| V ----------QUAND 
        on cumule les dons proclamés sur le forum d'Alger le 13 mai 1958 
        avec ce qui fut précédemment accordé par la loi française, 
        on s'aperçoit qu'en définitive il ne reste plus grand-chose 
        à donner à l'Algérie car tout, ou presque, a déjà 
        été octroyé au comptant ou à terme et dans 
        tous les sens.----------Cette 
        quantité d'engagements généreux eût dû 
        permettre les transitions sociales et politiques répondant à 
        l'évolution progressive des individus.
 ----------Il 
        en fut différemment car en Algérie ceux qui, ayant une vision 
        lucide des risques qui menaçaient l'équilibre des collectivités 
        algériennes, prétendaient dans le passé vouloir les 
        prévenir ont été pulvérisés par des 
        forces puissantes, hostiles à tout changement. Et quand la loi 
        a tenté d'imposer des remèdes pour éviter l'irréparable, 
        ces mêmes forces ont agi pour que la loi ne soit pas respectée, 
        se rendant de la sorte complices, sous le stupide prétexte de gagner 
        du temps, de ceux qui précisément souhaitaient que ce temps 
        soit perdu pour la France.
 ----------Ainsi 
        a été ouvert le cimetière des " occasions 
        manquées " vers lequel on nous conduit pour méditer, 
        chaque fois que nous tentons de renouer les fils fragiles de la confiance.
 *** ----------Première 
        occasion manquée : le projet Blum-Violette.----------De 
        ceux qui ont eu une claire vision des choses et ont tenté d'assurer 
        une évolution politique paisible et harmonieuse en Algérie, 
        la première place, à notre époque, revient à 
        MAURICE VIOLETTE, ancien gouverneur général de l'Algérie.
 ----------Dans 
        l'avant-propos de ses notes intitulées L'Algérie vivra-t-elle? 
        que beaucoup de Français d'Algérie ont, depuis lors, lues 
        et méditées non sans mélancolie, M. Violette posait 
        le problème tel qu'il se présentait dans l'euphorie du centenaire 
        de 1830.
 ----------Je 
        crois qu'au lendemain même du Centenaire, le moment est venu de 
        dire les choses nécessaires. De solennelles promesses ont été 
        faites et n'ont pas été tenues.Personne ne s'en soucie désormais et il semble que ceux qui ont 
        assisté aux fêtes, enthousiasmés par la féerie 
        algérienne, ne conçoivent même pas qu'il puisse y 
        avoir une question algérienne.
 ----------On 
        a vu longtemps, en France, la Russie à travers Michel Strogoff 
        ; la plupart de nos compatriotes ne voient l'Algérie qu'à 
        travers le splendide défilé du 14 Juillet ou la grande revue 
        d'Alger.
 ----------Je demande la permission de troubler 
        cette quiétude mortelle et de rappeler que se posent de l'autre 
        côté de la Méditerranée des problèmes 
        fort graves et fort difficiles. Il est périlleux de se laisser 
        envahir par un optimisme né tout à la fois du pittoresque 
        de la nature, des moeurs et du costume, du beau ciel et d'un effort de 
        colonisation vraiment extraordinaire.
 
 ----------Maurice 
        Violette préconisait une politique d'assimilation progressive et 
        harmonieuse qui, moins coûteuse et moins brutale que " l'intégration 
        " récemment proposée, la préfigurait, mais en 
        tenant compte cette fois des réalités juridiques et financières, 
        ainsi que d'un échelonnement. Son projet, violemment combattu par 
        les mêmes qui aujourd'hui en Algérie se campent en champions 
        de l'intégration totale et immédiate, fut jeté aux 
        orties non sans que son auteur ait été assailli d'injures.
 ----------Je 
        revis encore comme un souvenir de jeunesse les manifestations hostiles 
        dont M. Violette fut l'objet sur un parcours où moi-même, 
        vingt ans après, je devais connaître les mêmes, pour 
        des raisons inspirées de sentiments identiques.
 ----------Évoquant, 
        le 21 août 1947, le projet Blum-Violette à 
        l'occasion des débats sur un statut de l'Algérie combien 
        plus coûteux, le ministre de l'Intérieur, M. Depreux, traduisant 
        les regrets tardifs de beaucoup d'Algériens, devait le qualifier 
        à juste titre de " magnifique occasion manquée. 
        "
 ----------Certes, 
        elle l'était...
 *** ----------Deuxième 
        occasion manquée : le Statut de l'Algérie.----------Cette 
        tentative intelligente sottement écartée, vint la guerre. 
        Fidèles au combat, les musulmans algériens se montraient 
        solidaires des Français d'origine dans le malheur de la patrie. 
        Mais les idéologies et la confusion profondes qui boule-versaient 
        le monde allaient fatalement avoir leur répercussion en Algérie.
 ----------Le 
        10 août 1941, Ferhat Abbas, l'actuel président du " 
        Gouvernement " provisoire algérien au Caire, adressait au 
        maréchal Pétain, au nom des " jeunes Algériens, 
        fellahs, ouvriers et anciens militaires ", un rapport dont l'esprit 
        s'exprimait en ces termes :
 ----------" 
        Ils (les musulmans) font le serment de militer et d'agir en toutes circonstances 
        par tous les temps et sous tous les régimes jusqu'à ce que 
        la loi, en Algérie, soit la même pour tous et les privilèges 
        abolis. "
 ----------Reprenant 
        l'esprit de ce texte, le Io février 1943,
 au lendemain du débarquement allié, Ferhat Abbas et quelques 
        personnalités musulmanes signaient le " Manifeste du peuple 
        algérien " qui, le 31 mars 1943, était remis au gouverneur 
        général Peyrouton. Ce document réclamait en substance 
        :
 ----------a) 
        La condamnation et l'abolition de la colonisation, 
        c'est-à-dire de l'annexion et de l'exploitation d'un peuple par 
        un autre peuple. Cette colonisation n'est qu'une forme collective de l'esclavage 
        individuel de l'antiquité et du servage du Moyen Age. Elle est, 
        en outre, une des causes principales des rivalités et des conflagrations 
        entre les grandes puissances.
 ----------b) 
        L'application pour tous les pays, petits et grands, du droit des peuples 
        à disposer d'eux-mêmes;
 ----------c) 
        La dotation à l'Algérie d'une Constitution propre, garantissant 
        :
 ----------1°/ 
        La liberté et l'égalité absolue de tous ses habitants, 
        sans distinction de race ni de religion.
 ----------2°/ 
        La suppression de la propriété féodale par une grande 
        réforme agraire et le droit au bien-être de l'immense prolétariat 
        agricole.
 ----------3°/ 
        La reconnaissance de la langue arabe comme langue officielle au même 
        titre que la langue française.
 ----------4°/ 
        La liberté de la presse et le droit d'association.
 ----------5° 
        L'instruction gratuite et obligatoire pour les enfants des deux sexes.
 ----------6°/ 
        La liberté du culte pour tous les habitants et l'application à 
        toutes les religions du principe de la séparation de l'Église 
        et de l'État.
 ----------d) 
        La participation immédiate et effective des musulmans algériens 
        au gouvernement de leur pays.
 ----------Ce 
        gouvernement pourra seul réaliser dans un climat d'unité 
        morale parfaite la participation du peuple algérien à la 
        lutte commune ;
 ----------e) 
        La libération de tous les condamnés et internés politiques 
        à quelque parti qu'ils appartiennent.
 ----------La 
        garantie et la réalisation de ces cinq points assurera l'entière 
        et sincère adhésion de l'Algérie musulmane à 
        la lutte pour le triomphe du droit et de la liberté. "
 
 ----------Quelques 
        mois plus tard, le II décembre 1943, avec le souci louable de ne 
        pas méconnaître ni rejeter à priori ces revendications, 
        le Comité français de la Libération nationale siégeant 
        à Alger sous l'autorité du général DE GAULLE, 
        considérant que " la politique de 
        la France à l'égard des Français musulmans d'Algérie 
        devait tendre de façon continue et progressive à élever 
        leur condition politique, sociale et économique au niveau de celle 
        des Français non musulmans "
 ----------estima 
        entre autres choses nécessaire :
 ----------a) 
        de conférer aux élites musulmanes, 
        sans plus
 attendre et sans abandon du statut personnel coranique, la citoyenneté 
        française;
 ----------b) 
        d'augmenter la représentation des musulmans
 dans les assemblées délibérantes algériennes 
        et d'élargir le droit de suffrage des musulmans.
 ----------Pour 
        la réalisation de ces décisions, une commission dite des 
        réformes était créée. Nombre de personnalités 
        politiques d'origine européenne ou musulmane y furent entendues.
 
 ----------Cette 
        commission consulta entre autres les leaders communistes FAYET et AMAR 
        OUZEGANE; le chef des Oulémas, cheikh BRAHIMI B'cHIR; le chef du 
        Mouvement national algérien, MESSALI HADJ, et FERHAT ABBAS accompagné 
        de SAYAH ABDELKADER.
 ----------En 
        conclusion des auditions et travaux de cette " Table ronde de toutes 
        les opinions ", le général DE GAULLE promulguait l'ordonnance 
        du 7 mars 1944 que M. PLEVEN devait à juste titre définir 
        " l'acte le plus audacieusement révolutionnaire 
        dans les rapports franco-algériens depuis un demi-siècle. 
        "
 ----------Il 
        l'était en effet, non seulement parce que les Français musulmans 
        allaient jouir de tous les droits et être soumis à tous les 
        devoirs des Français non musulmans, mais surtout parce qu'il ordonnait 
        que cela soit fait sans abandon de leur propre statut coranique dont le 
        contenu est parfois en opposition avec les principes mêmes de notre 
        droit.
 ----------Jugeant 
        sévèrement l'ordonnance du général DE GAULLE, 
        le professeur Jacques Lambert écrivait :
 ----------" 
        Avec ce texte se clôt humblement l'histoire 
        d'une grande prétention; ce n'est pas l'Islam qui est venu à 
        la citoyenneté française, c'est elle qui s'est pliée 
        jusqu'à lui.
 Pour pouvoir dire qu'elle a fait sa conquête, elle est passée 
        par toutes ses volontés jusqu'à s'infliger à elle-même 
        le désaveu le plus total car on croyait que la citoyenneté 
        française, c'était un faisceau de droits et de devoirs uniformes 
        et cohérents. Ce n'est plus vrai aujourd'hui et quand, par exemple, 
        une étrangère épousera un citoyen français, 
        elle ne sera jamais sûre de ne pas devenir très légalement 
        sa quatrième femme. "
 ----------A 
        noter en passant que ce droit acquis de pouvoir conserver le Statut coranique 
        tout en devenant citoyen français a été confirmé 
        par le Statut de 1947 et récemment encore sur le forum d'Alger 
        où nulle réserve ni condition n'a accompagné l'affirmation 
        renouvelée que les musulmans sont des " Français à 
        part entière ".
 ----------L'ordonnance 
        du 7 mars 1944 constituait aussi
 une promotion électorale en permettant aux musulmans répondant 
        à certains critères de mérite ou d'évolution 
        d'abandonner leur collège et de se faire inscrire dans le collège 
        purement français.
 ----------Ce 
        système ouvrait la porte à une invasion progressive du Ier 
        Collège (Collège européen) et conduisait inéluctablement, 
        avec le temps, au collège unique dont il était en quelque 
        sorte l'expression à terme.
 ----------Pour 
        cette raison, la remise en cause de l'ordonnance de Gaulle allait faire 
        l'objet de discussions passionnées au cours des débats du 
        Statut de l'Algérie, en 1947, comme portant en soi les germes condamnés 
        à l'époque, du collège unique, et valoir entre temps 
        au général DE GAULLE une très sérieuse impopularité 
        chez les Européens d'Algérie, comme lui avaient valu en 
        leur temps ses déclarations de Brazzaville.
 ----------Une 
        fois décidées, ces réformes d'une excep?
 tionnelle importance, qui devaient engager le Parlement sitôt les 
        hostilités terminées et les institutions républicaines 
        rétablies, la révolte du Constantinois survint soudain, 
        tel un tragique coup de gong du destin. Des villages entiers d'Européens 
        sauvagement massacrés par surprise, des douars nombreux anéantis 
        en représailles, visions de carnage frappant les deux collectivités 
        algériennes et dont le souvenir n'a cessé, jusqu'en novembre 
        1954, d'hypothéquer lourdement leurs rapports.
 ----------Si 
        les causes de cette révolte n'ont jamais été complètement 
        éclaircies, il faut néanmoins retenir du rapport de la Commission 
        d'enquête signé par le général TUBERT, l'avocat 
        général LABATTUT et le cadi TALEB CHOAIB, cette conclusion 
        qui constituait un avertissement dont par la suite il ne fut pas tenu 
        compte
 ----------" 
        Les manifestations du 8 mai à Sétif avaient un caractère 
        politique et tendaient à réclamer la libération de 
        Messali Hadj et l'indépendance de l'Algérie.----------La 
        Commission croit, en terminant, de son devoir de signaler la psychose 
        de peur qui déferle sur l'Algérie et qui étreint 
        tous les milieux colons comme la psychose de mécontentement et 
        de suspicion qui agite les masses musulmanes. Il est nécessaire 
        de rassurer les uns et les autres puisque tous doivent vivre côte 
        à côte dans le même pays.
 ----------Il 
        semble urgent de disposer de moyens suffisants pour assurer l'ordre dans 
        la légalité. La présence de troupes mobiles doit 
        ramener la confiance et empêcher la formation de groupes armés 
        échappant à tout contrôle. Il semble aussi qu'il faille 
        sans tarder définir avec netteté et sincérité 
        les programmes poli-tiques et économiques que les pouvoirs publics 
        décideront d'appliquer à l'Algérie. "
 
 ----------Abstraction 
        faite du crime dont ils portent la responsabilité pour les massacres 
        en chaîne que cette journée fatale a provoqué, les 
        instigateurs du 8 mai 1945 ont commis une faute politique dont on ne saura 
        jamais si elle fut consciente ou inconsciente. Mais au lendemain du geste 
        d'un libéralisme révolutionnaire accompli par le général 
        DE GAULLE et à la veille de la discussion d'un statut nouveau, 
        sous le gouvernement général de M. CHATAIGNEAU, un climat 
        d'entente loyale eût pu et dû s'établir en Algérie.
 ----------Le 
        8 mai 1945 compromit tout : la collectivité européenne se 
        replia sur la défensive; la collectivité musulmane en fit 
        autant. Le fossé était creusé.
 
 ----------Cet 
        exemple n'est pas le seul en Algérie et quand des hommes de bonne 
        foi, au risque de se voir condamnés par leur propre collectivité, 
        tentent de renouer les liens fragiles de la confiance et de la coopération, 
        tout leur est soudain rendu impossible. Survient le crime : persévérer 
        alors dans leur entreprise de conciliation fait suspecter ces hommes de 
        pactiser avec l'assassin, qui n'est plus à cet instant celui qui 
        tue, mais la collectivité tout entière à laquelle 
        il appartient, jugée injustement comme complice et consentante.
 ----------Tel 
        fut le destin du gouverneur général Châtaigneau, qui 
        administra l'Algérie dans une de ses périodes de fièvre 
        intense où la passion se prit à commander injustement.
 ----------Pour 
        avoir été de ceux qui l'attaquèrent et le condamnèrent, 
        je crois honnête, après avoir jugé avec le recul du 
        temps, de confesser aujourd'hui mon erreur. Yves Châtaigneau avait 
        vu juste et l'avenir lui aura donné raison. L'eussions-nous écouté 
        et suivi plutôt que de l'accabler et de le chasser, bien des deuils 
        et des souffrances auraient été épargnés à 
        l'Algérie; l'addition finale en tout cas eût été 
        moins lourde.
 ----------Dressant 
        l'Algérie européenne contre le gouverneur Châtaigneau, 
        les événements du 8 mai marqueront de " l'esprit d'abandon 
        " tout ce qu'il va tenter d'entreprendre. Quoi qu'il dît ou 
        qu'il préconisât n'eut plus d'importance. Aussi pures que 
        fussent ses intentions, le fait même qu'elles étaient siennes 
        les rendaient suspectes à priori ou mauvaises à la masse 
        européenne et ce fut dans ce climat passionnel qu'on entreprit 
        de discuter le Statut de l'Algérie.
 ----------Lire 
        le préambule du Statut, c'est en déceler l'esprit.
 ----------Dans 
        la ligne de l'ordonnance du 7 mars 1944, elle-même imprégnée 
        de l'esprit de Brazzaville, et respectant la personnalité islamique, 
        ce texte rompait définitivement avec l'esprit colonial, ouvrait 
        la voie à une politique d'association qui conduirait un jour ou 
        l'autre la solution fédérale sans qu' on osât l'avouer 
        toutes les structures étaient mises en place a cette fin,
 
 ----------Le 
        préambule ne déclarait-il pas que le projet répondait 
        au désir de " donner à l'Algérie 
        plus d'autonomie dans la gestion de ses affaires, permettre à l'élément 
        musulman de participer de façon plus large à cette gestion, 
        respecter ainsi l'originalité de ce pays, ses modes de pensée, 
        ses réactions sentimentales ou religieuses, son style de vie, sa 
        personnalité en un mot... "
 ----------Les 
        discussions devant la commission de l'Intérieur comme le contenu 
        des débats devaient confisnier son caractère qu'on pourrait 
        qualifier de " progressiste " Si ce terme, du fait des communistes, 
        n'était depuis quelque temps devenu suspect.
 ----------Le 
        progressisme? mais d'autres, qui n'en furent jamais soupçonnés 
        eussent pu aussi en être taxés.
 ----------Autonomie 
        et reconnaissance de la personnalité algérienne sont des 
        idées et des termes que l'on ne cesse de retrouver depuis des années 
        dans tout ce qui a trait à l'Algérie, comme si invariablement 
        la réalité de la vie et des faits poussaient inéluctablement 
        vers cela.
 ----------Le 
        grand colonial que fut ,JULES FERRY ne disait-il pas dans son rapport 
        devant la Commission des dix-huit qui siégea de 1891 à 1893 
        :
 
        
          | ----------" 
              Assimiler l'Algérie à la métropole, leur donner 
              à toutes deux les mêmes institutions, le même 
              régime législatif et politique, leur assurer les mêmes 
              garanties, les mêmes droits, la même loi, c'est une 
              conception simple et bien faite pour séduire l'esprit français... 
              Elle pèse encore et pèsera toujours sur les esprits 
              qui s'appliqueront à ce vaste problème.----------Elle 
              a inspiré à PRÉVOST-PARADOL une de ses pages 
              les plus émouvantes. Même aujourd'hui, après 
              nombre d'expériences, il faut quelque courage d'esprit pour 
              reconnaître que les lois françaises ne se transplantent 
              pas étourdiment, qu'elles n'ont point la vertu magique de 
              franciser tous les rivages sur lesquels on les importe, que les 
              milieux sociaux résistent et se défendent, et qu'il 
              faut en tout pays que le présent compte grandement avec le 
              passé
 |  --------Et 
        aussi :
        
          | ----------"Les 
              colonies, pas plus que les batailles, ne se commandent de loin, 
              dans les bureaux d'un ministère. Les colonies auraient parfois 
              intérêt à couper le fil télégraphique 
              qui les relie à la métropole... Il faut aux colonies, 
              jeunes ou vieilles, une large part d'autonomie... L'autonomie peut 
              être politique et c'est alors la grand-route de la séparation. 
              Mais elle peut être aussi purement administrative, résider 
              dans une organisation locale puissante, contrôlée de 
              haut par la métropole, mais libre dans ses mouvements, statuant 
              sur place, faisant face aux nécessités continuellement 
              changeantes d'un état de choses en voie de formation, d'un 
              perpétuel avenir.----------L'erreur 
              fondamentale en ce qui touche l'Algérie, celle qui séduisit, 
              au lendemain surtout des événements de 187o, tant 
              d'esprits distingués, animés du patriotisme le plus 
              pur, c'est d'avoir voulu, bon gré mal gré, y voir 
              autre chose qu'une colonie. L'Algérie est une terre française, 
              répétait-on, c'est une France
 d'outre-mer, c'est le " prolongement de la France ". 
              On prit au pied de la lettre cette patriotique métaphore. 
              On en conclut qu'il fallait y porter nos codes et nos magistrats, 
              notre procédure et nos hommes de loi, nos habitudes administratives 
              et nos lois municipales, comme nous y avons installé nos 
              préfets et nos sous-préfets. Cela paraissait logique 
              et sûr, et simple comme l'oeuf de Christophe Colomb, et la 
              génération qui accomplit cette tâche crut avoir 
              assis sur le roc l'avenir de cette France d'outre-mer.
 ----------Le 
              sentiment général qui se dégage (pour votre 
              commission) d'une étude déjà longue et approfondie 
              du problème algérien, est directement contraire. Il 
              nous apparaît avec une grande clarté qu'il n'est peut-être 
              pas une seule de nos institutions, une seule de nos lois du continent 
              qui puisse, sans des modifications profondes, s'accommoder aux 272 
              000 Français, aux 219 000 étrangers et aux 3 267 000 
              indigènes qui peuplent notre empire algérien. Il est 
              temps de comprendre la leçon des choses. Il faut aviser résolu-ment, 
              et sur la voie fausse où nous sommes engagés, non 
              seulement nous arrêter, mais s'il le faut, rebrousser chemin... 
              "
 |  ----------M. JONNART 
        qui, prenant le relais de l'éminent gouverneur général 
        LAFERRIÈRE, devait à son tour devenir gouverneur général 
        de l'Algérie, déclarait lui aussi en janvier 18g6, condamnant 
        la politique dite des rattachements qui n'était qu'une sorte d'intégration 
        avant la lettre : 
        
          | ----------" 
              Il est certain que le système des rattachements présente 
              de sérieux inconvénients. La situation actuelle a 
              pour caractéristique l'éparpillement des responsabilités. 
              Les affaires algériennes sont disséminées dans 
              les bureaux de ministères qui n'ont aucun 
              lien entre eux, aucune vue d'ensemble et qui, passionnés 
              d'uniformité, gouvernent l'Algérie comme un département 
              français. Notre tort a été de calquer les institutions 
              métropolitaines dans un pays si original. " |  ----------Et 
        cet Algérien dont l'Algérie respectera toujours l'immense 
        culture, l'action constructive, et le nom, le président GUSTAVE 
        MERCIER, ne déclarait-il pas en 1920 à propos de la réforme 
        des Délégations financières :
 
        
          |  ----------Ce 
              que nous demandons, c'est le droit de nous administrer nous-mêmes, 
              d'instituer chez nous une sorte de Parlement atténué, 
              contrôlé par un organisme supérieur qui sera 
              le Parlement français, avec comme intermédiaire entre 
              le Parlement et 1' " Assemblée algérienne " 
              le Gouverneur général, organisation qui nous permettra 
              de voter sur place les réglementations qui seront reconnues 
              par nous indispensables, qui répondront aux aspirations du 
              pays dont nous sommes mieux à même que quiconque de 
              connaître les besoins et les nécessités. " |  ----------Enfin, 
        l'un des plus brillants parlementaires algériens de l'époque 
        contemporaine, le président René Mayer n'écrivait-il 
        pas en 1957 : 
        
          | ----------" 
              L'originalité ou la personnalité algérienne 
              est un fait né de la législation de 1900. Elle correspond 
              à une réalité qui a été s'affirmant 
              pendant un demi-siècle, à la nécessité 
              du maintien d'une entité algérienne pour assurer la 
              continuation et l'accélération de l'oeuvre entreprise 
              au triple point de vue : social, économique et culturel. 
              Les intérêts algériens doivent être gérés 
              par les Algériens eux-mêmes, réunis dans leur 
              assemblée ". |  ----------Je n'insisterai 
        pas sur ce qui fut dit et redit si souvent depuis par le président 
        Guy MOLLET quant à la nécessité d'une " transformation 
        profonde des institutions de l'Algérie lui assurant une large autonomie 
        de gestion tout en maintenant des liens avec la métropole ".
 ----------Autonomie 
        et personnalité devaient en fin de compte être une nouvelle 
        fois reconnues par la loi-cadre de février 1958.
 ----------Avec 
        une assemblée élue au suffrage universel, jouissant d'une 
        véritable délégation du pouvoir législatif 
        du Parlement, un conseil de gouverne-ment composé de personnalités 
        représentatives de la population chargé de surveiller et 
        de contrôler le gouverneur général de l'Algérie, 
        une autonomie financière excluant la tutelle du Parlement, le Statut 
        de l'Algérie s'avérait comme un parfait outil pour une transition 
        longue et raisonnable.
 ----------Tendant 
        à donner à l'Algérie une vie politique, le pivot 
        du Statut de 1947 était l'Assemblée algérienne composée 
        de 120 membres élus au double collège, la moitié 
        étant d'origine européenne, l'autre moitié d'origine 
        musulmane.
 ----------Cette 
        assemblée eût pu à l'usage s'avérer comme un 
        excellent moyen de contact où se seraient exprimées, discutées 
        et confrontées librement les opinions les plus diverses, quitte 
        à ce qu'une opposition se manifestât, quitte même à 
        ce qu'elle soit encouragée plutôt que détruite ou 
        muselée.
 ----------Des 
        hommes comme Ferhat Abbas et le docteur Francis, membres élus de 
        l'Assemblée algérienne
 qui sont aujourd'hui le " brain-trust " politique de la rébellion, 
        ont obtenu dans cette assemblée parfois l'adhésion et souvent 
        l'estime de leurs collègues. Des rapports se liaient, des confrontations 
        d'idées s'opéraient qui répondaient au voeu
 formulé par le gouverneur général TH. STEEG quand 
        il déclarait :
 ----------" 
        Il est nécessaire, il est conforme à l'esprit même 
        des assemblées que les points de vue s'affrontent et se défendent, 
        fût-ce avec passion. L'essentiel c'est que ces débats restent 
        pénétrés d'un sentiment inflexible du 
        bien public. "
 ----------Le Statut donnait aussi satisfaction à 
        nombre de desiderata exprimés par les signataires du " Manifeste 
        du peuple algérien" et préparait sans heurt les transitions 
        vers une solution libérale, sinon fédérale. Il suffit 
        en effet de reprendre le titre II de ce document et de le confronter avec 
        le contenu de la loi du 20 septembre 1947 portant Statut de l'Algérie, 
        pour en être convaincu.
 ----------Que 
        réclamaient les " Amis du Manifeste "?
 ----------1°/ 
        Une représentation égale au sein des assemblées élues 
        : les articles 7 et 30 du Statut de l'Algérie accordaient cette 
        égalité dans les deux plus hautes institutions algériennes, 
        le Conseil du gouvernement et l'Assemblée algérienne.
 ----------2°/ 
        L'administration autonome du douar et la transformation 
        des djemaâs en conseils municipaux : l'article 53 du Statut supprimant 
        les communes mixtes, la création d'autre part de centres municipaux 
        et de communes rurales répondait à ce désir.
 ----------3°/ 
        L'accession des musulmans à toutes les fonctions d'autorité 
        et la reconnaissance du principe de la répartition égale 
        de toutes ces fonctions entre Français et musulmans : l'article 
        2 du Statut de l'Algérie comblait ce voeu quand il déclarait 
        que " toutes les fonctions publiques en 
        Algérie sont également accessibles à tous et que 
        les conditions de recrutement, de promotion, d'avancement, etc. s'appliquent 
        à tous sans disti ction de statut personnel ".
 ----------4°/L'abrogation 
        de toutes les lois et mesures d'exception : l'article 
        8 du Statut de l'Algérie l'ordonnait.
 ----------5°/ 
        L'égalité devant l'impôt du sang. 
        L'article 2 du Statut de l'Algérie établissait cette égalité.
 ----------6°/ 
        La création d'un paysannat indigène. 
        La création des secteurs d'amélioration rurale (S.A.R.) 
        pour établir un paysannat indigène ouvrait la voie à 
        cette réforme.
 ----------7°/ 
        La suppression d'un enseignement spécial aux indigènes. 
        La fusion des enseignements devait réaliser cette réforme.
 ----------8°/ 
        La liberté de l'enseignement de la langue arabe. 
        L'article 57 du Statut de l'Algérie pré-voyait que l'enseignement 
        de la langue arabe serait organisé en Algérie à tous 
        les degrés.
 ----------9°/La 
        liberté du culte musulman. Par l'article 
        56 du Statut, la France s'engageait à assurer l'in-dépendance 
        du culte musulman dans les mêmes conditions que tous les autres 
        cultes.
 ----------10° 
        La liberté de la presse dans les deux langues. 
        Cette liberté était reconnue.
 
 ----------En 
        satisfaisant ces desiderata de l'opposition musulmane, l'Algérie 
        s'engageait dans la voie d'un libéralisme intelligent. Aussi, 
        lors du premier Congrès national de l'Union démocratique 
        du manifeste algérien tenu à Sétif les 25, 26 et 
        27 septembre 1948, Ferhat Abbas donnait-il le ton quand il déclarait 
        :
 
         
          | ----------" 
              Sans doute, je ne méconnais pas les difficultés de 
              notre entreprise. Je sais qu'il faudra lutter, lutter chaque jour 
              avec la même foi et la même persévérance. 
              La tâche est lourde. Mais, tout compte fait, pour briser ce 
              cercle qui nous étouffe, il est peut-être PLUS DIFFICILE 
              ET CERTAINEMENT PLUS MÉRITOIRE D'ARRACHER A L'ADVERSAIRE 
              DES ÉCOLES POUR INSTRUIRE NOS ENFANTS, DES CHARRUES POUR 
              LABOURER LA TERRE DE NOS FELLAHS, DES ROUTES POUR PERMETTRE LES 
              COMMUNICATIONS ET LES RELATIONS HUMAINES, DES HOPITAUX POUR RÉGÉNÉRER 
              LA RACE, que de le menacer de je ne sais quels dépôts 
              d'armes et de munitions qui n'ont jamais existé que dans 
              l'imagination maladive de chômeurs enivrés de kif et 
              d'illusions dangereuses.----------C'est 
              dire que nous avons choisi notre route, CELLE DE L'ÉMANCIPATION 
              PAR L'ÉVOLUTION, PAR LA SCIENCE. "
 |  ----------Émancipation 
        et évolution pacifiques : le législateur de 1947 n'avait 
        souhaité que cela. En 1948, l'Algérie avait retrouvé 
        un cap : elle était sur la bonne voie.----------Durant 
        ses trois premières années d'existence, l'Assemblée 
        algérienne se roda. On l'a critiquée comme on critique toutes 
        les assemblées, mais tout compte fait en dépit de quelques 
        crises d'humeur qu'excusait son jeune âge, on devait reconnaître 
        son action utile et constructive.
 ----------Elle 
        aurait pu devenir excellente et asseoir pour de longues années 
        la paix et l'amitié entre les populations si la haute administration 
        algérienne n'était devenue maladroitement de plus en plus 
        envahissante, comme pour reconquérir pas à pas les prérogatives 
        légalement dévolues à l'Assemblée.
 ----------Alors 
        que l'Administration algérienne eût dû demeurer dans 
        son rôle d'exécution des décisions de l'Assemblée 
        algérienne une fois celles-ci homologuées par le pouvoir 
        central, ayant donc force de loi, elle a pesé de tout son poids 
        sur le choix même des délégués dont une partie 
        n'étaient en réalité que ses créatures.
 ----------Ainsi, 
        bonne en soi, la réforme considérable qu'était le 
        Statut et son esprit même s'en trouvaient compromis dans les faits. 
        De là à accuser la France de vouloir retenir d'une main 
        ce qu'elle avait donné de l'autre, il n'y avait qu'un pas, qui 
        fut vite franchi et exploité au détriment de notre pays.
 
 ----------Le 
        renouvellement partiel de l'Assemblée algérienne en 1951 
        devait, par le fait même, être considéré comme 
        un test.
 ----------Dans 
        l'euphorie du calme revenu où les stériles disputes de clans 
        et de personnes avaient repris leur cours invariable, la collectivité 
        européenne ne paraissait pas avoir conscience du danger où 
        la nostalgie agissante du passé la conduisait, ni du réveil 
        douloureux que pouvait lui ménager cette attitude susceptible de 
        faire naître dans la masse musulmane d'amères déceptions.
 ----------Or, 
        il était plus que jamais nécessaire que la masse fût 
        satisfaite, pour la conserver avec soi, car autour d'elle la révolution 
        algérienne naissante tendait ses mailles. En 1950, l'organisation 
        et les hommes que l'on retrouvera lorsque éclatera le ler novembre 
        1954 la rébellion étaient déjà en place et 
        connus.
 * ** ----------L'intermède 
        clandestin ou les prémices de la rébellion.----------Au 
        moment où apparaît ce qui va devenir le Front de libération 
        nationale (F.L.N.) dont l'action meurtrière, depuis quatre ans, 
        cause tant de peines et de soucis à la nation, il est nécessaire 
        de rappeler les étapes de son développement.
 ----------Le 
        23 mars 1956, sous le titre " Les Origines du Mouvement insurrectionnel 
        ", Témoignage Chrétien reproduisait l'essentiel 
        d'une brochure éditée au Caire par le F.L.N. en juillet 
        1955 qui faisait la genèse du drame algérien et donnait 
        un aperçu général du contenu politique de la résistance 
        algérienne.
 ----------En 
        peu de phrases, ce document résume les étapes parcourues 
        et l'esprit du mouvement.
 ----------" 
        1925 : Création en France de l'Étoile nord-africaine.
 ----------1937 
        : Création du P.P.A. (Parti du peuple algérien) succédant 
        à l'Étoile nord-africaine dissoute.
 ----------1939: 
        Dissolution du P.P.A. qui poursuit néanmoins jusqu'en 1947 son 
        activité dans la clandestinité.
 ----------1947 
        : Création du M.T.L.D. (Mouvement pour le triomphe des libertés 
        démocratiques). Crise du M.T.L.D.
 ----------L'année 
        1954 devrait être pour le M.T.L.D. une année de 'crise intérieure 
        à la suite d'un différend qui avait surgi entre le Comité 
        central et Messali Hadj, alors président du M.T.L.D. Cette crise 
        allait provoquer l'éclatement du M.T.L.D. en trois tendances :
 ----------1°/ 
        Une fraction s'est groupée autour de Messali à qui elle 
        remettait les pleins pouvoirs et la présidence à vie tout 
        en prononçant des exclusions à l'encontre de plusieurs dirigeants.
 |  | ----------2° 
        La deuxième fraction rassemblait les partisans du Comité 
        central qui se sont prononcés pour un renforcement du principe 
        de la direction collective et la déchéance de Messali Hadj 
        de toutes ses fonctions.
 ----------3°/Une 
        troisième tendance enfin se constitua autour d'un comité 
        s'appelant " Comité révolutionnaire pour l'unité 
        et l'action " (C.R.U.A.). Ce comité groupait des cadres de 
        l'organisation politique et de l'organisation spéciale (organisation 
        parallèle et para-militaire du M.T.L.D. dont la répression 
        de 1950 à la suite de l'affaire dite du complot avait pour un temps 
        dispersé les membres). Cette troisième tendance se déclarant 
        indépendante des directions messaliste et centraliste visait à 
        recréer à la base l'unité du parti et à engager 
        les militants dans la voie de l'action directe, ce qu'elle fit. Et 
        ce fut le 1er novembre.
 
 ----------Immédiatement 
        après le déclenchement du mouvement insurrectionnel, le 
        C.R.U.A. se transforme en Front de libération nationale qui, dans 
        son premier appel, déclare offrir "la 
        possibilité à tous les patriotes algériens, de toutes 
        les couches sociales, de tous les partis et mouvements purement algériens 
        de s'intégrer dans la lutte de libération sans aucune autre 
        considération. "
 ----------Rapidement 
        le F.L.N. prend une grande extension. En effet la majeure partie des militants 
        et dirigeants de l'ex-M.T.L.D., ceux de la tendance centraliste comme 
        ceux de la tendance messaliste, rejoignent ses rangs et aujourd'hui c'est 
        l'ensemble du peuple algérien, semble-t-il, qui le soutient.
 Le F.L.N. n'est " qu'une nouvelle expression 
        du nationalisme algérien, nationalisme libérateur, démocratique 
        et social ", dont le contenu politique est ainsi résumé 
        par la délégation algérienne :
 
        
          | ----------" 
              Le Front de libération nationale considère qu'une 
              politique énergique de non-coopération avec l'impérialisme 
              et de sabotage de l'économie colonialiste, s'ajoutant à 
              la résistance armée, amènera l'impérialisme 
              français à accepter une solution pacifique du problème 
              algérien sur la base du droit des peuples à l'auto-détermination 
              et à l'indépendance. La solution pacifique, sur la 
              base de ce principe réside dans l'élection d'une Assemblée 
              constituante souveraine, au suffrage universel par tous les habitants 
              sans distinction de race ni de religion.----------Le 
              Front de libération nationale se prononce pour une république 
              algérienne, libre, démocratique et sociale. "
 |  ----------Comme 
        on le voit, le F.L.N. n'est donc pas leproduit d'une génération spontanée.
 ----------Les 
        rapports qui, au printemps de 1950, furent
 envoyés par les préfets d'Algérie à leurs 
        supérieurs sont édifiants et méritent d'être 
        aujourd'hui médités. Ils fixent un point d'histoire et invitent 
        surtout à plus d'objectivité ceux qui, depuis novembre 1954, 
        s'en vont répétant avec ignorance ou mauvaise foi : " 
        Si la rébellion de 1954 avait été
 matée dès le début, on n'en serait pas là. 
        " Avertis comme ils le furent, que n'ont-ils tenu le même raisonnement 
        en 1950 et pourquoi reprocher aux gouvernants de 1954 ce qu'on a pardonné 
        à ceux de 1950 alors qu'il eût été si facile
 en 1950 de prévenir, si l'on avait voulu véritablement gouverner, 
        car en 1950 tout pouvait être redressé par de simples moyens 
        politiques et sociaux.
 ----------Jugeons 
        plutôt d'après les extraits de rapports des préfets 
        à l'époque.
 
         
          | ----------De 
              jour en jour, l'organisation du P.P.A. - M.T.L.D. se révèle 
              dans toute sa minutie et chaque interrogatoire, chaque révélation, 
              ajoutent un chaînon à ce que nous savions déjà. 
              Ce sont les " willaya " d'Alger, de Médéa, 
              de Kabylie, avec leurs " daira ", " Kasma ", 
              sections ou comités locaux, groupes et cellules. Ce sont 
              les formations paramilitaires de l'O.S. (Organisation spéciale) 
              qui, dans une super-clandestinité, forment les sacrifiés 
              du parti, ceux qui, étrangers à la politique pure, 
              ne sont que des pions anonymes que l'on mettra en oeuvre pour les 
              " coups durs " de demain.----------Je 
              me bornerai pour l'instant, écrit le préfet, à 
              souligner ce qui fait le caractère spécial de ces 
              organisations, leur ôte tout aspect licite et démontre 
              que du bas en haut de la hiérarchie du P.P.A.-M.T.L.D., tout 
              est organisé en vue de l'action violente qui, les circonstances 
              venues, permettrait à l'action politique officielle de s'imposer.
 ----------Cette 
              action violente que la formule coranique, chère aux militants 
              P.P.A., " Dieu ne modifiera l'état d'un peuple que lorsque 
              ce peuple aura lui-même travaillé à changer 
              cet état ", laisse déjà entre-voir, est 
              péremptoirement confirmée par certaines déclarations 
              que je me dois de souligner ici :
 ----------Se 
              préparant à l'action violente, le P.P.A. - M.T.L.D. 
              va être tenu d'orienter son organisation vers ce but. Cela 
              implique :
 ----------1°/ 
              Des chefs de secteurs prêts à tout puisqu'ils n'ont 
              plus rien à craindre ou des " durs ". Ils seront 
              des entraîneurs d'hommes de par leur autorité ou la 
              crainte qu'ils inspirent.
 ----------2° 
              Des exécutants inconnus et prêts au sacrifice.
 ----------3° 
              Un armement individuel, des dépôts d'armes, munitions 
              et engins de sabotage. "
 |  --------------------Dans 
        un autre rapport, de la même époque, apparaît la personnalité 
        de BEN BELLAH : 
         
          | ----------" 
              C'est fin 1947, quelques mois avant les élections à 
              l'Assemblée algérienne, que le M.T.L.D. qui se rendait 
              compte de la vanité de ses efforts pour la réalisation 
              de ses objectifs par des moyens légaux décida la création 
              d'une organisation paramilitaire, super-clandestine, qui prit le 
              nom tout d'abord de " groupes de choc ", puis " d'O.S. 
              ".----------" 
              En avril 1948, 1"O.S. " s'étend à tout le 
              département d'Alger; quelques groupes sont constitués 
              en Oranie et dans le Constantinois, et c'est MADJID qui, en qualité 
              de " chef national ", est chargé par le M.T.L.D. 
              de prendre en main tout le dispositif avec les éléments 
              les plus sûrs mis à sa disposition par le parti. "
 |  ----------Et c'est 
        ainsi que Ben Bellah Mohammed ( BEN BELLAH capturé 
        dans l'avion qui le transportait de Rabat à Tunis avec KHmER et 
        trois autres responsables du F.L.N. est actuellement détenu à 
        la prison de la Santé.), conseiller municipal M.T.L.D., 
        et adjoint au maire de Marnia, qui a été libéré 
        de l'armée avec le grade d'adjudant (campagnes de France et d'Italie, 
        médaille militaire, quatre citations) reçoit pour mission 
        d'organiser 1"O.S. " en Oranie, en constituant dans tous les 
        centres des groupes comptant un chef et trois éléments. 
        C'est ce que les dirigeants appelaient l'organisation " quatre-quatre 
        "...----------Il 
        arrivait qu'un chef de l'O.S. fût brusquement rappelé au 
        sein du M.T.L.D. C'est ainsi que Ben Bellah dut abandonner, en avril 1948, 
        la direction de l'O.S. en Oranie pour venir à Alger assumer, auprès 
        du Comité directeur du M.T.L.D., les fonctions de chef de " 
        C.O. " (Comité d'organisation), dont la mission essentielle 
        était d'assurer la liaison entre les " willayas " et 
        la Direction politique.
 En septembre 1949, Madjid étant passé au " berbérisme 
        ", Ben Bellah fut promu " chef national " de l'O.S. Il 
        cumula d'ailleurs pendant trois mois ses nouvelles fonctions avec celles 
        de chef de C.O. Ce n'est qu'en décembre 1949 qu'il abandonna ses 
        fonctions politiques pour se consacrer uniquement à l'organisation 
        paramilitaire.
 ----------Le 
        département d'Alger comprenait alors trois Régions, les 
        départements d'Oran et de Constantine ne comprenaient que deux 
        Régions chacun.
 ----------Ben 
        Bellah supprima ces divisions, de telle sorte que chaque département 
        ne forma plus qu'un seul bloc...
 ----------A 
        la suite de la démission du docteur Lamine-Debaghine, député 
        de Constantine, l'O.S. subit une nouvelle crise qui eut ses répercussions 
        au sein de l'état-major...
 ----------L'organisation 
        générale et de l'état-major démontre bien 
        qu'il s'agit de quelque chose de mûrement réfléchi, 
        d'organisé, avec le plus grand souci de ne rien laisser dans l'ombre, 
        et non comme beaucoup essaient de le faire accroire, sinon d'une invention 
        de services de police trop zélés, du moins d'une affaire 
        anodine montée en épingle pour les besoins de la cause.
 ----------J'insisterai 
        tout particulièrement sur certaines branches du Service général, 
        savoir :
 ----------a) 
        Section des artificiers:
 ----------La 
        création de cette section remonte à fin 1948. A cette époque, 
        le nommé A... M..., qui était chef de la zone Orléansville, 
        fut mis à la disposition de B...-D... qui le nomma chef de la section 
        des artificiers. Il lui enseigna la façon de fabriquer des grenades 
        en prenant des tronçons de tuyaux de fonte, aux extrémités 
        desquels il soudait de la tôle, de manière à obtenir 
        un cylindre clos à la partie supérieure duquel était 
        pratiqué un trou permettant la mise en place d'un allumeur de sa 
        fabrication. Celui-ci consistait en un arrêtoir à ressort 
        qui, une fois libéré par le retrait d'une goupille, venait 
        heurter une capsule de chasse, jouant le rôle d'amorce, et enflammait 
        une mèche lente en contact avec le mélange détonnant.
 ----------Ils 
        essayèrent ainsi de fabriquer des grenades explosives, incendiaires 
        et offensives.
 ----------En 
        juin 1949, B...-D..., Y... M'... et un nommé E.-Z... fondèrent 
        à Alger une société commerciale, la " S.I.R.E.C. 
        " (Société d'importation, de représentation 
        et d'exploitation commerciale) dont le siège social est à 
        Alger, 2, chemin Bobillot.
 ----------Il 
        s'agissait en fait d'une couverture commerciale et rentable, d'une activité 
        subversive bien définie.
 ----------La 
        S.I.R.E.C. devint le lieu de travail - le laboratoire pourrait-on dire 
        - d'A... M..., qui fut chargé, par B...-D..., d'organiser une section 
        d'artificiers pour Alger.
 ----------Cette 
        section devait ensuite avoir des ramifications sur tout le territoire.
 ----------Il 
        était également prévu, pour l'avenir, que la section 
        des artificiers devait prendre le contrôle de tous les dépôts 
        d'armes des groupes paramilitaires.
 ----------Cette 
        extension ne put être réalisée, en raison de l'intervention 
        de la police qui arrêta les principaux dirigeants de cette section.
 ----------Cependant, 
        outre les essais de fabrication de grenades, je dois relever à 
        l'actif de cette section l'établissement de plans de destruction 
        de certains ouvrages d'art, en 
        particulier du pont de l'Harrach à Maison-Carrée.
 ----------La 
        reproduction photographique de certains documents saisis lors de perquisitions 
        est parfaitement édifiante à ce sujet. Je me bornerai à 
        présenter, ci-contre, à titre d'exemple :
 ----------1°/ 
        Les schémas de destruction du pont de l'Harrach.
 ----------2°/ 
        Un document portant liste des charges d'explosifs convenant à la 
        destruction des murs, voûtes, ponts, blindages, câbles, voie 
        ferrée, pièce d'artillerie, bois, charpentes.
 ----------b) 
        Section " transmissions " :
 ----------Elle 
        fut organisée, il y a un an environ, par S...-A... qui. appelé 
        par la suite à d'autres fonctions, désigna A... R... comme 
        chef du groupe " radio-transmissions ". Ce dernier dépendait 
        directement de " MOKRANE ", surnom sous lequel se dissimulait 
        A... M..., chef de la section des artificiers.
 ----------La 
        section " transmissions " était également divisée 
        en groupes et demi-groupes. L'instruction dispensée consistait 
        à apprendre aux hommes l'alphabet Morse et la lecture au son.
 ----------Dans 
        cette section figurent plusieurs spécialistes de la radio, dont 
        l'un, B... M..., employé à l'A.I.A., construisit entièrement 
        un poste émetteur-récepteur, fonctionnant sur moteur.
 ----------Le 
        siège de la section " radio " était situé 
        à Alger, 30, rue Rigodit, dans un magasin qui avait été 
        loué à cet effet par Sid-Ali.
 Il y a environ deux mois, A... R... reçut l'ordre de débarrasser 
        immédiatement le local de tout le matériel qui s'y trouvait 
        et de rendre la clef.
 ----------Le 
        matériel fut dissimulé partie chez BEN AMAR MOULOUD, partie 
        dans un entrepôt du port où il fut saisi par la police.
 ----------c) 
        La section de " complicité " :
 ----------Elle 
        a pour but de créer un réseau de refuges sûrs où 
        les militants recherchés par la police, les " maquisards ", 
        peuvent trouver aide, assistance, hébergement et ravitaillement.
 ----------Ce 
        réseau devait également constituer, en cas
 d'action directe, un lieu de regroupement des forces.
 ----------Dans 
        sa conception première, il ne devait soustraire
 aux recherches de la police que des hommes politiques.
 ----------Mais 
        bien vite, il apparut intéressant aux dirigeants
 du parti d'utiliser les refuges connus pour dissimuler également 
        les maquisards et autres condamnés de droit commun...
 ----------Je 
        veux ici souligner, d'une façon toute particulière, la manière 
        tragique dont vient de s'illustrer l'activité de ce réseau 
        :
 ----------Sur 
        dénonciation d'un des chefs du réseau de " complicité 
        ", la police se rendait, le 28 avril 195o, dans la région 
        de l'Alma, à la ferme du nommé GOUIGAH ALI, membre du réseau 
        de complicité, pour y appréhender deux maquisards kabyles 
        qui y étaient réfugiés.
 ----------Cernés, 
        les bandits réussissaient à s'échapper après 
        avoir ouvert le feu et blessé grièvement l'inspecteur de 
        la Police judiciaire CULLET.
 ----------Ce 
        dernier devait, après avoir subi l'opération de la laparotomie, 
        décéder le 4 mai.
 ----------Cette 
        mort tragique constitue un douloureux témoignage de la " qualité 
        " des individus confiés aux bons soins du réseau de 
        complicité et de leur criminelle détermination.
 
 ----------Organisation 
        locale et hiérarchisation.
 ----------Chaque 
        membre de l'état-major avait des fonctions bien déterminées 
        :
 ----------Le 
        chef national dépend directement du parti. Il est le seul à 
        rendre compte au député KHIDER de l'activité et du 
        développement de l'O.S. A cette fin, il voit le député 
        Khider une fois par mois.
 ----------Le 
        chef national adjoint reçoit des chefs de départe-ment des 
        rapports sur la discipline, le moral, l'arme-ment et l'instruction militaire 
        de leurs groupes et les remet au chef national. En retour, il leur transmet 
        les instructions et les consignes du chef national.
 ----------Chaque 
        chef de département a sous ses ordres plu-sieurs chefs de zone 
        :
 ----------6 
        ou 8, pour Alger;
 ----------1 
        pour Oran;
 ----------4 
        ou 5 pour Constantine.
 ----------Chaque 
        zone comprend un certain nombre de localités, sections, groupes 
        et demi-groupes, comptant en principe deux hommes de base et un chef.
 ----------Chaque 
        groupe recevait périodiquement la visite d'un " contrôleur 
        " qui, masqué sous une cagoule, s'assurait de la bonne marche 
        de l'instruction militaire et transmettait les directives du chef départemental.
 ----------Le 
        groupe était, en outre, doté d'un armement d'instruction 
        : revolver, fusil, mitraillette, grenades, etc.
 La liste figurant dans un précédent rapport, et qu'il convient 
        seulement de compléter par quelques armes nouvellement découvertes, 
        montre bien que le stade de l'organisation purement théorique était 
        dépassé puisque les armes d'instruction étaient en 
        place.
 ----------Je 
        joins en annexe la photographie d'une partie des armes saisies.(note 
        du site : pas trouvé!!!)
 ----------Je 
        dois, par ailleurs, souligner que, les activités para-militaires 
        des groupes étaient complétées par d'autres tâches, 
        telles que le relevé des voies de communication, l'établissement 
        des plans des bâtiments publics et militaires, l'indication des 
        points sensibles des localités, le recensement des moyens de transport, 
        etc.
 ----------C'est, 
        tout simplement, de l'espionnage.
 FONCTIONNEMENT DE L'"O.S. 
        " ----------Quel était, 
        sous la direction de l'état-major, lefonctionnement de l'O.S. et de ses services essentiels?
 Tout d'abord apparaît la préoccupation des dirigeants d'assurer 
        un cloisonnement absolu entre le M.T.L.D. d'une part et l'O.S. d'autre 
        part.
 ----------Seul, 
        le " chef national " avait des rapports avec le parti M.T.L.D. 
        et ses contacts se limitaient à Khider.
 ----------Pour 
        tous les autres membres de l'O.S., il était formellement interdit 
        d'entrer en relations avec quiconque et même de chercher à 
        connaître les dirigeants de l'organisation.
 ----------D'ailleurs, 
        les membres de l'O.S. étaient soumis aux prescriptions impératives 
        d'un " règlement intérieur " que j'estime indispensable 
        de reproduire ici, dans son intégralité.
 
 ----------RÈGLEMENT 
        INTÉRIEUR
 ----------Art. 
        1 : DISCIPLINE. - La discipline faisant la
 force principale des armées, il importe que tout supérieur 
        obtienne de ses subordonnés une obéissance entière 
        et une soumission de tous les instants, que les ordres soient exécutés 
        à la lettre, sans hésitation ni murmure; l'autorité 
        qui les donne en est responsable.
 ----------Art. 
        2 : RECRUTEMENT.
 a) Le recrutement est limité;
 b) L'élément recruté doit remplir les conditions
 suivantes : conviction, discrétion, courage,
 activité, stabilité, capacité physique;
 c) La durée du service est illimitée ;
 d) L'élément recruté doit satisfaire à l'épreuve 
        et prêter serment. Il ne pourra plus quitter l'organisation à 
        sa guise, et s'il le fait, il sera considéré comme déserteur.
 ----------Art. 
        3 : RÉUNIONS.
 a) Les réunions sont obligatoires ainsi que la présence 
        de tous les éléments. Le cloisonnement doit être rigoureusement 
        respecté;
 b) La date et le lieu seront fixés par le chef intéressé;
 c) Le salut aux chefs est obligatoire avant et après les réunions, 
        mais interdit à l'extérieur;
 d) La réunion doit être ouverte et close par un salut national;
 e) Une discipline rigoureuse doit être respectée pendant 
        la réunion et l'ordre du jour doit être épuisé 
        à la lettre.
 ----------Art. 
        4 : CONDUITE. - Tout militant ou chef doit avoir une conduite irréprochable 
        à tous points de vue.----------Art. 
        5 : PERMISSIONS. - Tout élément qui est appelé 
        à quitter sa localité temporairement pour ses affaires personnelles 
        doit demander à son chef une permission en précisant la 
        date, la durée, et le lieu de déplacement, et il ne devra 
        partir que si sa permission est accordée.
 ----------Art. 
        6 : MUTATIONS.
 a) Si l'élément est appelé à quitter définitive-ment 
        sa localité, il doit demander sa mutation à l'endroit où 
        il désire se rendre;
 b) Il ne doit partir que si sa mutation est acceptée;
 c) Les mutations d'unité à unité sont prononcées 
        par l'autorité intéressée.
 
 ----------Art. 
        7 : RÉCOMPENSES. - Les militants sont récompensés 
        selon leur grade :
 a) Par citation à l'ordre pour l'accomplissement d'un acte de courage 
        et de dévoue-ment;
 b) Par félicitations verbales pour leur esprit de discipline et 
        l'ensemble de leurs services;
 c) Par avancement pour leur travail.
 ----------Art. 
        8 : PUNITIONS.
 ----------A. 
        - CLASSIFICATION :
 1°/Fautes simples : absence aux réunions, paresse, mauvaise 
        volonté, négligence dans le service, mauvaise conduite.
 2°/ Fautes graves : indiscipline, désobéissance, acte 
        de faiblesse, défaitisme, faux rapports, et toute faute simple 
        qui se répète trois fois.
 3°/Fautes très graves : trahison, désertion, divulgation 
        de secret à l'ennemi, aux parents, et à tout élément 
        étranger à l'unité élémentaire à 
        laquelle il appartient et toutes fautes graves qui se répètent 
        trois fois.
 ----------B. 
        - DÉTERMINATION :
 1°/Blâme pour les fautes simples.
 2°/ Dégradation et suspension pour les fautes graves (la suspension 
        peut être limitée ou illimitée selon la gravité 
        de la faute).
 3°/ Radiation pour les fautes très graves.
 4°/ Peine capitale :
 a) Pour les fautes très graves, pour la radiation qui pourrait 
        porter atteinte à l'O.S.
 b) L'exécution pourra être immédiate ou prorogée, 
        suivant la décision de l'O.S.
 
 ----------La lecture de ce document dispense d'autres 
        commentaires.
 ----------Je 
        soulignerai cependant d'un double trait les prescriptions concernant la 
        peine capitale avec exécution immédiate ou prorogée 
        de la sentence dont la gravité est extrême.
 ----------Après 
        s'être étendu sur les relations de l'O.S. avec le M.T.L.D. 
        et donné un exemple de l'activité très particulière 
        de l'O.S. le rapport du préfet concluait :
 
         
          | ----------" 
              Je ne voudrais pas terminer ce rapport sans analyser les réactions 
              de l'opinion devant les révélations faites par la 
              presse.----------D'abord 
              abattus et inquiets, les dirigeants du M.T.L.D. ont vite exploité 
              les quelques élargissements d'individus que le magistrat-instructeur 
              n'a pas cru utile de mettre sous mandat de dépôt, comme 
              le résultat des interventions faites à Paris par le 
              député MEZERNA et des pressions de l'O.N.U. sur le 
              Gouvernement.
 ----------La 
              confiance était même revenue puisque le parti allait, 
              disait-on, sortir grandi de cette affaire qui verrait, en définitive, 
              de hauts fonctionnaires sanctionnés...
 ----------Depuis, 
              les articles de presse sur la participation du M.T.L.D. au "hold-up 
              " de la poste d'Oran ont à nouveau semé l'inquiétude 
              dans les rangs du M.T.L.D. et BOUDA AHMED déclarait il y 
              a trois jours à peine que " jamais le parti n'avait 
              subi un tel assaut et qu'ils étaient tous en équilibre 
              sur une lame de couteau ".
 ----------Tel 
              semble être actuellement l'état d'esprit des dirigeants 
              du M.T.L.D. qui, d'une part, s'attendent à être inquiétés, 
              d'autre part sont l'objet des reproches amers de leurs troupes qui 
              ne voient pas encore les interventions de Mezerna et " les 
              pressions de l'O.N.U. " se traduire par des résultats 
              concrets.
 ----------Quant 
              à l'opinion européenne et musulmane en général, 
              elle réprouve les agissements coupables dont elle a connaissance 
              et souhaite vivement voir la paix sociale de l'Algérie demeurer 
              à l'abri des folles entre-prises d'agitateurs antifrançais.
 ----------Je 
              noterai enfin que les protestations des partis dits " progressistes 
              " en tête desquels viennent l'U.D.M.A. et le P.C.A. sont 
              marquées au coin de la prudence...
 ----------Le 
              silence complet observé sur cette affaire par La République 
              Algérienne du vendredi 19 mai est particulièrement 
              révélateur à cet égard.
 ----------La 
              cause est trop mauvaise pour pouvoir être défendue 
              avec conviction. "
 |  ----------La 
        connaissance de ces faits était trop grave et trop amères 
        les perspectives qu'ils préparaient pour que l'opinion n'en soit 
        pas avertie et que des positions soient enfin prises.
 ----------C'est 
        pourquoi le ii avril 1950 dans un article de l'Écho d'Alger sous 
        le titre " Le Feu couve ", j'écrivais :
 ----------" 
        Pourquoi le cacher plus longtemps? De nouveau, le feu couve en Algérie. 
        Attisée par quelque souffle mystérieux, de temps à 
        autre, une flamme jaillit qui éclaire ce qui se trame dans l'ombre. 
        Ainsi découvre-t-on dans le Constantinois un réseau d'organisations 
        paramilitaires armées, instruites, disciplinées, obéissant 
        aux mots d'ordre secrets de non moins secrets émissaires.
 ----------Puis 
        le silence se fait. L'ombre recouvre tout jusqu'au jour où, à 
        l'occasion de fusillades en Kabylie, l'opinion publique apprend que le 
        P.P.A. utilise des tueurs à gages pour exécuter les sentences 
        de ses tribunaux clandestins, que l'un de ces tueurs, LAOUDARENE, s'est 
        enfin rendu, non sans avoir auparavant abattu quelques courageux fellahs 
        qui lui donnaient la chasse.
 ----------Forces 
        armées, tribunaux, en d'autres termes : Justice et Autorité, 
        ne sont-ce point là des prérogatives essentielles de la 
        souveraineté? Est-il admissible qu'en ce pays une faction puisse 
        s'en arroger clandestinement l'exercice et pousse même l'impudence 
        jusqu'à afficher publiquement ses buts de guerre civile?
 ----------Hier, 
        en effet, dans certaine presse locale, on pouvait lire le communiqué 
        suivant, émanant du M.T.L.D.-P.P.A. :
 ----------"Le 
        mouvement national et la résistance populaire ont mis et continueront 
        à mettre en échec toutes les tentatives de destruction (du 
        P.P.A.) en poursuivant la lutte implacable qu'ils mènent contre 
        l'impérialisme français, jusqu'à la libération 
        nationale. "
 ----------S'il 
        est encore des juges en France, pareil appel ne doit-il pas être 
        condamné? N'est-il pas l'aveu de la reconstitution d'une ligue 
        dissoute? Ne préconise-t-il pas le démembrement de la France 
        dont la Constitution, en son article premier, dit qu'elle est une et indivisible? 
        Ne nargue-t-il pas l'Autorité, la Loi et ne ridiculise-t-il pas 
        notre libéralisme béat?
 ----------Il 
        est des moments où, dans l'État comme chez les individus, 
        le sentiment de légitime défense doit prévaloir, 
        quelles que puissent être les incidences politiques ou personnelles 
        que ses manifestations peuvent entraîner. "
 
 ----------Après 
        l'assassinat de l'inspecteur principal Cullet, abattu par l'une des bandes 
        opérant dans le maquis kabyle, le Syndicat de la police réagissait 
        dans une lettre ouverte adressée le 6 mai 1950 au Gouverneur général 
        :
 ----------" 
        Fort de la sollicitude que vous lui avez souvent exprimée en public, 
        le corps des policiers, en deuil, vient aujourd'hui vous dire toute sa 
        tristesse ", écrivait-il.----------" 
        Notre camarade Cullet, inspecteur principal, officier de police judiciaire, 
        fonctionnaire unanime-ment apprécié, est tombé le 
        28 avril 1950 au cours d'une opération menée contre des 
        malfaiteurs à la solde du P.P.A.-M.T.L.D.
 ----------Il est mort cette nuit dans d'atroces 
        souffrances, laissant à trente-deux ans, presque dans la misère, 
        une veuve et trois jeunes enfants.
 ----------Depuis plus de cinq ans, soldats 
        de l'ordre et de la paix française, les policiers mènent 
        une lutte de tous les instants contre les assassins à gages nourris, 
        hébergés et utilisés par le P.P.A.-M.T.L.D.
 ----------La liste serait longue, Monsieur 
        le Ministre, des fonctionnaires et agents de l'ordre tombés ces 
        dernières années sous les balles de ces tueurs; caïds, 
        gardes champêtres, chefs de villages ont payé leur tribut, 
        et, il y a quelques mois, l'inspecteur ANDRÉ MELMOUX était 
        lâchement assassiné en Kabylie.
 ----------Or, nous apprenons que des élus 
        de ce parti s'apprêtent à interpeller et à mettre 
        en cause une fois de plus l'action des services de police, usant encore 
        d'arguments et de termes inacceptables.
 ----------Solides, face à la calomnie 
        comme sous les balles des malfaiteurs, nous affirmons avec force que ces 
        attaques nous grandissent au lieu de nous atteindre.
 ----------Loin de vouloir sortir du rôle 
        qui nous est imparti dans une affaire nationale, nous laissons à 
        chacun ses responsabilités, mais nous exprimons le souhait - très 
        modeste - de voir le Gouvernement rappeler les chefs de gang à 
        un peu de pudeur. "
 
 ----------Si 
        l'action policière contre les maquis en formation s'intensifia, 
        en revanche, il n'en fut point ainsi de l'action politique pour rassurer 
        la masse.
 ----------Le 
        11 septembre 1950, en effet, le président QUEUILLE étant 
        ministre de l'Intérieur, des mesures d'expulsion de la métropole 
        " d'éléments étrangers particulièrement 
        compromis dans une activité antifrançaise " avaient 
        été décidées.
 ----------Cette 
        opération de salubrité nationale, pour reprendre les termes 
        du communiqué officiel de l'époque, avait singulièrement 
        réussi puisque ces expulsés jugés dangereux en France 
        furent simplement déposés en Algérie par le croiseur 
        Georges?
 ----------Leygues 
        et par avion, puis dispersés aussitôt et librement sur tout 
        le territoire. Rien ne pouvait être plus inopportun ni plus stupide 
        au moment où les prémices d'une action armée de la 
        part de l'Organisation secrète (O.S.) devenaient de jour en jour 
        plus perceptibles et au moment aussi où le Parti communiste tentait 
        avec acharnement de grouper toutes les forces dites démocratiques 
        dans le Front algérien qui allait voir le jour, Ii mois plus tard, 
        le 6 août 1951.
 ----------La 
        représentation parlementaire algérienne eut beau protester, 
        rien n'y fit. A partir de ces instants, l'instabilité ministérielle 
        française, les affaires de Tunisie et du Maroc qui se compliquaient 
        en même temps que s'aggravait de jour en jour le drame indochinois 
        allaient avoir la primauté sur l'Algérie.
 ----------Dans 
        un virage aussi dangereux, il eût fallu pour redresser la situation 
        s'appuyer sur la masse et, en demeurant dans l'esprit libéral du 
        Statut, valoriser en quelque sorte à ses yeux, dans tous les faits, 
        la citoyenneté et les droits qui lui avaient été 
        accordés et dont aucun autre musulman nord-africain ne bénéficiait.
 ----------Mais 
        la passion reprenait ses droits, elle aussi, avec la perspective des consultations 
        populaires proches. Ceux qui pensaient que le Statut avait trop concédé 
        manoeuvraient pour reconquérir le terrain perdu. Les leaders musulmans, 
        eux, attendaient le test des élections libres.
 ----------Les 
        germes de la division commençaient à pénétrer 
        les coeurs et les âmes.
 
 
 
 
 
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