| CHAPITRE III EAUX THERMALES EN ALGÉRIE ------La 
        prodigieuse richesse de l'Algérie en eaux thermominérales 
        est connue depuis bien longtemps et l'efficacité de ces eaux est 
        bien établie. Des sculptures découvertes à Hammam 
        Meskoutine établissent nettement qu'à l'époque 
        punique un établissement balnéaire important existait à 
        cet endroit.------Mais 
        ce sont surtout les Romains qui tirèrent parti des sources thermales 
        et minérales existant en Algérie. Les ruinés multiples, 
        dont quelques-unes sont grandioses, que l'on trouve au voisinage des sources, 
        indiquent l'importance que les Romains ont donnée aux thermes qu'ils 
        ont construits. L'on sait qu'ils attribuaient de grandes vertus thérapeutiques 
        à l'usage des bains et plus spécialement des bains chauds; 
        aussi ont-ils souvent bâti des villes importantes à proximité 
        des établissements thermaux qu'ils utilisaient. Dans l'art de la 
        captation et de la canalisation des eaux, ils sont restés incontestablement 
        nos maîtres, sur cette terre africaine..
 ------Après 
        la chute de l'Empire, les thermes furent abandonnés ou même 
        démolis par les envahisseurs, qui en utilisèrent les débris 
        pour construire des habitations. Pas une seule piscine n'a été 
        créée ou réparée par eux.
 ------Pendant 
        l'occupation française, les médecins militaires, frappés 
        de l'abondance des eaux thermales et minérales, cherchèrent 
        à utiliser ces sources pour leurs soldats malades, fiévreux 
        ou blessés. Sur leurs instances, le Génie Militaire répara 
        plusieurs piscines anciennes. Des constructions en planches furent aménagées 
        et l'on créa, autour de certaines sources, un véritable 
        camp, où les malades et le personnel couchaient sous la tente.
 ------Plusieurs 
        médecins militaires s'attachèrent tout spécialement 
        à l'étude de cette importante question. Les noms des docteurs 
        Rotureau et Bertherand sont bien connus. Ce dernier notamment 
        étudia et classa, dès 1860, 90 sources thermo-minérales 
        en Algérie.
 ------Ces 
        travaux de recherches furent repris par le Service des mines qui indiqua 
        174 sources. En 1911, le Gouvernement Général de l'Algérie 
        chargea le docteur Hanriot, professeur agrégé de la Faculté 
        de Médecine, d'étudier, sur place, les eaux minérales, 
        de les analyser et d'en préparer l'utilisation. Un important mémoire, 
        abondamment illustré et publié par les soins du Gouvernement 
        Général, fit connaître les travaux effectués 
        par le Docteur Hanriot.
 ------Il est 
        juste de dire que si les Arabes n'ont rien fait pour aménager les 
        sources et créer des piscines, ils ne méconnaissent pas 
        pour cela l'utilité et les bienfaits des eaux minérales. 
        Ils les ont utilisées pour suivre des cures faites à leur 
        façon, tout en se conformant à des pratiques religieuses 
        ou superstitieuses remontant au moyen âge. Ils brûlent des 
        cierges en l'honneur du marabout qui est le protecteur vénéré 
        du lieu. A proximité immédiate de chaque source, il y a 
        presque toujours un arbre sacré " marabout ", aux rameaux 
        duquel ils suspendent des lambeaux d'étoffes de toutes les couleurs, 
        qui donnent à cet arbre un aspect singulier.
 ------Presque 
        chaque source a sa légende particulière, mettant en lumière 
        la puissance du marabout honoré en cet endroit et indiquant les 
        miracles qu'il a effectués en ce lieu. Il faut ajouter que l'Arabe 
        estime que le traitement thermal est tout aussi indiqué pour ses 
        animaux malades que pour lui-même et les membres de sa famille. 
        On voit donc fréquemment des animaux pelés, galeux, très 
        bas d'état, conduits, avec une amulette au cou, dans la même 
        piscine que les hommes.
 ------Les 
        Arabes ne s'intéressent qu'aux eaux minérales chaudes ; 
        ils dédaignent les eaux minérales froides. Il y en a cependant 
        en Algérie un bon nombre, qui pourraient être utilisées 
        comme eaux de table et qui se perdent dans la rivière, sans que 
        personne s'en occupe.
 ------La répartition 
        des eaux thermo-minérales, en Algérie, est très irrégulière. 
        Ces sources augmentent en nombre au fur et à mesure que l'on se 
        rapproche de l'est. Cette répartition semble suivre celle des gîtes 
        métallifères. C'est ainsi que l'on compte une vingtaine 
        de sources minérales dans le département d'Oran, environ 
        40 dans celui d'Alger et 150 dans le département de Constantine.
 ------Le service 
        des Mines a classé les sources des trois départements en 
        sources sulfureuses, ferrugineuses, alcalines, salines, chlorurées 
        sodiques, sulfatées, ferrugineuses, carbonatées sodiques, 
        etc..
 . ------Cette 
        classification n'a d'ailleurs rien d'absolu et le classement de certaines 
        sources peut varier selon l'importance que l'on attache à tel ou 
        tel sel minéralisateur.
 ------Dans 
        une étude aussi sommaire sur l'Algérie, il est impossible 
        de passer en revue toutes les richesses thermo-minérales de la 
        colonie. Je me bornerai à indiquer les sources les plus connues, 
        les plus réputées et celles qui pourraient être utilisées 
        immédiatement. Je les classerai par espèce, et, dans chaque 
        espèce, par département.
 I. - Eaux sulfureusesDépartement d'Oran
 ------Source 
        d'Aïn Nouy, à 14 kilomètres au sud de Mostaganem, 
        sur la route de Perrégaux. Très fortement minéralisée. 
        Les indigènes l'appellent " Eau miraculeuse ". Établissaient 
        ancien, insuffisant. Département d'Alger ------Hammam 
        Berrouaghia. Sources très importantes à 6 kilomètres 
        de la gare de Berrouaghia. Une route carrossable relie la source à 
        la gare. Les sources sont dans une gorge profonde, très boisée, 
        à l'altitude de 900 mètres. La principale source a une température 
        de 44° et un débit de 60 litres à la minute. Eau sulfureuse 
        sodique, fortement alcaline - très efficace dans les affections 
        cutanées. Département de Constantine ------Hammam 
        et Biban: non loin du fameux défilé des Portes de Fer 
        et à 6 kilomètres de la gare. Très sulfureuse, très 
        abondante, à une température de 90°, est supérieure 
        à celle de Barèges. Très appréciée 
        des indigènes.------Hammam 
        Salahin : source très importante à 8 kilomètres 
        de Biskra. A un débit d'environ 1.400 litres à la minute 
        ; sa température est de 45°. Est appelée à devenir 
        une station thermale de tout premier ordre, en même temps qu'un 
        centre d'hivernage très fréquenté.
 ------Il existe 
        une piscine pour les Européens et une pour les indigènes. 
        Est incontestablement supérieure à Barèges. Deviendra 
        une station à la mode quand elle aura été aménagée.
 II. - Eaux ferrugineuses Département d'Alger ------Sources 
        de Teniet-el-Had : Dans la magnifique forêt de Cèdres 
        de Teniet-el-Had, on trouve quantité de sources ferrugineuses qui 
        peuvent être employées comme eau de boisson. L'une des plus 
        minéralisées est celle de la maison forestière de 
        Ourten. Étant donné la beauté exceptionnelle du paysage, 
        la salubrité du site et la facilité d'accès, on peut 
        prévoir la création, dans cette forêt, d'une station 
        estivale qu'un établissement thermal pourrait compléter 
        ultérieurement. III. - Eaux alcalines
 Département d'Oran
 ------Hammam 
        Bou Adjar : Centre important relié à 
        Oran par un tramway (72 kilomètres) et à 21 kilomètres 
        de Aïn Témouchent. Ses eaux jouissent d'une réputation 
        justement méritée, pour le traitement des rhumatismes, névralgies, 
        sciatiques, etc. Les sources sont très nombreuses et disposées 
        en amphithéâtre autour d'une ligne de collines placées 
        en fer à cheval.------Hammam 
        Bou Hanifia : à 20 kilomètres de Mascara. Sources très 
        appréciées et très fréquentées. Sont 
        visitées, chaque année, par une vingtaine de mille Arabes 
        et 4 ou 5 mille Européens. Cette station a de l'avenir.
 Département d'Alger ------Bou 
        Haroun : à 8 kilomètres de la gare de Dra-el-Mizan. 
        Sa température n'est que de 16 degrés; l'eau peut ainsi 
        être embouteillée. C'est une des eaux alcalines les plus 
        actives de l'Algérie. Département de Constantine ------Takitount: 
        à 41 kilomètres de Sétif, sur la route de Sétif 
        à Bougie. C'est la plus intéressante des eaux alcalines 
        froides de l'Algérie. Elle présente la composition de l'Eau 
        de Vichy réduite de moitié. Elle est utilisée à 
        peu près uniquement comme eau de table. L'eau de Takitount est 
        réellement médicamenteuse et combat avec succès les 
        troubles gastriques provoqués par les chaleurs estivales.------Aïn 
        Sennour : à 11 kilomètres de Souk Ahras. Eau froide 
        alcaline, excellente ; elle est utilisée comme eau de boisson dans 
        les hôtels.
 IV- Eaux chlorurées sodiques
 Département d'Oran
 -----Bain de 
        la Reine : C'est peut-être le plus ancien établissement 
        de l'Algérie. Il est situé à Mers-el-Kébir, 
        à 3 kilomètres d'Oran. La source débite 60 litres 
        à la minute. à une température de 550. Ces eaux sont 
        très efficaces contre le rachitisme. Suivant la légende, 
        le nom de " Bain de la Reine " proviendrait de ce que la mère 
        de Charles-Quint, Jeanne la Folle, y a séjourné. Département d'Alger -----Hammam Melouan 
        : C'est la station thermale la plus proche d'Alger. Elle en est distante 
        de 40 kilomètres et est à 7 kilomètres de Rovigo. 
        Cette source peut 'facilement remplacer les eaux de Salins-Moutiers et 
        de Brides-lesBains. On y soigne avec succès les mêmes affections. 
        Elle offre toutes les ressources thérapeutiques de l'hydrothérapie 
        chaude et salée. Une fois convenablement aménagée, 
        cette station deviendra certainement une des principales stations thermo-minérales 
        de l'Algérie. Département de Constantine -----Sidi M'Cid 
        : A l'entrée du ravin de Rummel, aux portes mêmes de 
        Constantine. Son débit est de 4.000 litres à la minute et 
        sa température d'environ 30°. V. - Eaux sulfatéesDépartement d'Alger
 -----Hammam R'hira 
        (voir 
        ): Cette station est à 12 kilomètres de la gare de Bou Medfa 
        et à 100 kilomètres d'Alger. C'est certainement l'une des 
        plus connues et des mieux aménagées. Il y a un grand nombre 
        de sources, la plupart thermales, d'une température variant de 
        42 à 50 degrés. On trouve aussi deux sources froides ferrugineuses 
        et gazeuses, utilisées comme eau de table à l'établissement. 
        Il y a plusieurs hôtels, des piscines, des salles de bains aménagées. 
        Ces eaux sont indiquées dans toutes les maladies comportant le 
        ralentissement de la nutrition, dans les manifestations arthritiques et 
        goutteuses, dans les rhumatismes, les paralysies, etc... Hammam R'hira 
        reçoit chaque année au moins 20.000 baigneurs tant européens 
        qu'indigènes. VI. - Eaux ferrugineuses 
        carbonatéescalciques
 Département de Constantine
 -----Hammam Meskoutine 
        : Cette station est actuellement la plus florissante de l'Algérie 
        et ses eaux sont les plus chaudes (950). Elle est située à 
        18 kilomètres de Guelma, sur la voie ferrée de Constantine 
        à Tunis. Les Carthaginois, puis les Romains, ont utilisé 
        ses eaux ; ils ont construit des thermes, des piscines et des villas.-----Il y 
        a huit groupes de sources. Leur trop plein forme une superbe cascade qui 
        a plus de 100 mètres de long et 30 mètres de hauteur. Le 
        débit total des sources est évalué à 3.600 
        litres à la minute. Ces eaux sont particulièrement efficaces 
        dans le traitement des rhumatismes, de l'arthrite, des névralgies, 
        des sciatiques, etc. De nombreux baigneurs fréquentent cette station; 
        on y remarque beaucoup d'étrangers qui y viennent passer l'hiver, 
        le climat y étant relativement doux et l'altitude modérée.
 
 
 
         
          | -----Ainsi 
            qu'il est facile de le constater, l'Algérie contient en abondance 
            des sources thermo-minérales de compositions très variées 
            et répondant à tous les besoins de la thérapeutique 
            moderne. Il est infiniment probable que la plupart de ces sources 
            sont radio-actives : les études, à peine ébauchées, 
            permettent de le croire. Il est donc évident que la plupart 
            des habitants de l'Algérie pourraient trouver, sur place, dans 
            la colonie, les eaux minérales dont ils ont besoin, sans être 
            tenus à un déplacement long et coûteux pour se 
            rendre en Europe. D'autre part, il serait possible aux malades, n'habitant 
            pas l'Algérie, de venir, ici, suivre au cours de l'hiver, les 
            traitements auxquels ils sont obligés de renoncer à 
            cause de la saison, toutes les villes d'eaux de la Métropole 
            et de l'Europe fermant leurs établissements pendant la saison 
            froide. -----L'Algérie 
            possède donc une source importante de richesses avec ses eaux 
            minérales, qui peuvent compléter, voire même suppléer, 
            les eaux minérales du continent européen, au cours de 
            la mauvaise saison.
 
 -----N. B. - Les renseignements contenus dans 
            ce chapitre ont été puisés dans une étude 
            de M. Ehrmann, préparateur de géologie à la Faculté 
            l'Alger.
 -----Cette 
            étude, à laquelle de fréquents emprunts ont été 
            faits, a paru dans le Bulletin de la Société de Géographie 
            d'Alger et de l'Afrique du Nord, 1er trimestre 1922, n° 87.
 
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