Quand la BD désinforme.
J-Y Derrieu
Cercle Algérianiste de Neuilly
L 'auteur de la préface, Benjamin Stora, conclut
la présentation de la bande dessinée ainsi " Les mots
mêlés aux dessins qui composent cette bande dessinée,
s'imposent lentement à nous, participant à la construction
des représentations d'une mémoire de la guerre d'Algérie".
L'historien est prudent ou onctueux... Mais les
représentations de cette mémoire sont toutes bien connues,
et ne sont pas les nôtres. En effet, cet ouvrage reprend tous les
poncifs, les inepties, les mensonges, et les fantasmes professés
par l'intelligentsia progressiste et le pouvoir des années 60.
Cette bande dessinée participe encore une
fois, au travail de dés-information, de manipulation et de conditionnement
des esprits et des curs. La technique employée par les auteurs
consiste à caricaturer de manière outrancière certains
personnages, de raconter les mensonges les plus énormes, afin de
choquer et troubler les consciences. Ils appliquent dans cette bande dessinée
le proverbe qui dit "Calomniez, calomniez, il en restera toujours
quelque chose". Cette manière d'agir, bien que redoutable,
est grossière, vicieuse. Elle est le fruit d'une conception marxiste,
léniniste, qui règne encore sur l'Université.
De plus, le récit de cette bande dessinée
s'inscrit dans l'air du temps, celui de la condamnation de l'uvre
française en Algérie, de l'abandon, du repliement, de l'égoïsme.
Cet ouvrage, n'en doutons pas, trouvera de nombreux soutiens
auprès de ceux qui continuent à instruire le procès
de l'Algérie Française et de tous ses défenseurs.
L'aventure racontée dans cet album est assez invraisemblable. Il
s'agit de la disparition d'une section de vingt hommes, motorisés,
armés en pleine Kabylie, et de sa recherche par une autre compagnie.
Ces militaires vont parcourir la Kabylie de 57. Les raisons de cette disparition
seront suggérées en fin de récit... nous y reviendrons.
Il est très difficile de croire à cette histoire.., surtout
en 1957 et en pleine Kabylie. De plus, si cette précision du lieu
où se déroule l'énigme, n'était pas soulignée
dans le texte, nous aurions pu reconnaître la Kabylie.
Le dessin est sombre et les couleurs fades. On se demande souvent, si
les personnages n'évoluent pas sur une terre qui vient d'être
ravagée par un incendie. Nous sommes, il est vrai, en hiver. Mais
la végétation est rare ou quasi inexistante. Les quelques
oliviers dessinés sont rabougris, les cactus et les arbres desséchés
sont eux nombreux. Mais les arbres fruitiers, les figuiers, les cèdres
sont absents du paysage. Le dessinateur ne connaît pas cette région
et ne l'a même pas étudiée dans les livres de géographie
ou de photos. Dans ce paysage désolé et chaotique surgissent,
sur le haut des pitons caillouteux des maisons abandonnées. Ces
masures ressemblent plus à Oradour après le passage de la
division 55, qu'aux mechtas de notre région.
Mais l'intention du dessinateur n'est-elle pas de
suggérer que cette désolation est la conséquence
des opérations menées par l'armée française
Ces paysages ne sont pas ceux que nous avons connus et aimés.
Dans les maisons nous ne voyons ni tapis, ni coffres, ni poteries.,, et
aucun pressoir à vis....
Nos géologues, nos poètes et écrivains ne reconnaîtraient
pas, à travers ces sinistres images, cette superbe région.
Cette Kabylie pour laquelle Jean Brune avait imaginé une campagne
publicitaire sur le thème "Vous voulez connaître la
Gaule et les Gaulois... venez en Kabylie". Le bonheur des terres
incendiées, des ciels incandescents, des horizons de métal,
et des mosaïques bleues... Tout cela est parfaitement inconnu du
dessinateur.
De ces paysages dessinés, tourmentés
et lugubres, rien de beau ni d'harmonieux ne peut émerger. Pour
les auteurs, cette terre est inhospitalière et ce pays maudit.
Quant aux personnages, ils sont, dans leur très grande majorité,
odieux.
Les appelés du contingent partis à la recherche de leurs
camarades s'interrogent sur les raisons de leur présence "
dans ce foutu pays". La majorité de ces braves soldats seront
les fervents adhérents de la FNACA...
Sauf un... méchant. Sergent de la section, il est le seul à
porter la casquette Bigeard alors que tous les autres ont le casque lourd
sur la tête. Les mâchoires serrées et le regard mauvais,
nous le suivons dans le djebel, progressant vers une maison. Lui et ses
hommes entrent dans la masure dans laquelle sont groupés autour
du père les membres d'une pauvre famille Kabyle. L'angoisse et
la crainte se lisent sur les visages.., et l'interrogatoire du père
est musclé. Un gamin portant un plateau de gâteaux s'avance..,
et l'affreux sergent, d'un coup de pied rageur renverse le plateau de
confiseries offertes, au prétexte qu'elles sont empoisonnées.
Puis, en sortant de la maison, un bruit fait sursauter ces valeureux troupiers.
..qui se mettent à tirer sur une porte derrière laquelle
se trouvait le seul animal de la maison... un petit âne. Vous imaginez
la colère des paysans kabyles.
Quant à l'officier qui dirige l'opération, ne comptez pas
sur lui pour s'excuser, réparer, et éventuellement sanctionner...
les imbéciles!
Les Français d'Algérie, dans ce contexte,
n'échappent pas au jeu de massacre
Deux Pieds-Noirs sont caricaturés dans ce récit.
L'un pourrait être sympathique. Homme enraciné, il a été
élevé avec les Arabes et les Kabyles, nous apprend un personnage
de l'album. Cette précision laisse, bien sûr, penser que
cette situation était exceptionnelle alors qu'elle était
courante et familière. Ce Pieds-Noirs a la peau bronzée
et le cheveu noir. Il est officier.., de renseignements et volontaire..,
ce qui le rend suspect aux yeux des autres militaires.
Toutefois, sa présence évitera à quelques appelés
en patrouille, d'être tirés comme des lapins par les membres
d'un groupe armé du FLN.
Dans ce commando se trouve une jeune femme qui reconnaît le fils
de celle qui a sauvé la population d'un village, de la "Grande
épidémie". Aussi, elle impose à ses compagnons
qu'ils accordent la vie sauve aux Roumis.
Cet épisode survient après celui des gâteaux renversés...
D'un côté des combattants généreux, de l'autre
des brutes épaisses!!
Notre "Pieds-Noirs" pourrait donc être attachant si son
attitude envers la jeune institutrice Kabyle, l'héroïne du
récit, n'était pas vulgaire, provocante et violente, Notre
homme manifeste un mépris qui détruit une "bonne réputation",
l'autre représentant de notre communauté est le colon,,.
c'est-à-dire l'exploiteur celui qui fait "suer le burnous"
et amasse des fortunes.
Quelques pages savoureuses lui sont consacrées. Cet homme possède
une ferme,,, pardon une exploitation".., qui a pour nom, le "Val
Doré", tout un programme!
Cette exploitation a été attaquée par les bandes
du FLN. Aussi l'armée est venue défendre,., les intérêts
du colon!
Nous retrouvons alors "la section qui a disparu". Elle est chargée
de rechercher les complicités parmi les travailleurs du domaine.
Déjà nous subodorons les raisons de la future disparition..,
à la vue des deux dessins qui composent la page de l'album.
Sur la moitié haute de cette page nous apercevons la belle entrée
de la ferme, qui ressemble, plus à une villa qu'à une maison
d'agriculteur. Le colon, un peu enrobé, costumé et cravaté,
il ne manque plus que le casque "colonial" bien sûr, et
la baguette, contemple du haut du péron la scène qui se
déroule à ses pieds.
D'un air satisfait et arrogant, il regarde sa fille pilotant une moto,
derrière elle, se trouve un employé musulman qui, à
genoux sur le sol astique la rutilante ID ou DS 19. Sur l'autre partie
basse de la page est dessinée la façade arrière de
"l'exploitation".
Le sol est bosselé, raviné par les égouts. Le terrain
est encombré de détritus, Les ouvriers fatigués,
en haillons sont assis devant des maisons délabrées, sans
fenêtres, ni portes.
Le brave officier est choqué... Comment peut-il défendre
cela!
Il se demande même "s'il ne se trouve pas dans un parc à
bestiaux". Il est très inquiet du manque d'hygiène
et des bas salaires accordés aux travailleurs du domaine.
Les tourments de cet homme seront pour partie, à l'origine de la
crise morale et de la disparition de la section...
Cet officier est manifestement le rejeton de cette bourgeoisie métropolitaine
ignorante des propres réalités de la mère patrie.
N'existait-il pas, à l'époque, de situation révoltante
en métropole?
Les banlieues des grandes agglomérations, n'étaient-elles
pas composées de logements insalubres et de taudis?
Le confort dans les habitations était-il si répandu ? L'eau
et l'électricité étaient-elles distribuées
dans toutes les maisons ? Les salaires des ouvriers, des employés,
des fonctionnaires étaient-ils élevés ? Les revendications
salariales relevaient-elles du folklore? La justice sociale régnait-elle
chez Renault, Citroën, Peugeot... à la SNCF, dans les Mines,
et au sein des petites entreprises?
La pauvreté et la misère étaient-elles éradiquées?
Le cri de l'Abbé Pierre en 54... était-ce du cinéma?
Alors pourquoi cette charge accusatrice envers le Français d'Algérie...
et le colon.,, bien moins riche que les paysans de la Beauce, et les viticulteurs
de Bourgogne, du Bordelais ou de Champagne.
Serait-ce parce qu'il incarnait les vertus perdues d'un peuple vieillissant
et fatigué, qui lui tenait rigueur de sa jeunesse, de sa vitalité
et de sa foi en la terre et en la patrie.
Tout ce fatras idéologique diffusé dans cette bande dessinée
est digne de la meilleure propagande léniniste.
Cet ouvrage doit figurer en toute première place, au musée
de la désinformation.
Si ce n'est déjà fait, les auteurs doivent immédiatement
recevoir la médaille du mérite gaulliste, pour service rendu
au mensonge.
J-Y Derrieu
Cercle Algérianiste de Neuilly
|