Monsieur le Directeur d'Historia
25 bd Malesherbes
75008 Paris
L'Algérie
était divisée entre "Citoyens" et "sujets
français"
Monsieur,
-----Abonné d'Historia dont j'apprécie
les articles, passionné d'histoire et particulièrement de
l'Algérie pays où je suis né, je me permets, mais
vous vous en doutiez, de m'inscrire en faux et d'apporter à votre
connaissance et celle de l'auteur, un témoignage de notre histoire
gardé volontairement dans l'ombre par nombre de journalistes. Je
vous prie donc, monsieur le directeur, de bien vouloir publier ma lettre.
Je ne veux en aucun cas ouvrir de polémiques avec l'auteur de cet
entretien (Yves Courrière), qui bien sûr n'engage que lui,
mais je voudrais lui dire, que pour bien connaître un pays, il faut
parler sa langue.
-----Ecrire dans votre numéro 613
: L'Algérie était divisée entre "Citoyens"
et "sujets français" sans autres explications que
de citer les statuts de 1947, c'est de la désinformation.
Pourquoi taire que contrairement aux anglo-saxons, la France s'est toujours
efforcée d'attirer les populations arabo-berbères à
notre civilisation.
-----C'est dans ce but que dès mille
huit cent soixante cinq (1865) la République s'efforça de
donner, aux indigènes, toutes les facilités d'accession
aux droits de citoyens. Il est écrit : "Devant
le peu d'empressement que ces populations ont mis à accepter cette
offre généreuse, le gouvernement a pensé qu'il était
plus sage de repousser à plus tard cette ouverture. Le Parlement,
attribuant la rareté des demandes, à des entraves de l'administration,
a tenu à briser ces résistances supposées et à
leur ouvrir toutes grandes les portes de la famille française".
(Référence "les cahiers du centenaire")
-----Entre 1865 et le 4 février 1919,
il y eut de nombreuses propositions de citoyenneté française,
(à peu près une tous les dix ans), faites aux autochtones,
elles furent toujours rejetées par la masse musulmane.
-----La
loi du 4 février 1919 leur a reconnu le droit d'obtenir
la qualité de citoyen, sur une simple demande en justice,
sous la seule réserve des conditions indispensables de loyalisme
et de moralité, les laissant libres de lever cette option et de
la réaliser, quand il leur plairait, le bénéfice
de l'égalité qu'elle contient.
-----Le même texte leur accordait,
d'ores et déjà, tous les droits civils du Français
et un pouvoir de suffrage limité à la participation
dans la gestion des intérêts locaux. Or, quelques dizaines
d'individus, seulement, firent, chaque année, la demande de ces
droits politiques du citoyen. La masse persista à n'y attacher
aucun prix et réprouva la renonciation des lois coraniques (charia),
incompatibles avec nos lois républicaines, dont s'accompagne
l'acquisition de la qualité de citoyen français.
-----Quant aux juifs, dans l'article 2 du
senatus-consulte du 14 juillet 1865 il est dit : L'indigène israélite
est français ; néanmoins, il continue à être
régi par son statut personnel. Il peut être admis à
servir dans les armées de terre et de mer. Il peut être appelé
à des fonctions et emplois civils en Algérie. Il peut sur
sa demande, être admis à jouir
des droits de citoyen français : Dans ce cas, il est régi
par la loi française. On relève de nombreuses naturalisations
de juifs consécutives à ce senatus-consulte entre 1866 et
1870, (Ref Le Judaisme algérien par Gérard Nahon).
-----Mais la majorité restait hostile
; la population fut consultée, très peu voulurent devenir
citoyens français car ils devaient renoncer
aux lois mosaïques. Le décret Crémieux du 24
octobre 1870, d'autorité, les fit citoyens français.
-----Ainsi monsieur,
si l'Algérie était divisée entre "citoyens"
et des "sujets français à qui la faute !
-----D'autre part en page 40, la
photo (pour vos archives), supposée "plantation" est
en réalité l'Ecole d'Agriculture de Philippeville. Cette
précision afin que les esprits chagrins ne voient pas là
une ferme de "gros colons", et, les nombreux fellahs au travail
sont en réalité de studieux élèves.
-----Je vous prie d'agréer, Monsieur,
mes sincères salutations.
Gilles Martinez
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