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        Dans un récent article 
          de cette revue, j'affirmais qu'aucune de nos colonies ne nous offre 
          autant de ressources ni de débouchés que l'Algérie. 
          Mais l'inventaire que je donnais de ces richesses était incomplet. 
          A dessein, car je me proposais d'en faire l'objet d'une étude 
          spéciale, j'avais négligé de parler des eaux minérales. 
          
          C'eût été là une grave lacune, car peu de 
          pays en sont aussi abondamment pourvus : dans les parties montagneuses, 
          c'est à chaque pas que l'on rencontre des sources thermales jaillissant 
          spontanément à la surface du sol. Leurs propriétés 
          curatives sont connues et utilisées depuis les temps les plus 
          reculés, ainsi qu'en témoignent les vestiges laissés 
          par les peuples de l'antiquité. Comme en toutes choses, ce sont 
          les Romains qui surent le mieux en tirer parti. Partout où se 
          trouve une source d'eau chaude, ou découvre les restes, encore 
          imposants parfois, de piscines romaines et souvent, à côté, 
          les ruines d'une ville qui s'était créée autour 
          de l'établissement thermal. 
          
          Malheureusement, cette partie de l'uvre de nos grands prédécesseurs 
          ne trouva pas plus grâce que le reste devant l'instinct de destruction 
          des hordes qui se succédèrent dans l'Afrique du Nord après 
          la chute de l'empire romain. Les thermes furent démolis, leurs 
          matériaux dispersés et aucune piscine ne fut jamais réparée 
          ou construite depuis lors par les occupants du sol. Et cependant, les 
          indigènes ont un véritable culte pour l'eau chaude à 
          laquelle ils attribuent une origine sainte. 
          D'après une légende, en effet, le roi Salomon, en prévision 
          de longs voyages à travers le monde, avait envoyé à 
          l'avance des génies, afin de préparer des bains pour lui 
          et sa suite le long de la route. En vue d'éviter toute indiscrétion 
          de leur part, il les avait choisis aveugles, sourds et muets. Mais, 
          à cause de ces infirmités, personne n'a pu leur apprendre 
          la mort de leur maître, si bien que les génies continuent 
          toujours à chanter les bains comme si le roi Salomon était 
          encore vivant. C'est pour cette raison qu'un grand nombre de sources 
          thermales en Algérie portent le nom de Selimane. traduction arabe 
          de Salomon. 
          
          Beaucoup sont également placées sous le patronage de marabouts 
          vénérés. Mais, malgré ce caractère 
          religieux, les indigènes se contentent, pour prendre leurs bains, 
          de l'installation la plus rudimentaire, souvent de simples trous d'eau 
          dans lesquels ils se plongent au hasard et quelquefois à contre-temps. 
          
          
          Ce sont nos médecins militaires qui songèrent les premiers 
          à utiliser les vertus curatives de ces eaux pour le traitement 
          des blessés et des malades déprimés par le climat 
          ou les fatigues de la guerre. Sur leur demande, un certain nombre de 
          piscines romaines furent remises en état et des camps installés 
          auprès d'elles. Les résultats obtenus par ces moyens de 
          fortune furent si favorables que l'autorité militaire se décida 
          à édifier de véritables établissements dont 
          quelques-uns subsistent encore : tels ceux d'Hammam-Meskoutine, 
          d'Hammam-R'hira 
          et d'Hammam-bou-Hadjar. 
          
          
          L'initiative privée ne tarda pas à suivre cet exemple 
          et, si les premières tentatives ne furent pas toujours couronnées 
          d'un plein succès, l'Algérie compte néanmoins aujourd'hui 
          un certain nombre d'établissements thermaux très confortables, 
          comme ceux d'Hammam-H'hira. à proximité d'Alger, et d'Hammam-Meskoutine, 
          sur la ligne de Constantine à Bône. D'autres, plus simplement 
          aménagés, offrent encore une installation très 
          suffisante, tels sont les Bains de la Reine, aux portes d'Oran ; Hammam-Salahin, 
          à 8 kilomètres de Biskra : Bou-Hanifia. 
          à 5 kilomètres de la station du même nom, sur la 
          voie ferrée d'Arzew à Saïda : Hammam-bou-Hadjar. 
          située à une vingtaine de kilomètres d'Aïn-Témouchent. 
          
          
          Je n'ai pas l'intention de décrire les propriétés 
          des eaux minérales algériennes. Ce travail a été 
          remarquablement fait en 1911 par un savant. M. le docteur Hanriot. professeur 
          agrégé à la Faculté de Médecine de 
          Paris, membre de l'Académie de Médecine, dans son étude 
          magistrale sur les eaux minérales de l'Algérie, à 
          laquelle je ne puis que renvoyer le lecteur. 
          
          Un grand nombre sont thermales et certaines jouissent d'une température 
          très élevée, comme celles d'Hammam-Meskoutine qui 
          atteignent près de 100 degrés et sont les plus chaudes 
          de l'Algérie et peut-être du monde entier à l'exception 
          des geysers d'Islande. D'autres sont froides et peuvent être utilisées 
          comme eau d'alimentation. 
          
          Dans l'ensemble, les eaux thermales algériennes sont souveraines 
          contre les rhumatismes et c'est en foule que les indigènes, particulièrement 
          exposés à ces affections, vont leur demander une guérison 
          ou tout an moins un soulagement qui se lait d'ailleurs rarement attendre. 
          Les blessures et les fractures sont rapidement cicatrisées ou 
          consolidées par ces eaux qui ont également une action 
          très efficace sur l'avarie et les maladies de la peau. Les tuberculoses 
          locales. l'anémie, le paludisme, les maladies des femmes sont 
          également justiciables de leur traitement. 
          
          Certes, les richesses hydrologiques de l'Algérie ne doivent point 
          faire oublier celles de la France, non moins variées, ni moins 
          actives. Mais, l'hiver, les stations thermales françaises ou 
          européennes sont habituellement fermées et l'Algérie 
          permettrait aux malades de continuer leur cure tout en bénéficiant 
          des douceurs du climat. Aussi s'explique-t-on difficilement, si ce n'est 
          par ignorance des ressources minérales de notre grande colonie, 
          que tant de malades aillent demander leur guérison au climat 
          des deux Riviéras ou même de l'Égypte, comme cela 
          existait avant la guerre, alors qu'ils auraient souvent tout avantage 
          à fréquenter les stations algériennes. Il suffit 
          de quelque vingt-quatre heures, en effet, pour se rendre en Algérie, 
          alors que le séjour en Égypte impose au malade une traversée 
          de plusieurs jours, souvent pénible et fatigante, et met une 
          grande distance entre lui et sa famille au moment où ils auraient 
          le plus grand intérêt à se tenir rapprochés 
          l'un de l'autre. 
          
          De même que c'est un devoir patriotique pour nous de favoriser 
          par tous les moyens le développement du tourisme en Algérie 
          comme en France, c'est également une obligation, dans les circonstances 
          actuelles, d'attirer vers la terre algérienne les malades justiciables 
          de ses eaux salutaires et abondantes. Nulle part ils ne trouveront réunis 
          avec une telle prodigalité les éléments d'une rapide 
          guérison : le soleil et l'agent thérapeutique. 
          Que cependant nos amis algériens me permettent de leur donner 
          un conseil. Pour décider les malades européens à 
          venir chaque année plus nombreux chez eux. il ne suffit pas de 
          leur offrir des établissements confortables et d'une tenue irréprochable. 
          Il faut que ces établissements soient à proximité 
          d'un centre important où leurs hôtes puissent trouver, 
          avec les commodités et les plaisirs de la vie en société, 
          des relations agréables qui leur fassent oublier l'éloignement 
          de leurs familles ou de leur cercle habituel d'amis. 
          
          Parmi les établissements algériens qui répondent 
          à cette condition, j'indiquerai en premier lieu Hammam-Salahin, 
          à cause de sa proximité de la station hivernale de Biskra, 
          chaque année de plus vu plus fréquentée par les 
          touristes, et les Bains de la Reine. prés d'Oran : puis Hammam-R'hira. 
          à quelques heures d'Alger, et qui, pour ce motif, est devenue 
          un lieu de rendez-vous très fréquenté. 
          
          Citons encore Hammam-Meskoutine. la plus florissante peut-être 
          des stations algériennes, qui doit sa prospérité 
          non seulement à l'efficacité de ses eaux, mais à 
          la bonne installation de son établissement et à sa situation 
          sur une voie ferrée importante. 
          
          Mais il en est une autre qui, si elle était aménagée, 
          serait assurée d'un succès plus considérable encore, 
          c'est celle d'Hammam-Mélouane. qui n'est qu'à 39 kilomètres 
          d'Alger, auquel elle est reliée par un chemin de fer de 32 kilomètres 
          et par une route carrossable de 7 kilomètres. En automobile, 
          il suffit d'une heure pour s'y rendre. C'est dire que le jour où 
          un établissement moderne y aura été édifié, 
          beaucoup de malades pourront, tout en résidant dans la capitale 
          algérienne, y faire leur cure. Et il n'est pas d'eaux plus réputées 
          dans toute la colonie pour le traitement des rhumatismes, mais le champ 
          de ses applications serait beaucoup plus étendu d'après 
          M. le docteur Hauriot. A ceux qui ont des capitaux pour tenter une telle 
          entreprise, je ne saurais en conseiller de meilleure et de plus facile 
          à réaliser. 
          
          N'avais-je pas raison de considérer les ressources hydrominérales 
          de l'Algérie comme de celles dont l'exploitation peut contribuer 
          dans une mesure appréciable à la prospérité 
          du pays.