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          |  Vue aérienne de Laghouat |  L'essor du sud-algérien dans 
        la période qui s'étend de 1942 à 1946 doit être 
        appréciée dans le cadre de la mission que les Territoires 
        du Sud ont à assumer dans l'économie de l'Algérie 
        et plus généralement de l'Afrique du Nord, et se mesurer 
        à l'importance des résultats qui ont été obtenus 
        à ce sujet, lors des événements capitaux qui ont 
        marqué cette période. La vocation spéciale des territoires 
        sahariens résulte, on le sait, de la géographie humaine 
        de ce pays, de son histoire et de sa position intermédiaire entre 
        l'Afrique du Nord et l'Afrique Noire.
 Le Sahara, cette " Terre qui se meurt ", suivant la définition 
        et le mot de l'explorateur Félix Dubois, tire son importance essentielle 
        de son rôle de lieu de transition entre les deux rives du Sahara.
 
 C'est par lui que se sont faites les grandes migrations de peuples (Berbères-Arabes) 
        qui ont porté en pays noir, les premiers germes de civilisation 
        en même temps que les traces d'un sang nouveau. C'est également 
        par lui que s'est fait, pendant longtemps, un commerce assez important 
        dont malheureusement' la principale matière d'échange fut, 
        en dernier lieu, formée par les esclaves... Dans cet affreux désert, 
        subsistaient cependant quelques " îlots de prospérité 
        " (oasis de palmiers, " arrems ", champs de cultures des 
        Touaregs...) qui servaient de reposoirs, pour les caravanes et tous les 
        déplacements d'hommes...
 
 Mais c'est aussi au désert (lorsqu'y régnait l'insécurité) 
        que trouvaient asile des bandes pillardes qui gênaient ou paralysaient 
        les centres d'activité locale et entravaient toute sorte de liaison 
        entre Afrique blanche et Afrique noire. Chose plus grave, cette insécurité 
        apportait troubles et guerres dans les Sociétés humaines 
        installées dans les contrées habitées voisines, à 
        moins qu'elles n'adoptassent de sévères mesures de polices 
        susceptibles d'assurer, avec la sécurité des routes du désert, 
        la tranquillité des états riverains. Ceux-ci pas plus que 
        la France du XIXe siècle, n'étaient maîtres d'avoir 
        ou de n'avoir pas une politique saharienne. Pour leur existence et leur 
        prospérité, ils étaient contraints d'intervenir dans 
        le désert !
 
 Telles furent les considérations qui, en 1902, motivèrent 
        la création des Territoires du Sud, en tant qu'unité administrative 
        et militaire distincte... Au moment où éclata la guerre 
        de 1939, la plupart dès objectifs visés (maintien des " 
        îlots de prospérité ", sécurité, 
        liaison des deux rives du désert...) étaient réalisés 
        dans d'assez bonnes conditions... Est-ce que la guerre allait en compromettre 
        le cours ?
 ** Le maintien des îlots de prospérité 
        dans le désert (et si possible leur extension) nécessite, 
        en premier lieu, une connaissance scientifique aussi complète que 
        possible du pays... La création, en 1937, de l'Institut de Recherches 
        Sahariennes, rattaché à l'Université d'Alger, avait 
        dès avant la guerre, donné un réel développement 
        à ces études... La guerre ne les a pas interrompues... Succédant 
        aux missions antérieures du Hoggar, en 1928, et aux Ajjeurs (193o-1932) 
        une Mission scientifique a été envoyée au Fezzan 
        (Dirigée par le professeur MAIRE.), 
        aussitôt sa conquête réalisée par les troupes 
        conjuguées du Tchad et des confins Algéro-Tripolitains. 
        Elle a rapporté des documents du plus haut intérêt, 
        sur les pays récemment occupés. Des savants isolés 
        (professeurs Killian et Capot-Rey) ont d'ailleurs poursuivi des études 
        sur le sol et les productions du Sahara algérien.
 Il fallait encore conserver dans le Sahara, ces îlots de prospérité 
        préexistants et, si possible, développer leurs ressources...
 
 La Direction des Services agricoles des Territoires du Sud s'est attachée 
        à étendre la superficie des terres cultivées en céréales 
        (passée de 3.000 à 5 .000 ha), à améliorer 
        le rendement des oasis en dattes de qualité, à tirer meilleur 
        parti de certaines cultures industrielles (tabac, henné). L'exploitation 
        de 
        l'alfa (abandonnée durant la guerre) est reprise sur 
        un mode nouveau et promet de donner lieu à une industrie locale 
        intéressante (usines de cellulose).
 
 En même temps, malgré des circonstances défavorables, 
        la plus grande attention était portée à la protection 
        de l'élevage (ovin et camelin) qui constitue la richesse des nomades.
 
 Cependant la Direction des Travaux publics du Gouvernement général 
        poursuivait l'étude d'une " politique hydraulique " objective. 
        De nouveaux forages artésiens étaient prévus ( 
        A Ghardaïa notamment.). Un programme important de barrages 
        était établi.
 
 Enfin, l'exploitation des mines de charbon de Kenadsa 
        était considérablement développée afin de 
        parer aux déficits de ce produit et était portée 
        à 244.000 tonnes annuelles.
 
 Par contre, la question du chemin 
        de fer transsaharien, qu'à l'instigation du Reich le gouvernement 
        de Vichy avait ressuscitée, est remise à des temps meilleurs.
 
 Enfin, l'assistance sociale recevait, en pleine guerre, dans le sud une 
        extension importante : infirmeries indigènes ( 
        Leur nombre est de 23 et celui des postes sanitaires de secours de 117.), 
        stations de consultations médicales et d'autre part les institutions 
        de bienfaisance (soupes scolaires, entraide française, société 
        des petits sahariens) se multipliaient, tandis que les ouvroirs continuaient 
        d'apporter aux populations un surcroît apprécié de 
        ressources artisanales.
 
 Le commerce transsaharien était virtuellement supprimé, 
        après une période de prospérité relative, 
        par l'adoption du " franc colonial ".
 
 Toutes ces réalisations n'eussent pu subsister si la tranquillité 
        et l'ordre n'avaient été fermement maintenus dans le Sud, 
        dans cette période troublée... A cette mission pacifique 
        les troupes et les goums sahariens ne faillirent pas. Aucun acte de banditisme, 
        aucun soulèvement même partiel, n'ont été signalés. 
        Bien au contraire, ces belles troupes, agissant en étroite collaboration 
        avec les contingents, venus du Tchad, sous les ordres du général 
        Leclerc, ont complété le cadre de sécurité 
        de l'Algérie en s'emparant de haute lutte des oasis de Ghat et 
        de Ghadamès, menaces perpétuelles contre nos possessions 
        du Sahara oriental. Elles ont même prolongé leur action sur 
        le Fezzan, où l'administration française a partout remplacé 
        l'italienne, pour le plus grand bien et la plus grande satisfaction des 
        populations.
 
 Les contacts conservés de ce côté, avec les troupes 
        anglaises d'occupation de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque, 
        nous mettent désormais à l'abri des surprises que l'on pouvait 
        toujours attendre de voisins aussi... instables que les italiens.
 
 Tous les problèmes posés par l'occupation du Sahara, exigent 
        avant tout, l'établissement de moyens de liaison et de communication 
        entre les différents postes et colonies intéressés 
        à la sécurité et à la prospérité 
        du Sahara. Une attention particulière n'a pas cessé d'être 
        portée à cette question. Le réseau de T.S.F. a continué 
        de fonctionner parfaitement durant ces années de crise. D'autre 
        part on s'est efforcé de perfectionner le système des pistes 
        automobilisables. Les services du Génie, des Territoires du Sud, 
        du Mer-Niger ont concouru à cette oeuvre grâce à laquelle 
        les compagnies de transport subventionnées (transsaharienne sur 
        l'axe Reggan-Gao, Transports tropicaux sur la direction Hoggar-Zinder, 
        Devic et Delaunay, etc...) ont pu contribuer au transport de nombreux 
        voyageurs transsahariens, fonctionnaires et particuliers, en provenance 
        de l'A.O.F. et de l'A.E.F. empêchés par les événements 
        d'emprunter la voie maritime pour leur rapatriement.
 
 Enfin, les liaisons par avions (militaires d'abord puis confiées 
        à la société Air-France) n'ont pas cessé de 
        s'améliorer et assurent dès maintenant les transports de 
        courrier et de voyageurs entre les postes et les colonies les plus lointains.
 
 Et si durant la guerre, il n'a pu être question d'une reprise du 
        tourisme algérien, qui, avant la guerre, avait connu un réel 
        succès, dès maintenant des programmes sont établis 
        pour redonner vie à cet instrument remarquable pour le développement 
        des liaisons intercoloniales et par contre coup pour la reprise d'une 
        collaboration technique et financière désirable, entre les 
        deux rives du Sahara. La société des Amis du Sahara s'y 
        emploiera de son mieux.
 
 En résumé, on doit constater que la période de guerre, 
        loin d'être pour l'essor du sud algérien une période 
        de stagnation, a été presque dans tous les domaines, marquée 
        par une activité productrice, amorce pour des lendemains plus intéressants 
        encore,.
 
 L'évolution de ces territoires dans l'avenir pourra se résumer 
        ainsi :
 ----Fixation définitive des frontières des territoires du 
        Sud, tenant compte de la nouvelle conjoncture politique au Fezzan et en 
        tripolitaine notamment.
 ----Organisation adéquate des administrations et des-troupes sahariennes, 
        destinées à maintenir la paix dans le Sahara tout entier 
        par une liaison politique et économique étroite entre les. 
        possessions françaises des deux rives du désert et une action 
        coordonnée avec les puissances étrangères limitrophes 
        de l' Algérie.
 ----Poursuite de la reconnaissance scientifique du Sahara et des mesures 
        d'ordre politique, social et économique les plus propres à 
        maintenir et si possible, à développer les îlots de 
        prospérité dans le Sahara (forages, barrages, exploitations 
        agricoles et minières, assistance médicale et sociale, instruction). 
        . .
 
 Amélioration des réseaux de liaison et de 
        communication (automobiles, aériennes, etc.), propres à 
        faciliter l'oeuvre lie police et, de mise en valeur des territoires sahariens. Général O. MEYNIERAncien directeur des Territoires du sud de l'Algérie.
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