbère 
        Damya elKahena a battu l'envahisseur arabe Hassan ben-Amor. Elle était 
        reine et prêtresse d'une tribu berbère convertie au judaïsme. 
        En 748, alors que les juifs avaient évacué Takhfift, Helal 
        ben Messaoud arrive de Mossoul (Irak) avec des commerçants juifs 
        qui s'installent.
 
 -------Dix ans plus tard, en 758, les Miknassa qui 
        sont Berbères, fondent un émirat à Sidjilmassa et 
        soumettent les oasis à leur organisation tant politique qu'économique. 
        C'est ainsi que la voie qui relie le nord de l'Afrique au Soudan permettra 
        l'acheminement des esclaves et de l'or de ce pays vers la Berbérie 
        musulmane.
 Mais cela ne durera pas car l'émir de Sidjilmassa, Midrar, de son 
        nom El-Monteçar el-Yaca, soumet les oasis à sa domination, 
        en 820.
 -------En 909, l'armée 
        châïte chasse les Zénètes qui sauvegardent leur 
        vie par un nouvel exode vers les oasis où ils trouvent refuge auprès 
        du noyau dur de la population juive dans lequel ils sont intégrés. 
        -------En 
        984 arrivent les premiers Arabes qui vont nomadiser dans le bas Touat, 
        vers le Reggane à l'entour du Ksar de Taorit et sur les pentes 
        ouest du Tâdmaït.
 -------Alors 
        que les eaux de surface disparaissent, le drainage en sous-sol est réalisé 
        par l'aménagement de foggaras par la maind'oeuvre, abondante.
 -------En 
        1040, un groupe de Boramiks, descendants de l'esclave Bormek affranchi 
        par les Prêtres du Feu chez les Madjous (Normands), pourchassé 
        par les Abassides s'installe à Touat-el-Henné.
 --------Les 
        Arabes affluent alors par petits groupes dans les oasis et s'y sédentarisent. 
        Ils se surnomment les "Mahboub" ce qui veut dire ceux qui ont 
        des céréales qu'ils cultivent. Les Zénètes 
        se nourrissent de loul, graine du drinn qui pousse, sans avoir à 
        le cultiver, tout naturellement dans le Sahara ; c'est pourquoi ils sont 
        appelés "Maloul" par les précédents. Ils 
        ne s'entendent pas et se livrent des luttes sanglantes. Des tribus viennent 
        s'installer près des gros villages judéo-Zénètes 
        et créent des ksours, El Mebrouk,Tibechrine, Béni-Mellouk,Tahtaït 
        (Timimoun). Elles essaiment vers les oasis créant d'autres villages 
        et ksours
 |  | -------Les 
        luttes sont incessantes, les Merabtines (Marabouts) venus du sud attaquent 
        les oasis. Les juifs attaqués par les Arabes évacuent Takhfift 
        et s'installent à Temasegh. Des tribus hilaliennes viennent nomadiser 
        puis se sédentarisent et dominent les populations du ksar et leur 
        font payer tribut.-------Les 
        luttes sont permanentes et s'aggravent lors de chaque arrivée de 
        nouvelles tribus arabes qui se rangent du côté des Mahboub 
        contre les Zénètes. La guerre gagne progressivement toutes 
        les oasis. Tour à tour chacun des ksours est attaqué et 
        pillé. Les juifs sont submergés par le flot des arrivées 
        des Arabes qui s'installent dans Tamentit même ; de plus, la peste 
        qui sévit fait mourir en grand nombre les juifs, ce qui leur fait 
        perdre leur puissance et leur autorité. Ils vivent alors sous la 
        protection des Musulmans. Mais la guerre entre cheikhs n'a point de fin. 
        Ils viennent du sud, du pays d'Oran, du Maroc pour dominer. Les Khalifes 
        se succèdent à Sidjilmassa qui subit des pillages et se 
        proclame, un jour de 1242, vassale du prince hasfide de Tunis puis tombe 
        en 1268 sous la domination de l'Emir Mouhidde de Marrakech. Les Juifs 
        qui sont installés à Gharmali en Bouda sont expulsés 
        par le cheikh Toudji venant du Sahel. Avant de disparaître totalement, 
        ils s'installent dans l'oued El-Hadjar, à Ksar Daoud, à 
        Ksar Omar et aux Oulad-el-Mehdi.
 -------Les 
        rezzous se succèdent et les ksours sont rançonnés. 
        Les uns sont des gens du Sahara, d'autres de Mauritanie, voire des coalitions 
        de cheiks de tribus diverses, telles les Arabes de l'oued et-Henné 
        alliés aux Arabes d'Ouallen, d'el-Gandhou et de Bou-Zid. Les révoltes 
        se succèdent et des tribus entières arabes sont déportées 
        par le gouvernement Merinide pour réprimer leurs habitudes guerrières. 
        Les juifs sont toujours la cible des Arabes et sont la cause de luttes 
        entre clans arabes, ceux qui les protègent bénéficiant 
        de leur commerce et ceux qui les emprisonnent pour en tirer quelque tribut.
 Destruction de la synagogue 
        de Tamentit -------Tamentit 
        était le lieu saint des juifs sahariens. Leur synagogue est maintenue 
        par les musulmans. Nous savons que les populations juives avaient précédé 
        les Arabes et les Zénètes dans les oasis. Ceux-ci, plus 
        nombreux, dominants et dominateurs leur avaient toléré leur 
        religion voire même adoptée, par certains.-------En 
        1492 l'Islam connaît des défaites en Europe. Le Cheikh ben 
        Abdelkrim et Mighili en accuse, au cours de ses prêches, les "gens 
        de l'erreur" et particulièrement les juifs dont l'influence 
        était grande. Il leur reproche, des trahisons qui leur rapportent 
        de gros bénéfices. Il prêche alors la guerre sainte 
        contre les juifs et après les avoir persécutés à 
        Sidjilmassa et dans les contrées environnantes, il se rend à 
        Tamentit avec ses compagnons armés qui tuent tous ceux qui s'opposent 
        à leur marche. Arrivés à la synagogue, ils massacrent 
        tous les juifs et la détruisent. La version populaire veut que 
        Mighili appela la malédiction divine non seulement sur les Juifs 
        mais aussi sur le cheikh Seddik et ses partisans qui étaient opposés 
        à la destruction du lieu de prières et au massacre. Ils 
        furent, comme les juifs, exterminés.
 -------Les 
        juifs et les Arabes de race blanche et de race sémite présentent 
        des différences psychologiques profondes. Les premiers sont économes 
        et prévoyants, les seconds aussi gaspilleurs qu'imprévoyants. 
        Différences ataviques accentuées par les préceptes 
        religieux contenus dans le Coran et la Bible. Quant aux Berbères, 
        qui ont facilement adopté le christianisme et le judaïsme, 
        ils s'adaptent encore plus vite à la religion également 
        monothéiste que pratiquent les Mahométants. Ce dernier culte 
        leur laisse espérer le bonheur non seulement dans l'autre monde 
        mais aussi sur la terre. Cela semble mieux correspondre à leurs 
        instincts humains qu'à leur psychologie.
 -------Ce 
        dernier exposé, par trop sommaire, termine celui sur le peuplement 
        de l'Algérie qui pourra faire l'objet de lectures plus approfondies 
        d'ouvrages écrits par des savants et en outre le chapitre de 
        la pénétration française au Sahara (qui 
        suit.)
 Lt Colonel (ER) 
        Bautista
 
 |