Monsieur le Rédacteur en chef
"LE FIGARO"
37 Rue du Louvre
75081 PARIS Cedex 02
Monsieur,
-----Votre journal a publié dans
son numéro du 12 janvier, à la rubrique "Opinions",
un article signé Françoise Hostalier ("ancien ministre")
qui a laissé pantois les français d'Algérie et tous
ceux à qui il reste un peu de mémoire et de sens politique.
-----"Algérie
: on ne négocie pas avec les bourreaux" affirme
l'auteur... Est-il imaginable d'avoir la mémoire occultée
au point de ne pas se rappeler certains "accords" d'Evian, qui
ont bel et bien livré une population entière à des
bourreaux parfaitement identifiés depuis 7 ans, à moins
de considérer, bien sûr, qu'il n'y a pas eu "négociation",
ce qui ne serait pas faux puisqu'à l'époque le Chef de l'Etat
avait remis sans réserve ni discussion l'Algérie entre les
mains des égorgeurs du FLN, aux pratiques déjà exactement
semblables à celles d'aujourd'hui...
-----Mme Hostalier "n'a
plus aujourd'hui assez de larmes pour dire la douleur ressentie devant
les atrocités commises par des monstres"... Mais
c'est depuis 35 ans que les Français d'Algérie, européens
et Harkis, n'ont "plus assez de larmes",
non pour avoir été spectateurs, mais victimes...
-----Je confesse ignorer quand, où
et de quoi Mme Hostalier a été ministre, mais je ne crois
pas avoir entendu de sa part au temps où les Pieds-Noirs se faisaient
massacrer, autre chose qu'un "silence assourdissant",
qu'elle reproche aujourd'hui aux autorités religieuses : elle avait
pourtant, si elle ne l'avait fait à l'époque, dans les récentes
manifestations des Harkis, l'occasion de le rompre avec éclat !
-----Le sous titre de cette "opinion"
est encore plus effarant "Comment peut-on
encore se poser la question de savoir qui tue enAlgérie"
; mais c'est précisément la seule question qui se pose !
L'auteur aurait-elle peur de découvrir cette vérité
élémentaire, qu'après avoir remis ce pays à
des assassins, on retrouve ces derniers en train de verser le sang ?
-----Nous savons bien, parce que nous nous
exprimons en connaissance de cause, que ceux qui tuaient en 1960 et ceux
qui tuent maintenant sont les mêmes : que, par le jeu complexe des
sociétés orientales, les hommes sont bourreaux un jour et
victimes le lendemain : que de motifs crapuleux, les vendettas traditionnelles,
les calculs politiques, les manoeuvres mafieuses s'emmêlent et s'associent
à plaisir dans cette affaire : que l'indéboulonnable FLN
au pouvoir ne tient que par le crime et l'intrigue : que le programme
de privatisation des terres agricoles suscite des appétits : et
aussi que, hors de toute médiatisation, les violences et les règlements
de comptes à grande échelle n'ont jamais cessé depuis
l'indépendan
ce de 1962...
-----Mais ce que nous savons surtout, parce
que nous nous sommes donné la peine de nous pencher sur l'histoire
de ces contrées, c'est que, hors des 130 ans de présence
française et depuis la chute de Rome, jamais ce peuple n'a connu
un instant de paix : loin d'être en période de crise, comme
le clament les ignorants, l'Algérie ne fait que recouvrer, après
la "Pax Gallica", son "régime de croisière"
historique...
-----Dans le remarquable exercice de langue
de bois de Mme Hostalier, on peut d'ailleurs noter quelques contradictions
savoureuses': s'il est superflu de demander qui tue en Algérie,
pourquoi demander "la lumière sur
les massacres et leurs auteurs" ? et pourquoi importe-t-il
"de condamner sans équivoque ces
crimes" pourquoi y aurait-il jugement des coupables"
pour crime contre l'humanité" si
l'assassinat de 150 000 Harkis par les mêmes est resté classé
dans les dossiers de l'Histoire et la bonne conscience des "anciens
ministres" ?
-----Et quel but qui consisterait à
"déstabiliser la méditerranée"
?
-----Ces "collectifs
de solidarité" et d'autres pratiquants du frisson autour
d'une tasse de thé auront, en tous cas, bien mérité
les rebuffades que le gouvernement algérien ne leur ménage
pas. Et si la France a, bien légèrement, laissé aux
Algériens le droit de s'entre égorger, elle est mal placée
aujourd'hui pour se draper dans une vertueuse indignation...
-----Vous comprendrez que, pour notre part,
nous n'ayons aucune propension à nous associer aux indécentes
pleurnicheries de ceux qui, ayant remis le pouvoir à des assassins,
s'étonnent aujourd'hui de voir du sang par terre.
-----Cette lettre exprime le sentiment du
Cercle Algérianiste, association nationale culturelle composée,
par définition, de bons connaisseurs de la chose algérienne
: c'est, je crois pouvoir l'affirmer, celui de la communauté pieds-noirs
dans son ensemble. ----------Vous
me permettrez, pour finir, une remarque : sur cette affaire où
tout le monde s'exprime sans retenue, nous sommes à peu près
les seuls à savoir de quoi nous parlons, car lorsqu'on a, au prix
du travail de 5 générations, créé un pays
de toutes pièces, on a quelque idée sur la chose : mais
curieusement, on ne tolère de notre part que ce "silence
étourdissant" que cet ancien ministre dénonce
avec emphase chez les autres... c'est pourquoi nous savons bien que ce
courrier ne sera jamais publié dans vos colonnes :Tout, sauf la
vérité !
-----Croyez, Monsieur, le Rédacteur
en Chef, à mes sentiments distingués.
Pour le Président du Cercle Algérianiste
Michel LAGROT
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