| Le Port d'Alger 
         LE SITE D'ALGER. Le site d'Alger est géographiquement 
        médiocre et rien n'y appelait à priori la fondation d'une 
        capitale ou d'un port ; il n'y a là ni l'aboutissement d'une grande 
        voie fluviale, ni le débouché d'un arrière- pays 
        considérable, ni l'abri sûr qui invite à développer 
        une grande cité maritime.
 Alger est situé au pied du massif de la Bouzaréa qui culmine 
        à 407 mètres, mais la configuration de la côte à 
        partir du Cap 
        Caxine, l'orientation Nord-Sud du port, ne lui assurent qu'une 
        protection naturelle aléatoire dans une baie ouverte aux courants 
        et à presque tous les vents.
 
 L'histoire de la région d'Alger abonde d'ailleurs en catastrophes 
        maritimes : la plus célèbre est celle qui fit échouer 
        Charles-Quint devant Alger lorsque 150 bâtiments (le quart de sa 
        flotte) furent détruits dans la nuit du 25 au 26 octobre 1541.
 
 Cette hypothèque d'ordre nautique a longtemps pesé et pèse 
        encore dans une certaine mesure sur le port d'Alger.
 
 Le port d'Alger est devenu ce qu'il est en raison de sa situation centrale 
        sur la côte d'Afrique du Nord (situation qui a en outre l'avantage 
        d'être à mi-chemin entre les ports de l'Europe du Nord et 
        le Canal de Suez) et en raison du rôle joué par la ville 
        d'Alger ; il a commencé comme base principale d'opérations 
        de l'Armée d'Afrique, il s'est développé ensuite 
        parallèlement à la capitale politique de l'Algérie 
        et en fonction de nécessités économiques croissantes.
 LES ORIGINES. Alger ( Alger 
        est la corruption du nom arabe cl' " El-Djezaïr " (les 
        îles), sans doute à cause des rochers dont la réunion 
        constitue aujourd'hui l'îlot de l'Amirauté.) n'apparaît 
        réellement dans l'histoire qu'au XVIè siècle, lorsqu'elle 
        devint vassale de l'Espagne, ainsi que les principales villes de la côte.
 Les Espagnols construisirent alors sur l'îlot situé en face 
        de la ville le Fort du Penon, mais leur domination fut de courte durée.
 
 Le célèbre pirate Khaïr-Ed-Din Barberousse, qui était 
        à ce moment l'allié de François Ier, s'installa à 
        Alger et s'empara du Penon en 1529.
 
 Ce fut lui qui fit construire aussitôt par des esclaves chrétiens 
        une jetée reliant le Pernon à la terre et un môle 
        qui constituèrent le premier port d'Alger.
 Ce port dura jusqu'à la conquête et demeura le principal 
        repaire de la piraterie barbaresque, en dépit de ses imperfections 
        nautiques qui obligeaient les bâtiments à aller hiverner 
        à Bougie.
 
 Alger abrita ainsi pendant trois siècles une curieuse association 
        de forbans, qui connut son apogée au début du XVIIè 
        siècle.
 
 Les interventions contre Alger furent multiples, mais elles furent rarement 
        puissantes et elles n'obtinrent jamais que des résultats temporaires.
 
 Il y eut, entre 1505 et 1830, 43 expéditions de quelque importance 
        contre le littoral algéro-tunisien, dont 19 furent dirigées 
        contre Alger. Les Espagnols tentèrent deux fois de reprendre pied 
        à Alger, en 1571, sous Charles-Quint, puis en 1775, et essuyèrent 
        chaque fois un échec complet.
 
 Avant la conquête d'Alger, les Français avaient une situation 
        commerciale relativement privilégiée; cependant, les exactions, 
        les infidélités aux accords conclus nous amenèrent 
        à intervenir également et à faire au cours du XVII' 
        siècle, douze expéditions dont quatre contre Alger ; la 
        plus importante est celle que commanda Duquesne 
        en 1682, qui détruisit une cinquantaine de maisons ; c'est en représailles 
        que le Père Le Vacher, notre représentant à Alger, 
        fut attaché à la bouche d'un canon et que ses membres furent 
        jetés en défi à nos bâtiments en 1683.
 
 Mais nos consuls d'Alger, établis depuis 1577, n'en furent pas 
        moins maintenus jusqu'à la conquête, laquelle eut, comme 
        on le sait, pour prétexte, le coup d'éventail que donna 
        le Dey Hussein à notre dernier représentant, M. Deval.
 LE PORT D'ALGER 
        DE 1830 A 1870. Le mérite de l'expédition d'Alger 
        revient à Charles X et à son Ministre de la Marine, le baron 
        d'Haussez ; ils surent triompher de nombreux obstacles, notamment de l'opposition 
        de l'Angleterre et de l'hostilité des chefs de la Marine qui réalisaient 
        mieux que tous autres les difficultés d'un débarquement 
        sur une côte inhospitalière.
 L'expédition comprenant 38.500 hommes et environ 400 bâtiments, 
        sous le commandement du Général de Bourmont et de l'Amiral 
        Duperré.
 
 Le débarquement se fit dans la baie de Sidi-Ferruch et aboutit 
        en 20 jours à la prise d'Alger, le 5 juillet 1830.
 
 La darse des Turcs, en raison même de sa petitesse et de ses défauts 
        nautiques, convenait assez bien à des corsaires qui y trouvaient 
        un refuge inviolable ; elle ne pouvait convenir, même dans la plus 
        modeste mesure, aux besoins maritimes de la France.
 
 Les projets et les travaux concernant le port d'Alger ont suivi les vicissitudes 
        de notre politique algérienne ; pendant les premières années, 
        lorsque le vent était à " l'occupation restreinte "", 
        il était évidemment difficile de prévoir et d'entreprendre 
        de grands travaux.
 
 Le soulèvement d'Abd-el-Kader, en 1839, nous obligea à accroître 
        nos forces miliaires et, par suite, à envisager l'extension du 
        port qui était leur base principale d'opérations ; ce n'est 
        pourtant qu'en 1848, après de multiples tergiversations, qu'on 
        fut d'accord pour un plan définitif qui devait aboutir à 
        " l'ancien port " actuel.
 
 C'est le Second Empire qui donna au port aussi bien qu'à la ville 
        d'Alger la physionomie qu'ils ont sensiblement gardé depuis ; cette 
        impulsion fut sanctionnée par la visite, en 1860, du couple impérial, 
        visite au cours de laquelle fut inaugurée, sous le nom de Boulevard 
        de l'Impératrice, la vaste avenue qui domine le port et qui est 
        une des beautés d'Alger.
 
 Pendant toute cette période, le port d'Alger répondait surtout 
        à des besoins militaires. La Marine de guerre, en effet, ne fut 
        pas seulement le soutien indispensable de toutes les opérations, 
        elle resta pendant longtemps le lien quasi unique avec la Métropole 
        aussi bien qu'entre les villes de la côte, tant que les liaisons 
        terrestres entre ces dernières restèrent insuffisantes ou 
        dangereuses.
 
 C'est ce qui explique qu'un premier projet de l'Ingénieur hydrographe 
        Lieussou ait prévu un important port de guerre au Sud de l'îlot 
        de l'Amirauté, le port de commerce étant rejeté au 
        Nord sans possibilité d'extension. Quant au projet final de 1848, 
        il prévoyait dans le Sud du port la construction d'établissements 
        pour la Marine, toujours dans le cadre de l'idée première 
        qui était de faire d'Alger un Toulon africain.
 
 L'achèvement de la conquête, la mise en service en 1842, 
        de lignes de navigation normales, le développement du cabotage 
        privé, firent passer progressivement Alger du plan militaire sur 
        le plan commercial.
 
 En 1857, il fut décidé qu'Alger ne serait qu'un port de 
        réparations et de ravitaillement ; l'évolution fut marquée 
        ensuite par la loi douanière de 1867 qui faisait de l'Algérie 
        un prolongement du territoire français et créait un courant 
        de transactions régulier, enfin en 1869 par l'ouverture du Canal 
        de Suez, qui allait développer le rôle d'Alger comme port 
        d'escale.
 LE PORT D'ALGER 
        DE 1870 A LA GUERRE DE 1914-1918. La guerre de 1870 interrompit l'essor du 
        port d'Alger dont les travaux ne purent être repris que vers 1879.
 Il fallut d'abord diminuer le ressac qui restait parfois très violent, 
        et, jusqu'à la fin du XIXe siècle, on se préoccupa 
        surtout d'améliorer l'ancien port, d'abord en prolongeant et en 
        renforçant la jetée Nord, ensuite à partir de 1892 
        en rétrécissant la passe d'entrée, amélioration 
        qui devenait possible avec la raréfaction des naviresà voiles.
 
 La mise en valeur progressive de l'Algérie, et notamment de la 
        plaine de la Mitidja dont Alger est le débouché naturel, 
        le développement énorme du nombre des bâtiments en 
        relâche, rendirent urgent le développement du port d'Alger 
        ; le bassin de l'Agha, commencé en 1897, fut livré au commerce 
        dès 1912.
 
 C'est pendant la période qui précéda la guerre de 
        1914 qu'Alger se développa de façon extraordinaire, presque 
        soudainement : la ville, qui avait 96.000 habitants en 1896, en comptait 
        206.000 en 1921.
 
 Le trafic du port se développa parallèlement au développement 
        économique de l'Algérie et en particulier de la région 
        d'Alger.
 
 Il faut aussi faire intervenir le cabotage qui, si ingrate que fut la 
        côte d'Algérie, y a toujours été et y demeure 
        une nécessité absolue, car on peut dire que les voies terrestres 
        le long de la côte y sont plus ingrates encore que les voies maritimes.
 
 Il faut enfin signaler le rôle important d'Alger comme port de relâche 
        ; ce rôle n'a cessé de croître avant 1914 ; aux avantages 
        de sa position géographique, Alger joint en effet celui d'une escale 
        agréable et celui d'une eau excellente.
 
 Alger était en outre très fréquenté par les 
        compagnies de tourisme et servait de tête de ligne aux bâtiments 
        conduisant chaque année les pèlerinsà la Mecque.
 LE PORT D'ALGER 
        DE 1914 A 1939. Le port d'Alger n'a pas joué de rôle 
        essentiel au cours de la guerre 1914-1918 ; l'activité générale 
        du port a fortement diminué, et ce n'est que lentement qu'elle 
        a repris après 1918.
 Avant même que soit achevé le bassin de l'Agha, on avait 
        projeté en 1913 l'extension du port d'Alger par la construction 
        d'un avant-port de 115 hectares et de deux nouveaux bassins dits de Mustapha 
        et du Hamma, l'un de 80, l'autre de 60 hectares, le second comportant 
        trois formes de radoub de 300, 200 et 150 mètres.
 
 Ces projets, interrompus par la guerre, furent votés en 1921 et 
        la première pierre du bassin de Mustapha fut posée en 1922 
        par M. Millerand, Président de la République.
 
 Conçu dans une période de prospérité, le programme 
        de 1921 dut être ramené à des proportions plus modestes 
        ; on commença par le bassin de Mustapha, bassin qui, en 1939, était 
        déjà très avancé, puisqu'il n'y manquait que 
        le second môle ; on n'envisage plus d'autre part qu'une seule forme 
        de radoub supplémentaire, de 200 m., à construire au môle 
        Amiral-Mouchez, à côté des deux formes déjà 
        en service.
 
 On dut entre temps, à la suite de violentes tempêtes en 1930 
        et 1931, renforcer la protection générale du port contre 
        les gros temps, et notamment prolonger la Jetée Nord ; grâce 
        à ces travaux, le ressac a considérablement diminué 
        dans le port.
 
 D'autres améliorations ont été effectuées 
        entre les deux guerres: constructions d'un quai des combustibles sur la 
        jetée extérieure, agrandissement du môle Al-Djefna, 
        construction du môle de pêche, construction du " Môle 
        des Voyageurs " destiné à recevoir la nouvelle Gare 
        maritime, perfectionnement et multiplication de l'outillage, etc...
 
 Enfin, l'extension du port vers le Sud-est a permis d'étendre les 
        terre-pleins dont l'insuffisance - due à la géographie - 
        était une cause de faiblesse pour l'ancien port d'Alger.
 LE RÔLE 
        MILITAIRE DU PORT D'ALGER JUSQU'EN 1939. Depuis 1871, le rôle militaire d'Alger 
        était bien atténué ; cantonnée dans le petit 
        coin vieillot de l'Amirauté, la Marine de guerre n'entretenait 
        plus qu'un modeste point d'appui pour petits bâtiments.
 Mais le port d'Alger restait un des principaux points d'embarquement de 
        nos troupes d'Afrique vers la Métropole.
 
 D'autre part, il était toujours prévu pour recevoir et ravitailler 
        éventuellement des bâtiments de guerre et il n'a jamais cessé 
        d'être fréquenté par eux, au cours de leurs croisières.
 
 La plus importante manifestation de la Marine de guerre à Alger 
        fut la très belle Revue navale qui eut lieu le 10 mai 1930, à 
        l'occasion du Centenaire de l'Algérie.
 
 La guerre de 1939 allait de nouveau remettre Alger dans l'ambiance guerrière 
        qu'elle n'avait plus connue pratiquement depuis 1830 et redonner à 
        la Marine à Alger, une importance éphémère 
        et inattendue.
 LE PORT D'ALGER 
        PENDANT LA GUERRE DE 1939-1945. Comme pendant la guerre de 1914-1918, le 
        port d'Alger ne joua d'abord qu'un rôle effacé.
 C'est avec les événements du 8 novembre 1942 qu'Alger entre 
        véritablement dans l'histoire de la guerre et va y jouer pendant 
        deux ans un rôle prépondérant.
 
 Dès le 9 novembre 1942, le port d'Alger, placé sous le commandement 
        britannique, entrait à nouveau dans l'effort de guerre allié, 
        avec un concours français qui s'est affirmé et accru progressivement.
 
 D'importants débarquements de troupes et de matériel ont 
        eu lieu sans arrêt, avec des pointes lors des opérations 
        de Tunisie (janvier, février 1943), lors du débarquement 
        de Sicile (juin, juillet 1943), enfin lors du débarquement en France 
        (août, septembre 1944).
 
 Les périodes les plus actives furent celles de février 1943, 
        où l'on vit une arrivée de 42 cargos le même jour, 
        et celle de juin-juillet 1943, au cours de laquelle on vit jusqu'à 
        210 bâtiments à la fois dans le port.
 
 Les bassins de radoub et les ateliers de réparations ont fourni, 
        de leur côté, un travail considérable.
 
 Les alliés ont surtout utilisé le môle Billiard (mole 
        n° 1 du bassin de Mustapha), qui avait été spécialement 
        étudié et construit, d'ailleurs, pour les mouvements de 
        troupes et de matériel de guerre.
 
 Ils ont, en outre, surtout depuis 1944, utilisé largement Alger 
        comme port d'escale) ; l'importance exceptionnelle du port, comme point 
        de ravitaillement en eau (qualité et abondance) a été 
        mise de nouveau en relief.
 
 L'effort français dans le port d'Alger, comme dans tous les ports 
        d'Afrique du Nord, a été spécialement méritoire 
        parce qu'il s'exerçait avec une main-d'uvre mal nourrie, 
        peu habillée, dont les cadres étaient réduits par 
        une mobilisation sévère, et avec un matériel usé 
        qu'il était difficile de réparer.
 
 Il s'est surtout exercé en dépit des attaques aériennes 
        ( 39 attaques dont 22 avec bombardement.) 
        et sous-marines de l'ennemi, en dépit de 3 grosses explosions qui 
        causèrent la mort de quelque 300 hommes (dont un tiers de civils) 
        et qui ont laissé dans le port ou dans la rade le témoignage 
        éloquent de dix épaves.
 LA MARINE A ALGER 
        PENDANT LA GUERRE 1939-1945. Alger, pendant toute la période qui 
        s'étend du 8 novembre 1942 à la libération de la 
        France, a joué plus ou moins un rôle de capitale et a été 
        le siège des diverses organisations qui ont finalement abouti au 
        Gouvernement provisoire de la République française.
 Alger est devenu ainsi en même temps qu'une importante base militaire, 
        un important centre administratif et politique.
 
 C'est dans ce cadre qu'à la fin de 1943 les Services du " 
        Commissariat à la Marine ", héritiers des " Forces 
        maritimes d'Afrique " dont la direction était à Casablanca, 
        et des " Forces navales françaises libres " dont la direction 
        était à Londres, se sont organisés à Alger 
        ; ils y sont restés jusqu'à la réinstallation du 
        Ministère de la rue Royale, à l'automne de 1944.
 
 Cette période de cohabitation avec l'état-major général 
        et les Services du Commissariat à la Marine fut pour la Marine 
        à Alger extrêmement active.
 
 Son modeste établissement, devenu une véritable 
        " plaque tournante " de toute la Marine, a dû faire face 
        à un afflux continuel de personnel provoqué par la mobilisation, 
        par la création de nouvelles unités, par l'organisation 
        des Services féminins, enfin par la réception de nombreux 
        évadés.
 Alger devint pendant cette période la base d'opérations 
        de nombreux navires qui ne lui étaient 4 pas affectés en 
        propre et la principale tête de ligne, notamment pour nos liaisons 
        avec l'Angleterre, avec l'A.O.F., et finalement avec la côte Sud 
        de France.
 
 C'est d'Alger que sont parties les troupes qui, avec la reconquête 
        de la Corse, ont commencé la libération de la Métropole 
        ; c'est ensuite la Marine à Alger qui a organisé les convois 
        et maintenu les liaisons indispensables.
 
 L'automne de 1944 a vu la fin de la période que l'on peut dire 
        opérationnelle ; l'activité de la Marine à Alger 
        a alors changé de caractère :
 Les questions de relève, de rapatriements, de permissions, les 
        débuts de démobilisation, toutes choses fort importantes 
        pour le moral du pays et la remise en place définitive de bien 
        des déracinés sont devenues essentielles.
 
 Alger, pratiquement seule tête de ligne au moment de la reprise 
        des relations avec la Métropole, a assumé ainsi une charge 
        d'autant plus lourde que c'est la période au cours de laquelle 
        nous avions à recueillir dans divers domaines la succession des 
        Britanniques, et à retrouver ainsi quelque souveraineté.
 LE RÔLE 
        D'ALGER COMME PORT AÉRONAVAL. C'est la Marine qui a installé pendant la guerre 
        de 1914-1918 la base d'aéronautique de l'Agha.
 Cette base vendue en 1920 à la Chambre de Commerce, a desservi 
        la ligne commerciale d'hydravions Alger-Marseille.
 
 Au moment de la guerre de 1939, Alger était une des " Bases 
        de départ " de l'Aéronautique navale, avec un centre 
        de captifs.
 
 Mais cette base de l'Agha s'était révélée 
        dès 1932 pleine de dangers et d'inconvénients.
 
 La protection insuffisante de la baie d'Alger oblige les hydravions à 
        décoller ou à amerrir généralement à 
        l'intérieur du port ; l'accroissement des dimensions des appareils 
        utilisés, l'encombrement croissant du plan d'eau de Mustapha rendirent 
        la manuvre de plus en plus difficile et dangereuse ; l'existence 
        de la Base restreignait les possibilités d'amarrage des bâtiments 
        le long des quais voisins et empêchait l'extension prévue 
        des terre-pleins.
 Aussi avait-on envisagé une autre base d'hydravions et examiné 
        à cet effet divers projets ; ces projets reposaient sur la prééminence 
        de l'hydravion et sur la nécessité de pouvoir appuyer une 
        flotte aérienne sur Alger, tant du fait de sa situation géographique 
        que de son importance administrative et militaire.
 Cependant, dès 1938, on s'était orienté vers la solution 
        de l'emploi d'avions terrestres, et la ligne commerciale devait, à 
        partir du 1" janvier 1942, utiliser le terrain de Maison-Blanche.
 
 La Marine avait d'ailleurs, dès 1925, prévu une base sur 
        ce terrain, et la première tranche de travaux était achevée 
        en 1929 lorsque la base fut cédée au Ministère de 
        l'Air.
 
 La guerre a confirmé ces vues et l'aviation alliée, depuis 
        novembre 1942, n'a guère utilisé, à Alger, que des 
        appareils terrestres ; on peut dire qu'Alger n'est plus qu'occasionnellement 
        un point de relâche pour les hydravions qui utilisent normalement 
        les plans d'eau bien préférables d'Arzew et de Bizerte.
 
 L'emprise alliée depuis 1942 et la future emprise commerciale sur 
        le terrain de Maison-Blanche ont amené le repli de l'aviation militaire 
        française d'Alger sur le terrain de Boufarik.
 
 L'Aéronautique navale y a installé une petite base avec 
        un détachement de liaison, des appareils de servitude et des avions 
        de transport.
  L'AVENIR DU PORT 
        D'ALGER. A la fin d'une guerre qui fut dévastatrice pour 
        presque tous nos ports de la Métropole, Alger, comme les autres 
        ports de commerce de l'Afrique du Nord, a l'avantage immense d'être 
        à peu près intact. Encore ne faut-il pas oublier que son 
        exploitation intensive a épuisé les rechanges et usé 
        considérablement un matériel qu'il faut d'abord reconstituer 
        ou remettre en état.
 La reconnaissance du port d'Alger dépendra ensuite de plusieurs 
        inconnues :
 Comment se rétabliront les relations essentielles avec la Métropole 
        ? A cet égard, la destruction des ports métropolitains peut 
        réagir sur l'Algérie.
 
 Si le monopole du pavillon français, en vigueur depuis 1889, doit 
        être maintenu, ces relations seront essentiellement fonction de 
        la reconstruction, qui peut être longue, de notre Marine marchande.
 
 Dans quelle mesure le trafic des voyageurs, si important jadis pour Alger, 
        sera-t-il perturbé par la mise en service de lignes aériennes 
        puissantes ?
 Comment l'économie algérienne, largement perturbée 
        par la guerre, matériellement et moralement va-t-elle évoluer 
        ? Dans quelle mesure sera-t-elle affectée par le nouveau statut 
        des indigènes, par le séjour et par l'interférence 
        des alliés en Afrique du Nord ?
 Quand pourra-t-on établir à Alger la zone franche dont il 
        est question depuis longtemps et qui favoriserait le développement 
        de certaines industries, celles du tabac par exemple ? Cet établissement 
        est lié à la construction du deuxième môle 
        du bassin de Mustapha, c'est-à-dire à des travaux encore 
        lointains ( Mentionnons pour mémoire 
        la reprise possible des travaux du Transsaharien, qui intéressent 
        avant tout le port d'Oran.).
 
 La Chambre de Commerce d'Alger, dans sa séance du 10 mai 1944, 
        a maintenu pour l'avenir le programme d'agrandissement interrompu par 
        la guerre mais en donnant la priorité aux travaux visant à 
        améliorer le port actuel : diminution du ressac, perfectionnement 
        de l'outillage et des installations, en particulier des installations 
        frigorifiques qui pourront favoriser l'exportation des primeurs.
 
 Les événements de 1942 ont donné à Alger où 
        y ont accru certaines caractéristiques d'un port militaire : quelques 
        petits bâtiments y ont été basés normalement, 
        des écoles y ont été créés, une Direction 
        des constructions et armes navales s'y est développée.
 
 Cet aspect survivra sans doute quelque temps car il nous faudra utiliser 
        au maximum les ressources qui nous restent en attendant la remise en état 
        de nos installations métropolitaines.
 
 Cependant la situation acquise de la Marine à Bizerte, les projets 
        de Mers-el-Kébir et de Casablanca ramèneront probablement 
        la Marine - qui ne peut se disperser sans dommage - à reprendre 
        à Alger une situation analogue (2) à sa situation d'avant 
        guerre.
 
 Mais la guerre a fait d'Alger, beaucoup plus qu'un port de guerre, un 
        " port en opérations " ; tout port de commerce devient 
        " port en opérations " dès l'instant qu'il se 
        trouve dans la zone-3 des armées ou qu'il participe activement 
        à des opérations militaires.
 
 C'est sous cet aspect que la Marine se doit surtout d'envisager, en ce 
        qui la concerne, l'avenir du port d'Alger.
 
 Au seuil d'un monde nouveau, alors que bien des facteurs anciens de la 
        prospérité d'Alger se trouvent perturbée, il est 
        bien difficile de conclure.
 
 Il y a encore trop d'incertitudes, comme nous l'avons vu, pour que l'on 
        puisse essayer de sonder l'avenir ; il y a trop de besognes essentielles 
        qui s'imposent aujourd'hui pour spéculer sur celles qui pourront 
        s'imposer demain.
 
 (2) Les principaux changements qui pourraient être entérinés 
        sent :
 ----- le maintien à Alger et non plus à Bizerte, de l'autorité 
        maritime la plus élevée en Afrique du Nord, pour qu'elle 
        soit placée auprès des plus hautes autorités civiles 
        et militaires correspondantes, et dans une situation centrale ;
 ----- le maintien d'une petite D.C.A.N., en liaison avec la construction 
        de la nouvelle forme de radoub de 200 m.
 ----- le maintien d'écoles, qui pourraient devenir indigènes, 
        au Cap Matifou.
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