Dans la Mitidja
LA MOISSON DU RIZ PADDY VA COMMENCER
Les premiers essais de cette culture
dans nos régions ne remontent qu'à 1951
Au moment où va commencer la moisson du riz dans la Mitidja,
M. Donin de Rosière, président du syndicat des riziculteurs
du département dAlger, nous communique un aperçu
de la campagne rizicole 1953 qui permettra à nos lecteurs de
juger de lessor de cette culture, dont les essais dans nos régions
remontent seulement à 1951.
Si à fin août retentit la cloche annonçant le commencement
des vendanges, celle-ci, pourrait donneraussi
le signal de la moisson du riz Paddy.
Les belles taches vertes que davion on apercevait au sud de Coléa
commencent à se brunir, indice de la maturité des grains
et de la proche moisson.
Les riziculteurs saffairent déjà : recherche
dune moissonneuse-batteuse équipée pour le Paddy,
surveillance constante des clos pour leur mise à sec au moment
opportun, afin que la moissonneuse-batteuse puisse y pénétrer
et y circuler sans dommage pour elle-même et la récolte,
préparation de hangars où le Paddy sera déposé
afin que les rayons solaires arrivant latéralement et le vent,
sajoutant à une aération à la pelle, permettent
dobtenir un séchage aussi rapide et complet que possible,
car le rizicu teur sait que le séchage à la ferme est
le moins onéreux et lui évitera le coefficient de réfaction
que ne manquera pas de lui appliquer lusine de décorticage
si le Paddy a un degré dhumidité supérieur
à quatorze ; bétonnage hâtif du sol des hangars
pour éviter les remontées dhumidité, etc...
Si en 1951 et 1952 de timides essais de riziculture avaient été
entrepris par quelques agriculteurs hardis, en 1953, la culture du riz
sinscrit dans la liste des possibilités agricoles de lAlgérie,
dailleurs le bassin sud méditerranéen est, pendant
la période estivale aux nombreuses et longues journées
densoleillement. particulièrement propice à la production
abondante du riz, à condition toutefois de fournir aux rizières
lirrigation nécessaire.
Il semble donc opportun de donner un rapide aperçu sur cette
campagne rizicole dans la région du Mazafran.
Dés le mois de mars, les riziculteurs entreprenaient la préparation
des rizières : terrassements, nivellement, confection de diguettes
pour délimiter les clos, aménagement de stations de pompages
en rivière, forages de puits, ouverture et approfondissement
de canaux dirrigation, de canaux de colature, construction de
chemins dexploitation traversés de conduites assurant lintercommunication
des clos, mise en place de vannettes permettant de régler larrivée
deau ; les diverses étapes de la campagne rizicole 1953
allaient alors se dérouler : mise en eau des clos, semailles,
répandage des engrais, repiquage, désherbage des clos,
faucardement des canaux, lutte contre les parasites de toute sorte :
insectes, vers deau, rats et les plus acharnés... les oiseaux,
lesquels peu avant la moisson, nayant plus de blé ou dorge
se jettent en vols épais sur les rizières, trouvant sur
les arbres et taillis voisins des abris sûrs où ils peuvent
digérer le Paddy et se reposer à leur aise.
Après bien des soucis, nous arrivons à la veille de la
moisson.
Mais si en mars les riziculteurs commençaient hardiment leur
campagne, M. le Gouverneur général et son administration
étudiaient déjà les problèmes nombreux que
posait le développement de la culture du riz et après
des contacts répétés avec les riziculteurs, un
arrêté et une circulaire du 4 mai 1953 fixaient les conditions
dagrément des rizières, ainsi que les avantages
financiers auxquels donnait droit lagrément.
Le magnifique tapis de végétation qui couvre la zone sud
de Coléa commence donc à se brunir et, en visitant les
rizières qui le forment où alternent les riz ronds, dits
de qualité courante (Balilla. Bomba, Américano, Benlloch,
etc.), variétés de sécurité, et les riz
longs, dits de luxe (Magnolia, Rinaldo, Bersani, Stirp, etc), variétés
aux prix élevés et de plus en plus demandés dans
les pays évolués, on est surpris de voir la succession
de vastes bassins, chacun formant un clos où circule une eau
abondante sans cesse renouvelée et dans laquelle pullulent les
gambouses, ces poissons minuscules cependant grands destructeurs danophèles.
alors que des canaux de oolature, judicieusement tracés, reconduisent
au grand cours deau les eaux sortant des rizières ; canaux
dirrigation et de colature étant eux-mêmes abondamment
peuplés de gambouses, le danger de paludisme se trouve ainsi
sensiblement réduit si non écarté.
Splendides réalisations, uvre de colons audacieux quil
faut aider, encourager et non brimer ou freiner dans leurs initiatives,
car la production mondiale de riz est tellement au-dessous des besoins
que ce serait une grave erreur pour lAlgérie de ne pas
profiter de la situation privilégiée que lui confère
la vocation rizicole incontestable de certaines de ses terres, son climat
qui permet de réduire de près de trois semaines la durée
du cycle végétatif des diverses variétés
et, dans certaines régions, de possibilités dirrigation
suffisantes, particulièrement rassurantes dans celle du Mazafran
où à cette époque considérée comme
étant celle de létiage, on constate limportance
du débit des forages et des stations de pompages. Cela permet
denvisager de porter, sans crainte de ne pouvoir assurer les pointes
dirrigation, à douze cents hectares la superficie totale
des rizières de la région du Mazafran où, au surplus,
terre et eau sont totalement dépourvues de salure alors que air
et eau sont à la température, idéale de 20-22°
exigée pour la bonne végétation du riz et que le
sirocco, vent chaud et très desséchant, qui peut ruiner
la récolte sil se produit au moment de la fécondation
ou au cours de la maturation. est heureusement tempérépar
la brise de mer qui arrive aux rizières, à travers le
couloir de lembouchure du Mazafran dont elles sont distantes de
quelques kilomètres.
Au cours du périple à travers les rizières de la
Mitidja, le visiteur remarquera avec beaucoup dintérêt
les clos de la station expérimentale de la Société
algérienne dexploitations agricoles, laquelle, par ses
recherches effectuées en contact permanent avec les Services
agricoles, pourra dresser le véritable bréviaire du riziculteur
donnant tous renseignements utiles sur les variétés de
riz plus spécialement cultivées, leur comportement au
repiquage, la durée du cycle végétatif, les besoins
en eau, les formules dengrais les plus rationnelles, car si le
sulfate dammoniaque a toujours été et reste lengrais
idéal pour le riz, il faut cependant pour le choix de lélément
fertilisant tenir compte de lanalyse des terres et doser convenablement
azote, acide phosphorique et potasse et aussi ne pas délaisser
le compost ayant la paille de riz pour base, car il est démontré
que le fumier est pour le riz comme pour beaucoup dautres cultures
le meilleur engrais.
Les panicules pleines de promesse et retombant sous le poids des grains
qui les garnissent vont donc, sous peu de jours, décider le riziculteur
à prescrire la mise à sec terminale, laquelle atteindra
successivement chaque clos, libérant ainsi laiguadier au
rôle essentiel pendant toute la période dirrigation.
Les déflagrations deffarouchement vont saccentuer
pour chasser les oiseaux de plus en plus nombreux, puis moissonneuse-batteuse
dans les grandes rizières et moissonneurs dans les petites vont
couper la récolte ; la machine égrènera les panicules
lourdement chargées et éjectera les sacs gonflés
de paddy, alors que les moissonneurs confectionneront hâtivement
des gerbes, puis les rassembleront en petits meulons que lon acheminera
vers le hangar de séchage et ensuite vers laire à
battre.
Et ce sera la fin du stade agricole, les stades industriel et commercial
lui succédant, car produire du riz est une chose, le vendre en
est une autre et exige linterdépendance des trois stades
afin de fixer le choix des variétés daprès
le rendement à lusinage, mais aussi sans négliger
le comportement du riz à la cuisson, le goût de la clientèle
et alors toute la cascade dopérations de lusine au
consommateur va surgir. Cest donc à ces deux derniers stades
quincombera lorganisation rationnelle des marchés
et la recherche des débouchés contribuant ainsi, notamment,
au plein emploi des hommes et des terres.
Mais le riziculteur nen aura pas terminé pour autant et,
dès ses rizières débarrassées du paddy,
il devra procéder à leur déchaumage, à leur
disquage et à la culture dassolement. Cest Ici le
lieu de rappeler que la riziculture a créé en Camargue
une activité particulièrement rémunératrice
et ceux qui ont connu Arles il y a quinze ans sont stupéfaits
de voir le développement pris par la petite cité provençale
de jadis.
Or, en Camargue, pour pallier linsuffisance de pente et assurer
irrigation et colature, il a fallu créer de toute pièce
un dispositif ngénieux englobant le Rhône, le petit Rhône
et létang de Vaccarèse, complétés
par des vannages judicieusement établis ainsi que par de puissantes
et nombreuses stations de pompage.
Fort heureusement, nous navons pas dans la région du Mazafran
un problème de pente aussi difficile et coûteux à
résoudre et létat actuel des rizières permet
despérer des résultats très satisfaisants.
Si plusieurs films donnent un aspect de la riziculture dans divers pays
(Italie: « Riz amer »; Camargue « Le sel
de la terre » ; Japon), lAlgérie na pas encore
le sien, mais cela nest que partie remise. Il permettra alors
à chacun de mesurer limportance de leffort accompli
par les riziculteurs de la Mitidja; ceux-ci apportent donc une contribution
non négligeable à la solution du grave problème
démographique et social qui retient toute lattention des
pouvoirs publics en Algérie aussi bien quen métropole,
car la meilleure contribution que lon puisse fournir à
la paix du monde nest-elle pas de produire le maximum de biens
de consommation essentiels pour assurer le mieux-être dune
humanité cruellement sous-alimentée dans son immense majorité.