|  
        
        -----------Tout a été dit, 
        semble-t-il, sur Camille Saint-Saëns, sur l'homme et sur le compositeur, 
        avec d'ailleurs plus ou moins d'exactitude. 
         
        -----------Cependant, ce haut dignitaire de la Légion d'Honneur, 
        docteur h.c. de l'Université de Cambridge, ce Membre de l'Institut, 
        cet illustre musicien qui, dans l'histoire de l'art français du 
        XIXè siècle, tient une place éminente, a, de par 
        sa propre dilection, lié une partie de sa vie et de son uvreà 
        l'Algérie où, avec un bonheur publiquement exprimé, 
        il revint séjourner longtemps et de nombreuses fois, où 
        il est mort enfin, y laissant un souvenir profond, des amis, des admirateurs 
        qui tirent encore honneur et ressentent quelque fierté de l'avoir 
        connu dans l'intimité. 
         
        -----------Ces notes sommaires sont destinées 
        à commémorer les passages de Saint-Saëns sur le sol 
        algérien et à souligner les fortes impressions marquées 
        par ce pays dans le cur du compositeur. " Ma 
        douce Algérie. disait-il, quelle volupté que celle de respirer 
        le parfum de ses orangers ! " 
         
        -----------C'est à 38 ans seulement 
        et pour raison de santé, en Octobre 1873, que Saint-Saëns 
        fit la connaissance de l'Algérie. Fatigué par la vie trépidante 
        de Paris, par ses services aux orgues de la Madeleine et de Versailles, 
        par les multiples concerts qu'il avait donnés dans une France renaissante, 
        par la création de la Société Nationale, la composition 
        du Rouet d'Omphale, de 
        La Princesse Jaune, du Concerto 
        en La, du Psaume XVIII, 
        par le premier jet de Samson, 
        il se laissa envoyer vers Alger par son médecin. Il a reconnu lui-même 
        que ce premier voyage avait été son salut. Il s'installa 
        pour deux mois au delà de Saint-Eugène, 
        à la Pointe-Pescade, dans une Villa Mauresque où il se livra 
        au repos total. Il allait péniblement s'asseoir au jardin, près 
        de la vasque où de l'eau bruissait et il savourait les caresses 
        du soleil Une lettre de lui à cette époque contient ces 
        vers 
        Nul ne vient en ce lieu ; pas de voix ennemies qui troublent le silence 
        et son hymne divin... 
         
        -----------Bientôt réconforté 
        par ce doux climat, ce calme de la campagne algéroise, si paisible 
        alors, il peut se remettre au travail et compose le troisième acte 
        de Samson et Dalila.  
         
        -----------C'est le moment où il entendit, 
        dans quelque café maure, l'un des thèmes de la "Touchiat 
        Zidane ", musique andalouse qu'il reprit, pour lui donner 
        grande allure dans la fameuse Bacchanale. 
         
         -----------Samson 
        achevé, il retourna vers les luttes parisiennes conservant en soi 
        la mémoire de ce rivage ensoleillé qui le hantera désormais 
        pendant près d'un demi-siècle. 
         
        -----------En Mars 1883, aussitôt après 
        les premières représentations d'Henri 
        VIII, dont la préparation avait été 
        pour l'auteur un long calvaire, le docteur Paul Reclus, inquiet des progrès 
        d'un début de phtisie diagnostiqué depuis quelques mois, 
        ordonna avec autorité le repos complet. C'était l'occasion 
        qu'attendait le Maître : " Alger, 
        décide-t-il, Saint-Eugène et la Pointe-Pescade ! 
        " 
         
        -----------Il y revint, s'y plongea comme 
        la première fois dans le calme absolu. Mais rappelé brusquement 
        à Paris au bout d'un mois à peine, il dut rentrer, tomba 
        malade et si gravement que sa vie fut en danger. 
         
        -----------Cette idée qu'Alger était, 
        son havre salutaire s'était ancrée en lui. Dès qu'il 
        le put, c'est-à-dire, après quatre ans et demi de nouvelles 
        luttes, au début de Novembre 1887, Saint-Saëns arriva à 
        la villa de Saint-Eugène, portant dans ses bagages le livret d'une 
        nouvelle pièce que Louis Gallet lui avait remis à son départ. 
        La musique d'Ascanio, dont 
        le premier titre était Benvenuto, 
        fut commencée le 17 Novembre 1887, à la Pointe-Pescade ; 
        les premières scènes étaient achevées le 14 
        Décembre. Le compositeur ferme son dossier mais le laisse avec 
        sa malle, tandis qu'il rentre en France pour les fêtes de Noël 
        et du Nouvel An. Le 15 Janvier 1888, il est de retour et retrouve ses 
        feuillets de papier rayé. 
        Fin Janvier, il s'installe sur les hauteurs du " Village d'isly " 
        à Mustapha, dans la Villa Sintés et i1 travaille chaque 
        jour, de longues heures durant, à son Opéra, repoussant 
        toutes relations mondaines. 
         
        -----------Le soir, il passe les Portes d'Isly 
        (la Grande Poste actuelle), va vers la ville, souvent dans la Casbah 
        pour écouter de la musique arabe. En février, le deuxième 
        acte d'Ascanio est fait. Saint-Saëns 
        quitte Alger en juin, un peu gêné par l'été 
        commençant. 
         
        -----------Il termine sa pièce à 
        Paris, le 22 Septembre. Le 18 Décembre, il assiste, le cur 
        désolé, à la mort de sa mère, qui est pour 
        lui un coup terrible Il fuit la Capitale le 31 Décembre, trouve 
        pour puiser son deuil la douceur de la Côte d'Azur. Mais c'est plus 
        au Sud que l'appelle son rêve : le 9 mars 1889, il reprend le bateau 
        pour Alger. 
         
        -----------Ce quatrième séjour 
        dure deux mois, dans l'oubli et l'inactivité, tout en siestes au 
        soleil, en reprise journalière de forces pour les combats à 
        venir, qui seront durs. 
         
        -----------Au printemps 1891, le grand voyageur 
        se fixe au Caire, le temps d'écrire sa fantaisie pour piano sur 
        des motifs orientaux, Africa, 
        oeuvre" qu'il traînait dans sa tète 
        déclare-t-il, depuis des années 
        ". Sans doute depuis les soirs d'Alger du printemps 88. 
         
        -----------Rentrant en Italie aux premiers 
        jours de mai, il a une violente crise de foie et gagne, par Tunis, son 
        refuge habituel contre la maladie, Alger, où il demeure jusqu'à 
        son rétablissement, à la mi-juin 1891. 
         
        -----------Saint-Saëns passe en France 
        l'été et l'automne, toujours surmené, toujours sur 
        la brèche pour défendre sa musique et celle de ses amis. 
        Mais aux premiers froids, il revient pour la sixième fois à 
        son cher Alger. Novembre 91 le voit de nouveau emménager à 
        la Pointe-Pescade. Là il reprend son papier à musique, négligé 
        depuis longtemps et transforme entièrement ses 
        Mélodies Persanes de 1870, pour en faire 
        La Nuit Persane, oeuvre nouvelle que l'on devait chanter 
        aux Concerts du Chatelet, le 1er février 1892. 
         
        -----------Là lui parviennent, frappant 
        contraste avec le calme de sa retraite algérienne les rumeurs que 
        son uvre provoque en Europe, les succès de Samson, partout 
        sauf à Paris, les déboires d'Ascanio, les intrigues de coulisses 
        à l'Opéra où les absents ont toujours tort. 
         
        -----------Là, enfin il proclame très haut que si 
        Samson n'est pas joué à Paris dans l'année même 
        lui, l'auteur,se fixe définitivement à Alger et ne remettra 
        plus les pieds en France. 
         
        -----------Pour se distraire il écrit, 
        en prose non en musique une petite comédie "La 
        Crampe des Ecrivains "qu'il destine à ses amis 
        algérois et dont la première a lieu, précisément, 
        le 1er Mars 1892, au "Théâtre 
        Municipal " d'Alger avec, pour interprètes, Mmes 
        Sarloveze, Perrin-Theuler et Ferenoux et M. Coulanger. 
         
        -----------C'est sans doute à cette époque que le 
        musicien s'amusa à peindre un tableau dont il fit don à 
        la Société des Beaux-Arts d'Alger, qui le conserve encore 
        précieusement : "Clair de lune 
        sur la baie d'Alger vue de la falaise Saint-Raphaël (El-Biarj, 
        avec une énorme signature, un " Saint-Saëns " qui 
        entre dans le paysage comme son cur s' était fixé. 
         
        -----------Au cours de cet hiver 1892, le 
        Maître visita souvent la vieille et sympathique Société 
        des Beaux Arts, honorant de sa présence les " petits concerts 
        " du lundi. M. Paul Samary, président de la Société 
        l'informa de l'intention du Conseil d'Administration de le nommer Président 
        d'honneur. Saint-Saëns accepta. Le 5 Avril 1892 il fut élu 
        par acclamations et vint, le 8 Avril au banquet offert en son honneur, 
        puis au concert où il joua dans la Salle de l a Rue du Marché 
        (actuellement des Généraux-Morris) pleine à craquer. 
         
        -----------En Mars, il avait commencé 
        son " 2è Trio pour piano, violon 
        et violoncelle, en Mi mineur", qu'il alla terminer 
        à Genève en fin Juin, chassé de nouveau de la terre 
        africaine par les chaleurs. 
         
        -----------Avant de quitter l'Algérie, 
        il avait eu le chagrin d'apprendre la mort de son ami intime, Ernest Guiraud, 
        qui laissait, inachevée, une Brunehilda, 
        partition que Saint-Saéns allait achever, à Alger encore, 
        dans l'hiver 1892-93 et qui fut publiée avec le titre de Frédégonde 
        et sous leurs deux noms. 
         
        -----------Dans ce septième hiver 
        algérois, le compositeur qui était revenu sur nos rivages 
        sitôt après le triomphe de Samson 
        et Dalila à Paris (23 Novembre 92, en présence 
        du Président Carnot et du Grand Duc Wladimir de Russie) écrivit 
          Phryné, délicieux 
        caprice en deux actes, qui était terminé fin février 
        1893 et pour la représentation duquel l'auteur rentra à 
        Paris (24 Mai 1893). 
         
        -----------Il faut arriver à janvier 
        1905 pour que Saint-Saéns. qui a vécu en France ou à 
        l'Étranger, dans d'innombrables chambres d'hôtel, songe de 
        nouveau à Alger. 
         
        -----------Il avait dit adieu au théâtre 
        avec Hélène (Opéra 
        Comique. 18 Janvier i1905,) et ne désirait plus que retrouver sa 
        chère ville blanche sur la mer bleue. 
        - 
        ----------A peine réinstallé, il reçoit de 
        Monaco une lettre du Prince qui, en termes flatteurs et avec des sentiments 
        d'amitié et d'admiration lui demande une pièce nouvelle 
        pour le Théâtre de Monte-Carlo. 
         
        -----------Comment refuser une invitation 
        si courtoise ? Correspondant avec son nouveau librettiste Augé 
        de Lassus, le musicien a vite fait de choisir un sujet . 
        L'Ancêtre, dont l'action se passera eu Corse. 
        -----------C'est à Alger qu'en sont 
        écrites les premières pages, puis à Biskra où 
        Saint-Saëns, souffrant du dur hiver du début 1905 ira continuer 
        à travailler sous les palmiers et en compagnie de trois gazelles 
        qui sont devenues ses amies. A Biskra sera encore composée la 
        2" Sonate pour violoncelle et piano. Puis le compositeur 
        quitte Biskra pour Blida et ensuite pour Hammam-Righa 
        où on lui avait conseillé d'aller prendre les eaux. 
         
        -----------En Avril 1905, il part d'Alger pour la Corse dont il 
        voudrait connaître l'atmosphère avant de terminer l'Ancêtre. 
         
        -----------De l'Algérie, il sera absent 
        pendant plus de cinq ans. Ce n'est qu'en Novembre 1910, harassé 
        par la composition de Déjanire, 
        par les répétitions de Proserpine, 
        à Aix-les-Bains, de l'Ancêtre 
        à l'Opéra Comique, par des tournées de concerts en 
        Allemagne et en Suisse, qu'il vient se soigner aux thermes d'Hammam-Righa. 
        Après quoi, il surveille, à Alger, les représentations 
        successives de cinq de ses ouvrages montés au Théâtre 
        Municipal : Samson, Henry VIII, Phryné, 
        l'Ancêtre et Javotte. Quelle ville a jamais comblé 
        ainsi un artiste ? C'est plein de gratitude pour son pays adoptif qu'il 
        repart, en Mars 1913, se hâtant vers Monte-Carlo où va avoir 
        lieu la première de Délimite. 
         
        -----------On retrouve Saint-Saëns à 
        Alger en Décembre 1913, dans un bref séjour avant de partir 
        pour l'Égypte, où il arrive le dernier jour de l'année 
        et demeure jusqu'au 11 Février 1914. 
         
        -----------La première guerre mondiale 
        éclate. Durant ces hivers qu'il est obligé de passer à 
        Paris, il regrette son soleil d'Alger, sa côte d'émeraude 
        saint-eugénoise, ses collines verdoyantes du Tell milianais. 
         
        -----------Le 15 Décembre 1918, il 
        reprend, enfin le chemin de l'Algérie, de ses bains d'Hammam-Righa 
        où il va se soigner pendant tout janvier 19 et recouvrer une énergie 
        depuis longtemps perdue. 
         
        -----------Fixé de nouveau à 
        Alger, au pied des cyprès de Mustapha, jusqu'en Avril, il composa 
        une importante fantaisie célébrant la victoire des Alliés, 
        " Cyprès et Lauriers 
        " avec orgue et orchestre (première audition à Ostende, 
        en juillet). 
         
        -----------Les frimas de Décembre 
        19 dans la Métropole le ramènent à Alger où 
        des familles amies, les de Galland, Simian, Warnier. Laquière, 
        le pianiste Vicente Llorca, l'attendent et le reçoivent à 
        bras et coeurs ouverts. 
         
        -----------Laissons parler Jean Bonnerot, Secrétaire et 
        exécuteur testamentaire du Maître, l'un de ceux qui l'ont 
        le mieux connu et ont le plus fidèlement servi sa mémoire 
        ( J. Bonnerot, C. Saint-Saëns, 
        sa vie et son oeuvre, Paris, A. Durand et Fils, 4, Place 
        de la Madeleine, (Toutes les ceuvres de Saint-Saëns se trouvent chez 
        le même éditeur.) 
        «En Algérie, sentant ses doigts en excellent état 
        et voulant offrir à ses hôtes le délicat lihommage 
        d'une audition choisie, il joue, à la Salle des Beaux-Arts, le 
        16 Janvier 1920, un Impromptu de 
        Chopin. un Adagio de Beethoven, 
          Tourbillons et Les 
        Cyclopes de Rameau, son Caprice 
        sur les airs de ballet de l'Alceste de Glück, 
        Cyprès et Lauriers, nouvellement arrangé 
        à deux pianos, et des fragments de sa Suite 
        Algérienne. Il fait la surprise, pendant l'entracte, 
        de prononcer une petite conférence sur La Fontaine et d'en réciter 
        deux fables : " Le Savetier et le Financier, 
        et La Chèvre, le Mouton et le Cochon. Le succès 
        est tel qu'il redonne le même programme le 20 Janvier. Puis. avant 
        de partir pour Oran, où le 9 Février a lieu un nouveau concert, 
        il dédie à Charles de Galland une Élégie 
        pour violon et piano, composé à l'intention 
        du professeur L Philip, Six Fugues pour le 
        piano et cisèle avec joie une 
        Odelette pour flûte. A peine prend-il le temps de 
        se soigner quelques jours à Hammam-Righa et le voici revenu à 
        Alger pour donner son dernier concert, le 23 Mars, et s'embarquer le 5 
        Avril. " 
         
        -----------L'hiver suivant, à son 
        temps habituel de Novembre, Saint-Saëns a hâte de retrouver 
        en Algérie ce soleil devenu indispensable à sa santé. 
        Il se remet, dans l'épanouissement de sa joie, à composer 
        "sous les palmiers ", comme 
        il l'assure en plaisantant : ce sont d es Poésies 
        de Ronsard, depuis longtemps choisies qu'il met en musique 
        amoureusement, puis une Marche pour les Etudiants 
        d'Alger, avec choeurs, enfin les esquisses de trois grandes 
          Sonates pour le hautbois, la clarinette 
        et le basson. 
         
        -----------Il donne des concerts avec le 
        violoniste Jean della Casa Noceti (Alger, Salle des Beaux-Arts, 17 et 
        21 Mars 1921; puis Oran et Tunis en Avril). Il avait donné ceux 
        de l'hiver précédent avec le pianiste V.Llorca. 
         
        -----------Le 14 Avril, il est reparti pour 
        Paris. 
         
        -----------Il ne reviendra plus en son Alger 
        que pour y mourir. Las et profondément touché par la maladie. 
        il arrivait le 4 Décembre 1921 et prenait une chambre à 
        l'hôtel de l'Oasis, Boulevard 
        de la République, face au port et à la baie qu'il 
        ne se lassait pas d'admirer. Tout de suite il se remit au travail, à 
        l'orchestration de sa Romance en Si pour violon 
        et piano, puis l'orchestration de laValse 
        nonchalante que la danseuse Napierkowska (alors en Algérie 
        pour le film l'Atlantide, première version, dont 
        elle était l'Antinéa) lui avait demandée. 
         
        -----------Le vendredi 16 Décembre 
        avait été pour Saint-Saëns une journée calme 
        et heureuse, à peine troublée par un léger rhume. 
        Il avait travaillé, lu comme à l'ordinaire et même, 
        dit son secrétaire, chanté quelques airs de Verdi. 
         
        -----------Après le repas du soir il rentra, prononça 
        un mot aimable pour les musiciens de l'orchestre qui jouait dans les salons 
        de l'Oasis, s'adressant en particulier à M. Desbrosses et à 
        M. Demanche. ( M. Demanche et M. Néri 
        font actuellement partie de l'Orchestre symphonique de Radio-Algérie.) 
        violoniste, qu'il connaissait et estimait et il entreprit dans sa chambre 
        une partie de dominos qu'il gagna, fort satisfait. Il prit encore quelques 
        secondes pour dessiner, sur le papier à marquer les points, une 
        fine fleurette, puis s'en fut au lit. 
         
        -----------Son excellent intendant, Jean 
        Lorendeau, ne le voyant pas s'endormir comme d'habitude, vint lui demander 
        s'il désirait une tisane et se fit renvoyer avec un sourire.  
         
        -----------Quelques minutes après, 
        attiré par un léger râle venant de la chambre du Maître, 
        jean Lorendeau se précipita à son chevet, vit aussitôt 
        que l'état était grave et appela à l'aide. On manda 
        un médecin. 
         
        -----------" C'est 
        fini, Jean... " murmura l'illustre vieillard, et il rendit 
        l'âme. Il était un peu plus de dix heures du soir. 
         
        -----------La nouvelle se propagea aussitôt, 
        dans l'hôtel puis parmi les amis du Maître, alertés 
        par téléphone. Les musiciens de l'Orchestre Démanche 
        veillèrent la nuit entière, garde d'honneur auprès 
        du corps sur lequel une main pieuse avait posé un large crucifix. 
         
        -----------Le lendemain, la consternation 
        était générale clans Alger en deuil. Les funérailles 
        furent imposantes, digne prélude aux obsèques nationales 
        célébrées à Paris. La bière, sous un 
        monceau de fleurs fut portée à la Cathédrale 
        entre les alignements de soldats présentant les arme. 
         
        -----------Dans la nef. Mgr. Leynaud, Archevêque 
        d'Alger, officia. Tous les musiciens de la ville s'étaient unis 
        en un dernier hommage au grand homme devant qui ils avaient si souvent 
        joué. La Marche Héroïque 
        fut exécutée par l'orchestre, puis le Cygne 
        par le violoncelliste Robert Néri , enfin la Marche 
        Funèbre de Beethoven suivit l'absoute. 
         
        -----------Une foule immense et recueillie 
        salua le cortège entre la Cathédrale et le quai du port. 
        L'Association des Etudiants, drapeau en tête, suivait le corbillard, 
        après les proches amis et les autorités. A l'embarcadère 
        de la Cie Générale Transatlantique. M. Steeg, Gouverneur 
        Général de l'Algérie. prononça tin émouvant 
        discours. 
         
        -----------Puis le navire, sur lequel une 
        chapelle ardente avait été dressée, largua ses amarres 
        et s'en fut vers le nord, laissant après lui, dans le ciel algérien, 
        de la fumée... 
         
         
        -----------Il est curieux de constater que 
        uvre la plus spécifiquement algérienne de Saint-Saëns, 
        sa Suite Algérienne op. 6o, avec 
        la Rêverie du Soir à Blida et 
        la Rapsodie mauresque, 
        a été composée, en 1880. bien loin de notre rive, 
        sur les bords de la brumeuse Mer du _Nord, à Boulogne-sur-Mer. 
        Le musicien trouvait lors avec Paul Viardot, autre grand artiste qui fut 
        un des premiers, avec Charles de Bériot à déchiffrer 
        la célèbre Rêverie et qui devait, lui aussi, venir 
        achever sa carrière et sa vie à Alger. 
        t 
        -----------Cette création de la 
        Suite Algérienne, au loin et après le premier 
        séjour de Saint-Saëns en Algérie,montre à quel 
        point notre pays, son ambiance, sa musique avaient pu frapper le compositeur 
        et combien dès son premier éloignement d'Alger, celui-ci 
        était touché en son âme par un amour qui ne devait 
        pIus jamais faillir. 
         
        -----------Alger le lui a rendu, 
         
        -----------Le 29 décembre à 
        l'occasion du centenaire de la naissance de Saint-Saëns, une plaque 
        de marbre commémorative a été solennellement inaugurée 
        au mur du jardin de la villa de Saint-Eugène où l'artiste 
        avait médité, lors de ses premières retraites algériennes 
        (villa qui a maintenant fait place à la nouvelle église 
        Saint-Christophe de la paroisse Pointe-Pescade) 
         
        -----------Déjà en 1927, sur 
        proposition de M. Celly, adjoint à M. Raffi, maire d'Alger, l'ancien 
        boulevard Bon Accueil (le notre jeunesse avait pris le nom de Camille-Saint-Saëns. 
        Ce boulevard, l'un des plus beaux et le plus long d'Alger, sillonné 
        aujourd'hui de voitures luxueuses et bordé de palmiers, mène 
        sur les hauteurs de Mustapha Supérieur d'où l'on découvre 
        un admirable paysage. 
         
        Combien d'Algérois qui, de près ou de loin ont approché	
        Saint-Saëns, combien de jeunes gens ont appris à estimer son 
        oeuvre. entendent encore, du haut de cette avenue chanter en eux les premières 
        mesures " molto allegro 9/8 et pianissimo " des 
        violoncelles sur le trémolo d'un assourdi de la timbale, du prélude.... 
        En vue d'Alger. 
      Raoul de GALLAND 
        et Léo-Louis BARBÈS, 
        des " Amis de la Musique d'Alger. 
         
        
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