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site le 23-03-2003
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Monsieur le Directeur "HISTORIA" Monsieur le Directeur, -----Votre numéro
613 a été principalement consacré aux Français
d'Algérie, et ceux-ci l'ont, bien sûr, abordé avec
intérêt : notre association, principalement préoccupée
de la mémoire, de l'histoire, et de la culture de ces Français
"à part", qui regroupe dans la France et dans l'Outre-Mer
34 cercles fort actifs et fort connaisseurs de la chose algérienne,
se fait ici écho de leur réaction à peu près
unanime -----Il est d'abord remarquable que les idées toutes faites que les médias métropolitains véhiculent depuis des décennies et qui les exaspèrent, soient ici reprises, même démenties mille fois, amplifiées par les tirages, les illustrations, etc... -----Il était
peut-être utile de refaire un panorama historique de la colonisation,
mais nous ne pouvons que nous insurger de la façon dont il est
traité : Pierre Montagnon est sans doute un historien consciencieux
et objectif mais nous pensons qu'il n'a rien saisi de ce que fut, et est
encore, le Peuple Pieds-Noirs, dans sa structure originale : mais, c'est
trahir sa pensée et surtout la réalité que de sous-titrer,
entre autres, "650 000 hectares confisqués" ce qui est
fait pour laisser penser que la colonisation agricole est le résultat
pur et simple d'une spoliation des musulmans. La réalité
fut bien plus complexe, et il serait peut-être honnête de
mentionner que nombre de "terres mortes", suivant l'expression
coranique, sont devenues de riches terres agricoles au prix du sacrifice
de colons, et après avoir été abandonnées
pendant trois siècles, sans aucun propriétaire légitime.
Il nous paraît totalement erroné de parler d'échec
final de l'implantation française en Algérie "si les
Français ont créé en Algérie un groupe humain
et une culture originale, après 130 ans de fusion totale entre
différentes communautés d'émigrants, c'est justement
un complet succès ; et leur exode est le résultat d'une
guerre perdue par d'autres que par eux dans un contexte international
dans lequel ils ne pouvaient rien, ce qui est un tout autre problème
que celui de leur réussite ou de leur échec -----Le même "historien" ne manque pas de nous resservir la fable des grandes régions viticoles, dans l'Oranais, où l'on payait 1F par jour les ouvriers agricoles musulmans ; nous mettons au défi Monsieur Courrière de nous en citer un seul cas prouvé. Et d'ailleurs qu'il veuille bien nous expliquer comment, à ce tarif, les travailleurs marocains accouraient en foule à la frontière, à l'époque des vendanges, pour se faire embaucher chez de pareils esclavagistes ? L'occasion nous est donnée ici de récuser avec force les écrits de Monsieur Yves Courrière : ce plumitif incompétent et prétentieux n'a eu que l'astuce de sentir dès les années 60 l'affaire juteuse qu'allait être la littérature (et le film) sur la guerre d'Algérie : sans compter, pour cautionner l'imposture, la garantie d'impartialité affichée constituée par le fait qu'il était marié avec une Française d'Algérie -----Mais au-delà de ces manifestations affligeantes de conformisme historique, (surtout restons politiquement correct), vous avez négligé l'essentiel. Cet essentiel, que peut-être le recul de l'histoire nous autorise désormais à comprendre, c'est que la colonisation française en Afrique du Nord a fabriqué une civilisation et une culture originales, latines et françaises, méditéranéennes avant tout, profondément distinctes des provinces métropolitaines, et qui, à l'inverse des colonisations anglo-saxonnes, avaient un mode de cohabitation avec les populations indigènes sans mélange mais sans conflit ; si ces derniers sont apparus, c'est, comme en maints autres endroits dans le monde, du fait d'un élément extérieur ou d'un déséquilibre démographique excessif. On peut dire cela du Liban, de l'Irlande, de la Palestine, du Kossovo et de mille autres lieux -----Au delà des destins individuels d'exception qu'a su fabriquer la terre d'Algérie, au-delà du drame humain que fut l'exode et qui reste à faire, c'est l'analyse de cette culture, de son drame propre, de son état actuel dans la société française,et de son devenir, qui eut été intéressant : encore fallait-il puiser aux vraies sources. -----Dommage que vous soyez passé à côté -----Croyez, monsieur le Directeur, à mes sentiments de vifs regrets M. LAGROT, |