Plus de 1.000 morts dénombrés
hier dans le tremblement de terre dORLEANSVILLE
Des centaines de cadavres sont ensevelis
sous les décombres
Un tiers dOrléansville
détruit
PONTÉBA, BOUGAINVILLE et
FLATTERS nexistent plus Aujourdhui : DEUIL NATIONAL
L'ALGÉRIE EN DEUIL
LALGERIE, terre de contraste, avec son sol tourmenté
et dur, où les hommes luttent avec acharnement pour vivre
et maintenir, vient de subir une des plus grandes catastrophes de
son Histoire.
Dans la vaste plaine du Chéliff, la rumeur du labeur sétait
apaisée et laube déjà irisait les chaumes
des blés engrangés, les vignes roussies, les vergers
verdoyants, les villes et les villages, et les douars endormis.
Et il fallut dix secondes pour que dans une clameur dépouvante
sétende là un long voile de deuil.
Affreuse vision, diront des survivants, que nous navons point
eue durant les plus âpres combats des guerres des hommes.
Cétait le jour du jugement dernier. La terre se soulevait,
tout sécroulait dans la nuit, dans le bruit sourd venu
des profondeurs, et les cris des hommes, des femmes et des enfants
ensanglantés.
La nature si peu favorable à lAlgérie, lui a
ouvert hier un nouveau linceul. Il y avait déjà eu
Boufarik en 1927, Carnot en 1934, le Hodna en 1946 avec ses 375
morts, Colbert lan dernier dans le Constantinois, et les inondations
de Perrégaux, de la Mitidja et les sécheresses mères
de la famine. LAlgérie souvent méconnue parfois
décriée présente sa douleur au monde devant
limmense tombe de ses enfants de toutes confessions, devant
les ruines dédifices, de sanctuaires, de logis édifiés
par plusieurs générations.
Mais lAlgérie au cur griffé par la douleur
a montré aussi au monde son esprit de solidarité humaine.
Et il faudra exalter un jour lesprit de sacrifice et de dévouement
dont ont fait preuve les populations, larmée, le corps
médical, ladministration, donneurs de sang, la Croix-Rouge.
Devant les drames qui les endeuillent nos provinces retrouvent toujours
leur pro fond sentiment dunion et de fraternité.
Tout en pleurant nos morts nous devons penser à laction
qui nous attend : aider les malheureux sinistrés, rebâtir,
redonner de la vie à ces régions plongées dans
la désespérance.
Cest là une uvre collective à laquelle
nous devons tous participer : des douars éloignés
de larrière-pays aux villes de la côte, fellahs,
colons, artisans, commerçants, industriels, ouvriers, fonctionnaires,
tous voudront participer dans limmédiat à cette
aide humaine et fraternelle. Pour ouvrir cette vaste collecte en
argent, vêtements, vivres « LÉcho dAlger
» sinscrit pour un million.
Mais pour soulager tant de détresses la contribution des
populations algériennes, les crédits de leurs assemblées
seront insuffisants, le gouvernement la compris en décidant
dès hier matin un premier secours immédiat de quinze
millions.
Laffreux drame que nous vivons est aussi celui de la nation
et de lUnion française. Les nombreux messages que nous
recevons dheure en heure dans notre rédaction nous
le confirment.
Quau delà de la Méditerranée on voit
nos larmes, et lon entende notre appel angoissé :
Faites donner à plein la solidarité de la Patrie,
dont les drapeaux seront, aujourdhui, endeuillés.
Le drame de la plaine dOrléansville est aussi celui
dune humanité qui se bat, sentre-déchire
vainement alors quelle devrait former la chaîne humaine
marquée damour et de spiritualité prête
à aller secourir tous ceux qui souffrent et meurent face
à la dure nature.
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