|  Adossée au pied d'une montagne à pic et 
        au fond d'une rade magnifique, l'anse de Stora était connue des 
        Romains qui y abritèrent longtemps leurs trirèmes. Ils construisirent 
        aussi, au flanc de la montagne, cinq travées de belles citernes 
        alimentées par l'oued Chadi (Ruisseau des singes), dont les eaux 
        contournaient le massif montagneux au moyen d'un tunnel.
 Les toponymes de Sinus Lumidicus, Mers Estora et d'Istoura, port de Rusicade, 
        apparurent dans les descriptions, respectivement laissées par Ptolémée; 
        Edrissi et E1-Bekkri. Au xvie siècle, les Génois faisaient 
        escale à Stora désigné sous le nom de Port Génois. 
        Dans l'histoire à visage humain de ce village s'inscrit dès 
        1850, l'arrivée de pêcheurs italiens du golfe de Naples, 
        suivis de ceux d'Ischia. Cette île phlégréenne fut 
        en effet ruinée par plusieurs séismes dont celui de 1883 
        qui contraignit une partie des 25 000 habitants de huit paroisses, dont 
        celles de Forio, Casamicciola, Lago-Ameno, Barrano d'Ischia et d'Ischia-Porto, 
        à émigrer vers les Etats-Unis et l'Algérie.
 
 Vingt ans plus tard, en 1903, la pénurie de sardines sur les côtes 
        bretonnes incita des pêcheurs de Douarnenez à s'installer 
        à Stora.
 
 La commune de plein exercice de Stora fut créée en janvier 
        1848 sur un territoire de 6 923 ha étendu en 1887, sur 11 647 ha 
        en montagnes et coteaux.
 
 Les températures oscillent entre 12 °C au-dessus de 0 en hiver 
        et 42 °C en été. Le village était relié 
        à Philippeville, distant de quatre kilomètres, par une route 
        en corniche, construite entre la mer qu'elle surplombait à une 
        grande hauteur et les pentes boisées de la montagne, où 
        le clocher d'une église se profilait sur un fond de chênes-lièges.
 
 La mémoire collective de ce village conserve le souvenir des sinistres 
        maritimes provoqués par les tempêtes de 1841, 1843 et 1854. 
        La rade fermée à l'ouest par le massif de la grande plage 
        n'offrait aucune sécurité par " baffagne " (Baffagne: 
        vent méditerranéen du sud-est.) d'est ou de nord-est.
 
 En 1900, Stora avait une population de 2 484 habitants dont 636 Français 
        et 168 étrangers. Le village d'Aïn-Zouit à 24 km, ainsi 
        que les douars M'Salla et Oued Drader, dépendaient de la commune.
 
 Par la suite, cette population ne cessera d'augmenter avec l'afflux des 
        fellahs descendus de ces douars pour travailler dans les exploitations 
        agricoles, les ateliers de salaison d'anchois et accéder plus facilement 
        aux soins médicaux pour eux et les membres de leurs familles.
 
 Le produit de la pêche à la maille débouchait à 
        cette époque sur la conserverie selon des méthodes ancestrales 
        mises en oeuvre par des conserveurs d'origine italienne. Ces ateliers 
        de salaison fournissaient notamment en été de nombreuses 
        journées de travail aux femmes du village. Dès l'aube, à 
        l'arrivée des bateaux, elles étêtaient et évisceraient 
        les anchois qui étaient ensuite mis dans des corbeilles avec du 
        gros sel afin de leur faire perdre leur eau et leur sang. Ces tâches 
        étaient effectuées avec dextérité et rapidité 
        dans la bonne humeur, en un langage fleuri où se mêlaient 
        l'arabe, l'espagnol, le napolitain, le sicilien et plus rarement le français.
 
 L'oued Chadi " Ruisseau des singes " formait à son embouchure 
        une vaste plaine connue sous le nom de la Grande-Plage, entièrement 
        cultivée en céréales, puis en vignes.
 
 Il convient d'ajouter à Aïn-Zaouit, quatorze petits agriculteurs 
        ne cultivant que trois ou quatre hectares chacun.
 
 De 185 ha en 1900, le vignoble fut progressivement étendu en raison 
        de la qualité de ses vins. La céréaliculture elle-même, 
        fit place à des productions maraîchères de primeurs 
        et notamment à des cultures de fraises.
 
        
          | Administration municipale en 1900 Maire : Auguste Aquadro; adjoint: Edouard Niglio;
 conseillers municipaux: Abdelah, Apréa, Arata, Barluet, Ben 
              Taïeb, Cauro, Buonacore, El Haoussine, Scotto di Vetimo, Stizi;
 secrétaire de mairie : Valentin Roche;
 architecte municipal: Joseph Birabent;
 curé : l'abbé Vallecalle;
 instituteur: Valentin Roche;
 institutrices : Mmes Noklo et Ourteau;
 école maternelle : Mme Cousinet ;
 inscription maritime : Jean-Baptiste Duval,
 garde ?;
 douanes: M. Franchi,
 receveur;
 médecin conventionné: Dr Augier en résidence 
              à Philippeville;
 postes : Jean Desperrin,
 facteur-receveur; télégraphe: M. Conte.
 Artisans et commerçants 
              en 1900  Cafetiers-restaurateurs : MM. Apréa, Coppa, 
              Comte, Curci, Niglio; pêcheurs : MM. Adragna, Aquadro, Dambra, 
              Dimeglio, Cacciotolo, Pancrace, Pilato, Scotto di Vetimo ; conserveries 
              de poissons : MM. Aquadro, Conte, Grima, Fandopoulo, Lebot et Grevat.
 Agriculteurs - viticulteurs en 1900
 MM. Apréa, Arata, Baldini, Dambra, Diméglio, Ramonatxo, 
              Scala, Spennato, Stizi, Albertini, Aquadro, Buono, Pascal, Di Costanzo, 
              Pilato, Antoine Baldino, Grevat.
 |  Stora en 1962
 
 Si l'importance économique de Stora fut freinée par la construction 
        du port de Philippeville, ce village conserva jusqu'à la fin un 
        dynamisme qui se manifesta aussi bien dans les activités agricoles 
        que dans celles de la mer. Dès 1887, les propriétés 
        Grosso, Ricoux et Ramonatxo, offraient le spectacle de belles plantations 
        arbustives couvrant les sols jusqu'à la mer. Dans une région 
        difficile d'accès, des agriculteurs surent protéger leurs 
        productions pour les mettre à l'abri des prédateurs et des 
        caprices du climat. Ils les adaptèrent aux potentialités 
        locales en tenant compte des besoins des consommateurs.
 
 Issus de générations qui animèrent des rivages inhospitaliers, 
        des pêcheurs courageux, originaires de tout le bassin méditerranéen 
        évoluèrent dans leurs conceptions de la pêche artisanale. 
        En l'absence de port et malgré la soudaineté du changement 
        des conditions atmosphériques, ils adaptèrent leurs techniques 
        de pêche côtière en hiver, aux nécessités 
        de la protection des ressources halieutiques en été. En 
        effet, entre le 1er juin et le 30 septembre, leurs embarcations ne pouvant 
        mouiller leurs filets qu'au-delà de la limite des trois milles 
        dans les eaux internationales, ils s'équipèrent pour pêcher 
        les grosses crevettes et autres poissons de fond. Avec l'arrivée 
        de pêcheurs bretons, l'industrie de la sardinerie par salaison ou 
        saumurage évolua vers la conservation par fritage et emboîtage.
 
 Enfin Stora, station balnéaire appréciée et très 
        fréquentée du 15 juillet au 15 septembre depuis le >axe 
        siècle, conserva jusqu'en 1962 sa réputation pour la qualité 
        de son accueil et celle de sa cuisine.
 
 En 1962, quelques-unes des premières familles vivaient encore à 
        Stora, malgré des attentats qui coûtèrent la vie à 
        certains d'entre-eux. Citons les familles Apréa, Buonacore, Cacciotolo, 
        Comte, Georges Di Costanzo, Di Méglio, Lubrano, Mollo, Pinelli, 
        Scotti, Scotto Di Vettimo, Scotto Monéglia, Michel Torrente, Yacono.
 
 Ces hommes sans passé, voulaient donner un sens à leur vie, 
        à celle de leurs enfants en bâtissant leur avenir et celui 
        de tous ceux qui les entouraient. Conscients de la nécessité 
        d'épargner la ressource, ils respectaient les périodes de 
        reconstitution de la faune marine et notamment de ses espèces les 
        plus appréciées, n'hésitant pas à rejeter 
        à la mer une grosse langouste " grainée " c'est-à-dire 
        pleine d'oeufs en disant " Voici notre pain de demain ". Ils 
        étaient des bâtisseurs qui participèrent, notamment 
        dans la marine nationale, à deux grands conflits mondiaux. A leur 
        suite, ils ne demandèrent rien, même si cette hécatombe 
        de nombreux jeunes eut de graves conséquences, lors des tragiques 
        " événements " qui les conduisirent au douloureux 
        exode de 1962.
 o Il convient d'exprimer nos sentiments de bien vive gratitude 
        au D' Georges Duboucher et à MM. Maurice et Jean-Maurice Di Dostanzo, 
        Lucien et René Patania, Jacques Piollenc qui, par leurs archives 
        ou leurs souvenirs personnels, contribuèrent à l'évocation 
        de quelques-uns des hommes qui firent Stora. Qu'ils en soient bien vivement 
        remerciés.
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