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          | L'auteur Médecin général inspecteur, ancien professeur 
            titulaire de la chaire d'hygiène du Val-de-Grâce, Paul 
            Doury s'est orienté vers l'histoire et l'histoire de la médecine, 
            après avoir, au début de sa carrière, servi au 
            Hoggar, dans l'extrême Sud saharien, puis au Maroc à 
            l'hôpital militaire d'instruction Mohammed V des Forces Armées 
            Royales marocaines et à la faculté de médecine 
            de Rabat. Président d'honneur de " La Rahla " Amicale 
            des Sahariens, il est membre correspondant de l'Académie nationale 
            de médecine et membre titulaire de la Société 
            française d'histoire de la médecine et de l'Association 
            des écrivains combattants.
 |  La création du musée de l'Armée 
        d'Afrique
 En 1928, mon grand-père, le lieutenant-colonel 
        Paul Doury a l'idée de créer un musée de l'Armée 
        d'Afrique à Alger.
 Saint-cyrien de la promotion Tombouctou (1887-1889), Doury fut un Saharien 
        de l'époque héroïque. Admis au service des Affaires 
        Indigènes dès janvier 1895, d'abord en Algérie à 
        Djelfa, puis El Aricha, au poste des Ouled Djellal dans l'annexe de Biskra, 
        enfin à la " frontière algéro-marocaine ", 
        dans ce que l'on appelait, alors, les confins algéro-marocains. 
        Il est commandant supérieur de Mécheria dans le sud-oranais, 
        dans le territoire d'Aïn Sefra lorsque la Première Guerre 
        mondiale éclate en août 1914. C'est là que le général 
        Lyautey, résident général de France au Maroc depuis 
        1912, qui le connaissait et l'avait apprécié dès 
        1903, l'appelle au Maroc pour lui confier le commandement pratiquement 
        autonome des forces françaises du Haut-Guir et du territoire de 
        Bou Denib dans le sud marocain.
 
 Après avoir pacifié le Tafilalet en 1917 (Paul 
        DOURY , Lyautey 
        et le Tafilalet, thèse 
        d'histoire (sous la direction du Pr Jacques Frémeaux) Université 
        Paris IV Sorbonne, juin 2006, 349 pages.) il
 quitte l'armée prématurément en 1920, mais lui reste 
        profondémént attaché et tout spécialement 
        à l'Armée d'Afrique. C'est ainsi qu'il songe à créer 
        un musée consacré à cette Armée afin de rassembler 
        les souvenirs de cette épopée que fut la conquête 
        de l'Algérie à partir de 1830.
 
 Le 13 avril 1930, le musée qui porte désormais le nom de 
        " musée Maréchal Franchet d'Esperey " est inauguré 
        dans la Casbah d'Alger, lors des fêtes du Centenaire de l'Algérie. 
        C'est grâce aux libéralités du ministre de la Guerre 
        et de la caisse du commissariat du Centenaire que cette oeuvre a pu voir 
        le jour. Le lieutenant-colonel Doury créateur et organisateur de 
        ce musée de l'Armée d'Afrique, en fut le conservateur depuis 
        sa création jusqu'en 1940; il eut comme successeur le commandant 
        Martin.
 
 Pendant douze ans, Doury cherche à rassembler un à un tous 
        les documents, les objets, les uniformes, les souvenirs qu'il peut dénicher, 
        en utilisant ses relations, ses connaissances, ses amis... C'est ainsi 
        que le 15 novembre 1930, Doury écrit à son ami Dunoyer de 
        Segonzac, ancien officier et célèbre explorateur au Maroc: 
        " Mon cher ami... peut-être avez-vous vu à Paris, 
        les troupes d'Afrique reconstituées; je puis vous dire que c'est 
        mon oeuvre; mon excellent ami le colonel François le sait bien, 
        il aurait voulu que j'aille avec lui à Paris le 14 juillet, mais 
        j'ai plus de plaisir à rester anonyme, je n'ai aucun goût 
        pour les ovations. Peut-être lirez- vous sans trop de peine les 
        quelques copies que je vous envoie, ce sont des exposés qui résument 
        à peu près tout ce qui fut fait et qui ne contiennent rien 
        qui ne m'appartienne. C'est maintenant à l'organisation convenable 
        du musée que je m'applique; je voudrais en faire une belle chose 
        et je songe que peut-être, vous pourriez nous venir en aide. J'ai 
        le désir que tout " Africain " de marque, et Dieu sait 
        s'il y en a, puisse avoir au musée son petit sanctuaire: photos, 
        bustes, médaillons, armes, bibelots, autographes, gravures, pièces 
        officielles (pour beaucoup, il est évidemment trop tard: les divers 
        musées, les salles d'honneur ont accaparé le meilleur), 
        mais on peut encore glaner, à la condition qu'on sache où 
        trouver et comment atteindre les derniers représentants de la famille. 
        Il n'est pas nécessaire non plus d'attendre que les vivants aient 
        disparu pour songer à leur faire leur place et pour obtenir leur 
        propre concours. Si vous pensez que des albums de " l'Armée 
        d'Afrique " ou des copies du travail sur la création du musée 
        puissent nous valoir quelques sympathies ou quelques marques d'intérêt 
        autour de vous, je pourrais vous en adresser ou si vous préférez, 
        vous pourriez me communiquer les adresses... ".
 
 Le 2 janvier 1935, il écrit encore à son ami Segonzac : 
        " Mon cher Segonzac, savez- vous quelles sont mes préoccupations 
        depuis quelques années. Je suis plus maître du musée 
        Franchet d'Esperey que je n'étais maître du Groupe Mobile 
        de Bou Denib. A vrai dire, je ne sens aucune tutelle, et cela est très 
        agréable. J'ai demandé à Pierre Lyautey de faire 
        tout ce qui est en son pouvoir pour que le musée recueille quelques 
        souvenirs du passage du maréchal Lyautey à Aïn Sefra 
        et à Oran; il me l'a promis; j'en serai sincèrement content. 
        Je me préoccupe maintenant autant du présent que du passé. 
        Le Sahara est devenu de plus en plus une liaison entre notre Afrique du 
        Nord et nos Afriques Occidentale et Equatoriale: je veux lui faire une 
        large place: explorations, occupation, projets de transsahariens, Croisière 
        noire, etc. Alger est destinée à devenir la capitale de 
        tout cet Empire africain. Je me prépare à faire évoluer 
        le musée dans ce sens... ".
 
 Le colonel entretient aussi avec le maréchal Franchet d'Esperey 
        des relations très étroites et très amicales dont 
        témoigne l'importante correspondance échangée entre 
        eux, comme la lettre du 17 décembre 1921: " Mon Cher Doury... 
        je trouve votre aimable lettre du 10 novembre et la jolie collection de 
        cartes postales... je vous fais expédier: une tunique de lieutenant 
        du 2e Tirailleurs, le pantalon à plis collants avec, ce qui est 
        plus rare, la ceinture de soie qui a été supprimée 
        en 1882 et que nous, officiers de tirailleurs, portions en remplacement 
        du hausse-col comme insigne de service: ces trois objets font un tout: 
        je regrette de ne pas avoir trouvé un képy (sic) du temps 
        de la visière carrée. Bonne chance au musée et à 
        son conservateur. Esperey ".
 
 Le 27 mars 1927, il écrit de Colomb-Béchar : " 
        Mon cher colonel, j'espère que quand je repasserai à Alger 
        vous voudrez bien venir déjeuner avec moi. Je suis si pris que 
        c'est le seul moment où je puisse causer avec les gens intéressants 
        et vous êtes du nombre. J'ai lu avec intérêt vos articles 
        parus dans L'Armée d'Afrique. La question du Tafilalet est à 
        l'ordre du jour car on ne pourra laisser indéfiniment exister ce 
        levain d'insoumission : vous êtes un des hommes connaissant le mieux 
        la question et je serai heureux d'en causer avec vous. A bientôt 
        donc et croyez en attendant à mes meilleurs sentiments. F. d'Esperey 
        ".
 
 
 
         
          | Louis 
              Félix Marie François Franchet d'Esperey. 
               
                | Portrait de Louis Franchet 
                    d'Esperey.
 Source : L'Illustration - l'album de la guerre 1914-1919
 |  Fils d'un officier de cavalerie 
              des chasseurs d'Afrique, Louis, Félix, Marie, François 
              Franchet d'Esperey est né à Mostaganem le 25 mai 1856. 
             Sorti de Saint Cyr en 1876, 
              il sert en Afrique du Nord dans le premier régiment de tirailleurs 
              algériens. Il est admis à suivre 
              les cours de l'École supérieure de guerre en 1881, 
              mais il n'y entrera qu'avec la promotion suivante, afin de participer 
              à l'expédition de Tunisie contre les Kroumirs. À sa sortie de l'école, 
              il rejoint le Tonkin pour deux ans et participe aux combats de Lang-Son 
              et de Lao-Qay. À son retour en France, 
              en 1886, il est à l'état-major de l'armée puis 
              au Cabinet de Freycinet, ministre de la guerre, avant de commander 
              un bataillon à Toul puis le 18e bataillon de chasseurs à 
              pied de Nancy. En 1900, commandant de la zone française de 
              Pékin, il participe à l'expédition de Chine 
              contre les Boxers. Revenu en France, il commande 
              successivement le 69e régiment d'infanterie à Nancy 
              puis la 77e brigade d'infanterie à Toul. Promu colonel en 
              1903, il commande le 60e régiment d'infanterie à Besançon. 
              
 En 1912, le général de division Franchet d'Esperey 
              sert près de Lyautey, comme commandant des troupes d'occupation 
              du Maroc occidental et participe à diverses opérations 
              de pacification dans les secteurs de Tadla, de la Chaouïa, 
              du Grand Atlas.
 À la déclaration 
              de guerre, il commande le 1er corps d'armée à Lille. 
              Durant la bataille des frontières, il est à Charleroi, 
              en Belgique, puis mène, à Guise, sur l'Oise, une contre-attaque 
              victorieuse contre les troupes allemandes. Le 3 septembre, Joffre 
              lui confie la 5e armée qui constitue un élément 
              déterminant dans la victoire de la Marne. Il commande les 
              groupes d'armées de l'Est en 1916, puis du Nord en 1917. 
              En juin 1918, il remplace le général Guillaumat à 
              la tête des armées alliées d'Orient qu'il mène 
              à la victoire finale. Son offensive victorieuse de la Moglena, 
              dans les Balkans, marquée par la prise de Dobro Polje, contraint 
              les Bulgares à signer l'armistice en septembre 1918. C'est 
              ensuite, en quelques semaines, l'effondrement de la Turquie et de 
              l'Autriche-Hongrie puis la demande d'armistice allemande. 
 A l'issue du conflit, commandant les troupes d'occupation à 
              Constantinople jusqu'en 1920, il dirige les opérations d'Ukraine, 
              de Bessarabie.
 En 1921, le général 
              Franchet d'Esperey est élevé à la dignité 
              de maréchal de France. Devenu inspecteur général 
              des troupes d'Afrique du Nord, il consacre son temps et son talent 
              à l'Armée d'Afrique. Il entreprend également 
              la réalisation des voies transsahariennes et est gravement 
              blessé à Gabès, le 19 mars 1933, dans un accident 
              d'automobile alors qu'il allait étudier une liaison Tunisie-Maroc 
              par le Sud. Durant cette période, représentant de 
              la France lors de cérémonies officielles ou chargé 
              de missions en Europe centrale et en Afrique, il entame la rédaction 
              de ses Mémoires et publie diverses études. Élu à l'académie 
              française en 1934, il fonde "les Amitiés africaines", 
              uvre sociale à l'origine des "Dar el Askri" 
              (maisons du combattant) qui regroupe les anciens combattants musulmans 
              et leur vient en aide. En 1940, il se retire dans le 
              Tarn, à Saint-Amancet, où il décède 
              le 8 juillet 1942. Il est inhumé le 24 octobre 1947 dans 
              la crypte de l'église Saint-Louis-des-Invalides, à 
              Paris. Il était Grand-Croix 
              de la Légion d'honneur et titulaire de la Médaille 
              militaire et de la Croix de guerre 1914-1918. 
 Source : MINDEF/SGA/DMPA
 http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/
 |  Dans une autre lettre du 25 janvier 1929, il écrit 
        notamment: " Très bien le coup de pioche donné à 
        cette légende qui favorise la paresse, du " Maroc utile " 
        ! "... (Ici, le maréchal Franchet 
        d'Esperey fait allusion à la conception du " Maroc utile " 
        si chère à Lyautey et qui a contribué à la 
        calamiteuse évacuation du Tafilalet en 1918.) Le 10 
        février 1934, Franchet d'Esperey écrit à Doury: 
        " Mon cher Doury. Voici Canrobert au musée: avez-vous des 
        souvenirs de Mac-Mahon, de Clauzel, de Chanzy, de Trézel ; je connais 
        leurs descendants et si rien d'eux ou peu de choses sont au musée, 
        dites-le moi, je leur demanderai un souvenir. Ma cousine de Navacelle 
        est la fille du maréchal Canrobert... Avez-vous quelque chose de 
        Pélissier. Vous savez que sa fille habite Mostaganem. Vous pourriez 
        lui écrire en lui donnant son titre de duchesse de Malakoff. Meilleurs 
        souvenirs. Esperey ".
 Le 12 août 1934, le maréchal écrit encore à 
        Doury : " Mon cher colonel, j'admire votre activité. Ce 
        que vous avez fait pour les aquarelles est typique. Qu'avez-vous sur les 
        princes d'Orléans? Les ducs d'Orléans, de Nemours, d'Aumale, 
        de Montpensier ont contribué plus ou moins à la conquête. 
        Le duc de Chartres, chef d'escadron au 3e Chasseurs d'Afrique a contribué 
        à l'occupation d'El Goléa. Je pourrais si vous le croyez 
        opportun faire tâter les descendants par le général 
        Gondrecourt qui a été d'abord sous mes ordres, puis précepteur 
        du Comte de Paris: nous obtiendrons peut-être quelques pièces: 
        quand je verrai Pétain, je lui demanderai si Chantilly dont il 
        est l'un des conservateurs ne pourrait pas vous céder quelque chose... 
        croyez, mon cher colonel à mes meilleurs sentiments. F. Esperey 
        ".
 
 Beaucoup d'autres personnalités ont prêté leur concours, 
        souvent enthousiaste, à la création de ce musée, 
        tel que le colonel, puis général François, qui écrit 
        à Doury le 13 septembre 1931 (François 
        est alors colonel-adjoint de la région de Marrakech.): 
        " Mon cher Doury, Je vous remercie des nouvelles que vous me donnez 
        de nos affaires du Musée. Je vois qu'elles sont en bon chemin. 
        Je vous assure que c'est pour moi un cuisant regret auquel je ne trouve 
        aucune compensation que d'être si loin de vous et du Musée. 
        Mais je suis cependant toujours avec vous par la pensée... Je me 
        suis déjà occupé des canons. Je pense que je trouverai 
        tout ce qu'il faudra; il y en a même ici; mais l'affaire ne sera 
        réglée que lorsque j'aurai pu me rendre à Mogador 
        (Actuellement Essaouira.). . Catroux 
        est en toutes choses un camarade et un ami parfait, il vous envoie son 
        bon souvenir... Affectueusement toujours: François ".
 
 Le 12 janvier 1932, de Zagora, François écrit à Doury 
        : " En passant à Mogador, j'ai amorcé la question 
        des canons. Il y en a 28, magnifiques. Je crois que nous pourrions en 
        avoir 6; ce sera lourd à transporter! ". Le 22 janvier 
        1932, François écrit à Doury: " Mon cher 
        ami, je viens de rentrer de Marrakech... et j'y trouve des documents qu'il 
        est urgent de vous envoyer: 1) Envoi du colonel Besnard des troupes coloniales... 
        papiers relatifs au renvoi à Alger de ce que nous avions prêté 
        à l'Exposition coloniale... j'espère que tout va bien à 
        notre Musée et que votre santé est bonne. Bien affectueusement 
        à vous. François ".
 
 Le général de Loustal qui commande le territoire autonome 
        du Tadla, écrit à Doury le 22 septembre 1931: " 
        Mon cher ami, vous n'avez pas à m'appeler mon général. 
        Je suis toujours le lieutenant du capitaine Doury de la compagnie saharienne 
        de Béchar et j'ai été bien content de voir qu'il 
        ne m'avait pas oublié... aussitôt que je pourrai souffler 
        à mon retour à Tadla, je vous enverrai tous les documents 
        et cartes qui pourront vous servir à faire le point actuel et avec 
        plaisir, car dans le sud on marche encore sur vos traces. Il est bien 
        dommage que vous ayez quitté l'armée prématurément. 
        Le patron ( Le maréchal Lyautey. 
        des unités qui avaient formé, depuis 1830, cette Armée 
        d'Afrique.) a été trompé par votre entourage 
        qui vous jalousait et ne vous aimait pas. Dans l'armée, il y a 
        toute une clique " d'avancitards " qui ne pensent qu'à 
        débiner les camarades et qui racontent des bobards. Vous en avez 
        été victime comme je le suis moi- même. Vous connaissez 
        l'histoire de l'anglais qui venait tous les jours à la ménagerie 
        pour voir manger le dompteur. Vous recevrez mon paquet dans un mois environ. 
        Bien affectueusement: Loustal ".
 
 Ainsi, avec le concours de nombre de personnalités, le colonel 
        Doury qui avait une vaste culture et la passion d'un véritable 
        collectionneur méticuleux, a rassemblé progressivement un 
        à un, un nombre impressionnant d'objets, d'uniformes, d'armes de 
        tous types et de toutes les époques, notamment deux vieux canons 
        authentiques, le " Bautzen " et le " Louvois "; les 
        bureaux de Bugeaud et de Mac-Mahon; des aquarelles de Gobaut; les maquettes 
        de tous les monuments élevés par la Légion dans les 
        Territoires du Sud (entre autres celui du général Clavery, 
        victime du guet-apens d'Arlal, dans le sud-oranais en 1928); le fanion 
        que le général Laperrine devait apporter à l'Aménokal 
        du Hoggar, Moussag Amastane, et qu'on a retrouvé dans son avion 
        qui s'est écrasé au sol dans le sud du Hoggar, en 1920; 
        les peintures, les souvenirs divers provenant des unités qui avaient 
        formé, depuis 1830, cette Armée d'Afrique.
 
 Parmi ces objets, il faut faire une place particulière à 
        la magnifique reconstitution des uniformes du corps de débarquement, 
        et aussi à la hampe du fanion d'Abd el-Kader, la casquette du " 
        père Bugeaud ", son képi de maréchal à 
        douze galons, la croix du fameux capitaine du génie Boutin, celle 
        de Beunon, l'illustre soldat qui a planté, le premier, le drapeau 
        de la France à Sidi Ferruch; l'uniforme de Franchet d'Esperey quand 
        il était lieutenant de Tirailleurs à Blida... des autographes 
        de Bugeaud, la timbale de campagne du duc d'Aumale...
 
 Ce musée avait d'abord été installé dans la 
        vieille Casbah d'Alger, avec deux larges pièces, la première 
        (l'ancienne poudrière), consacrée aux chefs indigènes, 
        à l'Armée d'Afrique et à la colonisation, la seconde 
        (qui a pris la place d'une ancienne mosquée), dévolue à 
        tous les souvenirs du corps de débarquement de 1830...
 
 En avril 1946, le " musée Maréchal Franchet d'Esperey 
        ", de l'ancienne poudrière, est transféré dans 
        le palais du Dey; les collections sont réparties dans le patio 
        et le premier étage. Le patio comprend les salles des Tirailleurs 
        algériens, des Zouaves, de la Légion étrangère, 
        des Chasseurs d'Afrique, de l'artillerie. Le premier étage comporte 
        les salles de l'Armée d'Afrique, de l'aviation, des Territoires 
        du Sud, du Service de Santé, de la Marine, des Spahis et des chefs 
        indigènes. La rotonde abrite les tableaux représentant les 
        anciennes villes d'Algérie, des stands de la colonisation et celui 
        réservé au sergent Blandan. Enfin, dans l'ancienne mosquée, 
        figurent les collections du corps de débarquement de 1830, les 
        reliques du maréchal Bugeaud et les maquettes d'Alger, du Fort 
        l'Empereur et de la Casbah de 1830.
 
 J'ai eu le bonheur de visiter ce musée, pour la première 
        fois en 1951. Quelle n'a pas été ma surprise, à mon 
        arrivée de découvrir une vitrine consacrée au créateur 
        de ce musée, le colonel Doury, avec l'inscription suivante : " 
        Un héros saharien: le lieutenant-colonel Doury ". Cette 
        vitrine contenait quelques objets, documents et souvenirs du colonel Doury, 
        notamment son sabre, ses épaulettes de commandant, une série 
        de photographies, dont une le représentant à cheval aux 
        côtés des généraux Lyautey et Poeymirau, prise 
        lors de la fameuse jonction sur la Moulouya le 12 octobre 1917 entre les 
        troupes du Maroc occidental (le Groupe Mobile de Meknès de Poeymirau) 
        et celles du sud du Maroc oriental (le Groupe Mobile de Bou Denib de Doury), 
        après avoir coupé en deux le bloc berbère à 
        travers l'Atlas. Ce musée était, jusqu'en 1962, un véritable 
        reliquaire dont le trésor s'accroissait chaque jour par des dons 
        gracieux ou par des achats du meilleur goût ( Fonds 
        Archives Doury.).
 La fin du musée 
        Maréchal Franchet d'Esperey En 1962, au moment de l'indépendance de l'Algérie, 
        je me suis inquiété de savoir ce qu'il advenait de ce musée 
        auquel m'attachaient des liens affectifs si particulièrement forts.
 C'est ainsi que je fus servi par le hasard. Un historien militaire, le 
        général Regnault était alors hospitalisé au 
        Val de Grâce dans le service de médecine interne où 
        j'étais médecin capitaine, assistant du chef de service. 
        Lorsque l'état du malade fut meilleur et qu'il était hors 
        de danger, apprenant qu'il était historien militaire, je pensai 
        qu'il devait être intéressé par le devenir de ce musée 
        de l'Armée d'Afrique. Je lui demande donc ce que ce musée 
        est devenu après l'indépendance qui vient d'être accordée 
        à l'Algérie, et ce que sont devenus, notamment les objets 
        et souvenirs de mon grand-père. Le 6 août 1962, il m'écrit 
        de Saint-Malo où il était parti en convalescence : " 
        Mon cher Docteur, mais assez parlé de moi. C'est seulement à 
        l'instant que me parvient une lettre de M. Brunon ( Jean 
        Brunon était conservateur du musée de l'Empéri (annexe 
        du musée de l'Armée aux Invalides). 8 - Le général 
        Henry Blanc était alors directeur du musée de l'Armée 
        des Invalides.)Voici ce qu'il m'écrit sur le Musée 
        Franchet d'Esperey. Il n'a pu obtenir du général Blanc (Le 
        général Henry Blanc était alors directeur du musée 
        de l'Armée des Invalides.) jusqu'ici, l'inventaire des neuf 
        caisses arrivées. Un général a dit en juillet que 
        le buste de Bugeaud et quinze drapeaux étaient dedans. L'officier 
        en charge de l'évacuation, a reçu au début du mois 
        dernier l'ordre d'évacuer tout ce qui restait dans le Musée, 
        avant le 13 juillet, le quartier d'Orléans devant être livré 
        à l'ALN ( ALN: Armée de Libération 
        Nationale du FLN.) à cette date. D'où déménagement 
        hâtif sur Maison 
        Carrée, impossible de tout emporter, d'où destruction, 
        brûlement et immersion. Cet officier assure qu'il a fait un triage 
        sérieux et entendu et qu'il n'a rien détruit d'important. 
        Sa bonne volonté était, me dit-on, aussi grande que son 
        incompétence. Tout est donc à craindre. Si les décorations 
        et souvenirs de votre père (Il s'agit 
        en fait de mon grand-père)  étaient rassemblés 
        à part, ce que je pense, cela a dû le frapper et il a dû 
        les prendre. Mais que sera-t-il advenu des papiers d'archives; historiquement 
        les plus précieux. Un nouveau désastre parmi tant d'autres. 
        Brunon a recueilli un tract fellagha rempli d'injures contre la France 
        et nous promettant de revenir à Poitiers et d'y être vainqueurs 
        cette fois ! Si l'on a sauvé la statue du duc d'Orléans 
        et de Bugeaud, voici celle de Jeanne d'Arc renversée et décapitée... 
        Mais le bourgeois Figaro ne le mentionne pas ! Les Français, d'ailleurs 
        s'en fichent et la télévision leur suffit. Il me faut quitter 
        ce sujet; je risque de piquer des crises cardiaques si je discute de ce 
        sujet. Cela m'est arrivé depuis ma sortie du Val ( Val 
        : pour " l'hôpital d'instruction des Armées du Val de 
        Grâce "), en constatant l'ignorance de mon interlocuteur 
        qui estime que les accords d'Evian nous ont donné toutes les garanties 
        voulues ! De dégoût pour l'Histoire contemporaine, je me 
        suis rejeté sur l'Histoire ancienne... Je vous exprime mon cher 
        Docteur, mes sentiments reconnaissants et amicaux: Jean Regnault ".
 
 Le 9 octobre 1962, le général Henry Blanc m'écrit 
        la lettre suivante : " Mon cher capitaine, parmi les objets que 
        nous venons de recevoir du musée Maréchal Franchet d'Esperey, 
        il y a un sabre ayant appartenu au colonel Doury, votre grand-père. 
        Il est dans le bureau de Mlle Vaginay qui se fera un plaisir de vous le 
        montrer. Je serai très heureux, à cette occasion, de vous 
        faire visiter quelques-unes de nos salles et de vous montrer ce musée 
        qui est un des plus beaux des musées militaires du monde. Je vous 
        assure, mon cher capitaine, de mes sentiments les meilleurs et très 
        fidèles: général Henry Blanc, directeur du musée 
        ".
 
 De 1969 à 1987, un certain nombre d'objets, de tableaux, ayant 
        appartenu au musée Franchet d'Esperey d'Alger ont été 
        confiés, en dépôt au Musée saharien installé 
        à l'abbaye de Sénanque, dans le Vaucluse que ses moines 
        cisterciens avaient dû quitter. Mais, en 1987, les moines ont voulu 
        réintégrer leur magnifique abbaye remarquablement restaurée 
        grâce à la générosité de Paul Berliet. 
        En 1987, le musée saharien a dû être évacué, 
        notamment la salle saharienne de " La Rahla, Amicale des Sahariens 
        " qui contenait des objets et tableaux provenant du musée 
        Maréchal Franchet d'Esperey d'Alger et confiés par le musée 
        de l'Armée des Invalides. Ces objets furent entreposés, 
        avec ceux appartenant à " La Rahla, Amicale des Sahariens 
        ", grâce à la générosité de Raoul 
        Brunon, au château de l'Empéri à Salon-de-Provence 
        où les collections du fameux musée d'art et d'histoire militaire 
        " Raoul et Jean Brunon ", le plus grand musée privé 
        de France étaient exposées depuis 1967 ( Les 
        magnifiques " Collections Raoul et Jean Brunon " exposées 
        à Marseille de 1900 à 1967, ont été acquises, 
        avec l'aide de l'Etat en 1967, par le musée de l'Armée aux 
        Invalides, et la ville de Salon-de- Provence, grâce à son 
        sénateur-maire, qui s'engagea à les prendre en charge, et 
        à créer un musée dans le château forteresse 
        de l'Empéri qui domine la cité.).
 
 En 1999, les collections de " La Rahla-Amicale des Sahariens " 
        ont pu être de nouveau exposées dans une salle de 150 m2, 
        au musée de l'Infanterie de Montpellier.
 
 Depuis leur rapatriement, les collections du musée Maréchal 
        Franchet d'Esperey d'Alger ont ainsi été ventilées, 
        dans les établissements suivants: musée de l'Armée, 
        musée de la Marine, musée de l'Air, École Polytechnique, 
        École spéciale militaire de Saint-Cyr Coëtquidan, École 
        de l'arme blindée cavalerie de Saumur, École du matériel 
        de Fontainebleau, École de l'artillerie de Châlons-sur-Marne, 
        École des sous-officiers de Saint-Maixent, École du train 
        de Tours, École du génie d'Angers, École de gendarmerie 
        de Melun, École du service de santé du Val-de-Grâce, 
        École de l'infanterie de Montpellier, École des transmissions 
        de Montargis, Service historique de la Défense à Vincennes, 
        Association " La Rahla, Amicale des Sahariens ", Légion 
        étrangère à Aubagne (Nous 
        devons ces renseignements sur la destination finale des collections du 
        musée Franchet d'Esperey d'Alger, grâce à l'amabilité 
        de M" Chard Hutchinson, du musée de l'Armée aux Invalides, 
        à qui nous exprimons notre très vive reconnaissance pour 
        le chaleureux accueil qu'elle nous a réservé.)
 
 Ainsi finit l'histoire glorieuse, puis tragique de ce " musée 
        Maréchal Franchet d'Esperey " de l'Armée d'Afrique, 
        dont les restes sont entreposés dans les réserves du musée 
        de l'Armée aux Invalides et dans de multiples institutions et organismes, 
        en attendant qu'un jour, peut-être, lorsque la France aura fini 
        d'avoir honte de son passé et notamment d'un épisode pourtant 
        parmi les plus glorieux de son histoire et de passer son temps à 
        demander pardon pour une oeuvre humaine dont certains voudraient nous 
        faire croire qu'elle a été entièrement négative, 
        ce musée renaisse comme " Phoenix " de ses cendres et 
        que ses collections soient de nouveau visibles pour un public qui redécouvrira 
        cette part glorieuse de l'histoire de France injustement décriée 
        et oubliée. Rappelons ce que déclarait le maréchal 
        Lyautey aux Journées médicales de Bruxelles en 1926: " 
        Si l'expansion coloniale n'est ni sans reproches ni sans tares, c'est 
        l'action du médecin comprise comme une mission et un apostolat 
        qui l'ennoblie et la justifie ". Or cette action du médecin 
        ne peut être efficace que si le " territoire " en cause 
        a d'abord été pacifié et organisé par l'action 
        politique, économique et éventuellement militaire si nécessaire.
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