| Pieds-Noirs d'hier et d'aujourd'hui juillet/aout 99 n°103 Kerrata, le village hydro-électrique
 -----Kerrata du 
        mot arabe kherata (les laboureurs) est situé sur la route de Sétif 
        à Bougie, à 52 km au nord de Sétif sur l'Oued Agrioun 
        et au pied des Babors (2004m), à l'entrée des gorges du 
        Chabet El Akra (ravin du bout du monde) que personne n'avait franchies 
        avant la création du village. La création -----Kerrata 
        fut fondé par trois déportés politiques après 
        les journées sanglantes de juin 1848 en métropole Girard, 
        Roynel et Lyonel qui avaient fait vu de célibat.-----Ils reposent 
        tous trois à l'entrée du cimetière dans un même 
        tombeau.
 -----La piste 
        venant de Sétif n'allait pas plus loin.
 -----Le percement 
        de la route des gorges fut réalisé de 1863 à 1870. 
        Une plaque commémore ces travaux à l'entrée des gorges 
        en venant de Bougie. Les premiers soldats qui franchirent les gorges par 
        l'Oued Agrioun étaient des Tirailleurs aux ordres du commandant 
        Demaison.
 -----Longues 
        de 7 km entre des parois rocheuses d'un millier de mètres de hauteur, 
        les gorges voyaient chaque dimanche des centaines de Sétifiens- 
        retour du week-end à la mer- faire étape à la cascade 
        dite " An Sar Azegra " en kabyle "Source fraîche 
        bleue" Kerrata se situant en Petite Kabylie.
 -----Après 
        avoir "monté"le premier moulin à grains de la 
        région entraîné par les eaux de l'Oued Agrioun, les 
        fondareurs du village créèrent les fermes de "Mérouah"(l'éventail) 
        et "Bouramtane" (élevage, céréales, vignes).
 De nouveaux arrivants peuplèrent le village, construisirent leurs 
        demeures ainsi que les hôtels de Kherata et du Chabet El Akra, la 
        gendarmerie et d'autres bâtiments administratifs.
 -----Le premier 
        médecin fut le docteur Valton. Un pic de la Chaîne des Babors 
        porte son nom à la suite d'une banale mésaventure. En effet, 
        grand amateur d'escalade, notre médecin fut un jour surpris par 
        l'obscurité au sommet d'un pic. Il dut y passer la nuit.
 Par la suite les habitants du village n'hésitèrent pas à 
        baptiser ce pic du nom de ce brave toubib.
 -----Vers 
        1900 le village a étédesservi par un service de diligences 
        reliant chaque jour Sétif à Bougie en 13 à 14 heures, 
        avec cinq relais de chevaux en cours de route. Le château Dussaix 
        fut construit en 1913. En 1921 et succédant aux trois fondateurs, 
        M. Eugène Dussaix fit construire l'église. La cloche fut 
        offerte par M. Augustin Calotin.
 -----Kerrata 
        faisait partie intégrante de la commune mixte de Takitount dont 
        le siège était à Perigotville.
 -----Il convient 
        de rappeler que le département de Sétif fut créé 
        par décret du 28juin 1956, que le département de Bougie 
        le fut par décret du 17 mars 1958 et que par décret du 7 
        novembre 1959, ce même département fut supprimé et 
        son territoire rattaché pour partie au département de Sétif 
        qui comprenait alors 9 arrondissements dont Kerrata avec siège 
        de la sous-préfecture au même lieu.
 Les premiers colons reçurent de l'Administration, un lot de terrains 
        à bâtir, un lot de jardins de 33ares, une concession de 40 
        ha qu'ils devaient exploiter pendant cinq ans pour avoir le titre de propriété
 L'aménagement hydroélectrique -----A compter de 
        1949-1953, Kerrata a connu un essor extraordinaire à l'occasion 
        de l'aménagement hydroélectrique de l'Oued Agrioun.-----Après 
        la mise en service de l'usine de Darguinah en 1952, le barrage de 1'Ighil 
        Emda et l'usine souterraine de Kerrata en 1953, firent de cette région 
        un centre névralgique important d'où partaient des lignes 
        se dirigeant sur Alger et Bône.
 -----L'aménagement de l'Oued-Agrioun 
        est entré le premier dans la période de la réalisation 
        en raison d'un certain nombre de facteurs favorables qui étaient 
        la facilité d'accès, la facilité relative des travaux 
        et une meilleure connaissance du régime de cet oued.
 Sa production totale est de 198 millions de kWh, soit 25 % de la consommation 
        algérienne actuelle. La puissance installée de 95 000 kW 
        en fait une usine de pointe et de forte charge d'autant plus précieuse 
        que le réservoir amont peut stocker 75 % du débit annuel 
        moyen.
 -----Ainsi 
        que beaucoup d'autres, le village a connu, hélas, les émeutes 
        du 9 mai 1945 et dû dénombrer huit victimes parmi la population 
        européenne, Kerrata fut délivré par la Légion 
        Etrangère. Une plaque gravée dans la roche des gorges représentant 
        l'emblème de la Légion et 1945 commémore ces faits 
        d'armes.
 -----La guerre 
        d'Algérie (1954-1962)devait à nouveau troubler le village 
        qui connut divers attentats et assassinats.
 -----Puis 
        vint l'heure de l'exode. Les Européens durent abandonner leurs 
        biens et leurs morts qui reposent maintenant en terre étrangère.
 Henri Sax. Quinze années exaltantes -----C'est à 
        Kerrata qu'en 1947 avec mon épouse, nous avons fondé notre 
        foyer. Nos quatre enfants y sont nés entre 1948 et 1961.Mon épouse a enseigné quelques années à l'école 
        primaire et moi j'ai très modestement participé à 
        l'aménagement hydroélectrique de l'Oued Agrioun. Oued sauvage 
        descendant du massif des Babors et nommé Oued Berd, jusqu'au confluent 
        avec l'oued Embarek. Il traverse Kerrata et s'engouffre dans les gorges 
        du Chabet El Akra et va rejoindre notre mer à Souk El Tenine.
 -----C'est 
        dans cette vallée sauvage que j'ai vu naître et grandir le 
        progrès au prix de gigantesques travaux, qui ont demandé 
        beaucoup de peine, de sueur de peurs, de blessés et malheureusement 
        de morts, mais aussi de grandes joies lors de belles réussites 
        techniques. De janvier à février 1948 nous avions subi journellement 
        de très nombreuses secousses sismiques. Au village plusieurs maisons 
        ont été endommagées, le clocher de l'église 
        sectionné mais ne s'est pas écroulé, le moulin Dussaix 
        fissuré sérieusement. Période pénible à 
        vivre, de nombreuses personnes avaient quitte le village pour rejoindre 
        des parents dans des lieux plus calmes, Ces travaux ont engendré, 
        un afflux d'entreprises, de personnes, les commerces ont prospéré. 
        Tout les habitants des lieux ont eu du travail, la vie est devenue plus 
        facile, C'était un mieux être pour toutes les communautés 
        et les relations étaient excellentes. La commune put construire 
        une magnifique mairie, l' hôpital, deux écoles, une mosquée, 
        une station de pompage pour l'alimentation en eau potable du village. 
        Les sources n'arrivaient plus en été à subvenir aux 
        besoin des populations. Le 27 juin 1954, c'était l'inauguration 
        en grande pompe des barrages et usines avec comme slogan " Adieu 
        la bougie, fini le kanoun, Vive l'énergie de l'Oued Agrioun 
        " Et quatre mois plus tard c'était le début de la rébellion,. 
        Les cités ouvrières se sont vidées peu à peu, 
        beaucoup de personnes ont rejoint l'aménagement de l'Oued Djendjen, 
        au dessus de Ziama Mansouriah.
 -----Sur ce 
        chantier plusieurs de mes collègues et amis ont perdu la vie, assassinés 
        comme seuls savent le faire les sauvages, laissant jeunes et enfants dans 
        un désarroi abominable.
 -----A Kerrata, 
        Darguinah, Djendjen, Ziama Mansouriah, ces huit années de massacre 
        et de destructions, des personnes et des biens, toute cette folie sanguinaire, 
        s'est terminée par l'exode.
 -----" 
        Que reste-t-il de nos amours " ???
 Albert Camillieri 
        
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