| ------Le 
        Mercredi 3 Mai 1865, à 5 heures et demie, l'escadre du Vice-Amiral 
        Comte Bouet Villaumez, composée des navires " Solférino 
        ", " Provence ", " Couronne ", " Normandie 
        ", " Gloire ", " L'Invincible ", " L'Aigle 
        ", fait son entrée dans le port d'Alger. " L'Aigle ", 
        yacht à vapeur, sous les ordres du Contre-Amiral de Dompierre d'Hornoy, 
        bat pavillon Impérial.------A huit 
        heures moins un quart, S.M. Napoléon III met le pied sur la terre 
        algérienne.
 ------Le Prince 
        Murat, le Maréchal Mac Mahon, Gouverneur Général 
        de l'Algérie, le Général de Division Fleury, entourent 
        l'Empereur.
 ------M. Sarlande, 
        Maire d'Alger, reçoit l'hôte illustre en lui offrant les 
        clefs de la ville. Après les discours de bienvenue le cortège 
        se forme. L'Empereur, à cheval, est 
        acclamé par la foule massée le long du boulevard.
 ------Arrêts 
        et discours se succèdent jusqu'au Palais du Gouvernement où, 
        tout aussitôt, ont lieu les réceptions officielles.
 ------Le lendemain, 
        4 Mai, l'Empereur accompagné du Gouverneur Général 
        et de sa suite parcourt les environs d'Alger, s'arrête à 
        Chéragas, 
        à Staouéli, 
        à la Trappe, à Sidi-Ferruch, 
        à Guyotville, 
        enfin à Saint-Eugène.
 ------Le 5 
        Mai, à 9 heures, un orchestre, sous la direction de M. Salvador 
        Daniel, violoniste de l'Opéra d'Alger, se fait entendre, au cours 
        d'un dîner, au Palais du Gouverneur. Parmi les morceaux exécutés 
        à cette occasion mémorable il y a lieu de citer : " 
        La prière de la Muette ", " Les enfants de l'Algérie 
        " et " Vive l'Empereur ".
 
 ------Après 
        avoir visité les différents quartiers de la ville et diverses 
        expositions d'art indigène, S.M. Napoléon III se rend, le 
        6 Mai, par chemin de fer, à Boufarik, 
        puis quitte cette dernière ville en voiture, pour parcourir le 
        Sahel.
 ------Le Dimanche 
        7 Mai, à 7 heures du matin, l'Empereur assiste à la Cathédrale, 
        à une messe solennelle célébrée par Mgr Pavy, 
        Evêque d'Alger.
 Puis, c'est le départ pour une nouvelle et triomphale randonnée, 
          
        Blida, Mouzaïa,  
         El-Affroun, Vesoul-Bénian 
        et Miliana.
 ------Le 9 
        Mai, l'Empereur donne de nombreuses audiences aux chefs indigènes 
        et reçoit ainsi de vibrants hommages de fidélité 
        et d'attachement à l'Empire. Je les résumerai par ces mots 
        du Caïd Hachmi de Médéa, 
        qui donnent très exactement le ton:
 ------" 
        Nous approchons respectueusement du Trône de Votre Majesté, 
        pour protester contre les allégations qui représentent les 
        indigènes de l'Algérie comme une population rusée 
        et fanatique, insensible aux bienfaits de la France. "
 ------À 
        la fin de cette journée a lieu, au Palais de Mustapha Supérieur, 
        une brillante fête de nuit suivie d'un souper où l'on sert, 
        entre autres plats exotiques : des quartiers de gazelle de l'Ouargla ; 
        du pain d'outardes des Chotts ; de l'autruche d'Oglat-Nadja ; de la gelée 
        de grenade à la Staouéli, etc...
 ------Le 11 
        Mai, l'Empereur est reçu au jardin d'acclimatation puis il visite 
        les travaux du Boulevard dirigés par M. Morton Peto.
 ------Le soir, 
        Sa Majesté assiste au Théâtre Impérial, à 
        une représentation de " Rigoletto ", de Verdi, 
        donnée en son honneur avec le concours d'une Compagnie italienne, 
        qu'illustrent Mme Silvio et M. Soriani.
 ------Jamais 
        le monument de Chassériau n'a connu pareille débauche de 
        lumières. Des godets bleus, verts ou rouges, suivent les colonnades, 
        le contour des fenêtres, dessinent les arêtes, encadrent l'aigle 
        impérial, retombent en guirlandes le long de la façade.
 ------Quand 
        la voiture impériale, précédée de deux pelotons 
        de chasseurs et de spahis, arrive en vue de l'Opéra devant lequel 
        des milliers de curieux se sont massés, une clameur immense l'accueille, 
        une foule enthousiaste se presse.
 ------Les 
        cavaliers porteurs de torches ont peine à protéger le cortège.
 ------L'Empereur, 
        ayant à ses côtés le Maréchal de Mac Mahon, 
        duc de Magenta, salue largement de la main, en souriant.
 ------Des 
        plantes vertes ornent les marches de l'escalier d'honneur, qu'un tapis 
        écarlate recouvre en partie. Des chasseurs, en uniforme bleu, sabre 
        au clair, forment la haie.
 ------L'intérieur 
        du théâtre a été paré d'une décoration 
        somptueuse ; des fleurs rares ornent le foyer, dont le luminaire est éblouissant.
 ------La loge 
        impériale resplendit. Elle est décorée de tentures 
        de velours rouge à franges d'or, de palmes, de feuillage et de 
        cartouches, dans lesquels s'inscrivent les chiffres de l'Empereur et de 
        l'impératrice. Une draperie de velours rouge semée d'abeilles 
        d'or, retombe sur le bord extérieur de la loge, que surmonte un 
        grand écusson aux armes impériales : " d'azur à 
        l'aigle d'or empiétant un foudre du même ".
 |  | ------L'entrée 
        de Sa Majesté au deuxième acte est saluée par les 
        cris répétés de " Vive l'Empereur ", " 
        Vive l'impératrice ", " Vive le Prince Impérial 
        ", cependant que l'orchestre joue l'air de " La Reine Hortense 
        ", cette jolie romance, rehaussée un moment au rang de chant 
        national 
        
          | Partant pour la Syrie, Le jeune et beau Dunois
 Venait prier Marie
 De bénir ses exploits...
 |  ------Madame 
        la Maréchale de Mac Mahon, Duchesse de Magenta, prend place aux 
        côtés de l'Empereur, qui paraît s'intéresser 
        vivement au spectacle et donne, très souvent, le signal des applaudissements.------Au premier 
        entr'acte, M. Daiglemont, Directeur du théâtre, reçoit 
        l'Empereur au foyer et, en quelques mots très simples, mais empreints 
        de la plus grande admiration et du plus fidèle attachement, lui 
        souhaite la bienvenue.
 ------Jamais, 
        depuis la soirée inaugurale du 29 Septembre 1853, on ne vit au 
        Grand Foyer pareil déploiement de luxe.
 ------Uniformes, 
        habits, épaules nues se mêlent sous la lumière vive.
 ------Et les 
        yeux de tous ces brillants officiers, de tous ces chefs indigènes 
        en burnous écarlate, de tous ces fonctionnaires, de toutes ces 
        femmes étincelantes de parure, s'attachent à l'Empereur, 
        très entouré et qui, le plus aimablement du monde, a un 
        mot, un sourire, un geste pour chacun.
 ------Aux 
        côtés du Maréchal de Mac Mahon se tiennent le général 
        de division Fleury, sénateur, premier écuyer ; le général 
        de Castelnau, le colonel Comte Reille, aides de camp ; le capitaine de 
        Ligniville et le Comte d'Espeuilles, officier d'ordonnance ; M. F. Piétri, 
        secrétaire particulier ; le baron Corvisart, médecin ordinaire 
        ; le capitaine de vaisseau Robinet de Plas, commandant le cuirassé 
        " Solférino " ; le capitaine de vaisseau de Surville, 
        commandant la frégate " La Provence " ; le capitaine 
        de vaisseau de Rosencoat, commandant la frégate " La Couronne 
        " ; le capitaine de vaisseau Dangeville, commandant la frégate 
        " La Normandie " ; le capitaine de vaisseau Miquel de Riu, commandant 
        la frégate " La Gloire " ; le capitaine de vaisseau Chevalier, 
        commandant la frégate " L'Invincible " ; le contre-amiral 
        de Dompierre d'Hornoy, commandant le yacht à vapeur " L'Aigle 
        ", battant pavillon Impérial, tous de la suite de l'Empereur.
 ------Notons 
        encore le général de division Desvaux, sous-gouverneur le 
        Prince Murat ; M. Poignant, Préfet d'Alger ; Tellier, secrétaire 
        général de la Préfecture ; Urbain, conseiller rapporteur 
        au Conseil du Gouvernement ; le général de Wimpffen ; M. 
        le Premier Président Pierrey ; le général de Lasserre, 
        etc..., etc...
 ------Et je 
        n'aurai point garde d'oublier le peintre Gudin, peintre du ministère 
        de la marine, qui accompagne l'Empereur.
 ------M. Gudin 
        était déjà venu en Algérie où il avait 
        travaillé en vue de ses grandes compositions : " Un coup 
        de vent dans la rade d'Alger " et " L'explosion du fort 
        l'Empereur, près Alger ", deux toiles d'une belle qualité 
        qui attestent un excellent notateur de la vie et du mouvement.
 M. Gudin devait brosser plus tard son oeuvre capitale, inspirée 
        du voyage de l'Empereur : " Le débarquement de S.M. Napoléon 
        111 dans le port d'Alger ".
 ------Le jeune 
        peintre Durand-Brager, élève de M. Gudin, faisait également 
        partie de la suite impériale.
 ------L'heure 
        est fort avancée quand l'Empereur quitte le théâtre. 
        Il se plait à exprimer sa très vive satisfaction à 
        M. Daiglemont, Directeur, venu l'accompagner jusqu'au bas des grands escaliers.
 ------Une 
        foule considérable stationne toujours aux abords du monument. Elle 
        acclame longuement l'illustre spectateur.
 
 
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