Les Pieds-Noirs sont tous des descendants
d'aventuriers et de prostituées"
France Culture 116 av Pdt Kennedy 75220 Paris cedex 16
Monsieur le Directeur,
-----Une de nos correspondantes nous avait
signalé en son temps les propos tenus par la cinéaste Brigitte
Rouan, déclarant que les Pieds-Noirs sont tous des descendants
d'aventuriers et de prostituées, et ajoutant d'ailleurs qu'elle
n'avait rien contre les prostituées...
-----Vous avez bien voulu nous confirmer
ces propos par votre courrier du 16 juin cité en référence.
Ces propos, pour faible qu'ait été leur audience, ne peuvent
rester sans réaction de notre part, nous qui représentons,
par notre association culturelle regroupant 26 cercles dans la France
et l'OutreMer, la mémoire des Français d'Algérie.
-----Observons d'abord que Madame Rouan a
sans doute confondu avec l'Australie, mais en oubliant les bagnards, qui
figurent obligatoirement au tableau conventionnel de la colonisation de
ce territoire anglo-saxon.
-----Notre vocation étant d'abord
l'approfondissement des connaissances sur l'histoire de la colonisation
en Algérie, nous avons été amenés évidemment
à consulter les très complètes archives qui existent
depuis 1830, et plus facilement encore les généalogies familiales
d'une population facile à cerner puisqu'elle ne remonte pas au-delà
de cette date : nulle part nous n'avons trouvé, même dans
les documents de police, quoi que ce soit qui puisse étayer les
dires de Mme Rouan sur une filiation par des prostituées : sans
doute ne parle-t-elle pas au hasard, puisqu'il serait insensé de
proférer des dires aussi diffamatoires sans preuve, mais c'est
sans doute qu'elle se réfère à sa seule histoire
familiale, qui ne saurait être élargie au cas général.
-----Vous nous précisez dans votre
courrier que Brigitte Rouan est elle-même fille de Pieds-Noirs :
disons ici clairement que la forme de prostitution qu'elle pratique elle-même
en diffamant les siens par opportunisme et carriérisme, cette prostitution
intellectuelle nous répugne plus que le fait de vendre son corps,
ce qui après tout ne porte préjudice à personne d'autre
qu'à l'intéressée ; il est vrai que l'un n'empêche
pas l'autre, mais nous ne jugerons pas ce point, qui ressort de la vie
privée (ou professionnelle) de cette "cinéaste".
Cependant, si elle dispose d'éléments historiques incontestables,
elle sera sans doute désireuse de le justifier, et nous l'invitons
dans ce cas à prendre contact avec nous. -----Nous
sommes disposés à lui offrir toute grande notre tribune
devant un public de connaisseurs.
Nous ne révélerons guère plus la deuxième
partie de son propos concernant les "aventuriers" car il faudrait
revenir sur la définition de ce mot : "des aventuriers"
qui ont fait en un siècle d'une des contrées les plus arriérées
de la terre, une province parfois plus équipée et plus moderne
que l'Europe, méritent que ce titre soit considéré
comme le plus beau des compliments. Telle n'était pas, peut-être
l'intention de Mme Rouan dont la carrière cinématographique,
qui nous est inconnue, ne doit guère ressembler à une aventure...
-----Votre lettre, Monsieur le Directeur,
nous éclaire sur cette émission sans le moindre mot de regret
ou d'excuse de votre part, ce qui ne peut être qu'une manifestation
de solidarité avec les auteurs, ou d'une irresponsabilité
incompatible avec le statut de journaliste ; mais nous ne pouvons pas
ignorer que si les paroles proférées avaient concerné
les Kurdes, les juifs, les Arméniens, ou les Hottentots, vous n'auriez
pas manqué de vous confondre en excuses et réfutations.
-----Vous ajoutez d'ailleurs que notre rédaction
est la seule qui vous soit parvenue, ce qui ne nous surprend guère
pour une raison toute simple : la constante partialité de vos émissions,
leur malhonnêteté intellectuelle, la mise à l'écart
de tout ce qui n'est pas pensée unique, ont écarté
tous ceux qui recherchent sur les ondes un vrai forum culturel et non
un discours de propagande idéologique à sens unique incluant
au premier chef la falsification de l'Histoire. Nous nous permettons de
penser que l'appropriation du denier du contribuable pour détourner
un service réputé public au bénéfice d'une
petite coterie ne répond pas vraiment au caractère des institutions
d'un pays démocratique. Nous vous serions reconnaissants de transmettre
ce courrier à Brigitte Rouan, que nous ne désirons pas contacter
directement, et dans l'attente, nous vous prions de croire, Monsieur le
Directeur, à nos sentiments réservés
Michel LAGROT.
Cercle Algérianiste
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